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Spitzer et la morale perverse de l’Amérique

Note du rédacteur en chef de Consortium News : la presse américaine n’a pas assez de colonnes pour parler du scandale qui a récemment obligé Eliot Spitzer, Gouverneur de New-York, à démissionner, et qui a fait goûter leur propre médecine aux hommes de main de la morale de Wall Street.

Mais, le contrepoint non exprimé à la disgrâce de Spitzer, est la façon dont la même presse américaine rend compte des appels publics à la destitution de GW Bush ou de Dick Cheney (à propos des crimes de guerres ou des violations de la constitution américaine), qu’elle considère aussi dingues et aussi indignes d’un débat sérieux. Dans cet essai (écrit avant la démission de Spitzer), le Rabbin Michael Lerner analyse la perversité de la morale de l’Amérique.

Les attaques contre Elliot Spitzer, venant de tous les bords politiques, et l’insistance avec laquelle on a demandé sa démission, montrent simplement à quel point la droite puritaine a été capable d’empêcher tout autre raisonnement éthique dans la société américaine.

Aller voir des prostituées est légal dans certains états américains et dans certains pays, et c’est souvent un arrangement qui sauve des familles de l’éclatement, quand le désir a diminué mais que l’amour demeure intact. Il n’est pas inhabituel pour les hommes (et pour les femmes de plus en plus aussi) qui ont acquis beaucoup de puissance dans notre société, dans une attitude de chasse effrénée du pouvoir (même si, comme dans le cas de Spitzer, le pouvoir a pour but des causes louables) de ressentir un grand vide et une grande solitude qui n’est comblée ni par les amis, ni par le conjoint. D’où l’envie de rechercher une compagnie extérieure, aussi superficielle soit-elle, qui ne soit liée ni à des règles ni à des rôles établis.

Néanmoins, beaucoup de personnalités du monde religieux et spirituel, ainsi que moi-même, nous opposons à ces pratiques quand elles impliquent l’adultère ou la prostitution, car alors elles signifient la transformation en objet d’un être humain, si bien que le sexe devient un acte déconnecté de toute rencontre significative avec l’esprit divin de l’Autre ou de toute reconnaissance profonde de cet esprit ; alors que c’est la seule voie qui permette de surmonter une aliénation existentielle ou situationnelle.

De plus, la traite des femmes à des fins sexuelles mène très fréquemment au viol ou à d’autres abus, ainsi qu’au kidnapping de jeunes femmes vendues comme esclaves sexuelles. Toutes ces pratiques indignes sont détestables et devraient être combattues.

L’étalage de la sexualité dans les médias, ainsi que le message implicite que la seule satisfaction réelle provient du fait d’avoir pour partenaires les personnes les plus attirantes physiquement, ne génère pas seulement une immense insatisfaction, même quand elle permet à des publicitaires de devenir des prédateurs, manipulant notre sentiment personnel d’insuffisance pour nous vendre leurs produits, mais aussi des désirs qui alimentent le commerce sexuel des femmes.

Dans ce contexte social, et jusqu’à ce que la satisfaction sexuelle soit disponible de manière générale dans notre société, pour que personne n’ait à en payer le prix fort et qu’elle reste intimement liée à l’amour, pour que personne ne soit un objet dans ce processus, ce genre d’exploitation des femmes et de dégradation du sexe est susceptible de continuer. De plus, toutes ces pratiques encouragent les prédateurs sexuels de notre monde contemporain.

C’est pourquoi Elliot Spitzer mérite sa disgrâce et devrait se repentir pour ce qu’il a fait. Son arrogance morale d’hier et sa volonté de poursuivre en justice, quand il était au pouvoir, ceux qui participaient à la création de réseaux de prostitution, en ont fait une cible facile. Nous, à notre tour, devrions pratiquer le pardon que nos traditions religieuses et spirituelles prêchent, tout particulièrement ceux d’entre nous qui ont voulu faire face honnêtement à leurs faiblesses, ceux qui échouent parfois à incarner dans leurs relations avec les autres, les valeurs qu’ils épousent publiquement. L’humilité et la compassion font aussi partie du chemin de la progression spirituelle.

Perversité morale

Mais l’intensité des critiques envers le gouverneur de New York, ainsi que l’exigence de sa démission, nous en montre encore plus sur la perversité morale de la société américaine que sur Spitzer. Le président des USA et le vice président, travaillant de concert avec plusieurs officiers de haut rang de notre gouvernement, ont menti et déformé la vérité pour nous impliquer dans une guerre qui a mené à la mort plus d’un million d’Irakiens, au déplacement de 3 millions de personnes, à la mort de 4000 Américains et à plus de 10 000 blessés.

Après l’opposition d’opérette du Congrès, nos représentants élus ont voté en masse des budgets finançant cette guerre, plutôt que de refuser de financer des projets militaires jusqu’à ce que le président arrête la guerre et retire nos troupes. Pendant ce temps, notre gouvernement s’était ouvertement engagé dans des actes de torture, des écoutes téléphoniques, et dans la violation de nos droits et des droits de l’homme dans le monde entier. La sénatrice Dianne Feinstein et le sénateur Charles Schumer ont voté en faveur d’un juge de droite qui refusait de condamner ces crimes, pour le confirmer dans son poste de Ministre de la Justice.

Le gouvernement US a rejeté toutes les tentatives de mise en oeuvre des accords environnementaux de Kyoto, ou la proposition d’établir d’autres accords suffisamment solides pour freiner la destruction de l’environnement, ce qui mènera très sûrement à des catastrophes dans beaucoup de pays pauvres, la conséquence en étant des dizaines de millions de morts. L’Administration Clinton a passé, avec l’aide des grandes entreprises, toute une série d’accords qui ont permis la ruine des fermiers de plusieurs pays en voie de développement, les obligeant à quitter leurs terres et à vivre dans les bidonvilles des grandes cités, où leurs enfants sont souvent vendus comme esclaves sexuels.

Le système économique mondialisé que nous avons encouragé a creusé un fossé toujours plus grand entre les riches et les pauvres, si bien qu’une personne sur trois sur la planète vit avec moins de deux dollars par jour, un milliard et demi de personnes ont moins d’un dollar par jour et plus de 15 000 enfants meurent chaque jour de maladies liées à la malnutrition et au manque de médicaments ; ceux-ci étant détenus par les pays riches qui peuvent en payer le prix et ainsi, assurer des profits énormes à l’industrie pharmaceutique.

Les compagnies d’assurance maladie et les profiteurs de la médecine privée font tout ce qu’ils peuvent pour qu’il n’y ait bientôt plus de soins médicaux pour des dizaines de millions d’Américains, à moins que ces soins ne soient fournis de manière à garantir des super-profits aux grandes entreprises et par là , garantir que le coût total de la santé payé par les impôts soit énorme, ce qui provoquera la colère des instances gouvernementales. Finalement, elles cesseront de financer les programmes de santé publique.

Le peuple des Etats-Unis a dû faire face à de nombreuses crises économiques régionales, et bientôt nationales, parce que les entreprises délocalisent leurs usines en Asie où elles peuvent exploiter des travailleurs moins soutenus par leur état ou leurs syndicats, et où elles peuvent détruire l’environnement sans contraintes. Avides de profits gigantesques, les entreprises et les puissants ont soutenu des politiciens qui ont baissé les impôts des riches, afin de mettre les services publics en faillite, ou de réduire leur capacité à financer une éducation de qualité, une médecine de qualité, des bibliothèques, des transports publics et la protection sociale.

Le fait qu’il n’y ait personne pour dénoncer ces membres du gouvernement et ces grands patrons, et pour les obliger à démissionner immédiatement, le fait qu’il n’y ait pas de scandale dénonçant ce système à l’origine de tous ces effets désastreux, voilà où se trouve la perversité morale de l’Amérique. Au lieu de cela, le seul crime contre l’humanité que les médias prennent au sérieux et dont les politiciens ont peur, est d’être exposé au public pour leur immoralité sexuelle.

Tandis que tout le monde se complaît dans ses exigence vertueuses contre Spitzer, nous permettons tous aux médias et aux élus de déformer fondamentalement notre vision de la morale et de l’exposer sur la plus petite scène possible, tout en continuant à ignorer les conséquences personnelles et globales de nos grandes faillites morales.

Article original
Spitzer & America’s Perverse Ethics
http://www.consortiumnews.com/2008/031208a.html

Traduction Valérie SILVESTRE pour le Grand Soir

URL de cet article 6209
  

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