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Quand le PS a rendez-vous avec l’histoire... il le rate. G.Filoche, J.Généreux, M.Dolez.


Interventions de Gérard Filoche, Jacques Généreux et Marc Dolez au Conseil national du Parti Socialiste du 4 juin 2005.


Ci-dessous l’intervention que j’avais préparée et que j’aurais faite à ce Cn... si on m’avait donné la parole.
Gérard Filoche


Samedi 4 Juin 2005


Chers camarades,

Le "non" a gagné massivement à gauche, de façon unitaire, enthousiaste, convaincante, sur le fond ! Le non de gauche était majoritaire à 75 % selon toutes les études, dans le salariat, c’était un "non" de classe, celui de notre camp. Vous venez encore d’essayer, cher François, chère Martine, chère Elisabeth, d’en diminuer la portée en agitant l’extrême droite et la xénophobie "contre le plombier polonais" . Mais avez-vous remarqué que le "non" était donné à 54 % avant que Le Pen ne commence sa campagne, que sa campagne a été minable, deux repas de 150 personnes, et que son "plus grand meeting" du "non" annoncé, le 1er mai devant Jeanne d’Arc s’est révélé ne regrouper que 2000 vieilles badernes épuisées. Ses premières paroles ont été : "Mon "non" ne sera ni social, ni économique, mais national" , tout était dit, le débat dans tout le pays a concerné un "non social" ...

Même le vicomte vendéen semblait découvrir le syndicalisme quand il parlait, tellement le thème était dominant ! C’est la première fois depuis plus de 20 ans qu’en fait, nous avons regagné du terrain sur l’électorat d’extrême-droite, et c’est la détermination du "non" de gauche, pro européen qui l’a permis !

Nous aimons l’ouvrier du bâtiment letton, le chauffeur bulgare, le sidérurgiste tchèque, l’électricien portugais, le peintre et le plombier polonais, nous les aimons tellement que nous voulons qu’ils gagnent autant que nous sans que nos salaires baissent ! Pour lutter contre les délocalisations et leurs compléments, les directives Bolkestein, il faut un Smic unique européen. La construction d’un tel Smic par voie de négociation et de législation est dissuasive pour ceux qui veulent emmener leurs machines d’ici à là -bas : à quoi bon, puisqu’un Smic est planifié ? Et pour ceux qui veulent exiler la main d’oeuvre de là -bas vers ici : à quoi bon si un même Smic est prévu ? Mais pour mettre en place un Smic, il fallait repousser l’article III-210 de la Constitution qui "excluait toute harmonisation sociale et fiscale" .

Il y avait une telle interpénétration entre le projet de texte constitutionnel, la politique de Chirac, la directive Bolkestein, qu’au cours même de la campagne, le 16 avril dernier, le Parlement français a voté un "Bolkestein sur mer" , le RIF, registre international français, qui introduit un ségrégation salariale sur les bateaux français entre les marins payés selon leurs pays d’origine ! Bolkestein sur fer est également en marche puisque le projet de Jacques Barrot-stein prévoit des trains privés dans les régions, le premier de ces trains privés ayant circulé cette semaine en Moselle. Le conducteur est formé en un mois et demi, contre neuf mois pour un conducteur Sncf, et il payé un tiers en moins, demain il pourra être bulgare, en effet, grâce au fait que toute entrave à la liberté d’établissement est interdite par les textes européens.

Nous devrions alors que le "non" a gagné en Hollande, qu’il progresse au Danemark, en Pologne, au Portugal, demander que la Constitution devienne l’oeuvre d’une Assemblée constituante européenne élue dans ce but. Nous devrions le demander publiquement et au sein du Pse. Nous devrions ré actualiser notamment les "sept exigences" [1] qui avaient fait l’unanimité entre nous et constitué la base de notre campagne électorale du 13 juin 2004 et amené 30 % des voix à notre parti.

Nous ne devrions pas parler de "projet 2007" mais de projet alternatif car les choses peuvent aller plus vite que prévu. Il n’est pas dit, au vu du gouvernement Galouzeau de Villepin et des frères Sarkozy, que le quinquennat ne soit pas abrégé, la colère sociale aidant. Leur projet de destruction du Code du travail, prétendument au nom de l’emploi, les conduira dans le mur. La logique voudrait des élections anticipées, et donc que nous nous y préparions vite, dans notre parti, comme dans la gauche : il faut prendre tous les contacts unitaires à gauche, sans exclusive, avec ceux qui veulent discuter d’un programme commun de gouvernement alternatif à la politique libérale.
Unité doit être le maître mot : unité de la gauche, unité des socialistes, et j’ajouterais, ici, au passage, unité des socialistes de gauche...

Dans cette salle houleuse du Conseil national, deux légitimités semblent s’affronter aujourd’hui, dans le Parti socialiste :
la légitimité n°1, en "interne" , celle du vote des adhérents, le 1er décembre, 98 000 votants,
... et la légitimité n°2, celle des électeurs socialistes, en "externe" , environ 59 % pour le "non" , selon tous les sondeurs sur 5 à 6 millions d’électeurs concernés.

Selon la légende de ce vote, 58 % des 98 000 adhérents auraient voté pour le "oui" et 42 % pour le "non" , en "interne" .
En fait, le résultat démontre que la légitimité n°1 était rendue contestable par la légitimité n°2.

Car, il y avait, sur 98 000 votants, un écart de 16 000 votants environ, il suffisait donc de 8 500 voix pour faire la bascule.
Ces 8500 voix étaient concentrées dans trois ou quatre grandes fédérations, qui faisaient presque une voix sur cinq.

Ce qui est révélé par le vote du 29 mai, dans les départements de ces fédérations, c’est qu’alors qu’elles avaient voté à plus de 60 % des voix en "interne" pour le "oui" , leurs électeurs socialistes, eux avaient voté à plus de 60 % pour le "non" .

N’importe qui examinant ces votes, bureau par bureau, section par section, ne peut que s’interroger, d’Arras à Marseille.

- Soit le vote était insincère.

- Soit ces sections et fédérations connaissent une "coupure" entre le vote des adhérents et celui de leurs électeurs, plus importante que dans le reste du parti, et alors comment l’expliquer ? : est-ce que, plus il y a de socialistes encartés, moins il y a d’électeurs qui les écoutent ?

Quelle est la vérité ? Les deux.

La réalité du vote du 1er décembre est mis en cause par la vérité du vote du 29 mai et c’est donc cette légitimité-là , la n°2, qui s’impose.

Alors ce soudain empressement, aujourd’hui, du rappel à la discipline, de la "clarification" , non seulement n’est absolument pas fondé par "la démocratie militante" comme certains d’entre vous ne cessent de le crier ici, mais il est très contestable !

La direction du parti avec 58 % des voix en interne a disposé, sans conteste de 100 % des moyens pour mener campagne en faveur du "oui" , 100 % de la presse, 100 % des affiches, 100 % des tracts, des meetings, 100 % et plus des médias... Avec tous ces moyens obtenus par le vote interne du 1er décembre, elle n’a gagné que 41 % des voix de nos électeurs. C’est sans doute qu’il y avait un problème dans le vote du 1er décembre, et au vu de ce "gap" avec notre électorat et s’il y a une leçon à tirer aujourd’hui, c’est celle-là  !

Ensuite, la démocratie, dans un parti, c’est que la majorité dispose des moyens d’actions, ce n’est pas que les minoritaires se taisent ! Nous n’en sommes plus aux vieux temps du centralisme démocratique !

C’est d’ailleurs ce que nous croyions, exemples à l’appui, être la pratique de notre parti ! Car lorsqu’en 2003, après que le Congrès de Dijon, à l’unanimité, eut voté une motion prévoyant l’abrogation de la loi Fillon contre les retraites, Michel Rocard exprima son soutien à ladite loi Fillon, dans le dos du mouvement social, il ne fut ni rappelé à l’ordre, ni sanctionné, mais promu tête de liste aux élections européennes de 2004 dans le grand sud-est. Lorsque Bernard Kouchner, prit position pour la guerre de Bush en Irak, il ne fut ni sanctionné, ni évincé puisqu’il était l’un des porte-parole du "oui socialiste" dans la récente campagne... Il y a donc, soudain, dans cette salle, aujourd’hui, contre ceux qui ont défendu le "non" , des indignations opportunes à géométrie variable.

François Hollande tente d’imposer la légitimité n°1 contre la légitimité n°2. C’est un très mauvais choix. C’est l’inverse qu’il faudrait faire. On ne peut "dissoudre le peuple" , il vaut mieux, au contraire, que le parti écoute le peuple de gauche.

Gérard Filoche, membre du Bn du Parti Socialiste, Nouveau Parti Socialiste, Inspecteur du Travail.
www.democratie-socialisme.org


Quand le PS a rendez-vous avec l’histoire ... il évince L. Fabius !


Samedi 4 Juin 2005


Après le désaveu massif de sa ligne par le peuple de gauche en général et les électeurs socialistes en particulier, tout le monde espère que le PS réagira par une refondation profonde de sa ligne et de son discours, que le PS manifestera ainsi qu’il a entendu le cri de joie populaire accompagnant la victoire du "non" et l’espérance ravivée d’une autre politique. Or la première décision, et donc le premier message adressé aux Français par la direction du PS a consisté aujourd’hui dans l’éviction de Laurent Fabius, c’est-à -dire du seul partisan du "non" qu’elle comptait en son sein. Quelle tragi-comédie ! Le PS a rendez-vous avec l’histoire... et il le rate. Il suffisait de quelques mots pour être au rendez-vous. Reconnaître la grandeur d’un peuple mobilisé pour débattre sérieusement de la Constitution, reconnaître dans le "non" ce qu’il est, une victoire de la gauche pro-européenne, et rejoindre son camp, celui des classes populaires, des salariés, des chômeurs. En lieu et place de ce qui eut été une réaction salutaire et fait de la victoire du "non" finalement aussi un nouveau départ pour le PS, nous avons assisté à un mesquine opération de police intérieure. Le PS a rendez-vous avec l’Histoire... alors il évince Laurent Fabius !

Comme vous le savez sans doute, j’appartiens à la direction nationale du courant Nouveau monde (H. Emmanuelli / J.-L.Mélenchon) et je combats publiquement le projet de traité constitutionnel depuis octobre 2003 (date de ma première tribune sur le sujet dans Libération). Je me situe donc dans ce que les médias ont coutume d’appeler la "gauche du parti". Je n’ai donc jamais été dans le courant de Laurent Fabius et je fais même partie de ceux qui ont critiqué quelques-uns des choix faits par ce dernier au pouvoir. Je ne suis donc pas là en service commandé pour mon camarade Laurent.
Seulement en service commandé pour rappeler mon parti à l’intelligence, comme l’ont fait aujourd’hui l’ensemble des minorités.

En effet, aujourd’hui, au Conseil national du PS, la gauche du parti a dénoncé fermement l’attitude d’une direction qui tire comme seule leçon immédiate du "non" de gauche et du "non" des électeurs socialistes l’impérieuse nécessité d’exclure le seul de ses membres qui se trouvait en phase avec le peuple de gauche !

Oh je sais, les médias partisans du "oui" ont beaucoup dénigré l’engagement de Laurent Fabius. A titre personnel, j’ai été à de nombreuses reprises questionné à la télévision ou à la radio sur le positionnement de Laurent Fabius que les médias ont l’habitude de présenter comme un "choix purement stratégique" et voici quelle est en substance et avec la plus grande constance ma réponse :

" Si vous appelez "comportement stratégique" le fait que L. Fabius choisisse une ligne qui est en phase avec l’aspiration du peuple de gauche et qui est la seule capable de réunir toute la gauche pour construire une alternative, eh bien voyez-vous, c’est une bonne stratégie et c’est aussi la mienne ! A dire vrai, l’incroyable est que ce ne soit pas la stratégie de toute la direction du PS.

" Certes L. Fabius a pris officiellement position contre le traité un an après nous. Mais le fait d’avoir été les premiers ne nous rend nullement chagrins de voir d’autres grands dirigeants socialistes faire le même choix que nous. Il était bien plus difficile et plus courageux d’assumer cette position pour L. Fabius, membre de la direction du PS, que pour nous qui sommes dans la minorité. Et on ne voit pas pourquoi le plus long délai pris pour mûrir une décision déprécierait celle-ci. N’est-ce pas au contraire une garantie supplémentaire qu’elle est ferme et définitive ? On a hélas vu d’autres responsables socialistes hurler contre cette Constitution dès ses premiers jours et s’aligner ensuite sur la ligne officielle pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le contenu de ladite Constitution.

" Et l’essentiel n’est pas le jour et l’heure auxquels quelqu’un décide qu’il se rendra à la bataille. L’essentiel est qu’il soit là au jour et à l’heure de la bataille. L. Fabius était au rendez-vous de la bataille dans le référendum interne au PS. Il était à nouveau là pour convaincre des Français de dire "non" dans le référendum populaire. Chacun a pris sa part dans la victoire du "non". Nous sommes convaincus que notre long et constant engagement public contre ce traité, en tant que socialistes, est pour beaucoup dans le fait que nos électeurs aient majoritairement voté "non". Mais nous sommes également convaincus que l’intervention de L. Fabius a aussi convaincu d’autres de nos électeurs qui, peut-être, ne nous auraient pas suivis. Elle a contribué à augmenter la crédibilité d’un "non" de gauche et pro-européen. Elle a (modérément certes) tempéré l’acharnement de certains médias à nous présenter comme des ringards anti-européens."

Aujourd’hui, 4 juin 2005, en prenant pour seule vraie décision (outre celle du lancement d’un Congrès anticipé) l’éviction de Laurent Fabius, la direction du PS a fait ce qu’elle reproche régulièrement au gouvernement français : se comporter comme si les Français ne rejetaient pas clairement sa ligne politique. Désormais, le PS n’est plus dirigé que par des partisans du "oui" attristés par une défaite qui a fait sauter de joie tout le peuple de gauche et que 59% d’électeurs socialistes considèrent comme une grande victoire pour l’Europe, pour la démocratie et pour le socialisme.

La seule explication plausible à un tel grand écart est là aussi "un comportement purement sratégique". Il s’agit de contrôler l’appareil du parti en espérant retrouver au Congrès la même majorité d’adhérents qui à 58% ont dit "oui" au référendum interne. Car, qui tient le parti, maitrise les investitures aux prochaines élections... Et, même si les électeurs de gauche ne sont pas satisfaits d’avoir à voter en 2007 pour des socialistes partisans du "oui", ils n’auront pas le choix espèrent certains : les Français seront tellement excédés par la politique de la droite et tellement désireux d’une alternance qu’ils voteront de toute façon pour n’importe quel candidat de gauche.

Stratégie suicidaire en vérité. Les électeurs de gauche ne veulent pas une alternance, mais une véritable alternative politique. Ils ne voteront pas pour un PS autiste qui rendrait la terre entière responsable de ses échecs et n’avouerait aucune erreur, qui ne ferait pas leur juste place à tous ceux qui sont constamment en phase avec les aspirations du peuple de gauche. Partout où ces électeurs ont voté à plus de 60 % pour le "non", ils ne voteront pas en 2007 pour un candidat partisan du "oui".

Cette évidence devrait, espérons-le, ramener beaucoup d’élus et de candidats à la raison : si le PS de 2007 est le même que celui du 29 mai 2005, les candidats socialistes iront à l’abattoir. Alors n’est-il pas plus raisonnable de convaincre nos électeurs que leur "non" n’a pas seulement gagné le référendum, mais aussi gagné dans notre parti ? Vous voyez bien que la stratégie électorale cela a parfois du bon. A la seule condition de ne pas choisir la mauvaise.

Jacques Généreux,
Membre du Conseil national du Parti socialiste, "Nouveau Monde", Professeur à Sciences Po.
Auteur de Manuel critique du parfait Européen. Les bonnes raisons de dire "non" à la Constitution (Seuil, mars 2005) et de Sens et conséquences du "non" français (Seuil, juin 2005)
http://genereux.fr


Communiqué de Force militante


Samedi 4 Juin 2005


Cher(e) camarade,

Le Conseil National qui s’est déroulé à Paris ce samedi 4 juin n’a pas été, comme nous pouvions le craindre, à la hauteur de la situation politique et des responsabilités qui sont aujourd’hui les nôtres. Une fois de plus, notre Parti s’est montré incapable de tirer les leçons du verdict populaire, et s’est enfermé dans une stratégie suicidaire de repli sur soi et de crispation d’appareil.

A peine 7 jours après la victoire massive du NON, la direction nationale du P.S. vient de rejeter tout rassemblement en excluant les derniers partisans du NON encore représentés en son sein. Alors même que les Socialistes reprochent aujourd’hui à Jacques Chirac d’avoir recomposé son Gouvernement au mépris du vote populaire, la direction nationale du P.S. reproduit un comportement similaire en se refermant autour d’un dernier carré de responsables désavoués une semaine plus tôt dans les urnes. François Hollande a par ailleurs annoncé l’organisation d’un Congrès qui devrait se conclure le 18 novembre prochain.

Plus que jamais, les modalités de ce Congrès sont aujourd’hui pour nous un combat essentiel. Sans ouverture ni refondation, notre Parti risque fort de s’enferrer dans une ligne social-libérale dont nous prévoyons les dégâts, tant sur le plan politique (absence d’une véritable alternative politique à Gauche) que sur le plan électoral (montée des populismes et du fascisme).

Il est donc urgent, ensemble, d’appeler au grand congrès d’ouverture et de refondation que les Socialistes se doivent d’organiser pour être à la hauteur de la situation. Rassemblons les Socialistes qui sont dans notre Parti, comme tous ceux qui aujourd’hui sont encore à l’extérieur. C’est notre seul espoir de faire du Parti Socialiste un Parti fidèle à son Histoire, en cohérence avec son électorat, un Parti capable de rassembler en faisant du combat antilibéral le ciment de l’Unité à Gauche !

Marc DOLEZ Député socialiste du Nord. A démissionné du Secrétariat National du PS en juin 2002 pour protester contre la recomposition de la direction nationale opérée à la hâte, deux mois après le 21 avril, afin d’y intégrer les ministres du Gouvernement Jospin.
www.forces-militantes.org


Ecouter le peuple de gauche !


Texte distribué par le "trio" du non socialiste lors du CN :


L’immense leçon du 29 mai, c’est qu’il s’agit d’un vote de classe, un vote du salariat contre le libéralisme. Des millions d’employés, d’ouvriers, d’agriculteurs, de fonctionnaires, en activité, en formation, en retraite ou au chômage, ont, dans un même mouvement dit "non" à la politique libérale en Europe comme à la politique libérale de Chirac. C’est un "non" pro-européen et social. La gauche a tellement dominé le "non", imposé son contenu, que pour la première fois depuis longtemps, nous avons reconquis de haute lutte du terrain contre le lepenisme et le villierisme. La campagne du "non" de gauche a été unitaire, populaire, massive, enthousiaste, débordante, et elle a, de loin, décidé de l’issue du scrutin, tiré à elle l’essentiel des « non ». Il y a eu surtout un fort "non socialiste" au coeur du "non" de gauche" : 59 % de l’électorat socialiste a ainsi contredit le résultat du référendum interne au parti socialiste.

On a même de quoi s’étonner sérieusement quand on considère les grosses fédérations du PS où le "oui" avait rassemblé 60 % des voix en interne, et qui ont eu, le 29 mai, plus de 60 % de "non" dans leur électorat. Qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce que le vote interne était insincère ? Ou est-ce le fossé entre ces fédérations puissantes et la masse de leur électorat qui est plus considérable qu’ailleurs ? Le décalage entre la majorité du PS et ses électeurs est général : bien qu’elle disposait de 100 % des moyens du parti, de son autorité, des affiches, des meetings, du soutien des médias, elle n’a convaincu que 41 % des électeurs socialistes. Ces derniers ont largement préféré le "non" socialiste défendu par une minorité dépourvue de moyens et de tout soutien médiatique. La victoire générale du "non", dans 84 départements sur 100, avec 55 % des voix et une forte participation de 70 % indique que ce traité constitutionnel posait un vrai problème de fond aux Français. La sociographie précise du vote montre que c’est la droite et les cadres supérieurs qui ont porté le "oui", tandis que c’est la gauche et les classes populaires qui ont fait la victoire du "non". C’est là l’évidence que le parti socialiste doit désormais prendre en compte par-delà sa divergence interne sur le référendum.

Il est grand temps d’écouter le peuple de gauche. Car ce n’est pas la première fois qu’il indique la bonne direction ! Déjà le 21 avril 2002, notre candidat avait été éliminé au premier tour à la suite d’un déplacement du centre de gravité de la gauche vers la gauche et non pas d’un basculement vers la droite. En 2003, ce mouvement était confirmé avec près de 30 millions de jours de grève, 140 jours de lutte, 11 journées nationales enseignantes, 9 journées interprofessionnelles, 4 journées avec plus de 2,2 millions de manifestants... Chirac n’a pas voulu entendre la rue, il a été battu deux fois dans les urnes en 2004. Et le mouvement social a redémarré les 18-20 janvier, 5 février, 5 et 10 mars 2005 nourrissant le "non". Le peuple de gauche français, majoritairement et avec constance, dans les élections comme dans la rue, indique qu’il veut une vraie politique de gauche antilibérale, et non pas du "social-libéralisme".
La réponse de MM. Chirac, Villepin et Sarkozy est connue d’avance : prétendument pour faire descendre le chômage, ils vont flexibiliser le Code du travail, faciliter les licenciements, l’exclusion des chômeurs, développer des emplois aidés avec des cadeaux supplémentaires aux employeurs. En 100 jours, tout ce qu’ils peuvent réussir, c’est pousser le mouvement social à gronder à nouveau. Il n’est pas certain que le quinquennat de Chirac se prolonge à son terme. La logique voudrait qu’il y ait des élections anticipées. Il y a donc urgence sociale à prendre les initiatives anticipatrices : appeler toutes les forces de gauche qui le veulent, sans exclusives, à débattre immédiatement d’un programme commun d’action pour un gouvernement de gauche alternatif et désigner les candidats sur cette base.

Cela commence par une bataille publique unitaire pour une Assemblée constituante européenne, pour une Europe sociale, autour notamment des 7 exigences formulées à l’unanimité en 2003, 2004 par le Parti socialiste : harmonisation sociale par le haut, Smic unique européen, Europe des 35 h, harmonisation fiscale, défense et extension des services publics, l’initiative des lois au Parlement européen, une Banque centrale européenne sous contrôle démocratique et une politique monétaire favorable à l’emploi, gouvernement économique, assouplissement des procédures de révision de la Constitution, etc.

Cela commence aussi par l’engagement ferme d’abroger les mesures antisociales de la droite, la loi Fillon contre les retraites, la loi Douste-Blazy contre la Sécu, la loi Raffarin-Larcher contre les 35 h, les lois Fillon contre le Code du travail, contre l’école. Et la promesse d’une vraie priorité à la lutte contre le chômage, par la baisse du coût du capital et la meilleure rémunération du travail, par la réduction du temps de travail hebdomadaire et sur toute la vie, par l’emploi public partout où il est nécessaire, par la redistribution au profit des classes populaires, etc.

Un tel programme demande l’unité de la gauche mais aussi l’unité des socialistes. Le débat sur le « oui » ou le « non » a été tranchée le 29 mai par nos électeurs. On doit à présent travailler tous ensemble, dans des conditions qui permettent de réconcilier le parti autour du puissant message de nos électeurs. Le prochain congrès, doit être ouvert et refondateur, et préparé par une commission paritaire rassemblant correctement les sensibilités de notre parti. Il doit viser non pas à régler des comptes sur la question dépassée du référendum, mais à prendre en compte ce qui s’est passé : les leçons du 21 avril 2002 comme du 29 mai 2005 doivent s’imposer à nous, collectivement. Dans cette perspective, nous, qui avons milité, sans moyens, en tentant déjà d’incarner une forme d’unité antilibérale (entre Nouveau monde, Nouveau parti socialiste et Force militante) nous appelons à ce que la gauche du parti réalise aussi son unité.

Marc Dolez, Gérard Filoche, Jacques Généreux, 4 juin 2005.


Le NON n’ est pas un vote de gauche, c’ est un vote de classe ... par Danielle Bleitrach.


François Hollande n’a strictement rien à faire de la Constitution Européenne ... « si Chirac avait mis en jeu son mandat, le PS aurait naturellement appelé à voter NON, comme pour De Gaulle en 69 »... 26 mai 2005.



[1- harmonisation sociale par le haut, clause de non régression, interdiction du "dumping social" par le marché, Smic unique européen, Europe des 35 h, comités d’entreprise européens par la loi, le droit du travail doit devenir constitutif du droit de la concurrence, les lois doivent l’emporter sur le marché

- protection sociale assurée et étendue, retraites, droit à la santé gratuite pour tous, droit au plein et au bon emploi,

- défense et extension des services publics, rejet de l’Agcs et de l’Ami, de la marchandisation des services publics, de l’école et de la santé

- assemblée constituante européenne démocratiquement élue, ratification par les peuples, le pouvoir au Parlement européen, initiative des lois et vote du budget,

- banque centrale soumise au pouvoir politique, chargée d’assurer croissance et emploi de qualité, de lutter contre le chômage, taxation des capitaux pour les fonds structurels élévation du budget permettant d’aligner vers le haut les nouveaux pays entrant et les régions défavorisées

- suppression de la partie 3 et de tout ce qui introduit une politique libérale, ramener la constitution à une règle du jeu démocratique sans anticiper les politiques à suivre

- facilité de révision de la constitution adoptée


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Je crois, juridiquement parlant, qu’il y aurait des motifs sérieux pour inculper chaque président des Etats-Unis depuis la seconde guerre mondiale. Il ont tous été soit de véritables criminels de guerre, soit impliqués dans de graves crimes de guerre.

Noam Chomsky, in "What Uncle Sam Really Wants"

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