Les peuples européens sont confrontés à de lourds problèmes. Ils ne peuvent plus ignorer où mènent les politiques d’austérité de leurs dirigeants.
Ils ne peuvent ignorer les choix qui ont fait reculer l’investissement utile de plus de 15% depuis 2007, alors que les économies des pays du sud européen sont en récession.
Ils pâtissent et sont inquiets.
C’est donc le moment pour M. Jean-Claude Juncker, le Président de la Commission européenne, de sortir les lapins d’un chapeau.
Et pour MM. Hollande et Rajoy de faire la claque.
M. Juncker, a présenté la semaine dernière un plan dit « d’investissement » qui s’élèverait à 315 milliards d’euros sur trois ans. En apparence c’est beaucoup. En vérité cela ne représente que 0,7% des richesses annuelles produites dans l’Union européenne. Aux États-Unis les plans de relance successifs ont mobilisé, chaque année, l’équivalent de la valeur de 7% des richesses produites.
Mais d’où viennent ces 315 milliards ?
La Commission propose d’utiliser 16 milliards (déjà inscrits dans le budget européen) comme « garantie » de ce nouveau fonds. Ce n’est donc pas de l’argent, c’est une garantie.
M. Juncker ajoute 5 milliards à 16 milliards, qui font 21.
Puis il utilise ce que les économistes appellent « l’effet de levier », c’est-à-dire qu’un euro de crédit pourrait générer 5, 6 à 8 fois la valeur de l’investissement.
Et il invente le chiffre 15 comme effet de levier. Il multiplie donc 21 milliards par quinze pour obtenir l’hypothétique somme de 315 milliards.
Tout projet de plan d’investissement n’aura que peu d’effet dans le cadre du maintien des actuelles politiques d’austérité. Solliciter l’investissement privé serait une bonne chose s’il ne s’agissait pas, comme c’est le cas ici, de tout faire dépendre des investisseurs privés et donc de se mettre à la merci des quatre volontés des propriétaires-actionnaires de grandes entreprises, dont le souci premier est non pas l’intérêt public mais la rentabilisation de leur capital . N’est-ce pas, M. Macron ?
Un tel projet, flou sur les actions à mener, non contraignant en matière d’investissements productifs et de respect de l’environnement, ne peut que contribuer à un accroissement de la sur-accumulation mondiale de capital, sans lien avec l’économie réelle et les besoins humains, et ajouter encore à la menace d’explosion de la bulle spéculative en cours de formation.
Ce projet fumeux est lancé alors que la Banque centrale européenne (BCE) s’apprête à verser de nouveau aux banques privées mille milliards d’euros pour les irriguer à des taux de... 0,15%, que celles-ci prêtent à des taux bien plus élevés ou replacent sur les marchés financiers
Au lieu de mobiliser la BCE et son pouvoir de création monétaire pour octroyer un crédit qui impulserait les investissements et la relance de l’activité, le Président de la Commission européenne a donc choisi de mobiliser 5 milliards de la Banque européenne d’investissement (BEI) vers ce fonds européen d’investissement à créer.
Un tel fonds pourrait être alimenté à partir de la BCE et racheter des dettes d’États pour soulager ceux-ci et leur permettre de se relancer, mais M. Juncker ne va pas jusque-là.
Pire, dans le même exposé, il demande une contribution volontaire des États, à qui par ailleurs il enjoint de réduire les crédits publics utiles. Et au nom de la « réduction de la paperasserie » et du « fardeau réglementaire », M. Juncker veut donner carte blanche à la déréglementation financière.
C’est pourquoi MM. Hollande a pu crânement déclarer au sujet du plan Juncker :
"Nous voulons (...) non seulement l’approuver, le compléter" mais aussi "l’amplifier dans son volume et l’accélérer dans son calendrier", estimant que ce plan était une "étape importante" pour restaurer la croissance et l’emploi en Europe.
Et avec son sens bien connu de l’humour fin il a ajouté :
"Si nous sommes aussi efficaces pour la croissance que nous l’avons été pour la stabilité financière, pour l’union bancaire et les réformes structurelles, je ne doute pas que la croissance sera au rendez-vous", appelant à "y mettre la même volonté".
Et son comparse Mariano Rajoy, le chef du gouvernement espagnol, :
"Le plan Juncker est un pas en avant important", ajoutant que "l’Espagne va le soutenir" mais qu’il faut agir "rapidement".
"C’est ce que nous allons dire lors du prochain Conseil européen" de la mi-décembre.
Ce que demande leurs peuples c’est que d’importants crédits soit alloués au fonds d’investissement pour des projets d’avenir, favorables aux travailleurs, élaborés avec les élus, les syndicats et les populations, pour développer massivement les services publics.
Sources :
Les Échos
Blog de Patrick Le Hyaric (député européen)