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The Guardian

Une tradition américaine : De Cuba à l’Irak, histoires de changements de régimes

Richard Gott

La volonté américaine de changer le régime irakien suit de trés près un modèle établi pour la première fois à Cuba en 1898.

La promotion "du changement de régime" dans les pays étrangers n’est pas un phénomène nouveau dans l’histoire américaine. La tradition a commencé il y a 104 ans, en 1898, quand les EU ont décidé d’envahir Cuba - et de s’emparer de Porto Rico, des Philippines et de Guam par la même occasion. Les journaux américains avaient longtemps insulté " l’empire espagnol diabolique" qui avait présidé au destin de ces îles durant prés de quatre siècles et le public américain était assoiffé d’action. Le vieux Premier ministre espagnol à Madrid, Antonio Cánovas et son satrape à Cuba, le Général Valeriano Weyler, avaient été diabolisés dans les années 1890 pour leur responsabilité "dans les violations des droits de l’homme".

Avec raison. Cuba était gouvernée sous loi martiale depuis plus de 75 ans et Weyler, nommé par Cánovas pour écraser une rébellion locale, s’était engagé dans une politique de la terre brulée qui le conduisait à "faire la guerre à sa propre population". Un Demi-million de paysans furent "concentrés" dans des camps périurbains où les conditions sanitaires étaient déplorables. Des journalistes américains installés à La Havane avaient décrit leurs souffrances dans le détail et de manière régulière aux lecteurs américains de la nouvelle presse de masse. Il était question d’une "politique d’extermination".

Deux événements non sollicités ont accéléré l’intervention militaire AMÉRICAINE. Cánovas, le pur et dur, fut assassiné dans le pays basque en août 1897 par un anarchiste italien financé par les rebelles cubains. C’est un exemple d’acte terroriste qui a marché. L’impact de l’assassinat fut immédiat : Cánovas fut remplacé par un nouveau Premier ministre à Madrid qui avait une préférence pour l’autonomie cubaine. Weyler fut retiré et remplacé par un officier plus "liant", qui s’engaga à rechercher une fin négociée à la rébellion. La presse américaine et les rebelles cubains furent ravis par les nouvelles qui présageaient une victoire imminente des Cubains. Mais le sentiment anti-américain sortit aussi renforcé à la Havane dans le milieu des espagnols réactionnaires "loyalistes de l’empire" et trés vite, en 1898, le Maine, cuirassé américain, dut être envoyé à Cuba pour offrir une protection aux citoyens AMÉRICAINS.

L’autre développement inattendu, fut, en février 1898, l’explosion mystérieuse et le naufrage du Maine, alors qu’il mouillait dans le port de la Havane. Prés de 258 marins américains furent tués et les Espagnol rendus responsables de la tragédie. Les EU déclarèrent la guerre à l’Espagne et envahirent Cuba. (Nul ne revendiqua l’explosion et on apprit un siècle plus tard qu’il s’agissait d’un accident.)

La réaction américaine à cet affront fut semblable à celle suscitée par la destruction des Tours jumelles à New York en 2001. Arrivé là en avril 1898, le correspondant du Manchester Gardian, John Black Atkins, décrit des scènes de réjouissance publique : "le drapeau des Etats-Unis était accroché partout dans les rues et les fenêtres. Les bulletins de guerre et les propos belliqueux étaient affichés sur les vitrines... On voyait partout la phrase "souvenez-vous du Maine !"

Les volontaires affluèrent sous les couleurs Américaines, le régiment le plus coloré étant celui des "Rough Riders" mené par Teddy Roosevelt, le secrétaire adjoint de la marine et le Général Léonard Wood, médecin du Président McKinley. Roosevelt prétendait que l’arrivée de la flotte espagnole dans des eaux cubaines, représentait "les armes de destruction massive" de son époque, et qu’elle constituait pour les EU une menace supérieure à celle des rebelles cubains.

La chute de l’empire espagnol eut lieu en août. Les Américains détruisirent sa flotte Atlantique de Santiago en juillet et celle du Pacifique dans la baie de Manila en avril. Bientôt Wood fut nommé gouverneur de Cuba et Roosevelt (après l’assassinat de McKinley en 1901) devint président des EU.

Les Américains s’embarquèrent dans "la reconstruction de nation" (Nation Building) en leur nouvelle colonie, tâche aussi difficile alors qu’elle l’est aujourd’hui. Le congrès des EU avait promis "de pacifier" Cuba et ensuite de "laisser le gouvernement de l’île à sa population". Le Général Wood avait d’autres idées. Il pensait que des Cubains "sensibles" soutenaient l’annexion par les Etats-Unis. Si les élections pouvaient être truquées pour permettre à ces Cubains "sensibles" de gagner, L’île pourrait légitimement être incorporée dans l’union. Les élections furent programmées, mais le droit de vote, même manipulé, a offrit une majorité aux partisans de l’indépendance.

en 1902, après quatre années d’occupation, les Américains furent obligés de se retirer. Mais on mit une mouche dans le remède proposé aux Cubains. Le Sénateur Orville Platt proposa au Congrès américain un amendement que Cuba fut obligée d’incorporer à sa nouvelle constitution. Il donnait aux Américains le droit d’intervenir dans le pays chaque fois qu’ils en éprouveraient le besoin.

Les Américains devaient intervenir plusieurs fois durant les 30 années suivantes, parfois à la demande des Cubains, parfois sur leur propre initiative. "La construction de Nation" recquérait leur attention constante, mais beaucoup de Cubains jugeaient cette tutelle humiliante et cela n’a pas manqué d’alimenter le ressentiment qui a mené à la révolution castriste en 1959 - lequel dure encore aujourd’hui.

La clause finale de l’amendement Platt donnait aux Américains le droit de construire des bases militaires sur l’île. La base navale américaine de Guantánamo est toujours là - pour un usage qui n’avait jamais été envisagé il y a 100 ans.

Article original dans The Guardian : A taste for regime change

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COMMENTAIRES  

25/09/2002 22:26 par Jean-Michel Hureau

Je suis libéral, mondialiste, démocrate et républicain (c’est le comble !).
La preuve :
 J’augmente de 90% sur 10 ans les subventions aux céréaliers.
 J’augmente de 30% les taxes à l’importation de l’acier.
 Je ne respecte pas mes engagements pris lors de ma campagne présidentielle
de réduire les émanations de dioxyde de carbone, principal responsable de
l’effet de serre.
 Je maintiens le blocus envers Cuba contre l’avis de mon prédecesseur Jimmy
Carter et le vote de 167 pays sur 192 aux Nations Unies.
Bref, je m’assois sur l’agriculture, l’industrie, l’environnement ,les
droits de l’homme et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dès lors
que cela ne concerne pas, ou du moins je le crois, mes concitoyens.
Je cautionne aussi la politique arrogante et à caractère fasciste d’Ariel Sharon (ou serait-ce Charogne ?) contre le peuple palestinien.
Evidemment je suis contre tout nationalisme de quelque sorte que ce soit à partir du moment où il ne sert pas mes intérêts.
Par contre j’en appelle au monde entier à défendre la statue de la Liberté
et le pont de Brooklyn aujourd’hui menacés par Ben Laden.
Je m’appelle George Dabeuliou Bouche.
Jusqu’où alons-nous supporter ça ?

"No se puede pedir al pueblo que se inmole por la democracia y la libertad
si la democracia y la libertad no son capaces de darle de comer." Rafael
Caldera. 1992. Presidente de Venezuela

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