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L’intégrisme culturel

Le racisme demeure aujourd’hui l’un des traits significatifs des sociétés européennes. Le discours identitaire moderne fonde une nouvelle stratification des groupes humains basée non pas sur la biologie mais sur les différences culturelles entre groupes
« ethniques ».

La doctrine ethnico-différentialiste, version atténuée du concept de race, véhicule les mêmes stéréotypes que le racisme traditionnel. Les inégalités socioéconomiques sont présentées et traitées comme la résultante de l’inadaptation culturelle des classes exploitées : attitude face au travail, immobilisme et stagnation des moeurs, aspirations radicalement différentes,…

Chaque culture est conçue comme une catégorie fermée qui détermine l’identité de l’être. Tous les membres d’une communauté sont supposés partager une âme sui generis, une mentalité commune qui distinguent le groupe. Cette reconnaissance aboutit à une forme de totalitarisme en ce sens que les conduites et pensées des individus sont définies à travers un référent extérieur invariable.

Le propre de l’identité est justement d’être un rapport en constante évolution. La cohésion du groupe communautaire est faible et temporaire ; elle est fonction des nécessités mêmes de la condition d’immigré qui s’implante dans un nouvel environnement et de l’hostilité du pays d’accueil. Exclu de l’espace social, les immigrés sont enclins à se concentrer et à survaloriser des signes de reconnaissance propres.

La communauté n’est pas une catégorie homogène mais une entité mouvante traversée par des lignes politiques, sociales et philosophiques.

La rhétorique raciste postule que l’immigré ne respecte pas les normes sociales et qu’il menace les institutions libérales et démocratiques. En période de crise sociale et économique, la concurrence et la rivalité dégrippent les crispations identitaires.

L’apolitisation des conflits sociaux et l’ethnicisation de la politique sont suggérées par les agents intellectuels de la bourgeoisie qui savent l’avantage qu’ils peuvent en dégager. Non seulement le système économique est ménagé mais la conscience politique s’érode au bénéfice d’identifiants de substitution.

Marx était parfaitement conscient que l’impulsion de l’opposition entre indigènes et immigrés servait la cause des classes dominantes, comme il l’a signalé dans sa lettre du 9 avril 1870 adressée à Siegfried Meyer et August Vogt : « Chaque centre industriel et commercial en Angleterre possède maintenant une classe ouvrière divisée en deux camps hostiles, prolétaires anglais et prolétaires irlandais. L’ouvrier anglais ordinaire déteste l’ouvrier irlandais comme un concurrent qui abaisse son niveau de vie. Il se sent à son égard membre d’une nation dominante, et devient, de ce fait, un instrument de ses aristocrates et capitalistes contre l’Irlande, et consolide ainsi son pouvoir sur lui-même. Des préjugés religieux, sociaux et nationaux le dressent contre l’ouvrier irlandais. Il se conduit envers lui à peu près comme les Blancs pauvres envers les Noirs dans les anciens Etats esclavagistes de l’Union américaine. L’Irlandais lui rend largement la monnaie de sa pièce. Il voit en lui le complice et l’instrument aveugle de la domination anglaise en Irlande.

Cet antagonisme est entretenu artificiellement et attisé par la presse, les sermons, les revues humoristiques, bref, par tous les moyens dont disposent les classes au pouvoir. Cet antagonisme constitue le secret de l’impuissance de la classe ouvrière anglaise, en dépit de sa bonne organisation. C’est aussi le secret de la puissance persistante de la classe capitaliste, qui s’en rend parfaitement compte ». Il suffit de remplacer Irlandais par Arabes ou Musulmans pour que cette analyse retrouve toute son actualité.

La notion de civilisation, version élargie de la logique ethniciste, permet de hiérarchiser les conduites sociales suivant une grille de valeurs européocentriste. On surligne les différences tangibles ou supposées, au profit du civilisateur et bien entendu au détriment du barbare, afin de justifier les ingérences et interventions armées.

Il y a équivalence entre l’universalisation du capital et celle de la civilisation. Depuis le 11 septembre, les Etats-Unis et leurs auxiliaires ont entrepris une croisade civilisatrice pour soumettre l’Orient à l’Occident, pour promouvoir la liberté (de marché) et la démocratie (bourgeoise) dans les pays « archaïques ».

Pour Alex Callinicos le « racisme n’est pas une affaire d’idées dans la tête des gens, mais un problème d’oppression, d’inégalités systématiques dans les droits et les espérances générées par une structure sociale d’exploitation ; la solution, par conséquent, réside dans la lutte politique ». L’injonction morale d’ouverture et d’acceptation des différences est purement déclamatoire si elle ne se prolonge pas par une remise en question des structures matérielles auxquelles le racisme se greffe. C’est l’égalité des conditions réelles qui est le révélateur de la démocratie et le vecteur principal de l’émancipation.

L’exploitation et l’oppression n’ont pas de patrie. Le racisme est l’expression de rapports sociaux inégaux et son dépassement est lié à la révolution socialiste qui démantèlera sa matrice. L’histoire est l’histoire de la lutte des classes. La lutte des populations opprimées dans les pays capitalistes dominants ou dominés, malgré les diverses formes qu’elle peut prendre, est en dernière instance un combat contre le capitalisme et l’impérialisme.

Emrah KAYNAK

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