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Changements d’alliances au Moyen-Orient et la répression contre les Frères Musulmans (Counterpunch)

Un coup d’Etat militaire a eu lieu récemment dans un pays où les militaires sont financés par les Etats-Unis. Dans le cas de l’Egypte, certains n’aiment pas employer le terme « coup d’état », étant donné les manifestations populaires massives qui réclamaient plus de démocratie et de libertés que ce qui était possible sous les Frères musulmans et leur Constitution. Mais à part notre solidarité avec les Égyptiens qui luttent pour la démocratie, il faut appeler un coup d’état un coup d’état, et tenter une analyse géopolitique des événements.

Il est significatif que la ligne « déni de coup d’état » soit adoptée par la Maison Blanche. Si l’armée égyptienne avait réellement mordu la main qui la nourrissait, le gouvernement américain et les médias ne feraient que répéter l’expression "coup d’état" ad nauseam, et ils auraient déjà coupé le financement et seraient en train de s’agiter autour du devoir d’intervenir pour protéger un gouvernement démocratiquement élu. Au contraire, Obama a adopté une attitude attentiste, en déclarant hypocritement qu’il est « profondément préoccupé », mais en évitant toute terminologie négative. Le Secrétaire d’Etat John Kerry a dit de façon ridicule, « Nous devons donner [à l’armée] le bénéfice du doute. » Selon la loi américaine, les Etats-Unis ne peuvent pas fournir de l’aide à un pays dont l’armée a renversé un gouvernement démocratiquement élu. Mais ils n’ont ni condamné le coup d’état, ni coupé les aides.

La raison en est que les Etats-Unis et leurs alliés étaient clairement derrière ce coup d’Etat, comme tant d’autres. Le renversement du président Morsi ne représente pas en lui-même un déclin de la puissance américaine dans la région. Il y a bien un déclin, mais ce n’est pas le principal facteur dans cet événement. Au contraire, il semble que les Etats-Unis (et Israël) aient décidé qu’il était temps pour Morsi de partir. Dans ce cas, les intérêts américano-israéliens ont convergé avec l’intérêt du peuple égyptien qui s’est exprimé par des manifestations. Plutôt que de perdre le contrôle de l’armée égyptienne, les Etats-Unis ont préféré perdre le contrôle de Morsi et des Frères musulmans en général.

Le contexte se situe dans l’évolution de la situation syrienne et de l’islam politique au cours des deux dernières années. Il y a deux ans, les Etats-Unis travaillaient en étroite collaboration avec les islamistes de diverses allégeances dans le monde arabe, en Tunisie, en Libye et en Egypte, ainsi qu’avec ses alliés dans le Golfe. Ennahda en Tunisie et les Frères en Egypte ont été les choix des États-Unis pour prendre le pouvoir après les révolutions. Ennahda était bien connu à l’ambassade américaine à Tunis pendant la période qui a suivi la révolution, et le soutien américain à la Confrérie en Egypte est ancien. Ces partis religieux conservateurs étaient les mieux organisés, ouverts au libéralisme économique, et partageaient un ennemi commun avec les Etats-Unis : la gauche laïque qui militait pour un projet de développement souverain.

L’Occident a collaboré avec les islamistes pour renverser Kadhafi - l’un des seuls dirigeants de la région qui avait un projet de développement souverain basé sur des intérêts nationaux et non étrangers - et a ensuite contribué à les expédier vers la Syrie pour tenter de refaire la même opération. Des combattants islamistes de divers degrés d’extrémisme ont afflué du monde entier vers la Syrie, en grande partie financés par des alliés des États-Unis dans le Golfe. Toutefois, la guerre civile s’est prolongée, l’armée syrienne a pris le dessus face à une opposition fragmentée, et les Etats-Unis ont perdu le contrôle de ses alliés islamistes - dans l’hypothèse où ils les contrôlaient. Bien qu’il soit difficile de généraliser dans une situation où coexistent des centaines de différents groupes armés d’opposition, il y a maintenant une grande tension entre les forces affaiblies, pro-occidentales et de tendance laïque qui composent l’Armée Syrienne Libre, et certaines forces islamistes bien plus puissantes et nombreuses. Certaines forces islamistes voient l’ASL et la Coalition Nationale comme de simples pions de l’Occident, et considèrent que leur propre rôle est de combattre à la fois les hérétiques locaux (laïcs ou chiites) et les infidèles occidentaux qui tentent d’imposer une domination étrangère.

Le plan A des Etats-Unis et d’Israël en Syrie semble avoir été de tenter d’utiliser les officiers ayant fait défection et les combattants islamistes pour aider à renverser Assad relativement rapidement et, si possible, d’installer un gouvernement pro-occidental qui pourrait être contrôlé, ou à défaut, laisser le pays sombrer dans une sorte de chaos contrôlé, comme en Libye. Étant donné que l’armée syrienne s’est révélée plus forte que prévu et l’opposition incontrôlable, leur plan B semble avoir été de laisser la guerre s’éterniser pour laisser l’armée syrienne et les islamistes se détruire mutuellement.

D’autre part, les forces islamistes, en dépit de leur hétérogénéité, veulent vraiment gagner en Syrie et y établir un état islamiste, dont ils sont en désaccord sur la nature exacte. Certains d’entre eux semblent se limiter à combattre les infidèles. Mais beaucoup se battent pour établir un état qui serait dirigé par les Frères musulmans. Un tel état, s’il voyait le jour, serait probablement allié avec l’AKP en Turquie, le Qatar, les forces sunnites en Irak et ailleurs, Ennahda en Tunisie, le Hamas en Palestine, et les Frères musulmans dans plusieurs pays, dont l’Égypte.

Ici, les divergences entre l’Arabie Saoudite, étroitement liée aux États-Unis, et le Qatar sont importants. Les Saoudiens, qui sont déjà à la tête de l’état le plus important du monde musulman, selon eux, semblent ne pas avoir d’ambitions particulières à créer un tel état avec leur financement des rebelles. Ils sont viscéralement opposés aux Frères musulmans, craignant un printemps arabe dans leur propre pays. Le Qatar, d’autre part, qui a toujours eu des relations ambiguës voire tendues avec l’Arabie Saoudite, est la principale source de financement de la Confrérie et a œuvré pour placer une branche des Frères au pouvoir en Syrie. Leur ambition semble être une alliance pan-sunnite qui s’étendrait de la Turquie à l’Egypte, et qui dans une certaine mesure réunirait ou pour le moins défragmenterait le monde arabo-musulman. Le succès de la Confrérie à accéder au pouvoir en Egypte a peut-être donné l’impression que c’était possible. Mais la réalité d’une telle alliance régionale sunnite, surtout accompagnée d’une ambition de pouvoir régional si ce n’est d’hégémonie, n’est pas ce que les États-Unis ou d’Israël avaient à l’esprit lorsqu’ils poussaient au djihad en Syrie. Un tel axe sunnite pourrait se révéler encore plus dangereux pour Israël et pour le projet américain que le Croissant Chiite.

L’islam politique a une relation ambiguë et fluctuante avec les Etats-Unis et l’Occident en général. Alors que les partis politiques islamiques ont toujours été alliés à l’Occident, leur montée en puissance politique après les révolutions de 2011 en Tunisie et en Egypte, leur financement abondant fourni principalement par le Qatar, leur considérable force de combat, leur capacité d’organisation et de réseautage, et le déclin de la puissance américaine en général, leur a fait gagner, pour ainsi dire, une autonomie par rapport à l’Occident. Il serait erroné de généraliser à propos de ce mouvement très hétérogène, qui comprend des modérés, des extrémistes, et tout ce qui se trouve entre les deux. Mais on peut dire que l’effet général est une revalorisation et une défragmentation du monde arabo-musulman, et comporte de nombreux éléments d’une position anti-occidentale, qui n’est pas simplement l’expression de valeurs morales et religieuses, mais aussi le reflet d’une position politique qui cherche l’émancipation vis-à-vis de la domination occidentale.

La convergence d’intérêts qui a conduit à la collaboration américano-islamiste contre les nationalistes laïques comme Kadhafi et Assad semble donc être brisée, ce qui a grandement aidé Assad. Comme un haut responsable syrien a déclaré : « La magie a joué des tours au magicien. » Il semble que, de façon typique, les Etats-Unis n’aient tenu compte que de leurs intérêts à court terme lorsqu’ils ont déchaîné les islamistes contre Assad, sans envisager ce qui pourrait arriver si ces derniers devenaient plus que de simples fantassins de l’impérialisme, faciles à manipuler.

La divergence entre l’Occident et le Qatar concernant la situation en Syrie est visible dans le fait que le plan Kerry-Lavrov pour une conférence Genève II - pour trouver une solution négociée au bourbier syrien - a été accueilli froidement par le Qatar. Des chercheurs de l’Institut de Doha, un groupe de réflexion du Qatar, ont écrit le 26 Juin :

Les Américains pensaient que la Conférence de Genève permettrait de limiter les effets de la crise, notamment avec les interventions régionales croissantes sur la question syrienne. [...] Bien que l’administration Obama n’ait pas encore révélé la nature exacte de l’armement qu’elle fournira à l’opposition syrienne, il est devenu clair que ce sera suffisamment limité pour permettre uniquement une correction du déséquilibre des forces entre le régime et l’opposition qui est apparu après Qusair. [...] Par conséquent, il semble évident que l’administration Obama reste engagée dans une politique qui ne permet pas à un des camps de remporter une victoire militaire sur l’autre et qui de nouveau exerce des pressions pour parvenir à une solution politique. [...] En parallèle, Washington a l’intention d’intensifier la pression sur l’opposition en liant les livraisons d’armes à son accord pour un règlement. En attendant qu’un accord soit conclu, la Syrie restera une arène pour épuiser les "extrémistes" sunnites et chiites opposés aux États-Unis, à la condition que cette confrontation ne se répande pas au-delà des frontières syriennes.

Et le 30 Juin :

Il était clair que secrétaire d’Etat américain John Kerry et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avaient conclu un accord-cadre préliminaire sur la Syrie qui impliquait une solution politique par la négociation et le dialogue. [...] Toutefois, cette proposition de conférence se tiendra sans aucun principe directeur ou cadre de référence, à l’exception de l’idée d’un gouvernement de transition aux pouvoirs inconnus. [...] L’Europe a immédiatement déclaré son soutien à l’accord, ainsi que la Chine, les puissances régionales qui soutiennent le régime et la Ligue arabe. Pour leur part, les pays arabes qui soutiennent la révolution syrienne n’ont pas exprimé beaucoup d’enthousiasme pour cet accord. Cet accord place le peuple syrien devant une nouvelle conjoncture difficile, dominée par la notion d’une solution internationale qui aurait été imposée d’en haut et selon laquelle la Coalition nationale serait pressée de s’engager dans un règlement insatisfaisant, tandis que les Etats-Unis feraient pression sur les états arabes et la Turquie pour arrêter leur fourniture d’aide militaire, aussi petite soit-elle.

La raison pour laquelle les Etats-Unis ont décidé de négocier avec la Russie semble être moins parce que Assad était en train de gagner - on ne négocie pas avec son ennemi quand on est en train de perdre, à moins d’y être absolument obligé - mais parce que les groupes islamistes en Syrie sont en train d’échapper à tout contrôle, et ceci aux frontières d’Israël. L’équilibre de pouvoir entre Assad et les islamistes a progressivement basculé en faveur d’Assad, bouleversant ainsi le plan B des Etats-Unis. De nombreux islamistes radicaux aguerris, mis en déroute par l’armée syrienne, ont commencé à quitter la Syrie et se répandre dans d’autres parties de la région, y compris le Sinaï et l’Arabie saoudite. L’Arabie Saoudite est terrifiée par la présence de ces combattants qui reviennent et qui sont en colère contre la collaboration Saoudienne avec l’Occident, et qui risquent de déstabiliser le régime. Israël est terrifié par l’accumulation des combattants à ses frontières dans le Sinaï. Les États-Unis ont formé des Syriens le long des frontières d’Israël et de la Jordanie, moins pour combattre l’armée syrienne que pour empêcher les islamistes d’y entrer.

En fin de compte, Assad représente moins une menace pour Israël - les Assad ont toujours toléré Israël - qu’un islam politique qui se développerait à ses frontières. Ceci, ainsi que la menace que représentent les combattants islamistes qui rentrent en Arabie Saoudite, semblent être le déclencheur de la décision de changer encore une fois de plan et de négocier avec les Russes. Hâter une transition sans les Frères musulmans serait donc préférable plutôt que de laisser le pays devenir un incubateur de militants radicaux qui se disperseraient ensuite dans toute la région dans le cas où Assad gagnerait, ou que de laisser le pays devenir un maillon de la chaîne sunnite qui s’étendrait de la Turquie à l’Egypte, dans le cas où les islamistes gagneraient. La décision même de négocier avec la Russie trahit une certaine panique de la part des Etats-Unis, Israël et l’Arabie Saoudite.

La conférence de Genève semble maintenant improbable de sitôt voire pas du tout, étant donné que les États-Unis semblent penser qu’elle pourrait desservir leurs objectifs qui sont à la fois de contrôler les islamistes et de renverser Assad. Ces objectifs sont poursuivis par d’autres moyens : une stratégie syrienne remaniée, la répression contre les Frères musulmans, et le changement de régime au Qatar.

Le 24 Juin, l’Emir du Qatar Hamad Bin Khalifa al-Thani a remis le pouvoir à son fils Cheikh Tamim bin Hamad al-Thani. Selon le directeur de Arab Times, Oussama Fawzi, ancien haut responsable du ministère de l’Information du Qatar, dont les révélations du 4 juin ont été reprises par de nombreux services de presse en langue arabe, un avis de destitution avait été remis à l’Emir et au Premier ministre du Qatar, directement par un agent de la CIA, après que des documents retrouvés dans la planque de Ben Laden aient révélés que la principale source de financement d’Al-Qaida était un citoyen du Qatar, un cousin du ministre de la Culture. Vrai ou faux, et que les Etats-Unis le savaient déjà ou non, la date choisie pour ce transfert de pouvoir ne semble pas être le fruit du hasard. L’ancien émir Hamad Bin Khalifa al-Thani, 61 ans, est en bonne santé ; sa démission a été présentée comme une abdication volontaire du pouvoir en faveur de la jeune génération, en accord avec le rajeunissement des forces du Printemps arabe. Selon Fawzi, l’émir avait le choix entre remettre les rênes à son fils ou voir les actifs du Qatar à travers le monde gelés en raison des liens du Qatar avec des activités terroristes. Apparemment, son renversement a été décidé car il était allé trop loin dans son soutien aux combattants islamistes en Syrie et aux gouvernements islamistes en Tunisie et en Egypte.

Le 2 Juillet, la répression contre les Frères musulmans s’est poursuivie dans un autre Etat du Golfe, les Emirats Arabes Unis, qui a condamné 64 dirigeants de la Confrérie à la prison pour avoir tenté de renverser le régime. Et le 3 Juillet, Morsi fut déposé en Egypte. Le 6 Juillet, un agent saoudien, Ahmed Assi al-Jarba, a été élu à la tête de la Coalition Nationale syrienne, arrachant le pouvoir à la Confrérie. Le 8 Juillet, Ghassan Hitto, le Premier ministre du « gouvernement provisoire » syrien formé par la Coalition, un agent du Qatar et de la Confrérie, a démissionné. Les Frères musulmans sont donc clairement tombés en disgrâce au yeux des impérialistes. Dans cette optique, il est impossible de voir dans les événements en Egypte autre chose qu’un coup d’état prémédité qui relève d’un changement de stratégie israélo-américano-saoudienne globale dans la région.

Ce qui explique pourquoi Bachar al-Assad et la monarchie saoudienne, pas vraiment des alliés, ont tous deux salué le renversement de Morsi. Le nouvel émir du Qatar a également félicité le nouveau gouvernement. La Tunisie et la Turquie, de leur côté, ont condamné le coup d’état. Le fait que les États-Unis aient continué à travailler avec leurs anciens alliés jusqu’au dernier moment ne signifie pas qu’ils étaient restés fidèles aux Frères Musulmans ; s’il y a avait un complot pour les renverser, il est probable que les Etats-Unis l’auraient caché. Ce qui est remarquable c’est plutôt le fait que les Etats-Unis et Israël n’ont pas attendu les élections pour essayer de les expulser par la voie électorale. Ce qui signifie que la situation a été perçue comme dangereusement urgente.

La tension entre les Etats-Unis/Israël et la Confrérie a commencé dès le début du mandat de Morsi, lorsque l’Egypte a commencé immédiatement à rouvrir le terminal de Gaza à Rafah, quoique de façon intermittente. L’un des premiers actes du nouveau gouvernement de transition en Egypte a été de le fermer. Bien que Morsi se soit montré prudent dans ses relations avec Israël, son gouvernement avait clairement l’intention de peser avec plus de poids dans la région et travaillait lentement - même si maladroitement – à jouer un rôle géopolitique plus important. Il a expulsé des ONG impérialistes, et a accordé un soutien timide aux Palestiniens. L’ancien émir du Qatar avait montré un soutien à la cause palestinienne, et le nouvel émir a annoncé sa poursuite de cet appui au lendemain de sa prise de pouvoir. Toutefois, selon le quotidien israélien Yediot Aharonot (Ynet), citant une source du Qatar, le nouvel émir a eu de multiples réunions secrètes avec des agents israéliens au cours des cinq derniers mois. L’avenir de la politique étrangère du Qatar reste encore à voir. Israël, pour sa part, a exprimé la crainte que les Etats-Unis coupent l’aide à l’armée égyptienne, mais ceci - comme les appels du sénateur McCain à couper le financement – n’est probablement que du bluff.

L’histoire - crédible - qu’on raconte est que les Frères musulmans, au cours de leurs discussions avec les Etats-Unis avant leur arrivée au pouvoir en Egypte, avaient précisé à des agents américains ce qu’ils voulaient en échange d’une alliance : un nouveau plan Marshall pour l’Égypte, pour la sortir du sous-développement. Les agents américains ont apparemment répondu que c’était impossible. Lorsqu’ils ont demandé ce que les Etats-Unis avaient alors à offrir, les États-Unis ont répondu : des conditions favorables sur les lignes de crédit des pays du Golfe. Si cette histoire est vraie, elle révèle un certain divorce entre les deux parties avant même l’élection de Morsi. Les États-Unis, endettés et globalement en déclin à la fois sur le plan militaire que économico/culturel, n’avaient rien de concret à offrir à leurs alliés ; et la Confrérie montrait des signes d’une ambition à être plus qu’une simple marionnette. Sous la Confrérie, l’Égypte n’a reçu aucune véritable aide de la part des alliés américains l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, ou le Koweït, mais uniquement du Qatar. Après le coup d’état, l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït ont promis 12 milliards de dollars d’aide.

En Avril 2013, l’Ethiopie a annoncé un nouveau projet de barrage sur le Nil Bleu, le « barrage de la Grand Renaissance », qui couperait 20% de l’eau de l’Egypte pendant les 3 à 5 ans prévus pour remplir un réservoir énorme. Un tel projet, entrepris par un état colonie des États-Unis et financé en grande partie par Israël, non seulement nuirait gravement à l’Egypte pendant ce temps de remplissage, mais installerait également un robinet pratique qui peut être ouvert ou fermé sur une ressource vitale pour l’Egypte (et le Soudan), plaçant ainsi une épée de Damoclès au-dessus de la tête de tout futur gouvernement. La souveraineté nationale serait donc compromise de façon irrémédiable. Une des dernières actions de Morsi fut de tenter d’arrêter le projet de barrage au nom de la sécurité nationale, allant presque jusqu’à menacer l’Ethiopie d’une action militaire.

Une autre de ses dernières actions fut d’appeler au djihad en Syrie, démontrant un degré étonnant de naïveté diplomatique. La présence de combattants islamistes dans le Sinaï, tolérée par Morsi mais réprimée par l’armée égyptienne, pourrait être un des déclencheurs du coup d’état. Le renversement brutal des islamistes en Egypte et leur source de financement du Qatar signifie qu’ils seront encore plus en colère contre les Etats-Unis/Israël et peut-être moins enclins à respecter les règles du jeu démocratique. Mais plutôt que de discréditer la démocratie en soi, ce coup d’état discrédite davantage les États-Unis et l’Occident qui l’ont orchestré, et aura pour effet bénéfique d’ôter les derniers doutes que les islamistes pourraient avoir quant à la fiabilité d’une alliance avec les Etats-Unis.

La nouvelle stratégie américaine en Syrie semble être maintenant de contenir et couper le financement des islamistes, tout en renforçant le soutien à l’ASL. Avec le financement des rebelles désormais considéré comme étant sous contrôle après la révolution de palais au Qatar, l’Occident a lui-même donné le feu vert pour armer l’opposition, c’est-à-dire l’ASL. Les Saoudiens ont changé leur soutien qui est désormais dirigé vers l’ASL. Si le plan (à ce stade, on doit en être au moins au plan D) est désormais celui d’installer une longue guerre d’usure contre Assad et le Hezbollah, ou celui de tenter d’obtenir quelques victoires militaires afin d’améliorer la position de négociation de l’Occident contre Assad et les Russes en vue d’une « solution politique », reste une question ouverte. L’objectif est peut-être de prendre le contrôle d’une partie de l’est de la Syrie dans le but éventuel de négocier l’éclatement du pays, en accordant à Assad un fragment de l’ouest, et créer au moins un nouvel état dans lequel une marionnette de l’Ouest pourrait être installée.

Pendant la conférence des « Amis de la Syrie » organisée le 22 Juin par le Qatar - malgré la démission imminente de l’Emir – le secrétaire d’Etat américain John Kerry a déclaré que les alliés travaillaient ensemble "pas pour chercher une solution militaire. [Nous cherchons à] venir à la table des négociations pour trouver une solution politique." Ce qui peut être interprété comme une déclaration, peut-être à l’intention du Qatar, que l’Occident fera en sorte que la solution définitive du conflit passe par l’opposition politique pro-occidentale, la Coalition Nationale, et non par une victoire militaire des islamistes.

L’Arabie Saoudite, les Etats-Unis et d’autres « Amis de la Syrie » parlent donc de lancer une nouvelle offensive à partir de la fin d’été, en envoyant de grandes quantités de nouvelles armes. Cependant, il n’est pas clair à qui exactement ces armes seront destinées. L’ASL est très faible en termes d’effectifs et de formation, et selon une source français anonyme citée dans Le Monde du 26 Juillet, ils « ont besoin de plus que des armes. » Et même si l’Occident réussissait à s’emparer d’une partie ou de tout le pays grâce à une solution « politique », un gouvernement fantoche aurait à faire face à la colère non seulement des nationalistes syriens, mais aussi des islamistes anti-occidentaux. Les États-Unis auront ou pas la volonté d’en découdre avec la Russie par le biais d’une guerre tous azimuts par procuration, et sont peut-être en fait en train de tester les limites de la Russie, mais les Russes ont clairement fait savoir qu’ils ne permettront pas à la Syrie de tomber. Cependant, même si les « Amis de la Syrie » ne parviennent pas réellement à une solution durable qui leur convienne, ils ont déjà réussi à mutiler le pays et son économie, et ils pourraient aller beaucoup plus loin dans cette voie sans pour autant gagner.

Étant donné que les États-Unis viennent de réussir un coup d’état militaire en Egypte et une révolution de palais au Qatar, dans quelle mesure est-il justifié de parler du déclin de la puissance américaine dans la région ? On pourrait soutenir le contraire. Mais le fait même que ces manoeuvres étaient nécessaires est une forte indication du déclin américain. Les États-Unis ont perdu un allié, une énorme hémorragie des forces de l’islam politique. Ceci est très important, et c’est une excellente nouvelle pour la gauche internationale, parce qu’en définitif les forces de l’impérialisme se retrouvent affaiblis

Malgré la récente manipulation américano-israélo-saoudienne en coulisses en Egypte, associant l’opposition pro-occidentale libérale-mafioso avec des éléments pro-Moubarak et ce qui semble être la tactique des "révolutions de couleur" avec des manifestations de masse, la gauche laïque y est puissante. L’avenir nous dira si l’oligarchie libérale pro-occidentale a instrumentalisé la gauche protestataire pour aboutir à son projet de reprendre le pouvoir, ou si c’est la gauche qui aura utilisé les libéraux pro-occidentaux et l’armée pour chasser les Frères Musulmans et obtenir une chance de prendre le pouvoir elle-même. Mais en tout cas, la gauche ne doit pas être dupe de ce qui s’est passé et qui sont ses alliés. Entre une force réactionnaire anti-occidentale comme les Frères Musulmans et une force libérale pro-occidentale comme celle actuellement au pouvoir, la gauche anti-impérialiste et progressiste n’a pas à choisir. Il faut prendre ce coup d’état comme un avertissement de ce qui peut arriver lorsqu’un gouvernement qui ne contrôle pas son armée tente une politique qui s’écarte de la ligne dictée par les Etats-Unis. L’Egypte restera un pays occupé tant que les Etats-Unis financeront son armée, et donc la gauche ne doit pas compter sur l’armée. Mais le peuple égyptien aura bientôt la chance d’élire un nouveau gouvernement et de réécrire la Constitution, ce qui donne beaucoup d’espoir pour la gauche laïque qui défend la souveraineté. Puisse-t-elle saisir cette chance et la garder.

Carole Antony

Traduction "Leçon N° 1 : ne jamais faire confiance à l’impérialisme. Leçon N° 2 : apprendre par coeur la leçon N° 1" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

»» http://www.counterpunch.org/2013/07/26/crackdown-on-the-brotherhood/
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