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Une monstruosité médiatique : LCI

Dans la propagande occidentale sur la guerre en Ukraine, les medias lourds français, officiels et officieux, à part quelques exceptions, se font particulièrement remarquer dans un soutien sans nuance au pouvoir ukrainien. En France la palme revient incontestablement à la chaine d'information continue LCI.

Pour qui veut connaitre ce monde fou où nous vivons, dans cette hantise d’une probable Troisième Guerre mondiale, je recommande de suivre cette chaine d’information. Chez eux aucune trace de cette hantise. Pour eux c’est de la propagande, du "bluff russe". Ils se réjouissent de chaque escalade dans les armements, de chaque pas en avant vers le gouffre. Ils en rient même souvent, tranquillement installés sur les plateaux, visionnant parfois une vidéo dont on a expurgé pour les téléspectateurs les scènes trop sanglantes.

Le grand Guignol

Du matin jusqu’au soir, c’est sur LCI le grand guignol, l’auberge espagnole. Il y a de tout, des généraux en retraite, des analystes politiques, des spécialistes du monde slave, de la Russie et du monde soviétique qu’ils confondent allègrement, des transfuges russes, des espions, des anciens espions, des nouveaux, des gens des services secrets, des qui-viennent-d’arriver . Il y a même d’anciens ambassadeurs français en Russie qui viennent se joindre au concert des récits d’horreurs sur la Russie, ce qui est, convenons-en, bien inélégant pour des personnes qui ont été accréditées dans ce pays. Mais les temps sont durs, et les retraites apparemment insuffisantes.

Tous, sur le plateau, sont déclarés "spécialistes", et quand ils ne le sont pas, ils sont dits "éditorialistes". Ils sont tous compétents et leur compétence est d’ailleurs interchangeable : l’ambassadeur parle art militaire, le militaire parle diplomatie, politique et même économie, l’éditorialiste politique de stratégie militaire et de qualité de l’armement.

Dans les séquences particulièrement savoureuses, il y a le classique du transfuge fraichement arrivé de Russie. C’est étonnant comment ils ont appris vite le français, comme cette présentatrice de la télé d’État russe qui, un jour, on s’en souvient, en plein journal télévisé russe, a brandi un carton antiguerre pour réapparaitre étrangement, soudain, quelques semaines plus tard, sur les plateaux de LCI. Peu bavarde, elle en disparaitra aussi soudainement.

On presse les transfuges de questions. On veut les voir confirmer certains thèmes de la propagande occidentale, par exemple que l’opinion russe est contre la guerre, mais qu’elle ne peut s’exprimer, qu’il y a des failles, des fissures qui apparaissent dans le régime de Poutine, qu’il est en fin de course, On sent néanmoins chez certains de ces dissidents parfois quelques réticences à aller dans la direction demandée. Ceux-là ne seront plus invités.

Ces vieilles dames qui donnent le frisson

Autre séquence savoureuse, et régulièrement programmée, c’est celle de ces dames d’un certain âge, dites spécialistes de la Russie pour y avoir vécu, comme cette madame Galia Ackermann, arrivée depuis longtemps en France, en 1984 après un détour par Israël de 1973 à 1984. Elle alterne sur le plateau de LCI avec une autre vieille dame, Hélène Blanc, présentée comme politologue spécialiste de la Russie et de l’URSS. Ces deux dames semblent tout droit sorties d’une roman d’Agatha Christie. Elles débitent d’un ton monocorde des horreurs sur les Russes et la Russie, à vous glacer le sang.. Un flot intarissable. "Assassinats, mafia, empoisonnements". Leur haine de la Russie est fascinante. Hélène Blanc est coautrice, avec Renata Lesnik, d’ ouvrages aux titres charmants : L’Empire corrompu (1990), Qui abattra Eltsine ? (1992), L’Empire de toutes les mafias (1996), Le dossier noir des mafias russes (1998), Le mal russe : du chaos à l’espoir (2000). Son dernier livre :Goodbye Poutine. Du KGB aux crimes de guerre (mars 2023). C’est dire son absence de parti pris. Renata Lesnik, a, en outre, signé seule, un livre intitulé Mariée au KGB (2010). Refugiée russe en France depuis 1981, elle y est morte en 2013. Elles sont toutes deux criminologues. De quoi faire courir des frissons sur le plateau dans son récit journalier sur la Russie.

L’autre dame, Gallia Ackerman n’est pas en reste : elle est coautrice d’un livre, aussi charmant, intitulé,Le livre noir de Vladimir Poutine.

Les généraux de plateau

Mais le clou du spectacle, c’est indéniablement les militaires, les généraux en retraite qui sont apparus cette année sur les plateaux, On les appelle d’ailleurs "les généraux de plateau". Ils y sont si souvent et si longtemps, à toute heure, qu’on se demande s’ils n’y campent pas. Il parait qu’ils sont payés aux jetons de présence et à la durée, et qu’on se bouscule au portillon. De fait, ils sont de plus en plus nombreux. Ils interviennent même de chez eux par Skype. Leur expérience militaire est celle d’interventions "pour la liberté et la démocratie" et "la libération des peuples d’affreux dictateurs" : Bosnie, Kosovo, Irak, Afghanistan, Lybie, Syrie, Mali. Pour presque toutes, des interventions de l’OTAN, et on dira après cela que l’OTAN est une organisation défensive. Parfois emportés par la nostalgie du "bon vieux temps", ils avouent leurs faits d’armes. En fait, toute leur expérience militaire du combat, se réduit à celles-là, celles d’ interventions peu risquées. Rien à voir avec une guerre de haute intensité comme la guerre en Ukraine, et un adversaire comme la Russie. C’est dire la limite de leur expertise militaire. Ils se trompent à peu près régulièrement. Ils ont glissé peu à peu, à part quelques rares exceptions louables, dans un rôle de pur propagandiste qui porte certainement tort à l’image de l’armée française : l’armée ukrainienne est parée de toutes les qualités, "respect du soldat, souci des pertes humaines , esprit patriotique, courage, créativité," "acquisition des normes de l’OTAN", "assimilation de la rationalité occidentale, modernité" etc. L’armée russe, elle, est le contre-exemple absolu : "officiers incompétents, désorganisation, mépris de la vie du soldat considéré comme de la chair à canon, lourdeur "soviétique", corruption généralisée, pertes énormes d’hommes et de matériel, soldats alcooliques, déserteurs, on leur tire dans le dos quand ils reculent au combat etc..".

Les généraux font la guerre... de l’information

Sur le plateau, ces généraux finissent peut être par croire qu’ils font la guerre, qu’ils ont repris du service puisque c’est, comme ils le répètent d’ailleurs, éblouis par leur nouvelle visibilité, avant tout une guerre de l’information. Oui, mais il reste le critère incontournable : le résultat sur le terrain, et là souvent ça patauge et les explications cafouillent.

L’appétit venant en mangeant, nos généraux de plateau ont glissé peu à peu de la propagande à la politique, et même à la géopolitique, donnant leur avis sur tout : sur "les luttes de pouvoir en Russie", sur l’économie russe, sur les BRICS, la Chine, l’Inde, le G20, le G7 les bouleversements internationaux en cours, l’Union européenne. Ils y prennent goût comme s’ils avaient toujours rêvé à cette synthèse du militaire et du politique. Ces généraux retraités, qui occupaient souvent des postes élevés, gardent d’évidence de solides liens avec leurs collègues, et cette guerre en Ukraine pourrait avoir des conséquences inattendues sur la politisation des armées occidentales. On peut noter, en même temps, à travers leur interventions, et au grand jour désormais, à quel point l’armée des EU a pénétré les armées occidentales. De temps en temps, cependant, percent chez certains des accents nationalistes gaullistes, mais ceux-là sont rares sur les plateaux et préfèrent d’évidence ne pas exposer leur image.

Dans tout cela, chose extraordinaire, on ne parle presque pas de l’Ukraine. On ne parle que de la Russie, et même que de Poutine, dont on épie chaque fait et geste. La chaine a un correspondant permanent à Moscou mais pas à Kiev. S’intéresse-t-on au fond à l’Ukraine dans cette guerre ? Pourtant on aurait bien aimé savoir ce qu’est la vie quotidienne en Ukraine, la vie économique, sociale, culturelle, le niveau de vie, le taux de chômage, avoir un aperçu des débats à l’Assemblée nationale ukrainienne, des partis ; le taux de change de la monnaie ukrainienne. On n’a jamais des images de la télé ukrainienne mais on en a de la télé russe. Ne parlons même pas des pertes ukrainiennes sur lesquelles le silence est absolu, ce qui indique bien qu’il y a là un grave problème.

La Méduse

L’apogée de cette journée sur LCI, c’est l’émission de fin de soirée : " Éric Brunet et compagnie". Alors là, c’est le délire. L’animateur vit continuellement dans un monde anachronique, virtuel, quelque part entre l’URSS et la Russie et il y entraine toute sa joyeuse équipe de plateau pour qui cette guerre est une source continuelle de plaisanteries plus loufoques les unes que les autres. On fait des déclarations politiques tonitruantes et emphatiques où on dit "qu’il aurait fallu un procès de Nuremberg pour les crimes soviétiques, ce qui aurait évité la situation actuelle". Une transfuge russe , qui a fait son coming out occidental, il a déjà quelques années, arbore sur le plateau une chevelure en désordre, hirsute dans le genre de la mythique Méduse, l’’une des Gorgones. Son ressentiment pour sa patrie a quelque chose de captivant par sa violence retenue et froide. Elle s’astreint chaque jour à donner sur le plateau le plus d’informations ou plus exactement de renseignements, précis sur son pays, sur le pouvoir en Russie, sur son fonctionnement. Elle alterne ses renseignements avec des citations de Tolstoï, Gogol, Dostoïevski, comme pour dire qu’elle est restée fidèle à ses racines et apaiser ainsi son âme apparemment tourmentée.

Ça dérape souvent sur le plateau comme cette franco ukrainienne, Alla Poedie, en France depuis 30 ans, dès l’indépendance de l’Ukraine, qui se vante d’avoir travaillé avec Gorbatchev, mais qui n’a pas hésité à dire un jour sur le plateau de LCI que "les russes étaient des rats et des cafards qu’il fallait écraser" sans que personne ne réagisse. Elle admoneste d’ailleurs souvent sur le plateau ceux qui lui paraissent un peu trop timides, un peu trop nuancés dans leurs jugements sur cette guerre. "Êtes-vous avec Poutine ou avec nous ?", sans que personne n’ose s’insurger, tout juste un faible "vous m’avez mal compris". Elle va jusqu’à traiter les Français de "lâches". Corriger certains intervenants, c’est ce que font d’ailleurs aussi les Franco-Ukrainiennes reparties en réseau sur d’autres plateaux, chacune relayant les informations en provenance des services ukrainiens, ce qu’elles ne cachent même pas. L’animateur, lui, Éric Brunet a traité le soir du 14 juillet de "deputaillons" les députés français qui ont exprimé des réserves sur la fourniture par la France de missiles de longue portée, sans qu’il y ait au moins un débat à l’Assemblée nationale. On ne peut même pas imaginer ici que quelqu’un puisse émettre un avis diffèrent, même nuancé, sur la Russie. On est bien devant un système d’information totalitaire. Mais une telle dictature ne peut que se payer tôt ou tard par une perte du sens du réel.

La bacchanale de la fin

La journée d’information sur LCI se termine régulièrement dans une sorte de bacchanale médiatique. C’est la plupart du temps un concours de quolibets, d’insultes, de moqueries, de plaisanteries douteuses sur Poutine qui donnent lieu à de gros rires, des remarques désobligeantes sur tout, sa démarche, son sourire, ses bains de foule qu’on déclare de suite arrangés, ses sosies (à l’époque de la reconnaissance faciale !), ses maladies chroniques mortelles, ses crimes passés et à venir, on le traite de "petit malfrat de Saint Petersbourg", de lâche terrorisé par la maladie, de "parrain à la tête d’un État mafieux" etc. Dans quel autre pays a-t-on vu un chef d’État traité par une chaine de télévision quasi officielle de la sorte ? Et il s’agit du chef d’un État historique millénaire, de l’État le plus vaste du monde. Le faire, c’est renoncer à tout projet de dialogue de paix. C’est insensé.

Le système médiatique français actuel a fini par enfanter une monstruosité médiatique telle que LCI. Il faut en effet noter que LCI est le seul media télévisé occidental à être consacré exclusivement à la guerre en Ukraine.
Il y a quelque chose de terriblement malsain dans tout cela. Depuis le début du conflit en Ukraine c’est en fait le même récit, les mêmes thèmes répétés cent fois : l’agression russe, les crimes de guerre russes, les mensonges russes, les russes qui se tirent une balle dans le pied en détruisant leur propre gazoduc, en sabotant le barrage de Kakhovka, qui leur fournit l’eau en Crimée, en se bombardant eux-mêmes sur la centrale de Zaporijia, en organisant pour des raisons sombres des attentats contre des intellectuels russes pourtant nationalistes, la barbarie russe, une armée en débandade. Et pourtant cette armée russe a renforcé, jusqu’à présent, ses positions.

De ces récits récurrents, servis en boucle, 24 heures sur 24, il reste à la longue une impression de lassitude, d’écœurement, de tristesse infinie. On se demande si les relais de cette propagande sur les plateaux pourront ainsi conserver longtemps leur santé mentale.

L’existence d’un débat, le respect des normes de l’information est indispensable à la qualité de l’information. LCI et d’autres médias occidentaux vivent une contradiction éditorialiste intenable. Ils proclament qu’ils ne sont pas en guerre contre la Russie et pourtant ils doivent mener contre elle une féroce guerre de l’information, une guerre sans aucune règle, sans aucune déontologie professionnelle. Par contre, sur la guerre en Ukraine, la situation du monde non occidental est bien différente, plus équilibrée. Il n’est concerné en aucun cas dans cette implication, militaire et économique, de l’Occident dans le conflit en Ukraine. Sur ce conflit, la qualité, l’objectivité de son information s’en ressent et c’est l’information non occidentale qui désormais donne l’exemple à l’Occident en matière de déontologie de l’information.

Trop de propagande tue la propagande.

Le monde occidental a perdu finalement la guerre de l’information. Trop de propagande tue la propagande. Le reste du monde est devenu totalement rébarbatif à l’information occidentale. Il en est arrivé à la rejeter globalement et en détail. Tout ce qui vient en la matière de l’Occident lui parait suspect. Le système médiatique occidental en est réduit ainsi à tenter de garder une influence sur l’opinion occidentale mais même là la partie semble commencer à être perdue si l’on considère ce qui se passe sur le système médiatique alternatif.

Un changement gigantesque s’est opéré depuis quelques années, et singulièrement depuis le conflit en Ukraine ou alors s’est révélé à l’ occasion de ce conflit : il y a à peine quelques années, les paradigmes dominants étaient encore occidentaux. Ce sont ceux qui avaient dominés l’interventionnisme occidental de l’Irak à la Lybie : guerre contre le terrorisme, exportation de la démocratie, luttes contre l’islamisme, dangers de l’émigration etc. Aujourd’hui, ce temps si proche semble désormais étrangement loin. L’Occident, et ses défenseurs les plus réalistes essaie de reprendre la main en reconnaissant, encore faiblement mais reconnaissent tout de même, ses torts passés, sa politique de deux poids deux mesures, ses crimes contre l’humanité de ces dernières décennies et de proche en proche finalement, tous ceux commis depuis les siècles, durant son hégémonie écrasante sur le monde. Il en découle un autre rapport de force au détriment de l’Occident en matière d’information comme dans d’autres domaines.

En fait tout se tient, il s’agit d’une perte de crédibilité globale. La prétention universaliste occidentaliste a fait long feu. Dans toutes les instances internationales, théoriquement à vocation globale, la dictature occidentale a fait craquer le vernis universaliste. Citons les en vrac : la Cour pénale internationale, les instances olympiques, le système financier international, le FMI et la Banque mondiale, le prix Nobel de la paix etc. Toutes désormais en déficit de crédibilité.

Ce sont les États-Unis et l’Occident qui ont frayé eux-mêmes, ironie de l’Histoire, la voie à la nécessité d’un monde multipolaire et pluraliste.

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Le Printemps des Sayanim
Jacob COHEN
Interview de l’auteur. Pourquoi ce titre ? J’ai voulu que le terme « sayanim » apparaisse d’emblée et interpelle le lecteur. On se pose la question, et la définition se trouve juste dans les premières lignes de la 4e. La problématique est installée, sans faux-fuyants, et sans réserve. Idéalement, j’aimerais que ce terme entre dans le vocabulaire courant, dans les analyses, et dans les commentaires. Voulez-vous nous la rappeler ? Les sayanim - informateurs en hébreu - sont des juifs (…)
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