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Le trou de la Sécu, film catastrophe ?

Depuis hier, les médias (France 2, France 3 et France Inter pour ceux que j’écoute) ont repris la rengaine du déficit de la Sécurité sociale (plus de 20 milliards d’euros), comme, il y a quelques jours (cf. mes remarques du 9 juin), ils avaient entonné l’air des arrêts-maladie "abusifs". Quelles remarques peut-on faire à ce sujet ?

1. La répétition de ces attaques contre la Sécurité sociale, à si peu de jours d’intervalle, est évidemment destinée à préparer l’opinion à un démantèlement de cette institution. Cela est d’ailleurs conforme à ce que l’on entendait au soir du résultat des élections européennes : Nicolas Sarkozy, conforté par le bon résultat de ces élections pour l’UMP (mais, surtout, par le mauvais résultat et la division des partis de gauche), va en profiter pour "poursuivre les réformes" (en français : injecter une nouvelle dose d’ultralibéralisme). Nous y sommes...

2. Dans la présentation du sujet au journal télévisé de France 2 du 15 juin à 13 h, le ton est à l’affolement délibéré : "Le chiffre fait frémir, le déficit de la Sécurité sociale n’est plus un trou, c’est un gouffre. On n’avait pas vu cela depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Comment en est-on arrivé là  ?" [...] "20 milliards d’euros de déficit, quand on voit ce chiffre, ça fait peur, est-ce que c’est une catastrophe ou pas ?". Mais, surtout, ce qui fait dresser l’oreille, c’est la référence à la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi ?

Parce que cette référence n’est pas innocente : c’est en effet en 1945 que, conformément aux recommandations du CNR (Conseil National de la Résistance), furent posées les bases de la Sécurité sociale. Le message subliminal qu’on cherche à faire passer avec ce "depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale" est : "Cette institution, créée à la fin de la Seconde Guerre mondiale (sous-entendu sous l’influence des communistes, à l’époque puissants...) a atteint ses limites et il faut passer à autre chose".

3. Le déficit est toujours donné sans chiffre de référence. Il est significatif, à cet égard, que lorsqu’on se reporte au site Internet du Nouvel Observateur du 15 juin 2009, aucun chiffre global n’est fourni, et notamment pas celui du budget de ladite Sécu ! Or, évidemment, lorsqu’on évoque des sommes qui dépassent de façon aussi astronomique le budget d’un ménage, on est pris de vertige (et c’est le but recherché). Mais, lorsqu’on rapporte le déficit en question au budget de la Sécurité sociale elle-même, on remet les choses en perspective. Ce budget est d’environ 330 milliards d’euros. Soit 90 euros si on le rapporte à un salaire de 1500 euros...

4. Autres chiffres avec lesquels on n’opère pas de rapprochement : celui des défauts de paiement de l’Etat, de la confiscation par ce même État de recettes diverses, telles que la taxe sur les alcools, sur le tabac, sur les primes d’assurance auto (total 12,3 milliards), de la confiscation par l’Etat d’une taxe sur les industries polluantes (1,2 milliard), de l’allègement des cotisations sociales patronales (2,3 milliards), du non-remboursement aux hôpitaux de la TVA (2 milliards), de la compensation démographique versée par le régime général à des caisses déficitaires (notaires, dentistes, avocats, exploitants forestiers), pour une somme comprise entre 3 et 4 milliards. [Ces chiffres, tirés du Canard enchaîné, datent déjà de quelques années. On suppose qu’ils ne se sont pas améliorés...]. Déjà , ce total dépasse les 21 milliards. Qui ne ferait le rapprochement avec le déficit... si on lui fournissait les références ? Autre chiffre : le montant de la fraude fiscale, évalué par le SNUI (Syndicat National Unifié des Impôts) entre 30 et 50 milliards.

5. Autre réalité : la crise, que j’évoquais le 9 juin, et qui, par le chômage qu’elle entraîne, plombe les recettes - puisque celles-ci sont assises sur les salaires. Apparemment, Elise Lucet (la journaliste qui présentait les infos au journal de France 2) a perçu ce rapprochement, mais elle s’empresse aussitôt de le relativiser lors de l’interview accordée à Claude Le Pen, son invité, professeur d’économie à Paris-Dauphine. Les mots d’Elise Lucet sont révélateurs : "Le déficit est-il uniquement lié à la conjoncture ou à des raisons plus profondes ?", ou bien : "[Est-il lié] aux licenciements uniquement ?". On sent bien, à travers ces remarques, très sollicitées, qu’Elise Lucet cherche à faire dire à son invité que le déficit est d’abord lié à la nature même - publique et universelle - de la Sécurité sociale (ce que Claude Le Pen se refuse d’ailleurs à faire).

6. A quoi tout cela mène-t-il ? A une attaque contre toutes les branches de la Sécurité : branche retraite, branche maladie et branche famille.

Et, à propos des retraites, François Fillon (dont on se rappelle le rôle dans le démantèlement de 2003) a ces mots : "Autour de nous, dans tous les pays européens, on a repoussé l’âge légal de la retraite. Donc cette question n’est pas une question taboue." - On peut certes noter la référence aux "autres pays européens", chaque fois qu’il est question de rogner un acquis social - pour présenter la France comme le "mouton noir" de l’Europe, mais on s’attardera plutôt sur un autre mot-fétiche de la droite lorsqu’elle parle des valeurs de gauche : le mot "tabou".

Qu’est-ce qu’un tabou ? Selon le Dictionnaire historique Robert de la langue française, c’est, initialement, un mot "polynésien, un adjectif, désignant ce qui est interdit, sacré, et que les profanes ne peuvent toucher sans commettre un sacrilège". Le dictionnaire ajoute, plus loin, qu’il est employé, "par ironie, comme adjectif, en parlant d’une personne, d’une chose, qui fait l’objet d’un respect exagéré, quasi sacré". J’ajoute à mon tour [Ph. A.] qu’il se glisse dans cette notion de tabou, une idée de respect irraisonné pour une chose irrationnelle, voire incompréhensible, comme durent l’éprouver les premiers explorateurs européens confrontés à ces "tabous" et qui, ne comprenant pas le sens de ce respect exagéré, durent le trouver ridicule.

Voici donc ce qui, dans l’esprit de la droite, est un tabou : le respect exagéré, quasi sacré, aussi irrationnel qu’incompréhensible, maintenu par terrorisme intellectuel, de la fixation de l’âge de la retraite à 60 ans. [Notons aussi au passage, que pour la droite, la durée maximum du travail, le SMIC, les allocations familiales, les congés payés, l’âge de la scolarité obligatoire, le Code du travail, etc., sont autant de "tabous" qui ne perdurent que par l’oppression exercée sur les esprits par l’idéologie de gauche...]. Ainsi donc, plus de 150 ans de luttes sociales, de sacrifices, d’éducation populaire se résument à cela : un fatras de superstitions !

Dernier point, qui n’a rien à voir avec ce qui précède (encore que...) : les obsèques d’Omar Bongo. J’ai écouté à France Inter qu’assistaient à ces obsèques l’actuel président de la République Nicolas Sarkozy, son prédécesseur Jacques Chirac, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, le secrétaire d’Etat à la Coopération Alain Joyandet, les anciens ministres Michel Roussin, Jean-Louis Debré et Jacques Godfrain. Ainsi, pour ce "parrain" africain corrompu et corrupteur, ancien agent secret, dictateur, mouillé jusqu’au cou dans la Françafrique, manipulé (par Jacques Foccart) et manipulateur, la France n’a pas dépêché moins de deux chefs d’Etat, deux ministres - dont un de premier rang - et trois anciens ministres.

Le 30 décembre 2001, pour les obsèques de Léopold Sedar Senghor, ancien condisciple de Georges Pompidou, prédécesseur de Jacques Chirac à la même fonction et soutenu par le même parti, agrégé de grammaire, député français, ministre de la République française, membre de l’Académie française, écrivain français de réputation internationale... ni le président de la République Jacques Chirac ni le premier ministre Lionel Jospin n’avaient daigné se déplacer. Le "plus ancien dans le grade le plus élevé" (comme on dit) à représenter la France était Raymond Forni, président de l’Assemblée national (au 4e rang dans l’ordre des préséances pour les cérémonies publiques...).

Pour un pays de 1,5 millions d’habitants, dont le président était un dictateur notoire, la France a déplacé trois personnalités de premier rang. Pour un pays de 13 millions d’habitants, dont le président avait été aux tout premiers rangs de la France dans l’ordre de l’esprit et dans l’ordre de la politique, la France a offert des pièces jaunes. On ne saurait mieux dire dans quel terreau s’enracine le discours de Sarkozy à Dakar, en juillet 2007, et quels jours heureux la Françafrique a encore devant elle. Aux obsèques d’Omar Bongo, le 16 juin 2009, la France, pour la deuxième fois, a enterré Léopold Sedar Senghor...

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