auteur Anatole BERNARD

Harvest de Athinà-Rachéi Tsangàri (2024)

Anatole BERNARD

D’emblée, un bras qui jaillit au beau milieu d’un champ de blé d’un autre temps, mais qui me fait penser aux céréales bio mélangées d’aujourd’hui. C’est le bras qui se tend comme une pousse de blé fertile, le bras d’un corps comblé de bonheur. J’ai envie d’être ce corps, de toucher, de sentir cette végétation.

Ce commencement donne le ton d'une beauté que la suite n'altérera jamais au rythme d'une ode à l'amour, à la vie ordinaire de paysans et de leur rapport à la nature avec laquelle ils ne font qu'un. Une ancienne du village le rappelle aux filles et aux garçons adolescents en leur prenant la tête et en en cognant le front sur le rocher dont ils porteront à jamais l'empreinte, désormais enracinés en ce lieu pour une vie dédiée au partage. C'est un choc, ma tête a dû cogner l'écran ou quelque chose d'approchant, car ce film fait vibrer mes trophées les plus sensibles dans un frisson d'une extrême amplitude, celle du sublime sans doute, puisque ce qui me saisissait là me deviendra vite insaisissable pour en parler. Tout est beau, tout est clair, tout est pertinent et l'écran n'est jamais inerte. Un incendie ravage la grange du propriétaire des terres et c'est toute la communauté qui ne craint pas de se brûler au combat. Elle réagit comme un seul corps et engage la bataille dans une (…)

La cocotte qui tue.

Anatole BERNARD

Ici Beyrouth ! Nous sommes le samedi 8 mars 2014 à 14 heures et, depuis pas mal de temps, des femmes et des hommes convergent en direction du Musée National, lieu de départ de la manifestation de protestation des femmes Libanaises contre la violence ordinaire qui les tue et les minore ainsi que pour la mise en place d’une loi qui leur donnera enfin les mêmes droits qu’aux hommes.

Pendant ce temps, je découvre que rien n’a changé en France. François Hollande a le même ministre des affaires étrangères que Nicolas Sarkozy, Bernard-Henri Lévy, une gueule magnifique d’entarté chronique, mais surtout un fanatique pour qui celui qui ne pense pas comme lui est un révisionnisme ou un antisémite, en tout cas « une personne qui glisse sur une pente dangereuse », sa formule préférée. Alors, c’est l’éternel retour d’un cauchemar : je le vois à la télévision, blotti à l’arrière d’une voiture, un peu rabougri, tendance vieux beau, qui accompagne le boxeur autoproclamé « voie nouvelle de l’Ukraine » en direction de l’Elysée où un Président élu démocratiquement reçoit ce Vitali Klitschko triple champion du monde poids lourds choisi par les USA et l’Europe sans doute au bout d’une révolution que certains appellent plus prosaïquement un coup d’Etat : rien ne change, le choix des mots est tout simplement une guerre de communiqués. Ainsi, les médias fixés sur la Crimée, notre (…)

Halte au marché qui banalise le mal

Anatole BERNARD

Je sors dans la rue, il fait chaud, mais j’ai froid dans le dos. Je viens de voir le film Hannah Arendt, de Margarethe von Trotta. Ce film m’a foutu les jetons. Il m’a réveillé. Il m’a mis les yeux en face les trous. Je n’avais qu’une idée en tête, faire du ratissage pour amener tous les passants voir ce film et briser la conspiration d’une certaine tiédeur des commentaires.

Même les Lettres Françaises du six juin 2013 lui reprochent les scènes évoquant la liaison entre Hannah Arendt et Martin Heidegger qui détourneraient des enjeux réels le spectateur, ce bel anonyme, auquel il faut toujours songer à donner les modes d’emploi. Certes, un film n’est ni le tout ni la fin, mais c’est un film qui m’a pris de front, un film qui n’écarte rien, surtout pas le dogmatisme, la couardise, l’aveuglement, ni la perte du doute cet activateur majeur de la pensée. C’est un film qui refuse l’intimidation, le chantage, la menace et qui donne du courage ; le courage de désobéir au nom de l’exercice libre de la pensée, au nom de convictions vécues et non pas entendues, pour que vive une démocratie directe dans l’affrontement des idées au croisement du conformisme, qu’il soit politique ou religieux. Et puis, c’est un film d’hommes et de femmes qui s’aiment d’amour, à l’aide de baisers qui nourrissent la pensée, d’hommes et de femmes qui déchirent leur amitié, dans un (…)

Le Grand Soir attaqué, la Syrie, la Palestine et la vérité aussi.

Anatole BERNARD

Qui a le souci de la vérité ?

Le tir nourri qui vise LGS mérite une riposte vive, mais digne. Car l’enjeu est de taille. Oui, dans cette affaire la liberté d’expression est tout simplement piétinée et par conséquent la démocratie niée, elle qui garantit une loi égale pour tous et des droits inaliénables au travail, à l’éducation, à la santé, à l’information, à l’expression (…).

Alors, comment qualifier une campagne qui ne traite nullement les orientations incriminées au fond, qui insulte et juge de manière expéditive au nom du dogme d'un autre Saint Simon : Qui n'est pas pour moi est contre moi. C'est tout simplement une campagne abjecte qui fait du journal qui l'orchestre une feuille au parfum vert-de-gris dont la volonté de surveiller, de pourchasser, d'évaluer, de juger semble nous dire je suis partout. ça me fait froid dans le dos. En démocratie, la morale, c'est le respect en droit de l'autre être humain qui se manifeste notamment par la pratique de la conversation ou du moins celle du dialogue. Seul les fanatiques, voire les acteurs de l'impérialisme, quelle qu'en soit la couleur, s'en exonèrent au nom d'une foi aveugle ou de la logique implacable des marchés, les deux parfois, et ils excommunient tout contestataire ou simple protestataire. L'idée même de la preuve des autres est niée, alors qu'il est établi depuis longtemps que la vérité (…)
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La télévision inapte au changement ?

Anatole BERNARD

Il est 20 heures et l’image de François Hollande envahit l’écran de mon poste de télévision ; ça n’est pas une nouvelle nouvelle, car ce triomphe est un plat réchauffé déjà servi avant l’heure constitutionnelle sur d’autres réseaux. Mais, très vite, j’ai l’impression que quelque chose s’est cassé, s’est enrayé. Je zappe du privé au public, mais rien ne varie, la lumière des plateaux me paraît morne et le visage des animateurs blafard.

Ca ne rayonne plus comme au moment de la pub d'avant 20 heures où le réalisme libéral nous a gratifié d'une dose de modes d'emplois sans lesquels la vie ne serait qu'un long fleuve pollué. C'est un peu comme si le centre de gravité de ce petit monde écranique arrogant venait de se désaxer en entraînant la voix de chaque commentateur dans une couleur en berne. J'avais devant moi des gensdetélé orphelins de leur maître à paraître, celui-là même qui ne se gênait pas de les piétiner et de les traiter de tous les noms, jusqu'à se faire passer pour une de leurs victimes. C'est bien connu et le refrain de fin de campagne nous l'a suffisamment rabâché : Nicolas Sarkozy aurait été l'objet d'un lynchage médiatique pendant tout son mandat. D'ailleurs, il suffit de voir la tenue des entretiens télévisés du quinquennat pour le vérifier, non ? En vérité, durant ces cinq années du candidat sortant, c'est progressivement, mais sûrement, que la plupart de ces gensdetélé sont devenus des larbins (…)