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Réserves d’eau : les USA cherchent à contrôler la Triple Frontière, les peuples trahis doivent réagir. Joaquin Oramas, Adolfo Pérez Esquivel.


Granma, La Havane,6 Octobre 2005.


La présence d’un contingent de 400 soldats nord-américains au Paraguay sous le prétexte de la lutte contre le trafic de drogue et le terrorisme mobilise l’attention des organisations et entités progressistes sud-américaines, qui observent avec inquiétude les mouvements de cette troupe à laquelle le gouvernement paraguayen a accordé des privilèges diplomatiques.

Des analystes se demandent ce que ces militaires cherchent sur des territoires dont on parlait très peu jusqu’à ce que des diplomates nord-américains commencent à s’inquiéter de la présence de colonies d’origine arabe dans les villes de la dite Triple Frontière, une zone où confluent les limites du Brésil, du Paraguay et de l’Argentine.

Il s’agit d’une région caractérisée par une grande biodiversité. On y trouve les célèbres chutes de l’Iguazu au milieu d’une végétation fabuleuse, et l’un des plus grands barrages du monde : Itaipu.

Dans la zone se trouve aussi le système aquifère guarani, une des réserves d’eau douce les plus importantes de la planète.


Dans la région de la Triple Frontière vivent environ 470 000 habitants, un chiffre qui inclut une grande communauté arabe de quelque 25 000 personnes (5%), tant musulmanes que chrétiennes. Cette population d’origine libanaise et syrienne s’est établie dans la région il y a près de quarante ans.

Une mosquée à Foz do Iguaçu (Brésil) et deux à Ciudad del Este (Paraguay), outre deux cheiks, un de chaque côté, témoignent de cette présence.

Des immigrants sont aussi arrivés de Chine, de Taiwan et de Corée du Sud (5 000 personnes) et des dizaines de familles en provenance de l’Inde.

Cette zone frontalière, considérée comme une des plus « poreuses » du monde, vit principalement du tourisme et d’un commerce intense. Elle possède une population « flottante » d’environ 50 000 travailleurs, qui se déplacent chaque jour des villes environnantes.

Après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, le regard de congressistes et de sources militaires et de renseignement de ce pays s’est braqué sur la Triple Frontière.

On a dit que là -bas se trouvent des cellules et des camps d’entraînement des groupes extrémistes Hezbollah et Hamas, et on a même spéculé sur la présence d’Al-Qaïda.

Un haut fonctionnaire du gouvernement US est allé jusqu’à suggérer au Pentagone de lancer une attaque en Amérique du Sud, entre autres cibles éventuelles, pour « surprendre les terroristes ». Face à la vague croissante de versions, le Département d’Etat a dû préciser à plusieurs reprises qu’on n’a pas détecté d’activités terroristes à la Triple Frontière, mais il a fait pression sur le gouvernement paraguayen pour qu’il accepte la présence militaire dans le pays. Les Etats-Unis se sont dits préoccupés par la possibilité que la région soit une source de financement de groupes extrémistes au Proche-Orient.

Les Arabes résidant à la Triple Frontière ont nié toutes les accusations formulées à leur encontre, assurant qu’il n’y a pas là -bas un seul terroriste et que les soupçons que Washington fait planer sur eux n’a pas d’autre but que la militarisation de la zone.



Les Etats-Unis convoitent les richesses et l’importance stratégique de la région.

Les organisateurs du Premier Forum Social de la Triple Frontière ont exprimé leur inquiétude face aux menées des Etats-Unis visant à asseoir leur présence et à exploiter la zone. Les Nord-Américains sont particulièrement intéressés par le Système aquifère guarani (SAG), où évoluent déjà des agents de l’armée et du service de renseignement US, qui coïncident avec une avant-garde technique de l’Organisation des Etats américains et de la Banque mondiale. Les 28 660 000 dollars qui ont été affectés à l’étude minutieuse du SAG confirment l’intérêt économique direct de la plus grande puissance du monde et sa soif de contrôler les ressources hydriques et autres en Amérique du Sud, affirment-ils.

Le Système aquifère guarani occupe 1 195 700 kilomètres carrés ; 70% se trouvent sur le territoire brésilien, 19% en Argentine, 6% au Paraguay et 5% en Uruguay. Il peut alimenter en eau 360 millions de personnes, étant donné que sa capacité de réapprovisionnement est de 160 à 250 km3 par an.

Ce système pourrait satisfaire jusqu’à 21% de la demande de l’industrie dans ces quatre pays en 2025, selon un rapport de l’ONU, qui attire l’attention sur la diminution de l’eau et précise que dans 20 ans la demande ans s’élèvera considérablement.

La consommation d’eau potable s’est accrue rapidement. Au cours des 50 dernières années, l’extraction d’eau des rivières et des lacs s’est multipliée par quatre ; il ne faut pas oublier que seul 0.01% de l’eau existant sur la Terre peut être utilisée directement pour les activités humaines, le reste se trouvant dans les océans (97%) et sous forme de neige ou de glace.

Près d’un milliard de personnes n’ont encore pas accès à l’eau potable. Environ 20% de la population totale de la Terre ne disposent pas de cette ressource, et s’ils en dispose elle est polluée.

Si à ceci on ajoute que la population mondiale augmente à raison de 200 000 personnes par jour, on comprend aisément que le problème s’aggrave.

Il existe une conscience générale du fait que l’objectif des prochaines guerres sera l’appropriation de l’eau potable encore disponible, après que les grandes puissances auront annulé ses sources en empoisonnant les rivières, les courants et les dépôts avec une désinvolture que nous pourrions qualifier de suicidaire.

Jusqu’à présent, la guerre de l’eau se livre avec les armes diplomatiques et techniques. Le prétexte d’aider au développement des peuples en se chargeant de l’exploitation de leurs richesses naturelles, auquel personne ne croit, ou la concertation de contrats bilatéraux pour brader les ressources de la nation tout en dissimulant soigneusement les gains fabuleux des transnationales, sont les instruments de cette guerre silencieuse.

Le système aquifère guarani dont il est question, la plus grande réserve au niveau mondial, se trouve depuis pas mal de temps dans le collimateur des Etats-Unis. Le premier pas pour appliquer leurs plans a été d’alléguer que les actes terroristes des derniers temps restés sans explication et sans auteurs directs ont été préparés dans la région de la Triple Frontière.

Le Paraguay a d’ores et déjà accepté l’installation des marines US. Pendant dix-huit mois il « surveilleront et oeuvreront au progrès du pays ». Les informations ajoutent que le gouvernement de Kirchner est en alerte. Il y a déjà eu plusieurs tentatives de manoeuvres conjointes de défense avec des troupes nord-américaines qui réclamaient l’impunité pour leurs soldats.


Hausse de la consommation d’ eau

La pénurie d’eau potable est le résultat d’une grande diversité de facteurs. La consommation d’eau par habitant double tous les vingt ans, ce qui représente plus de deux fois la croissance de la population mondiale. Les systèmes technologiques et sanitaires, en particulier ceux des pays industrialisés, ont encouragé une consommation d’eau beaucoup plus importante que ce dont on a besoin. Mais même avec cette hausse de l’utilisation personnelle de l’eau, son usage domestique et municipal représente seulement 10% de la consommation totale.

L’industrie utilise de 20 à 25% des réserves mondiales d’eau potable, et sa demande augmente de manière drastique. Beaucoup des industries mondiales qui connaissent une croissance rapide utilisent l’eau de manière intensive. Par exemple, seulement aux Etats-Unis, l’industrie informatique emploiera sous peu plus de 1,5 milliard de mètres cubes par an. Toutefois, le plus grand utilisateur est l’irrigation, avec de 56 à 70% de la consommation totale.

L’industrie agricole emploie de plus en plus d’eau pour l’irrigation. La consommation intensive des corporations agricoles est subventionnée par les gouvernements et leurs contribuables, ce qui défavorise le changement des méthodes d’exploitation pour d’autres qui permettent d’économiser l’eau, par exemple l’irrigation au goutte-à -goutte. Outre la croissance de la population et l’augmentation de la consommation d’eau par habitant, la pollution mondiale massive des systèmes d’eau de surface suppose une grande charge pour les réserves d’eau potable encore existantes.

Le déboisement global, la destruction des zones humides, le déversement de pesticides et de fertilisants dans les cours d’eau et le réchauffement climatique sont les principales causes de la fragilité du système aquifère de la planète. Le monde a de moins en moins d’eau. En 2025, la population aura augmenté de 2,6 milliards d’habitants. Au moins les deux tiers de cette population vivront dans de graves conditions de pénurie d’eau, et un tiers dans la pénurie complète. La demande d’eau dépassera de 56% sa disponibilité.

La combinaison de l’élévation de la demande et de la réduction des réserves a retenu l’attention des corporations globales qui prétendent vendre l’eau pour en tirer des bénéfices. La Banque mondiale affirme que l’industrie de l’eau est un négoce potentiel de milliards de dollars. Cette ressource est devenue l’or bleu du XXIe siècle.

La manoeuvre pour sa privatisation coïncide avec la présentation du Consensus de Washington en tant que philosophie économique mondiale dominante. Cette philosophie prône la libéralisation du commerce et de l’investissement, en remettant au secteur privé la responsabilité des programmes sociaux et le contrôle des ressources. Les traités de commerce globaux sont sans aucun doute devenus le principal instrument des corporations commerciales de l’eau et de leurs alliés. Ils font partie de la guerre silencieuse pour le contrôle privé du précieux liquide.

Joaquin Oramas


 Source :
www.granma.cu/frances/2005/octubre/juev6/41fronta.html


L’impunité et l’entrée de troupes des Etats-Unis au Paraguay à l’insu du peuple de ce pays.


Par Adolfo Pérez Esquivel

"Les peuples, trahis par leurs gouvernants, doivent supporter les graves conséquences des décisions qui hypothèquent le présent et l’avenir de leurs pays. Ils doivent réagir avant qu’il ne soit trop tard pour défendre leur dignité et leur souveraineté".


ALAI, América Latina en Movimiento, Buenos Aires, 27 juillet 2005.


C’est avec beaucoup de préoccupation que nous constatons l’accroissement de la militarisation en Amérique Latine et les prises de décision très graves comme celles, par exemple, du Congrès National du Paraguay, qui vient d’autoriser l’entrée de troupes US dans le pays pour une période de 18 mois, à compter du 1er juin de cette année jusqu’au 31 décembre 2006. Cette décision a été dénoncée par le SERPAJ-PY (Service Paix et Justice du Paraguay).

L’histoire se répète à nouveau de ceux qui, du matin au soir, s’activent en cachette et avec de nombreuses complicités, pour se mettre au service des intérêts étrangers au lieu de défendre la souveraineté et les droits de leur peuple.

Cet événement met en évidence la complicité du gouvernement du Paraguay et des législateurs qui ont approuvé cette décision, en cachette de leur peuple, tout en hypothéquant le présent et l’avenir du Paraguay. On doit pourtant bien garder en mémoire que lorsque les troupes des Etats-Unis entrent dans un pays, elles ne se retirent plus. Les faits sont là pour le confirmer. Nous en avons pour preuve quelques exemples, comme celui de la base militaire de Manta en Equateur, celle de Guantanamo à Cuba, aujourd’hui transformée en prison où sont violés les droits humains des prisonniers, et les nombreuses bases militaires installées dans les pays d’Amérique Centrale.

Cette situation est encore plus grave si l’on tient compte de l’immunité exigée pour les troupes des Etats-Unis et même pour le personnel civil qui les accompagne. En effet, pour n’importe quelle violation des droits humains et du droit des peuples qu’ils pourraient commettre, ils jouissent d’une totale impunité, et ne sont sujets que des décisions prises par les Etats-Unis et non de celles du pays dans lequel ils peuvent commettre des délits. Cette situation génère un état de "non-défense juridique" du peuple paraguayen face aux troupes des Etats-Unis qui ne reconnaissent ni la compétence du Tribunal Pénal International des Nations Unies, ni celle du Droit International. Dans le Contrat signé avec le Gouvernement du Paraguay, la grande puissance se dégage de toute responsabilité en ce qui concerne les dommages qu’elles pourraient causer à la santé des populations et au milieu environnemental, et de même, aux ressources de la population.

Les Etats-Unis, avec leur hégémonie politique, militaire et économique, ont de grands objectifs stratégiques qu’ils justifient par leur campagne contre le terrorisme et le narco-trafic. Cependant, ils se gardent bien de parler du "Terrorisme d’Etat" qu’ils pratiquent dans d’autres pays.

Nous devons nous souvenir que les Etats-Unis ont formé dans l’Ecole des Amériques au Panama et dans les Académies militaires des USA, plus de 80 000 militaires latino-américains afin de pouvoir imposer partout la Doctrine de Sécurité Nationale qui a abouti à l’implantation des sanglantes dictatures militaires qui ont ravagé tous les peuples du continent et dont nous supportons les conséquences jusqu’à aujourd’hui.

Dans le projet de domination que les Etats-Unis cherchent à nous imposer, nous pouvons signaler quelques axes fondamentaux :

1°.- Le "Plan Puebla-Panama" pour le contrôle de l’Amérique Centrale et des Caraïbes, avec la récente invasion d’Haïti et le renversement du président Aristide. De même, l’agression au Vénézuela, où ils ont appuyé le coup d’Etat qui a échoué contre le président Chavez .

2°.- Le "Plan Colombia" pour la Région Andine, et la présence militaire US dans le conflit colombien avec la Base militaire nord-américaine de Manta, cédée par le gouvernement équatorien pour le contrôle du Pacifique et de la région andine.

3°.- La région de la "Triple Frontière" où, depuis les années 90, ils ont lancé une campagne d’opinion pour la définir comme "zone de terrorisme islamique", afin de justifier l’installation d’une base militaire que concède aujourd’hui le gouvernement du Paraguay. A cette occasion, les cours prévus pour les forces armées paraguayennes les mettront sous les ordres du Commandant US du "Comando Sur" (South Com) et de l’ambassadeur des Etats-Unis. Tout ceci, bien sûr, affecte gravement la souveraineté nationale.


En fait, les véritables raisons qui suscite l’intérêt des Etats-Unis pour cette région de la "Triple Frontière" sont à chercher dans l’ "Acuifero Guarani", la réserve d’eau de la région guaranie. En effet, c’est une des plus grandes réserves d’eau potable du Monde, et l’eau est un produit qui devient chaque jour plus rare. Dans cette stratégie continentale, on trouve aussi les conflits régionaux comme, par exemple, la situation qui s’aggrave chaque jour de façon plus intense en Bolivie, pays limitrophe du Paraguay, et la pression de la présence sociale, culturelle et politique des peuples qui s’accroît sans cesse dans la région et que certains perçoivent comme une menace pour leurs intérêts hégémoniques. Il en est de même à Cuba où le peuple cubain supporte depuis plus de 40 ans le blocus unilatéral des Etats-Unis.

Avec cette décision du gouvernement paraguayen, les Etats-Unis referment le cercle de leur stratégie hégémonique en Amérique Latine, et mettent en péril la souveraineté des peuples en imposant en même temps que leur projet militaire, leurs autres axes de domination comme l’ALCA , (l’Association de libre commerce pour les Amériques), et en faisant pression sur les conditions de remboursement de la Dette Extérieure, injuste et immorale, que les peuples doivent payer en supportant la faim, la pauvreté et l’exclusion sociale, pendant que leurs gouvernants, élus par le vote de ces mêmes peuples, agissent en cachette en les trahissant.


NOUS LANCONS UN APPEL URGENT AU PRESIDENT DU PARAGUAY ET AUX LEGISLATEURS DE CE PAYS POUR QU’ILS N’HYPOTEQUENT PAS LE PRESENT ET L’AVENIR DU PEUPLE PARAGUAYEN.

- Nous leur demandons de rejeter l’installation d’une base militaire nord-américaine dans ce pays,

- Nous réclamons au gouvernement et au Parlement d’agir avec dignité pour la défense de la souveraineté nationale et avec le respect que mérite le peuple paraguayen.

L’unité et la solidarité de toute l’Amérique Latine nous paraît nécessaire pour réaliser des projets communs avec la participation de tous ses peuples afin de construire la Grande Patrie, libre de toute domination.

Adolfo Perez Esquivel - Prix Nobel de la Paix.


 Source :
www.elcorreo.eu.org/article.php3 ?id_article=2472


L’eau convoitée de l’aquifère Guarani, par Hinde Pomeraniec.


 Sur RISAL : Bataille pour l’or bleu à la « triple frontière »
par Elsa M. Bruzzone.<BR>
http://risal.collectifs.net/article.php3?id_article=801




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