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Zidane, la coupe du monde et la France.





Cubarte, 14 juillet 2006.


Certes une coupe du Monde de football relève plus des jeux du cirque et du ramollissement des cerveaux que de l’épanouissement des individus que de ce qu’on pourrait attendre d’un sport, l’épanouissement intégral des être humains. Pendant que l’on s’occupe de cela on oublie le reste. Mais l’engouement populaire peut aussi parfois traduire des choses plus importantes. Maradonna pour l’Argentine, la manière dont le gamin aux pieds d’or a su traduire, malgré ou à cause de ses chutes ou rechutes, le coeur d’un peuple humilié et sa volonté de renaissance. Le plaisir éprouvé devant un exploit, la vitalité, la virtuosité.

Zidane et toute l’équipe de France ont offert à la France ces moments magiques. Cuba vibre à la pelota mais ne connaît pas le football. Un sport national s’apprend dès l’enfance et pour avoir été à Cuba en 1998, je sais à quel point le football demeure encore étranger aux Cubains, ils ignorent à quel point cette équipe est techniquement aboutie, comment chacun y prend sa place au moment opportun. Au point de littéralement paralyser l’adversaire comme ce fut le cas avec le Brésil et son équipe de vedettes individualistes.

Zidane est un magicien, mais il y en a d’autres comme le défenseur Lilian Thuram, le petit Riberi et tous les autres, chacun sait agir au profit de tous. Donc ce sont ces qualités dans laquelle la France se reconnaît. On ne peut pas faire dire à un sport plus qu’il n’exprime, mais je crois qu’il y a là aussi les meilleures qualités de la France.

La France est un vieux pays, les Français ont un tempérament anarchiste, rebelle, à toute autorité, ils apparaissent peu sympathiques parce qu’ils râlent toujours, sont arrogants, convaincus d’être le sel de la terre, à leurs yeux tous les autres peuples manquent de goût, ne sont pas civilisés. La France a été et demeure une puissance colonisatrice, qui non seulement a exploité le continent africain, mais s’est enrichie au commerce triangulaire, reste la seule puissance coloniale dans les Caraïbes.

Quand l’on voit des villes aussi belles que Bordeaux, La Rochelle, Nantes, leurs monuments, leurs immeubles somptueux, on peut toujours voir suinter des pierres le sang et la souffrance des esclaves. Non contente d’exploiter, la France a été incapable de s’ouvrir aux autres, elle a prétendu imposer aux peuples colonisés sa « civilisation », au point de faire répéter aux petits Congolais à l’école primaire : « Nos ancêtres les Gaulois étaient blonds aux yeux bleus ».

Notre équipe de France reflète cette réalité coloniale, les transformations de notre peuple. Au XIX e siècle, les Français étaient blonds aux yeux bleus si on doit en croire les descriptions de Balzac, aujourd’hui les Français sont black, blanc, beurs (arabes en argot), et certains ont du mal à s’y faire. Le Pen le leader fasciste et raciste, d’autres aussi, ne cessent de dénoncer cette équipe, mais les jeunes des cités qui se sont révoltés à l’automne dernier parce qu’on tente dans les maintenir dans le statut de colonisés de leurs parents, crient « l’équipe de France c’est nous, la France c’est nous. » Nous verrons à propos du « cas Zidane » à quel point cette équipe est consciente de représenter la France métissée, anti-raciste, anti-colonialiste, populaire - une nation, d’en exprimer l’esprit mais aussi la tradition.


La France est donc arrogante, individualiste, Victor Hugo disait : « le Français est un Italien de mauvaise humeur. » Oui mais voilà la France a un visage contradictoire. Du point de vue de la qualité de ses productions, elle en est au stade de la manufacture tel que le décrit Marx. Il donne l’exemple de la fabrique de carrosse, comment des artisans excellent chacun dans un art apporte sa pièce parfaite et la monte. Ou encore une troupe de théâtre, rien de plus individualiste, jusqu’à l’hystérie, qu’une troupe de théâtre, les électriciens, les décorateurs, les habilleuses, les acteurs, mais quand tout cela fonctionne bien ensemble il y a la magie du spectacle.

L’équipe de France relève de cette tradition française, une technique impeccable, miraculeusement chaque artisan contribue au collectif. C’est très profond, notre paysannerie, nos artisans, mais aussi nos industries relèvent de cela, qu’il s’agisse de l’aéronautique, du nucléaire, ou du luxe, il y a toujours chez chaque ouvrier le goût de la belle ouvrage, la perfection du geste et le travail en équipe, une discipline collective. Si l’on ajoute à cela que nous sommes le pays de l’Etat, de la bureaucratie, avec de grands administrateurs attachés au service public, à la nation, des agents de l’Etat que rien ne peut corrompre comme l’inspecteur Javert des Misérables, on mesure à quel point le néo-libéralisme est profondément étranger à la France.

En 1995, alors que le monde entier subissait la vague néo-libérale sans bouger, la France s’est soulevée dans un grand mouvement de défense du service public, et elle n’a jamais cessé de se rebeller, multipliant les pratiques quasi-insurrectionnelles, y compris le refus de la Constitution européenne alors que 90 % des forces politiques et la totalité des médias faisaient pression en faveur du OUI, elle a dit NON.

Marx nous appelait « cette nation d’émeutiers », et voyait dans la France, le pays de la lutte des classes. De surcroît les Français détestent les Etats-Unis, ils ne supportent pas que l’on vienne leur imposer des modes de vie, que l’on croit être les maîtres du monde. Là encore, on peut leur dire tout le mal que l’on veut de Cuba, ils ont de la sympathie pour ce petit peuple qui résiste à l’Empire. Ils s’y reconnaissent. Comme le dit Fidel dans son discours à l’Université, les Français sont capables de mourir dans les tranchées même pour de mauvaises raisons.

Je passe ma vie à tenter d’expliquer aux Français ce qu’est Cuba, jamais je n’ai cessé de penser à mon pays en le faisant, le fond de mon discours est : « Si eux sont capables de se battre et de gagner, vous pourriez en faire autant ». Mon peuple de cabochards entend cela.


Ce long détour était nécessaire pour faire comprendre ce qu’a représenté Zidane et son geste lors de la coupe du Monde. Spontanément, certes les Français étaient tristes d’avoir perdu la coupe, mais sans même savoir ce qui s’était passé ils ont donné raison à Zidane, ils se sont montré solidaires de l’équipe et de son capitaine. C’était d’autant plus étonnant que le héros de l’histoire paraissait pétrifié, s’enfermait dans son mutisme.

Jacques Chirac, le président, a bien traduit l’esprit des Français en allant le consoler et le remercier dans le vestiaire, en les accueillant tous à l’Elysée. Sur le balcon, face à la foule qui applaudissait et qui criait « Zizou merci, on t’aime », l’équipe a fait une haie d’honneur à son capitaine, toujours muet et honteux. Hier, il a parlé devant les caméras de télévision, il a expliqué ce qui s’était passé. Il a dit « je m’excuse auprès des enfants et des éducateurs parce que ce geste n’est pas tolérable, il donne le mauvais exemple. Mais je ne le regrette pas, parce que regretter c’est dire que l’Italien avait raison, il n’avait pas raison. Je n’attaque personne, je me défends. Il m’avait tenu le maillot, je lui ai dit qu’à la fin du match je le lui donnerais. » A ce propos, il faut se souvenir du geste de Zidane après la victoire contre le Portugal, avec le capitaine de l’équipe adverse, ils ont échangé les maillots, et Zidane a enfilé celui du Portugal et a fait le tour d’honneur sous les couleurs du Portugal.

Une mentalité de grand seigneur, une courtoisie que les Français apprécient. Mais a continué Zidane, l’Italien a commencé à l’insulter, Zidane s’est éloigné et l’autre l’a poursuivi de ces insultes. « Il a dit des choses très dures, contre ma maman, ma soeur, il les a répété trois fois. On ne peut pas laisser passer cela. Je n’ai pas eu un coup de folie, j’étais calme, je devais ne pas tolérer cela. Je le répète mon geste est intolérable et c’était juste de me renvoyer, mais l’Italien est le coupable. Il ne devait pas dire ce qu’il a dit. » Et là , il s’est mis à expliquer ce que représentait l’équipe de France, la conscience qu’ils avaient tous de défendre des valeurs anti-raciste, une France différente, ils menaient ce combat-là et il ajouté : « Ce qui est grave c’est ce qu’a dit le vice-président du sénat italien, ’Nous avons vaincu une équipe de nègres, d’islamistes et de communistes ’, ne croyez vous pas que cela est bien plus grave que mon geste. C’est cela qu’il faut combattre. »

Quand on lui a demandé : « Si vous pouviez repasser le film en arrière, souhaiteriez- vous une autre fin ? » Il a répondu : « Non, cela a été décidé en haut, cela devait être ma fin ! » Il a ajouté « j’ai toujours essayé d’être honnête, je ne suis qu’un être humain avec ses faiblesses ! Je vais commencer une autre vie, loin de la pression, je vais m’occuper de mes enfants, faire un voyage en Kabylie dans le pays de mes parents. » Calme et tranquille, comme ce poème de Joachim du Bellay que répètent tous les enfants français : « heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage et puis est revenu plein d’usages et de raison vivre entre ses parents le reste de son âge ».

La manière dont les Français ont approuvé Zidane nous renseigne sur ce que peut être ce pays. Ils ont le goût du panache, du geste gratuit, un peu à la manière dont un de nos rois, François premier écrivait au soir d’une terrible défaite : « Tout est perdu for l’honneur ! » (Tout est perdu sauf l’honneur). Ils ont apprécié que par sentiment humain, un individu renonce à l’apothéose de la gloire, au hochet d’une coupe, pour revendiquer sa simple dignité, celle de sa mère et de sa soeur. Ils ont reproduit à leur profit le geste de Zidane et n’ont même pas tenté de se présenter comme les véritables vainqueurs. Là encore Zidane a été exemplaire : « je ne sais pas si j’étais resté si nous aurions gagné, le tir au but est une loterie, parfois nous en avons bénéficié, cette fois ça a été l’Italie. » Il n’y a pas eu de manifestations contre les Italiens en général, pas de revendication à une victoire volée. Ils étaient comme Zidane, au-dessus de tout cela.

Il reste à expliquer pourquoi le vice président les accuse d’être des communistes. Je connais la famille de Zidane, sa tante, c’est une militante communiste. Les parents sont des ouvriers très simples, le père a souvent signé des appels à voter communiste. Zidane leur a offert une villa, mais la mère a peur pour son enfant, pour tout cet argent, cette publicité et Zidane ne cesse de reconnaître ce qu’il doit à ses racines modestes, celle du grand ensemble où il a grandi, la Castellane, celle de sa famille et de ses origines kabyles, il porte haut une courtoisie, une modestie populaire et la dignité des humbles, c’est celle qu’il a défendues un soir de coupe du monde, pour son dernier match.

La plupart des autres membres de l’équipe appartiennent à ce monde qui fut jadis celui du parti communiste français, de sa présence dans les quartiers populaires, des mairies ouvrières. Ils lui étaient reconnaissant de ses luttes anti-coloniales, et même si aujourd’hui ce parti n’est plus que le souvenir de lui-même, il conserve une image. Mais je crois que le vice-président italien faisait surtout référence à la querelle qui a opposé Lilian Thuram, soutenu par l’équipe à Nicolas Sarkozy. Quand le ministre de l’intérieur à parlé de la racaille des banlieues et des cités, ce qui a déclenché la révolte de l’automne, Lilian Thuram a dénoncé ces propos, une polémique s’en est suivi. Donc cette équipe aux origines populaires est considérée comme étant à gauche, tout en affirmant et revendiquant sa représentation nationale et ayant à ce titre des relations privilégiées avec le Président de la République.

Voilà pourquoi le cirque qu’est la coupe du monde a donné l’occasion à l’insupportable, l’arrogant et râleur peuple français de montrer qu’il vaut mieux que sa réputation.

Merci Zidane.

Danielle Bleitrach, sociologue.


 Source : Cubarte www.cubarte.cult.cu/fr



Que se passe-t-il à Cuba, par Danielle Bleitrach.


Sur John Lennon, Cuba et les années 60, par José Perez.

Comment Cuba a survécu au peak oil, par Megan Quinn.


Nouveau rapport de la Commission sur Cuba : la recette pour un nouvel échec, par Wayne S. Smith.




 dessin : Alex Falco Chang

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COMMENTAIRES  

14/07/2006 22:47 par Morico

Bravo Danièle pour ton article. C’est la France laique, républicaine , antiraciste, qui considère le sport de masse comme un service public, donc majoritairement de gauche qui était derrière cette équipe et beaucoup de racistes de droite et d’extrème droite faisaient la gueule.

L’histoire coloniale n’est cependant pas qu’un très mauvais film noir et blanc. observons aussi les différences de colonisation . D’un côté les anglais qui ne se mélangeaient pas dans les colonies en Afrique. De l’autre ceux qui acceptaient la mixité : les Portuguais notamment au Brésil et les Français qui défendaient le principe d’égalité de chances des races à l’école. Je sais bien sûr que c’était un double discours permanent pour beaucoup. Mais aujourd’hui les équipes qui dominent le foot sont le Brésil et la France...Hasard ?

15/07/2006 18:26 par Anonyme

petite erreur, les Espagnols et les Portugais se mélangeaient, mais pas les Français. cela tient sans doute à la différence de richesse des terres... La paysannerie française n’avait pas besoin d’émigrer, alors que les espagnols et les portugais venus en masse prenaient femmes et enfants dans le pays, se mariaient et donc se métissaient. Notre immigration a été celle de grands administrateurs, de fils de familles dévoyés, d’aventuriers, qui souvent venaient avec femmes et enfants. Simplement nous avons installé les institutions françaises, l’école et autres... Enfin pour une minorité tout de même...
D’ailleurs regardez dans les pays de colonisation anglaise ou française, les langues coloniales sont restées pour une élite, le français a été créolisé, alors que l’espagnol et le portugais sont devenus les langues d’un peuple métissé, sans créolisation...
Danielle Bleitrach

17/07/2006 18:12 par morico

Mon message trop rapide portait sur la mixité des races ou pigmentations de peau à l’école . L’apartheid notamment scolaire a duré longtemps dans les pays anglophones jusqu’aux années 50 dans le Sud des USA ou dans l’Afrique anglaise et jusqu’en 1990 en Afrique du Sud.
Selon Olivier Todd les mariages mixtes sont aussi beaucoup plus importants en France qu’en Grande Bretagne.

Il faut distinguer les colonisations, selon les densités des régions d’origine et de destination, mais aussi selon les climats. Dans la zone tempérée où les Européens résistaient mieux aux maladies et savaient mettre en place une meilleure productivité agricole, ils ont installé des colonies de peuplement. Il n y a plus beaucoup de descendants d’Indiens en Argentine et aux Etats Unis.
Dans les zones intertropicales ils ont mis en place surtout des colonies d’exploitation.

18/07/2006 14:52 par Levochik

C’est Emmanuel Todd, pas Olivier Todd.

Ceci dit je trouve la reponse de D.B. tres interessante : d’un cote une emigration portugaise ou espagnole populaire, de l’autre cote une "emigration" (je pense le terme ne convient pas trop) francaise faite d’elite appelees a monter institutions etc (buts productifs etc.)

Ca ne contredit donc pas la these de Todd (Emmanuel) d’un peuple francais - au sens vraiement "populaire", un peu comme la paysannerie etait opposes a bourgoisie et noblesse - qui est globalement, comme portugais ou espagnols, non-differentialiste : tu vis a peu pres comme moi, hop je t epouse, que tu soit noir ou blanc ou autre.
En fait, plus que ne pas contredire E.T., je trouve que D.B. alimente le modele explicatif.

En dernier recours, l’immersion ds le pays donne une reponse flagrante : quelques courts sejours aux USA ou Canada ont suffit a me marque profondement sur l’ampleur de la separation raciale et la pauvrete de la mixite. Les noirs americains sont la bas depuis longtemps pourtant...chez nous c ridicule a cote, mais malgre une rethorique souvent violente ou xenophobe chez nous, dans les faits, que de metis...je suis pret a parier qu’en 24h a chatelet les halles on compte plus de nuances de peau qu’en 1 an ds n’importe quelle ville americaine ;)

Mais bon je suis peut etre partial, adorant tous les bouquins de E.Todd ainsi que tout ce que j’ai pu lire de D.Bleitrach (pas bcp encore) ;)

Levochik

PS : pourtant non fan de foot, quel bonheur de lire une femme en parler ainsi. Intelligemment : sans fausse illusion ni jugement peremptoire. J’ai ete pas mal degoute par les articles pseudo-feministes sur le foot parus sur Bellatchao...j’ai meme eu peur de finir macho...heureusement, y’a D.B. ! (Et ma femme...et plein d’autres ;))

19/07/2006 16:02 par Morico

Le foot reflète des clivages idéologiques. Les principes républicains laics sont développés aussi, souvent en moindre proportion, dans d’autres pays à tradition francophone.Il me semble qu’il y a moins d’intégrismes religieux et ethniques dans ces territoires que dans les pays ayant subi la colonisation anglaise : Israel Palestine, Pakistan, Soudan, Iraq, voire même en Grande Bretagne et USA... Il est vrai que l’Angleterre avait colonisé les pays les plus riches en matières premières.

Sur les langues, je connais mal les langues ibériques. Les progrès de l’espagnol aux States malgré la pression médiatique et institutionnelle semblent indiquer que ces langues sont plus faciles que l’anglais.

Cette denière langue est attrappe tout mais hérissée d’exceptions, très difficile à bien maitriser selon le linguiste Claude Hagège. Le français me semble être resté une langue "monarchiste", trop élitiste, régie depuis trois siècles par l’Académie française, dans laquelle les nouveaux entrants sont souvent liés à la rédaction du Figaro. Les réformes pronant une plus grande facilité ont été généralement refusées. Ceci explique aussi les difficultés de la francophonie réellement existante, que je soutiens néanmoins contre l’impérialisme de l’anglo-américain.

Compte tenu de la révolution de l’information qui explique le processus de "mondialisation" et l’Europe, on a besoin d’une langue internationale. Mais l’anglais étant difficile et les Etats Unis, la Grande Bretagne ainsi qu’ Israel ayant des comportements de plus en plus bellicistes et arrogants, je suis pour l’arrêt de la discrimination contre l’esperanto, langue facile neutre et recommandée par l’UNESCO, dans l’enseignement et son admission comme langue pont dans les institutions de l’Union Européenne et à l’ONU. C’est aussi le voeu de Pelé , autre magicien du foot.

19/07/2006 20:24 par Anonyme

merci aux amis de France-Cuba 44, un souvenir chaleureux... Je voudrais dire un autre aspect de la colonisation française, il n’y a aucune colonisation qui présente le moindre aspect positif... Mais il y avait des gens qui en avaient conscience, je pense aux marins qui transportaient des tracts pour la dénoncer, au rôle lumineux d’Henri martin, ou à celui d’Henri Alleg en Algérie... Ou il y a très longtemps les propos peu connus de Marat, ce révolutionnaire si perpicace, quand les coloniaux de la Caraïbe sont venus revendiquer une place à l’Assemblée constituante, Marat a proclamé : "Il faut conseiller à leurs nègres de leur couper le cou"...
Alors aujourd’hui toutes ces eaux se mêlent, une nation se constitue contre ceux qui veulent momifier la France.
Je suis en train de relire le promethée d’Eschyle, ce promethée que Marx disait être le seul saint de l’humanité. L’idée que j’en retire est qu’il faut avoir une profonde conscience de l’unité de l’humanité et viser à sa réconciliation, mais comme le dit prométhée se reconcilier avant le temps alors que règne la tyrannie est folie "sagesse venue trop tôt est folie". C’est l’idée de Marx, l’évolution de l’humanité est ascendante mais ces progrès matériels et spirituels ne se réalisent qu’à travers des épreuves douloureuses, des conflits avec les forces naturelles et sociales. tant qu’il mène cette lutte l’être humain avance vers son humanité en devenir, les contraintes des circonstances et le combat qu’il doit soutenir contre elle lui fournissent les leçons grâce auxquelles il développe en lui son humanité.
La France, comme la planète, "la patrie est l’humanité" disent les Cubains, a toujours avancé dans les contradictions, dans les luttes entre colonisation et émancipation...
Il faut à chaque moment dégager ce qui fait avancer... C’est ma vision optimiste...
Danielle Bleitrach

14/08/2006 15:38 par chni

Bonjour Danielle B,
je vous découvre à travers vos articles et suis bien heureux de lire enfin autre chose que de la "soupe informative" qui me laisse un arrière goût de propagande manichéenne.
Je suis peut-être un gros naïf, peu cultivé, simpliste et révolté mais de vous lire, vous apaisez mes coléres contre une "humanité libérale" que nous vend le capitalisme au nom du profit. Alors que vous m’apportez une image plus critique de l’Humain.
Merci

10/06/2007 18:48 par houssene riote

zidane est grans start du monde j’aime comme mon coeur.

15/07/2006 16:59 par Dominique Ruotte

« Donc cette équipe aux origines populaires est considérée comme étant de gauche… ». Voilà où il fallait aboutir, après toutes ces lignes. Aussitôt m’être pincé pour vérifier mon état d’éveil, je me suis dit : « non, j’ai bien lu. Quel scoop ! ». J’avoue honteusement que cela m’avait échappé jusqu’à présent. Zidane le magicien aux silences éloquents est aussi l’icône rebelle qui va redorer l’image de marque déposée du PCF et lui offrir bénévolement une tribune populaire. Et puis quoi encore ? Certes, certes, le camarade rassembleur multicarte Zidane est capable des missions les plus délicates. J’aimerais l’entendre à ce propos. Lui qui ne s’exprime que très rarement. Si peu d’ailleurs, que l’on lui invente tous les discours, toutes les images, tous les rôles possibles et le plus souvent impossibles. Cessons ce jeu qui réunit trop de participants si éloignés les uns des autres et qui ne sert qu’à dénaturer les luttes légitimes.
Dans les faits, Zidane est un footballeur de talent et un représentant de commerce bien payé en retour. Zidane n’a pas la charge d’éduquer les enfants. C’est la mission des parents et du système éducatif. Zidane, la personnalité française la plus populaire, n’a pas de message pour le peuple. Zidane le gentil n’est pas un redresseur de tort. Zidane l’exemplaire est faillible. Zidane n’est pas un émeutier. Zidane n’est pas une solution.

« La façon intelligente de maintenir la passivité des gens, c’est de limiter strictement l’éventail des opinions acceptables, mais en permettant un débat vif à l’intérieur de cet éventail - et même d’encourager des opinions plus critiques et dissidentes. Cela donne aux gens l’impression d’être libres de leurs pensées, alors qu’en fait, à tout instant, les présuppositions du système sont renforcées par les limites posées au débat. » (Noam Chomsky).

PS : j’ai dans ma pile de livres à lire « Cuba est une île » que vous avez co-écrit avec Viktor Dejad. J’espère être moins déçu.

15/07/2006 18:18 par Anonyme

cher ami, lisez plus attentivement et ne me faites pas dire ce que je ne dis pas. Je n’ai jamais dit que Zidane était communiste ou que l’équipe était de gauche, j’ai tenté d’expliquer ce que disait le sénateur italien et qu’avait cité Zidane pour s’indigner.
Je suis marseillaise comme Zidane et j’ai aussi dit ce que je savais de ses origines, de sa tante qui est une femme de masse dans sa cité, de la manière dont elle parlait de son neveu.
J’ai dit que tous ces gens étaient issus de milieux populaires, d’une île comme la Guadeloupe, des lieux où il y a eu jadis un maillage communiste...
Mais j’ai insisté sur les relations avec le président de la République également...
Vos reproches sont d’autant plus injustifié que nul ne peut m’accuser de faire de la retape pour le PCF, ni même pour la gauche... Au point où en sont les choses je ne suis même pas sûre d’aller voter...
Maintenant nier ce qu’a pu représenter le communisme dans les milieux populaires, dans l’anti-colonialisme français serait une erreur historique...
N’oubliez pas que ce texte est écrit pour les Cubains, et une de ses clés ne vous est pas connue. Déjà j’ai subi en 1998 la coupe du monde de foot à Cuba. Malgré mon amitié pour les Cubains, j’ai failli rompre tant leur partialité pour les Brésiliens était évidente. Pour vous dire le degré d’hostilité nationale à laquelle nous étions parvenus, nous avons vu le match France brésil, les trois Français dans une pièce devant une télé et les Cubains auxquels nous ne parlions plus entassés dans une autre. Après le match sportivement ils sont venus nous féliciter. A ce moment-là de la fenêtre nous avons vu une voiture toute seule sur le Malecon en train de jouer du Klaxon, avec un minuscule drapeau français, c’était l’ambassade de France... Il nous a pris un fourire... Et nous avons bu un mojito...
Mais pour cette coupe, ils ont remis ça... Ils ont d’abord été pour l’espagne, ensuite pour le brésil, après le Portugal et enfin ils étaient pour l’italie... Là je me suis mise en colère parce que sur le fond ils ne comprennent rien au foot, pas plus que moi au base-ball... Simplement ils sont très tiers-mondistes et considèrent la France, l’Angleterre, les USA comme de sacrés impérialistes et en plus des donneurs de leçon... L’Espagne c’est la marâtre, mais la mère tout de même...
Si vous saviez l’image de notre noble pays, de l’Europe en général dans la majorité des peuples de la planète, vous seriez effrayés... Donc j’ai essayé de leur présenter la France d’une autre manière, parce que sur le fond j’aime mon pays et je veux qu’ils comprennent que tous les Français ne ressemblent pas à l’image qu’en donnent leurs gouvernants et les médias... C’est plus fort que moi j’aime ma patrie,dès que je suis plus de trois mois à l’étranger je chante "douce France, cher pays de mon enfance... " et je cherche à en faire un portrait un peu plus aimable...
Cela dit je pense ce que j’ai écrit de la réalité française et de Zidane comme de l’équipe de France... je trouve qu’il s’est conduit en "homme libre" préférant sa dignité à toutes les coupes et l’argent qui va avec...
De quoi êtes vous l’arbitre pour me donner un carton rouge ?
Bonne lecture de "cuba est une île", mais je vous conseille la suite "Les Etats-Unis DE MAL EMPIRE, ces leçons de résistance qui nous viennent du Sud".
Amicalement
danielle Bleitrach

16/07/2006 22:56 par Dominique Ruotte

mais vous réagissez sur ma boutade et non sur le fond de mon propos. Comme tant d’autres, vous utilisez le sujet accrocheur Zidane pour consacrer vos opinions, en lui prêtant des intentions et des positions qu’il n’exprime pas (jusqu’à présent) et un intérêt purement occasionnelle (comprenez opportuniste). Qui suis-je pour vous adressez un carton rouge ? Un quidam cherchant à s’informer, à trouver matière à réflexion (le continent africain, l’Amérique latine, la situation des réfugiés sont mes sujets d’investigation favoris), essayant de faire le tri entre les analyses rigoureuses et les considérations fantaisistes, subjectives, alimentant le moulin de la production inconsciente des fausses idées et des débats biaisés, estimant que la parole et l’information sont trop souvent confisquées et faussées par des experts auto-proclamés et médiatiques et des élites politiques bien peu représentatives. Rien d’autre. J’espère que cela ne vous choque pas. Nous ne sommes pas en concurrence. Je n’ai rien à vendre, ni de statut médiatique à consolider. Je suis dans une position parfaitement désintéressée. Mais je peux affirmer que j’irai dans l’isoloir pour mettre mon vote dans l’urne. Au moins pour une bonne raison : éviter que le président actuel de l’UMP ne vienne prendre la succession de notre regrettable et calamiteux président de la république en fonction. Je serais effrayé pour l’image (puisque l’image supplante le discours) de notre noble pays si cela arrivait.
Vous considérez la conduite de Zidane comme celle d’un " homme libre " préférant sa dignité à toutes les coupes et l’argent qui va avec... Je m’empresse de vous rassurer : il n’est pas dans le besoin, pas plus qu’hier. Pour ma part, sa position d’homme libre est relative. Tout dépend de se que l’on entend par là . Est-on libre lorsque l’on monnaye son image fabriquée ? A-t-il le droit de s’écarter de cette image. Je ne répondrai pas à sa place, c’est à lui de voir.

Pour nous quitter amicalement, un petit proverbe peul : " quand on danse avec un aveugle, il faut de temps en temps lui marcher sur les pieds afin qu’il sache qu’il n’est pas seul. "

17/07/2006 07:31 par Anonyme

nous sommes dans un dialogue de sourd ; vous m’accusez de faire dire à Zidane ce qu’il ne dit pas alors que je cite ses paroles et ce que je sais de son environnement familial marseillais ; comme d’ailleurs la polémique de Lilian Thuram avec Sarkozy. Ce sont des faits. je ne dis même pas qu’ils sont de gauche, mais que ces faits expliquent peut-être leur réputation de gauche qui leur a vallu la sortie dont se plaint Zidane à propos du sénateur italien qui dit "nous avons vaincu une équipe de nègres, d’islamistes et de communistes".
C’est tout et à partir de là vous me faites un procès d’intention...
Galeano, l’écrivain uruguayen, qui est un amateur de football, vient d’écrire un excellent article dans lequel il dénonce la coupe du Monde, mais fait un sort particulier à Zidane, il a une expression le concernant "l’élégante mélancolie", mais il décrit longuement en amateur de football ce grand joueur et dénonce ses détracteurs qui l’ont traité de vieux en disant : le vent peut-il être vieux ?
Je ne prétend en aucune façon savoir qui est Zidane, mais j’affirme que c’est un artiste du sport, de la taille de Pelé, Maradona, et que je ne vois pas pourquoi cela ne serait pas reconnu, comme leurs qualités de travail en équipe... Cette équipe de France certes ne fera pas sauter tous les racismes et antagonismes, mais elle contribue à faire accepter à la France sa propre évolution, celle de sa population...C’est tout...
Je tente au contraire à partir des propos de Zidane, d’insister non sur la vedette mais sa part d’humanité, comme Maradona... Celle qu’il arrache à un système pourri...
A la fin je ne comprends même plus quelles sont vos critiques, pourquoi vous étalez ainsi votre modestie, votre désintéressement, votre rigueur et vous l’opposez à qui et à quoi, au système de vedettariat, s’agit-il toujours de Zidane, j’ai l’impression que vous glissez de là vers moi...
Fausse valeur médiatisée, fausse connaissance de l’Afrique, de l’Amérique latine, de qui est-il question, vous craignez d’être déçu par un livre que vous n’avez pas encore lu... De quoi est-il réellement question ? Je ne m’y reconnais pas, ni mes propos, ni la personne que vous imaginez...
C’est pourquoi je vous ai posé la question non "pas d’où parlez-vous ?", la encore vous déformez mes propos, mais bien "de quoi êtes-vous l’arbitre ?" Ce qui revient à vous demander dans quel jeu vous êtes engagé... Et avec qui, en tout cas pas avec moi et ce que j’écris réellement...

19/07/2006 19:46 par J-C CHEVALLIER

Chère Danielle,

C’est toujours un plaisir de te lire.Tu as bien raison de mettre les choses au point avec pertinence, respect et bien d’autres qualités qui sont les tiennes. Tu avais raison, Marseille n’est pas une ville, mais un peuple. Avec toute l’affection du comité 44 FRANCE/CUBA en souvenir de ton passage le 5/11/05. Nous pensons bien à toi.

22/07/2006 22:29 par Anonyme

merci pour cet article

c’est l’un des meilleurs que j’ai lu sur le coup de boule de zidane et sur ses motivations.

salutations respectueuses

karim d’alger

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