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Entrevue accordée par le Président syrien au Directeur général de l’agence russe Sputnik

Président Bachar al-Assad : « Merci » de chaque citoyen syrien à chaque citoyen russe

1ère partie du texte publié par SANA le 30/03/2016

Question 1 : On parle beaucoup des réfugiés syriens, la majorité des migrants en Europe se présentant comme des Syriens, même les Pakistanais. Selon les évaluations allemandes, 77% sont sans papiers d’identité. Nous aimerions comprendre comment vous évaluez le nombre de déplacés à l’intérieur de la Syrie, ainsi que le nombre de ceux qui ont été forcés à quitter le pays et les raisons de leur fuite. Nous aimerions mettre les points sur les « i » en ce qui concerne ce sujet.

Le Président Al-Assad : Il n’y a évidemment pas de chiffres précis. Les chiffres sont approximatifs. Ainsi, ceux qui se déplacent à l’intérieur du pays pour se rendre chez des proches, dans d’autres villages, ne se déclarent pas en tant que réfugiés. La plupart, en quête de sécurité, quittent des zones infiltrées par des terroristes pour aller dans les zones contrôlées par l’État.

Ceci dit, je ne crois pas que le problème réside dans les chiffres. Le problème est que, jusqu’à présent, il n’y a eu aucun travail sérieux de la part de nombreux États. Ils traitent la question des réfugiés comme si elle ne concernait que l’étranger.

Certains pays européens veulent bien les accueillir pour leur assurer le gîte et des aides. Il arrive même qu’ils envoient des aides aux personnes déplacées à l’intérieur du pays. Mais cela ne résout pas le problème. Le problème fondamental est le terrorisme. Nous devons le combattre au niveau international car il n’est pas uniquement lié à la Syrie. Il sévit aussi en Irak. Il est directement soutenu par la Turquie, la famille des Al-Saoud et une partie des pays occidentaux, notamment la France et la Grande-Bretagne, tandis que d’autres se contentent de regarder sans agir sérieusement. Je pense que plus qu’une question de chiffres c’est là que réside le problème.

Question 2 : Je suis persuadé que vous attendez le retour des Syriens dans leur pays, ce qui pourra se faire à partir du moment où vous aurez démarré la reconstruction. Avez-vous déjà estimé l’étendue des destructions et des dommages subis par la Syrie ces dernières années ?

Le Président Al-Assad : Les dommages portant sur l’économie et les infrastructures dépassent deux cents milliards de dollars. Le secteur économique pourra être relevé dès que la Syrie retrouvera sa stabilité, mais la reconstruction des infrastructures exigera plus de temps.

Nous avons initié le processus de la reconstruction avant que la crise ne soit résolue afin de soulager, autant que possible, le citoyen syrien des dommages subis par l’économie et les infrastructures et, en même temps, diminuer l’émigration vers l’étranger, car il se peut que ceux qui souhaitent revenir soient encouragés au retour par l’espoir d’une amélioration de la situation.

L’émigration n’est pas uniquement due au terrorisme et à l’insécurité, mais aussi au blocus et aux sanctions occidentales imposées à la Syrie. Beaucoup de gens résidant en zones sécurisées, indemnes de terrorisme, ont émigré parce que le citoyen ne peut plus assurer les nécessités de sa vie quotidienne.

Par conséquent, en tant qu’État, il est impératif que nous agissions pour offrir les moyens, mêmes élémentaires, pouvant améliorer la situation économique et les services à la population. C’est ce que nous faisons en travaillant dès maintenant à la reconstruction.

Question 3 : La Syrie devra évidemment compter sur l’aide de la communauté internationale. Sur l’aide de qui compterez-vous pour la reconstruction du pays et comment envisagez-vous le rôle des sociétés et entreprises russes ?

Le Président Al-Assad : Dans tous les cas, le processus de reconstruction est un processus gagnant pour les entreprises qui y contribueront, surtout si leurs États les soutiennent en leur accordant les crédits nécessaires. Bien sûr, il est à prévoir que ce processus repose sur les trois États qui se sont tenus à nos côtés tout au long de cette crise : la Russie, la Chine et l’Iran.

Mais je pense que nombre d’États qui se sont positionnés contre la Syrie, et en premier lieu les États occidentaux, tenteront d’envoyer leurs propres entreprises pour participer à ce processus. Cela dit, il ne fait aucun doute qu’en ce qui nous concerne, nous nous adresserons principalement aux pays amis. D’ailleurs, ce serait assurément la réponse, politique et affective, de n’importe quel citoyen syrien que vous questionneriez à ce sujet. Il vous dira que nous réserverons le meilleur accueil aux entreprises de ces trois pays, à commencer par la Russie.

Quant aux infrastructures en question, elles nécessitent la collaboration de centaines de spécialités et de compétences. C’est pourquoi je crois que le champ d’action sera très large pour toutes les entreprises russes qui participeront à la reconstruction.

Question 4 : Monsieur le Président, nous passons aux questions politiques. Comment évaluez-vous les résultats des « négociations » à Genève sur la Syrie, lesquelles ont eu lieu la semaine dernière ?

Le Président Al-Assad ; Jusqu’ici, nous ne pouvons certainement pas dire que quelque chose ait abouti suite à ces derniers « pourparlers » de Genève, si ce n’est que nous avons abordé des sujets fondamentaux en posant les principes de base des futures négociations, car des négociations sans principes sous-jacents se transforment en palabres chaotiques improductives, autorisant chaque partie à camper sur ses positions et d’autres États à s’ingérer indûment.

Nous avons donc commencé par présenter un « document de principes », mais nous n’avons encore travaillé qu’avec M. De Mistura sans entrer en contact avec la partie censée négocier avec nous. Nous devrions poursuivre les discussions et le dialogue autour de ce document lors de la prochaine session. Par conséquent, je peux dire à propos de la dernière session que nous avons initié une méthodologie susceptible d’aboutir au succès des futures négociations et que si nous la respectons, les prochaines sessions seront bénéfiques.

Question 5 : Je voulais justement aborder le positionnement de la Syrie lors des prochaines sessions. Quand est-ce qu’elle discutera de ladite « transition politique », laquelle amènera le sujet d’un « organe de transition » qui gouvernerait le pays ? Quel est votre point de vue sur le mécanisme adopté à cet égard ?

Le Président Al-Assad : Premièrement, il n’existe pas de définition d’une « période transitoire ». Ensuite, en Syrie, nous pensons que ce concept implique une transition d’une Constitution à une autre, car c’est la Constitution qui définit le système politique souhaité.

Par conséquent, la période transitoire doit nécessairement courir sous la Constitution actuelle. Nous ne passerons à une nouvelle Constitution qu’une fois que le peuple syrien l’aura approuvée par son vote.

D’ici là et selon notre perception en tant que Syriens, ce que nous pouvons faire est de veiller à la formation d’un gouvernement regroupant les diverses forces politiques syriennes, y compris celles de l’opposition et des indépendants. Une structure transitoire ou un gouvernement momentané, dont le but principal sera de travailler à la nouvelle Constitution avant de la soumettre au suffrage des Syriens et qui ne sera applicable qu’après leur approbation.

Rien dans la Constitution syrienne, ni dans aucune autre, ne correspond à un « organe de transition ». C’est un discours illogique et inconstitutionnel. Quels seront les pouvoirs d’un tel organe ? Comment pourrait-il gérer le quotidien des citoyens ? Qui évaluera leurs besoins ? Aujourd’hui, nous disposons d’une Assemblée du peuple [le Parlement syrien] et d’une Constitution qui dirigent le gouvernement et l’État. C’est pourquoi la solution est celle d’un « gouvernement d’union nationale » qui préparera la nouvelle constitution.

Question 6 : À ce stade et concernant ce gouvernement, je souhaitais vous interroger sur les modalités de sa formation. Qui le composera ? Serait-ce le Parlement élu le 13 avril prochain ou bien vous-même ? Accepteriez-vous une participation internationale à sa formation ?

Le Président Al-Assad : Tel est l’objectif des pourparlers de Genève, un dialogue entre Syriens pour que nous nous mettions d’accord sur la composition de ce gouvernement. Nous n’avons pas encore d’idée définitive étant donné que, mis à part certaines personnes, les autres parties n’ont toujours pas accepté ce principe.

Une fois que nous nous serons tous entendus sur ce principe, nous dirons comment il nous faudra l’exécuter. La logique voudrait que soient représentées les forces indépendantes, les forces de l’opposition et les forces en accord avec l’État actuel. Théoriquement, cela pourrait se faire rapidement.

Quant aux modalités techniques devant aboutir à la formation de ce gouvernement, comme vous le savez, existent des ministères avec ou sans portefeuille et certains y entreront sans avoir l’expérience du travail gouvernemental. Dès lors, nombre de questions devront être discutées et détaillées à Genève. Je ne pense pas qu’elles seront sources de complications insolubles, car elles sont toutes susceptibles de trouver un règlement.

Concernant le Parlement, il n’a aucun rôle à jouer dans ce processus qui doit être réglé entre nous et l’ « opposition à l’étranger ». Il supervise le gouvernement syrien mais ne le nomme pas.

Question 7 : Pensez-vous que le prochain Parlement sera de toutes les couleurs ?

Le Président Al-Assad ; Cela dépend des électeurs syriens. Y’aura-t-il de nouvelles couleurs dans la société syrienne ? Il ne suffit pas qu’il y’ait de nouveaux partis, comme cela fut le cas lors des élections législatives en 2000, car il est possible qu’existent une centaine de partis sans qu’ils aient tous leurs représentants aux élections. Que souhaitera le citoyen syrien pour aller voter ? Comme vous le savez, ce sont des questions qui demandent du temps. N’importe quel nouveau parti en a besoin pour prouver le bien-fondé de son programme politique aux citoyens. Actuellement, étant donné les circonstances difficiles, il est possible qu’ils ne souhaitent pas tenter trop de nouveautés, comme il est probable que ce soit le cas quand la situation sécuritaire ira vers le mieux et que les préoccupations politiques du citoyen prendront le pas sur ses préoccupations vitales. Aujourd’hui, le citoyen syrien pense d’abord à sa vie, à sa sécurité, ensuite aux nécessités de son quotidien, aux études de ses enfants et à sa santé ; le reste est du domaine du secondaire. C’est pourquoi je ne m’attends pas à un changement radical dans l’immédiat.

Question 8 : Vu la situation dans sa globalité, comment croyez-vous que vos succès sur le terrain et les victoires des forces gouvernementales pourront aider la transition politique, certains étant convaincus que ces victoires consolideront vos positions lors des pourparlers de Genève, d’autres déclarant qu’elles menacent le processus politique ?

Le Président Al-Assad : C’est une question très importante. Il y a, en effet, ceux qui présentent le positionnement de la Russie contre le terrorisme comme un simple soutien au Président, ou au gouvernement, et donc comme un obstacle au processus politique. Ce serait vrai si nous n’avions pas été souples dès le départ et si nous nous étions vraiment butés.

Or, si vous reveniez sur la politique suivie par l’État syrien depuis cinq ans, vous constateriez que nous avons tenu compte de toutes les initiatives avancées par toutes les parties, sans exception, même lorsqu’elles n’étaient pas sincères ; notre but étant de ne rater aucune occasion susceptible de résoudre la crise.

C’est pourquoi, ma réponse à ce sujet se résumera à dire que le soutien militaire russe et le soutien des amis de la Syrie, ainsi que les victoires militaires syriennes, mèneront à l’accélération de la solution politique, non l’inverse. Nous n’avons pas modifié nos positions, ni avant, ni après le soutien russe. Nous nous sommes rendus à Genève avec toujours autant de souplesse.

En même temps, je dirai que ces victoires auront leur influence sur les forces et les États qui empêchent la solution, à commencer par l’Arabie Saoudite, la Turquie, la France et la Grande-Bretagne qui parient sur notre échec sur le terrain, afin d’imposer leurs conditions lors des négociations politiques. Raisons pour lesquelles, je pense que ces avancées militaires aboutiront à accélérer la solution politique et non à la menacer.

Question 9 : S’agissant de l’avenir, comment envisagez-vous la présence de bases militaires étrangères sur le territoire syrien ? À quelles conditions elles y resteront et est-ce que la Syrie en a besoin ?

Le Président Al-Assad : Si nous parlons de la période actuelle, oui, nous en avons certainement besoin, parce qu’elles sont efficaces dans la guerre contre le terrorisme. Et même si la situation sécuritaire se normalisait, la lutte contre le terrorisme ne sera ni rapide, ni éphémère. Le terrorisme s’est répandu dans cette région sur des décennies et il faudra le combattre sur une longue période. D’un autre côté, ces bases ne sont pas uniquement liées à la lutte contre le terrorisme, mais sont aussi liées à la situation internationale générale.

À notre grand regret, l’Occident, tout au long de la guerre froide, au-delà et jusqu’aujourd’hui, n’a pas changé sa politique. Il veut étendre son hégémonie et décider pour les autres nations. Malheureusement, les Nations Unies n’ont pas été en mesure de jouer leur rôle dans le maintien de la paix internationale. Par conséquent, tant qu’elles ne retrouveront pas leur véritable rôle, ces bases militaires seront nécessaires, pour nous, pour vous et pour l’équilibre du monde. C’est un fait. Que nous soyons d’accord ou pas, c’est actuellement une nécessité.

Question 10 : Des bases militaires de quels États parlez-vous exactement ?

Le Président Al-Assad : Je parle uniquement des bases russes. Nous n’avons pas de bases d’un autre État. D’une part, parce que nos relations avec la Russie datent d’une soixantaine d’années et sont fondées sur la confiance et la transparence. D’autre part, parce qu’en matière de politique la Russie s’appuie sur des principes et que nous respectons ces mêmes principes. C’est pourquoi, la présence de bases militaires russes en territoire syrien n’est pas une occupation. Bien au contraire, elle renforce nos relations, notre amitié, la stabilité et la sécurité. Et c’est ce que nous voulons.

Question 11 : Pouvez-vous imaginer ou accepter l’idée que le système de gouvernance de l’État syrien se transforme en un système fédéral ? Si oui, quelle forme prendrait l’autonomie kurde et quelle en serait l’étendue ?

Le Président Al-Assad ; Du point de vue géographique, la Syrie est trop petite pour se transformer en État fédéral, elle est probablement moins étendue que la plupart des Républiques de Russie. En principe, la Syrie ne me paraît pas destinée au fédéralisme, faute de facteurs naturels pouvant justifier un tel système. Mais naturellement, en tant qu’État, nous approuvons ce que le peuple approuve, et le fédéralisme dépend de la Constitution, laquelle est soumise à l’approbation de ce même peuple.

Ceci étant dit, le concept de fédération kurde aurait besoin d’être corrigé. La majorité des Kurdes de Syrie veulent vivre au sein d’un État unitaire dirigée par un gouvernement central non fédéral. Il ne faut donc pas confondre certains Kurdes qui réclament un système fédéral et tous les autres Kurdes. D’ailleurs, d’autres composantes non-kurdes, aussi peu représentatives quantitativement, cherchent la même chose. Ce n’est pas pour autant que l’idée du fédéralisme soit acceptée par la majorité du peuple syrien. C’est pourquoi, je ne pense pas qu’au cas où cette idée serait soumise à son suffrage direct, elle aurait son approbation.

Question 12 : Mais maintenant, on parle d’une nouvelle Constitution. Êtes-vous d’accord sur le fait que la nouvelle Constitution devrait être prête en août, une date fixée par John Kerry après ses entretiens au Kremlin, alors que la position de la Russie n’a pas encore été annoncée ?

Le Président Al-Assad : La rédaction de la constitution pourrait être prête en quelques semaines, les experts en la matière et les propositions ne manquent pas. Ce qui prend du temps ce sont les discussions. La question devient donc : quel est le processus politique qui devrait nous mener à débattre de la Constitution ?

En tant qu’État, nous pouvons aujourd’hui rédiger une Constitution et la soumettre aux citoyens, mais lorsque nous parlons de « forces politiques », quelles sont-elles ? Nous ne le savons toujours pas. Nous posons la question à M. De Mistura, il ne le sait pas ! Même les Américains ne savent pas, tandis que l’Occident, par moments, ainsi que certains autres États, notamment l’Arabie saoudite, veulent restreindre toutes les autres parties au seul « groupe d’opposants de Riyad », lequel comprend des membres terroristes, dans le but de donner une image unique de l’opposition avec laquelle nous serions censés négocier une Constitution. C’est une opposition qui n’existe pas en Syrie. À part cela, le délai du mois d’août est correct et suffisant.

2ème partie du texte publié par SANA le 31/03/2016

Question 2.1 : Il se dit que certains insistent sur la nécessité d’élections présidentielles anticipées en Syrie. Êtes-vous prêt à aller dans cette direction ?

Le Président Al-Assad : Cette question n’entre pas dans le cadre du processus politique en cours. Ce qui est prévu est qu’une fois la nouvelle Constitution adoptée, elle soit suivie d’élections législatives, puis d’un gouvernement reflétant la distribution des forces politiques au sein du nouveau Parlement.

Les élections présidentielles relèvent d’un mécanisme différent en rapport avec la volonté populaire. C’est le peuple qui décide de l’éventuelle nécessité d’élections présidentielles anticipées, non quelques groupes de l’opposition. C’est une question qui concerne chaque citoyen syrien, puisque c’est lui qui élit le Président.

Je n’ai aucune opposition de principe, d’autant plus qu’un Président a besoin du soutien du peuple pour agir et qu’il devrait être toujours prêt à accepter une telle éventualité. Je suis donc prêt à aller dans cette direction si telle est la volonté populaire.

Question 2.2 : Il est aussi important que le peuple connaisse l’opinion de son Président. Seriez-vous d’accord pour que le Président soit élu par le Parlement, comme c’est le cas dans certains pays ? Êtes-vous d’accord pour que les Syriens de l’étranger participent aux élections présidentielles, sujet dont il est beaucoup question en ce moment ? Quel est le système le plus approprié à votre avis ?

Le Président Al-Assad : Je crois que le meilleur système est que le Président soit élu au suffrage universel direct et non par le Parlement, afin que son action porte sur l’intérêt général et qu’il soit plus libre face aux pressions des différentes forces politiques.

Quant à la participation des Syriens aux élections, plus elle sera large, plus elle confirmera la légitimité de l’État, du Président et de la Constitution qui supervisent la procédure. Elle concerne absolument tous les Syriens, qu’ils soient au pays ou à l’étranger. Mais il est évident que l’opération électorale pour les Syriens de l‘étranger se discute en tant que procédure et non en tant que principe politique. Dans ce cas, la question est donc : comment procéder ? C’est un sujet dont nous n’avons pas encore discuté, pour la bonne raison que des élections présidentielles anticipées n’ont même pas été envisagées et, plus simplement, parce qu’il consiste à faire en sorte que les électeurs puissent accéder à un bureau de vote supervisé par l’État syrien.

Question 2.3 : Où en est le processus de la « Réconciliation » qui a révélé nombre de nouveaux partenaires à vos côtés ? Quels sont les groupes avec lesquels vous pourriez ne jamais vouloir discuter ? Et êtes-vous prêts à accueillir les forces internationales de maintien de la paix pour consolider les réconciliations ?

Le Président Al-Assad : Beaucoup s’attendaient à ce que la trêve échoue. Finalement ses résultats ont été bons et même un peu plus que bons.

Comme vous le savez, des négociations ont eu lieu entre les parties russes et américaines pour identifier nommément les entités terroristes, sans tomber parfaitement d’accord sur le sujet ; alors que ni la partie russe, ni nous-mêmes, n’avons modifié notre évaluation des groupes que nous considérons terroristes . D’où la proposition consistant à ce que tout groupe armé qui accepterait la trêve et le dialogue avec la partie russe, ou le l’État syrien, soit considéré comme ayant abandonné l’action terroriste pour se diriger vers le processus politique.

C’est ce que nous cherchons et c’est pourquoi je crois que plus important que l’identification des entités terroristes est l’accélération des opérations de réconciliation avec les miliciens armés qui consentiraient à déposer leurs armes, ou à combattre le terrorisme aux côtés de l’État syrien et des amis qui le soutiennent, la Russie et l’Iran en particulier.

Par conséquent, en tant qu’État, le principe général est que nous sommes prêts à intégrer tout combattant [illégitimement] armé qui dépose ses armes dans l’intention de revenir vers la normalité et d’arrêter l’effusion du sang syrien.

Question 2.4 : Et qu’en est-il des Forces internationales de maintien de la paix ?

Le Président Al-Assad : C’est là un discours absolument irréaliste, parce que ces Forces interviennent suite à des accords internationaux approuvés par des États. Dans ce cas précis, de quels États parlons-nous ? Il y a d’un côté un État syrien et de l’autre, des groupes terroristes. Est-ce possible que les Nations Unies signent un accord avec des groupes terroristes ? Admettons qu’elles veuillent le faire, qui sont-ils ? Personne ne le sait clairement. Vous parlez de gangs qui apparaissent et disparaissent, se mêlent et se démêlent dans des circonstances obscures. Par ailleurs, militairement parlant, c’est une situation qui implique deux armées de part et d’autre d’une frontière géographiquement définie par les termes de l’accord. Et admettons que nous acceptions d’accueillir ces forces des Nations Unies, comment travailleront-elles ? C’est pourquoi je dis que c’est un discours absurde.

Question 2.5 : Quelle part accordez-vous à l’aide offerte par les Forces armées de Russie dans les succès militaires de la guerre contre le terrorisme en Syrie ?

Le Président Al-Assad : Je préfère parler des faits observables sur le terrain. Je dirai que c’est un grand succès, alors que d’autres pourraient considérer qu’il est minime. Le mieux serait de procéder à une simple comparaison entre la situation observée suite à environ un an et demi d’intervention de ladite coalition internationale, qui a vu le terrorisme s’étendre considérablement en Syrie et Irak, et la situation au bout de six mois de l’intervention russe, laquelle a abouti au recul des forces terroristes et notamment de Daech.

C’est donc la réalité objective sur le terrain militaire qui démontre le grand succès des Forces armées de Russie. En tous cas, la bataille n’est pas encore terminée et la guerre se poursuit.

Question 2.6 : Pour revenir sur la question des bases russes. Staffan de Mistura, a cité un article des documents de Genève précisant que les Forces étrangères devraient quitter la Syrie. Pensez-vous que la Syrie aura besoin de la présence permanente de la base de Hmeimem ?

Le Président Al-Assad : Tout d’abord, inviter des forces étrangères sur son territoire est un droit souverain applicable dans de nombreux pays. Nul ne peut l’interdire, à moins que ce ne soit clairement spécifié par la Constitution du pays en question, ce qui n’est pas le cas en ce qui nous concerne. Ensuite, je ne pense pas que l’opinion publique syrienne souhaite que ce soutien russe s’arrête, ni actuellement, ni à l’avenir, d’autant plus que nous sommes toujours au cœur de la bataille.

Quant à la base de Hmeimem, les forces qui y sont stationnées doivent évidemment être proportionnelles aux missions qu’elles sont censées exécuter et aux forces terroristes sur place. Car bien qu’avec le soutien de la Russie nous ayons réussi à faire reculer le terrorisme, il est toujours fort et continue de recevoir des renforts en hommes et en matériels de l’étranger, notamment de la Turquie qui n’a toujours pas cessé de le soutenir, de l’Arabie saoudite et d’ailleurs.

Une fois que nous aurons complètement vaincu le terrorisme, nous pourrons reparler de ces bases. Par ailleurs, je pense que la Russie retirera d’elle-même les forces qu’elle jugera superflues. Et ce sera un autre débat.

Question 2.7 : Mais nous avons déjà réduit nos forces, ce qui n’empêche pas certains d’exprimer leur inquiétude à propos des systèmes de missiles sol-air S-400, restés sur la base de Hmeimem. Combien de temps pensez-vous qu’ils seront laissés sur place ? Est-ce vous qui avez demandé à la Russie de vous les livrer ?

Le Président Al-Assad : Je crois que ceux-là sont contrariés par la présence de la Russie parce qu’elle est là pour combattre le terrorisme. Si le Président Poutine décidait d’envoyer ses forces au secours des terroristes, ils l’applaudiraient. Tel est le problème de l’Occident. Ce n’est donc pas le maintien d’une base russe qui les gêne. Le problème est qu’ils ne veulent pas que la Russie occupe le rang international qui lui revient politiquement, militairement et économiquement. Toute action qu’elle entreprend en tant que grande puissance de premier rang, et non de second rang comme le souhaiteraient les USA, dérange l’Occident en général. Voilà ce qui explique leur inquiétude.

Quant au maintien des Forces russes en Syrie, je vous ai dit il y a peu qu’il était actuellement en rapport avec la lutte contre le terrorisme et, ultérieurement, avec la situation géopolitique internationale. Certains petits pays comme la Syrie se sentent plus en sécurité lorsqu’ existe un équilibre international. Par conséquent, si une part de cet équilibre peut être assurée par une opération ou une base militaire, nous sommes preneurs, car cela nous est utile d’un point de vue politique. C’est quelque chose de très important pour nous et pour beaucoup d’autres pays en ce monde.

Intervention : Il n’y a donc pas de délai prévu, avant livraison de systèmes S-400 à l’armée syrienne ?

Le Président Al-Assad : Non. En tout cas pas actuellement, et cela n’a rien à voir avec son maintien à Lattaquié. Cela dépend de contrats directs entre nous et l’armée russe, des contrats d’achat.

Question 2.8 : Pouvez-vous nous préciser la nature et le montant de ces contrats et, plus précisément, des derniers en date ?

Le Président Al-Assad : Dans les circonstances actuelles, nous optons pour les armes moyennes et légères, en laissant de côté les armes stratégiques, lesquelles ne nous sont pas nécessaires dans notre guerre contre les terroristes. Quant au montant, nous n’avons pas l’habitude de communiquer ce genre d’information. Cela reste entre nous et l’armée russe.

Question 2.9 : Parlons de paix. Comment se déroulent les préparatifs des élections législatives du 13 avril ? En êtes-vous satisfait ?

Le Président Al-Assad : La bonne chose est que, après cinq ans de guerre et de tentatives de destruction de l’Etat syrien visant sciemment sa Constitution, nous soyons en mesure de respecter une échéance constitutionnelle ; ce qui prouve la pérennité de l’État et du pays en général, en dépit du terrorisme qui est toujours là.

Quant à moi, ce qui me paraît le plus positif est la participation sans précédent ; un taux jamais atteint pour des élections parlementaires et plusieurs fois supérieur aux taux habituels. Je pense que cela s’explique par l’attachement des Syriens à leur Constitution et leur volonté de confirmer sa légitimité ainsi que celle de leur État. C’est un signal populaire très fort. C’est pourquoi je peux vous dire : oui, je suis satisfait.

Intervention : En dépit du fait que ce processus politique se déroule dans des conditions d’intrusion terrestre ? Bien que cette intrusion ne soit pas manifestement déclarée, la Turquie continue de bombarder le territoire syrien. Existe-t-il une ligne rouge au-delà de laquelle vous perdriez patience en traitant ce fait comme une agression directe ? Et quelles sont les lignes rouges au-delà desquelles les ingérences de certains États, comme la Turquie et l’Arabie Saoudite, vous amèneraient à prendre des mesures plus sévères ?

Le Président Al-Assad : La Turquie, en premier lieu, et l’Arabie Saoudite ont dépassé toutes les lignes rouges dès les premières semaines ou les premiers mois de la guerre contre la Syrie. Depuis le début, toutes leurs actions sont à considérer comme des agressions ; agression politique, agression militaire en soutenant et en armant les terroristes, agression directe par bombardements ou intrusions militaires.

Intervention : Et Erdogan ?

Le Président Al-Assad ; Depuis le début, Erdogan soutient directement les terroristes en les autorisant à se déplacer à l’intérieur du territoire turc pour mener des manœuvres individuelles ou bombarder le territoire syrien ; les finance en leur faisant parvenir les capitaux saoudiens et qataris ; fait commerce du pétrole volés par Daech ; continue à frapper de son artillerie l’armée syrienne pour leur permettre d’avancer en territoire syrien ; envoie des terroristes combattre aux côtés des autres terroristes en Syrie ; attaque un avion russe dans l’espace aérien syrien, ce qui constitue indéniablement une agression contre la souveraineté syrienne ; fait des déclarations qui ne sont rien d’autre que des ingérences dans nos affaires intérieures. Bref, toutes ces actions sont de véritables agressions qui font que nous avons perdu patience et avons, depuis longtemps, perdu espoir qu’il puisse changer.

Maintenant, la guerre contre Erdogan et l’Arabie Saoudite consiste à combattre les terroristes. L’armée d’Erdogan n’est pas l’armée turque. L’armée d’Erdogan, ce sont les terroristes et c’est cette armée qui, aujourd’hui encore, agresse la Syrie. Frapper les terroristes en Syrie mène directement à la défaite d’Erdogan. Nous devons donc commencer par riposter en Syrie. Ce n’est qu’après les avoir vaincus en Syrie que nous pourrons vaincre le terrorisme. Le peuple turc n’est d’aucune façon notre ennemi. Nos relations redeviendront bonnes, à moins qu’Erdogan ne reste à son poste.

Question 2.10 : L’automne dernier, vous vous êtes rendu à Moscou à un moment problématique. Sur quoi exactement êtes-vous tombés d’accord avec le Président Poutine ? Y a-t-il eu des accords signés ? Ou bien persistez-vous à mener des concertations entre vous, en vous contentant de votre relation directe ?

Le Président Al-Assad : Cette visite a eu lieu à un moment particulier, moins de deux semaines après le début du soutien militaire russe aux Forces syriennes, lequel s’est indubitablement imposé à l’ordre du jour. Il n’y a pas eu d’accord ou de contrats signés, mais un échange de nos points de vue sur essentiellement deux sujets : l’opération militaire qui avait commencé vu la nécessité de frapper le terrorisme ; et comment mettre à profit l’opération militaire pour soutenir le processus politique qui redémarrerait à Genève ou ailleurs. Les questions du Président Poutine ont tourné autour des sujets sur lesquels vous m’avez interrogé. Nous n’avons pas discuté d’autre chose.

Question 2.11 : Monsieur le Président, je vous suis reconnaissant pour votre accueil et votre franchise. Aurais-je omis de vous poser une question que vous auriez aimé aborder ? Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Le Président Al-Assad : Je voudrais d’abord vous remercier pour être venu en Syrie en ce moment précis. Et, à travers votre importante institution, j’aimerais transmettre les remerciements de chaque citoyen syrien à chaque citoyen russe pour le soutien que la Russie a offert à la Syrie pendant la crise, que ce soit politiquement, moralement, humainement et, dernièrement, militairement. C’est le citoyen russe qui fut le principal soutien du Président Poutine pour qu’il ait pu prendre cette dernière décision.

Aujourd’hui, en dépit des circonstances difficiles, nous vivons la joie de retrouver la ville de Palmyre qui représente un héritage de l’Humanité pour le monde entier. Nous sommes convaincus qu’en plus de la détermination de l’armée syrienne à la récupérer, la Russie a joué un rôle essentiel ainsi que l’Iran et les autres forces qui combattent aux côtés de la Syrie.

Encore une fois, merci à chaque citoyen russe à travers vous. Les liens que nous avons tissés depuis soixante ans sont désormais plus forts et plus solides. Nous espérons que la Russie jouera un grand rôle sur la scène internationale, pas seulement en Syrie, et qu’elle jouera un grand rôle dans la lutte contre le terrorisme et le rétablissement de l’équilibre politique dans le monde.

Merci

3ème partie « filmée » de l’entrevue accordée par le Président syrien Bachar al-Assad au Directeur général de l’agence russe Sputnik.

Question 3.1 : Monsieur le Président, la libération de Palmyre est sans aucun doute un événement mondial ; lequel, à mon avis, n’a pas encore été digéré. Un événement d’autant plus important qu’il s’est produit après le retrait de la partie principale des forces militaires russes de votre pays. Comment est-ce arrivé et vers quelles autres villes avez-vous l’intention de vous diriger ?

Le Président Al-Assad : Il est vrai que cet événement n’a pas encore été digéré. Certains, en ce monde, l’ont assimilé mais ne veulent pas y croire. Et aujourd’hui, deux jours après la libération de Palmyre, nombre d’États supposés concernés par la lutte contre le terrorisme -ou une partie de la Coalition internationale étatsunienne pour la lutte contre le terrorisme- ne se sont toujours pas prononcés sur cette libération.

Comme je veux être extrêmement clair, je cite en premier lieu les deux régimes français et britannique. Nous n’avons entendu aucun commentaire de leur part. Il y a des raisons à cela. Premièrement, parce que l’occupation de Palmyre par les terroristes, il y a moins d’un an, a témoigné de l’échec de leur coalition et de son manque de sérieux dans la lutte contre le terrorisme, notamment de Daech ou EIIL. Ensuite, parce que cette libération, avec le soutien de la Russie, a prouvé ce manque de sérieux.

Comment avons-nous pu y arriver ? Premièrement et en toute simplicité, parce que nous avons la volonté de nettoyer complètement la Syrie des terroristes, ce qui ne tolère aucune discussion étant donné qu’il n’y pas d’autre choix pour la protéger ; bien sûr avec le processus politique associé, mais le combat contre le terrorisme reste fondamental. Nous avons cette volonté. Le peuple syrien a cette volonté, et l’armée syrienne est déterminée à libérer toutes les régions du pays. Ensuite, par le soutien simultané de nos amis. Le soutien de la Russie a été essentiel et efficace pour y arriver, tout autant que le soutien de nos amis en Iran, plus le soutien du Hezbollah libanais et d’autres groupes syriens combattant aux côtés de l’armée syrienne.

Il est évident qu’après la libération de Palmyre nous devons nous diriger vers des régions voisines menant vers l’Est, comme la ville de Deir al-Zor, et commencer, en même temps, à travailler en direction de la ville de Raqqa, actuellement le principal bastion des terroristes de Daech.

Question 3.2 : Monsieur le Président, l’Histoire de la Syrie est d’une grande richesse. Comment imaginez-vous votre rôle dans l’Histoire de votre pays et comment croyez-vous que les historiens pourront l’évaluer à l’avenir ?

Le Président Al-Assad : Cela dépendra de l’historien et de son objectivité. Nous savons que l’Histoire est souvent écrite de manière inexacte et qu’actuellement elle est falsifiée. Mais en supposant que son évaluation devienne objective et que son récit soit sincère, je peux dire que les historiens et le peuple syrien sont les plus aptes à l’apprécier.

Je ne peux juger de moi-même, mais je peux espérer : premièrement, être situé parmi ceux qui ont sauvegardé leur pays face à une attaque terroriste inouïe ces dernières décennies, voire depuis des siècles quant à son déroulement et à sa brutalité ; deuxièmement, être considéré comme une personne qui a œuvré pour la sauvegarde de la région, car la Syrie en est un pays essentiel et si jamais l’État syrien s’était effondré et que le chaos s’y était totalement installé, c’est assurément toute notre région qui aurait eu à en souffrir. C’est ce que j’espère que l’Histoire retiendra de moi.

Question 3.3 : Une grande partie de ce qui se passe actuellement en Syrie a une dimension internationale. Quel conseil pourriez-vous donner à un chef d’֤État qui serait confronté à cette même situation ?

Le Président Al-Assad : Pour commencer, nous ne souhaitons à aucun pays de passer par ce que nous avons traversé en Syrie. Nous avons vécu quelque chose d’inhumain. Mais aujourd’hui, vous vivez dans un monde sans droit international, sans morale en matière de travail politique. Tout peut arriver n’importe où dans ce monde. Ce que je veux dire de notre expérience syrienne est que toute forme de fanatisme, religieux, politique, social ou idéologique, est destructeur pour la société. Il est donc impératif d’écarter tous ces fanatismes du processus d’édification des sociétés. C’est le devoir de l’État et de toutes les autres composantes d’une société donnée. Et c’est aussi le devoir de tout citoyen.

D’un autre côté et au cas où une crise semblable surgissait dans n’importe quel pays, la première chose à savoir est que c’est le peuple qui protège le pays. Par conséquent, n’importe quelle décision qu’un chef d’État soit tenté de prendre pour résoudre la crise doit être en accord avec les us et coutumes du peuple, avec son Histoire et avec ses aspirations du moment. La solution ne peut venir de l’étranger. Certes, des amis de l’extérieur peuvent aider, comme c’est le cas de la Russie et de l’Iran en Syrie. Mais, aucune solution n’est possible sans une volonté intrinsèque et une bonne relation entre l’État et le peuple.

La leçon la plus importante que nous ayons retenue, quoique je pense que nous la connaissions depuis longtemps, est que l’Occident n’est pas honnête. Les États occidentaux ne sont pas honnêtes et pratiquent des politiques éloignées de tous les principes, du droit international comme de la Charte des Nations Unies. Il est impossible de compter sur l’Occident pour résoudre n’importe quel problème. Plus vous aurez de meilleurs amis, moins la solution prendra du temps et moins vous subirez de pertes. C’est pourquoi, tout responsable devrait bien choisir les États amis qui se tiendront à ses côtés en temps de crise.

Question 3.4 : À un moment donné, la crise syrienne finira bien par se terminer, mais le pays en sortira différent de ce qu’il était auparavant. Comment sera la Syrie d’après guerre ? Comment la voyez-vous ?

Le Président Al-Assad : Je pense que le changement dont vous parlez a déjà commencé ces quelques dernières années. Au début, la guerre fut un grand choc pour beaucoup de Syriens et les emmena dans de mauvaises directions sans qu’ils s’en rendent compte, du fait des romans inventés par les médias et de leur incapacité à lire une réalité brumeuse.

Aujourd’hui, l’image est claire et je pense que ce changement est parti de l’idée que je viens de mentionner, l’idée que le fanatisme n’est absolument pas acceptable dans un pays aussi diversifié que la Syrie ; notre diversité ethnique et religieuse étant considérable. Par conséquent, si nous voulons une Syrie unie, si nous voulons que la Syrie existe, nous devons accepter de bonne grâce de vivre ensemble dans une réelle affection et non seulement en apparence. C’est cette idée que nous commençons à constater de plus en plus dans la société syrienne.

Ce qui me porte à croire que notre société ira vers le mieux si nous réussissons à surmonter cette crise. Dès lors, la Syrie pourra reprendre son rôle historique de société ouverte sur l’extérieur et influer sur les sociétés du voisinage mieux que par le passé, car cette région est une, avec partout les mêmes familles et des traditions similaires, d’autant plus qu’en tant qu’États arabes, ou États musulmans, nous nous influençons les uns les autres. Le rôle de la Syrie sera donc obligatoirement important.

Et naturellement que ce changement se reflètera sur la situation politique intérieure. Nombre de partis politiques y participeront et le sentiment national l’emportera sur la fascination devant l’Occident.

Tels sont les principaux titres à travers lesquels je vois la Syrie d’après la crise.

Question 3.5 : En tant qu’homme politique et être humain, vous assistez tous les jours à la mort de vos compatriotes, tandis qu’un grand nombre d’entre eux sont obligés de fuir le pays, laissant leurs maisons derrière eux. Il est donc impossible de gérer cette situation, abstraction faite de ses répercussions psychologiques sur vous-même. Comment réagissez-vous humainement parlant ? Comment pouvez-vous assumer une responsabilité aussi importante et difficile ? Et qu’est-ce qui vous aide ?

Le Président Al-Assad : C’est absolument vrai. C’est la situation que nous vivons quotidiennement et à chaque heure où l’on vous informe de la mort ou des blessures, que ce soit d’un civil innocent ou d’un soldat tombé au combat. Mis à part la personne en question, vous devez penser aux conséquences affectives, matérielles et autres sur sa famille, à la tristesse qui l’habitera de longues années de sa propre vie. C’est certainement le sentiment le plus douloureux qui affecte le plus tous les Syriens, une vraie douleur pour nous tous.

Il n’empêche qu’en tant que responsable vous devez transformer ce sentiment et cette douleur en action. Dans ce cas, la question la plus importante pour un responsable est : que compte-t-il faire pour écarter le danger là où il n’a pas frappé ? Que compte-t-il faire pour protéger les vivants qui pourraient être les victimes du lendemain ?

C’est pourquoi nous pensons que les deux axes principaux susceptibles d’aboutir à des résultats efficaces pour la protection du pays, c’est d’abord et évidemment la lutte contre le terrorisme, puis l’action politique pour arrêter ce qui frappe la Syrie. Une action qui passe par des négociations politiques mais aussi par des négociations avec les milices armées souhaitant revenir dans le giron de l’État et vers la normalité, comme l’attestent les réels succès obtenus ces deux dernières années.

Reste la question de savoir comment, dans des circonstances aussi difficiles, une personne peut effectivement résister aux pressions. Je réponds que si vous êtes responsable, votre vraie force, et notamment votre réelle force morale, vient en premier lieu du peuple. Et nous Syriens, responsables et citoyens, puisons notre vraie force dans les familles des martyrs et des blessés. Ce sont elles qui payent le prix fort et ce sont elles qui nous répètent constamment que c’est leur contribution à la patrie. C’est donc indubitablement la qualité morale de ces familles qui vous permet de continuer à donner de vous-même pour résoudre la situation.

Docteur Bachar al-Assad

Président de la République arabe syrienne

30/03/2016

Source : SANA [Syrian Arab News Agency]

1ère partie : http://sana.sy/?p=361365

2ème partie : http://sana.sy/?p=361978

3ème partie : Vidéo publiée sur le site de la Présidence le 03/04/2016
https://www.youtube.com/watch?v=wF69duF9gKs

Texte traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal

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LA TYRANNIE DU BIEN VIEILLIR
Martz Didier, Michel Billé
La tyrannie du Bien Vieillir, voilà bien un paradoxe ! Il faut être un peu iconoclaste pour aller s’en prendre à une si belle idée, qui fait si largement consensus : « bien vieillir ». Bien vieillir, qui pourrait être contre ? Qui ne le souhaiterait pas pour soi-même et pour autrui ? Qui oserait affirmer préférer vieillir mal ? C’est que le désir de bien vieillir de chacun sans trop d’inconvénients est devenu un slogan qui anime les cercles politiques, court dans les maisons de retraite, (…)
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