La question des médias [1] et notamment celle de la diffusion et de la place de la pensée dominante dans les médias tend à devenir un thème de réflexion, de mobilisation et d’action de plus en plus explicite pour des dominés de tous ordres et, de manière incomparablement plus efficace en termes d’appropriation, pour la classe dominante car s’y joue une partie du travail de domination symbolique qui est l’une des conditions du maintien de l’ordre établi au profit des membres de cette classe.
En m’appuyant sur les résultats de plusieurs années d’observations j’exposerai la structure de domination multiforme de l’espace médiatique mise en place et consolidée par des groupes rassemblant les dominants des médias dominants (éditocrates, sondologues, experts, comités d’éthique, dirigeants et propriétaires), groupes « intellectuellement » armés par des revues et des think tanks, puis je montrerai les effets ravageurs produits par cette structure et ses agents, notamment sur la définition et le cadrage, au moyen de la mise en avant et de l’imposition quasi-systématique des préoccupations et des leurres des dominants, des enjeux occupant les places prépondérantes des agendas médiatiques et politiques. Enfin, j’esquisserai une réflexion sur les conditions de possibilité des actions à envisager pour la libération et une appropriation démocratique de l’espace médiatique.
Une structure de domination multiforme...
On observe une forme de division du travail de domination de l’espace médiatique entre six groupes de positions interdépendants qui exercent des activités complémentaires.
Les trois premiers groupes analysés sont les diffuseurs et metteurs en formes de la pensée dominante.
_ - les éditocrates : les « éclaireurs »
Dans « Ces chiens de garde qui ne sont pas nouveaux » je rappelais la « mobilisation [,] [...] en faveur des intérêts des différentes fractions de la classe dominante [,] (...) d’un petit groupe médiatiquement omniprésent et composé d’une vingtaine d’individus, les éditocrates épinglés par Serge Halimi dans Les Nouveaux Chiens de garde » [2] et en « [e]xpos[ant] leurs prises de position de 1995 [3] et 2016 [4] [...] [je] mett[ais] en évidence la permanence de leurs “arguments” et de leurs méthodes en matière de décrédibilisation des dominés. » L’analyse de propos tenus lors des deux périodes considérées par Franz-Olivier Giesbert, Alain Minc, Luc Ferry, Jacques Julliard, Bernard-Henri Lévy, Alain Duhamel, François de Closets et Guy Sorman me permettait de noter que « Le temps passe, et les éditocrates restent, ou plus précisément la fonction éditocratique continue d’être exercée par des individus interchangeables. » Et parmi ces individus, il en est un, Christophe Barbier, qui « a rappelé en quoi consiste la fonction du chien de garde/ éditocrate : “Se confronter au terrain pollue l’esprit de l’éditorialiste. (...) L’éditorialiste est un tuteur sur lequel le peuple, comme du lierre rampant, peut s’élever.” »
_ - les sondologues : les « devins »
Dans « Les sondologues, piliers de l’éditocratie » je réalisais avec Blaise Magnin une « [b]rève tentative de portrait de groupe » et nous écrivions : « Une des évolutions notables de l’espace médiatique au cours de ces trente dernières années a consisté dans la généralisation et l’intensification des usages médiatiques de ces lunettes très spéciales appelées sondages, lunettes dont les producteurs, les sondeurs et leurs “instituts”, se servent pour contribuer collectivement, et de plus en plus, à influencer, “l’opinion publique”. Ce faisant, ils ne procèdent pas à de simples et objectives opérations de mesure, mais ils tendent aussi à imposer leur vision de l’espace social, et participent de ce fait à l’élaboration de cette forme de discours que Pierre Bourdieu et Luc Boltanski qualifiaient en 1976 d’“idéologie dominante” [5] par laquelle “la fraction dominante de la classe dominante livre sa philosophie sociale”. Rien de surprenant à cela, tant est forte l’homogénéité de leur formation – qui est aussi celle de nombre de détenteurs des pouvoirs politique, économique et médiatique – et de leurs parcours professionnels. »
_ - les experts : les « spécialistes des généralités »
Toujours disponibles pour s’exprimer dans n’importe quelles conditions et à n’importe quel moment du jour et de la nuit, les experts exercent une activité continue de pseudo analyse prompte à réduire à un quasi-silence toutes les formes d’analyses informées et critiques. Leurs interventions ont pour effet d’interdire toute compréhension, qu’il s’agisse d’un événement ou d’une politique de long terme.
Dans « Attentats de Bruxelles : le bal des “experts” de l’expertise » j’ établissais avec Olivier Poche un constat effarant : suite à l’attentat de Bruxelles du 22 mars 2016, « pour la seule journée du 22 mars 2016, nous avons pu dénombrer au moins 56 interventions de 27 d’entre eux, à même d’exercer leur fonction : remplir le vide laissé par l’absence d’informations et l’impossibilité de proposer une analyse informée de la situation, tout en fournissant l’illusion d’une compréhension des événements – l’étiquette d’“expert” étant censée transformer des propos que l’on pourrait tout aussi bien entendre au comptoir d’un bar en commentaire avisé et “autorisé”. »
Nous retracions alors la journée « de dingue » de l’un d’entre eux : « Mohamed Sifaoui est quant à lui le Lucky Luke de l’intervention médiatique. Il apparaît à la fois :
– au téléphone, dans le 7/9.30 d’Yves Calvi sur RTL, où il est présenté comme “spécialiste des réseaux terroristes en France et en Europe” et comme “spécialiste des réseaux terroristes et islamistes”.
– à peu près au même moment, “le journaliste, écrivain, réalisateur” Mohamed Sifaoui est présent dans les studios de RMC, intervention qui aura les honneurs de “L’immanquable grandes gueules” – sorte de “best of” de l’émission.
– À 12h30, il est de nouveau sur RTL.
– À 13h, il est sur Europe 1, en tant que “journaliste et spécialiste du terrorisme islamiste”.
– À partir de 17h45, le “journaliste, écrivain et réalisateur” (dixit le site de l’émission) retrouve Yves Calvi dans “C dans l’air” sur France 5
– Entre-temps le “journaliste spécialiste du terrorisme islamique” est allé faire quelques gammes sur BFM TV. »
Dans « Europe : quels économistes s’expriment dans Le Monde (suite) ? Toujours les banquiers ! » je montrais avec Mathias Reymond que « sur la période du 1er janvier au 30 avril 2015 » il y avait eu « 121 invitations d’économistes et/ou experts dans le quotidien pour aborder la politique monétaire de la zone euro sur quatre mois » et que
« - Le premier constat est terrible : les femmes ne cumulent au total que 8 apparitions sur 121, soit à peine 5 % des invitations !
– Le deuxième résultat est accablant : 71 % des économistes et/ou experts invités (toujours !) par Le Monde pour traiter de la politique de la zone euro sont membres des banques, de grandes entreprises ou de la BCE. Et quand d’autres économistes sont conviés, on constate qu’ils sont pour l’essentiel favorables à la doxa libérale (14 %).
– Enfin, seules 3 % des apparitions d’économistes représentent des points de vue critiques de l’orientation actuelle de la politique de l’Union européenne. »
Contribuant à la sélection, pour ne pas dire au casting, des diffuseurs de la pensée dominante et leur permettant de pérorer et plastronner en toute quiétude, les membres des comités d’éthique, les dirigeants et les propriétaires s’activent en coulisses pour organiser, structurer et orienter l’espace médiatique.
_ - les comités d’éthique : les « sages »
Dans « Pour la dissolution des Comités dits d’“éthique” ! » je constatais qu’« en application de la loi du 14 novembre 2016, dite “loi Bloche”, sept médias ou groupes médiatiques [6] ont constitué leur “Comité relatif à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes” plus couramment appelé “Comité d’éthique”. Comme le mentionne le texte de loi, “les membres du comité sont nommés par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance de la personne morale ou, à défaut, pour les associations, par l’assemblée générale.” En d’autres termes, les membres des “Comités d’éthique” sont cooptés par des membres de conseils d’administration ou de surveillance qui, à l’exception des rares représentants de salariés, sont eux-mêmes en poste par la “grâce” d’un quasi auto-recrutement », ce qui a pour effet d’aboutir à ce portrait de groupe constitué de « personnes [qui] évoluent dans un périmètre social et mental très restreint : [celui] des sphères de pouvoir, par définition plus proches du bac à sable des auto-proclamées “élites” que représentatives de l’espace social en général... » :
« - Moyenne d’âge des 27 personnes dont nous avons retrouvé l’année de naissance : 66 ans. Le benjamin est une quinquagénaire de 51 ans
– 16 hommes, 14 femmes
– 1 personne est membre de 2 comités
– 3 anciens ministres
– 4 anciens présidents de Radio France
– L’actuelle présidente de la RAI, l’équivalent italien de France Télévisions
– 2 anciens membres du Conseil constitutionnel
– 1 ancien membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (le CSA) (...)
– 1 ancien membre de la Haute autorité de la communication et de l’audiovisuel (l’ancêtre du CSA)
– 2 anciens employés du CSA
– 12 anciens élèves de Sciences Po ...
– ... dont 9 anciens ou actuels enseignants à Sciences Po
– 20 décorés de la Légion d’honneur »
Chez les dominants des médias il n’y a pas d’EHPAD mais des « comités d’éthique »...
_ - les dirigeants : les « entrepreneurs », les « visionnaires »
Le 12 avril 2018 est une date-clé dans le processus d’appropriation des postes de dirigeants de médias d’intérêt général par la noblesse d’État. Ce jour là Fabrice Fries a été élu PDG de l’AFP par son conseil d’administration et Sibyle Veil a été nommée présidente de Radio France par le CSA.
Dans « Les candidatures à la présidence de Radio France : casting tragique au CSA » je
donnais à voir avec Basile Mathieu le parcours de Sibyle Veil [7], « la dégraisseuse d’État » : « Le CV de cette prétendante [de 40 ans] peut se lire comme une notice nécrologique anticipée tant elle a accumulé de titres et de positions qui font d’elle une éminente représentante de la noblesse d’État. Diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris en 1999, elle obtient un DEA de Politiques européennes à Paris III en 2000 avant d’intégrer en 2002 l’École nationale d’administration (ENA – Promotion Léopold Sédar Senior) dont elle sortira en 2004 pour rejoindre le Conseil d’État. Entre 2007 et 2010, elle officie au cabinet du président de la République, Nicolas Sarkozy, qu’elle conseille en matière de travail, de santé, de logement et sur les autres sujets sociaux. En 2010, elle rejoint l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) en tant que directrice du “Pilotage de la transformation”, poste qu’elle quittera en 2015 pour devenir directrice déléguée, en charge des opérations et des finances, de Radio France. (...) Il n’est pas sans importance de savoir qu’elle a eu comme condisciples à l’ENA son mari (Sébastien Veil, qui a eu “deux grands-pères énarques et une grand-mère ministre à plusieurs reprises” et qui, comme elle, fut conseiller d’un président de la République nommé Nicolas Sarkozy) et Emmanuel Macron, qui assista à son mariage. »
Dans « Fabrice Fries, un spécimen de la noblesse d’État “élu” à la présidence de l’AFP » j’exposais le pedigree de ce « parfait » héritier :
« L’analyse des origines sociales, des titres scolaires, du parcours professionnel et du “projet” de candidature à la présidence de l’AFP de ce dernier permet tout d’abord d’éclairer l’assurance et le sentiment d’impunité avec lesquels les membres de la classe dominante se distribuent entre eux les postes clés dans les médias, en particulier ceux qui contribuent à la structuration de l’espace médiatique.
Si le nom de Fries n’est presque pas connu, celui de Seydoux l’est nettement plus : cette famille représente la pérennité et la “réussite de la classe dominante tant elle a investi – à tous les sens du termes – les différents secteurs de l’espace du pouvoir. Comme le rapporte un article des Échos, Fabrice Fries s’inscrit dans cette “dynastie” : sa mère est fille de “François Seydoux, qui fut ambassadeur à Berlin sous De Gaulle et Adenauer et, à ce titre, la cheville ouvrière du traité de l’Elysée”. Une ascendance qui le prédisposait à un parcours scolaire des plus ambitieux, comme le décrit encore Les Échos : “[n]ourri au lait des meilleures institutions scolaires de la République - les lycées Henri-IV et Louis-le-Grand, Ulm, Sciences-po, l’ENA dont il est sorti dans la botte –, [Fabrice Fries est] également passé par Berkeley et Harvard”. »
Les dispositions et trajectoires de ces deux produits hautement raffinés de la noblesse d’État représentent le « nec plus ultra » du groupe des dirigeants des grands médias.
_ - les propriétaires : les oligarques (Arnault, Bergé †, Bolloré, Bouygues, Dassault †, Drahi, Lagardère, Niel, Pigasse, Pinault...).
Depuis juillet 2016 Acrimed et Le Monde Diplomatique publient et actualisent régulièrement une carte du paysage médiatique français, qui permet de démêler l’écheveau des concentrations dans la propriété des grands médias.
Voici un lien vers la dernière version en date de décembre 2018 : https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/PPA [8].
À l’exception des propriétaires, les « membres » de ces catégories passent plus ou moins, et plutôt plus que moins, allègrement de l’une à l’autre, du public au privé et réciproquement [9], et sont souvent positionnés dans plusieurs catégories en même temps. Ces passages et multi-positionnements sont naturalisés et encouragés par le fait que ces dominants médiatiques partagent, défendent et promeuvent les mêmes intérêts et/ ou des intérêts complémentaires. Participe grandement à la porosité des frontières pour les dominants, et à leur fermeture pour les dominés, le fait que les dominants ont en commun une idéologie, l’idéologie Sciences Po mise en évidence en 1976 par Bourdieu et Boltanski, qui favorise la cohésion et la cohérence de l’expression des intérêts des différentes fractions de la classe dominante et qui trace avec assurance, suffisance et arrogance « le cercle de la raison » (comme disait le plagiaire Alain Minc) tendant à faire passer pour irrationnel et irresponsable tout propos qui s’écarte de cette orthodoxie.
... « intellectuellement » armée par des revues et des think tanks...
Il faut prendre en compte le fait que la possession et le contrôle des médias dominants par la classe dominante n’est pas la seule arme dont ses membres disposent pour neutraliser, ridiculiser ou empêcher toute apparition dans ces médias d’une critique d’un monde qui leur convient parfaitement. Il apparaît nécessaire de mettre à jour le rôle de relais et le travail de mise en forme de la pensée dominante, notamment par certains « sociologues », à l’œuvre dans les pages « idées » ou « opinions » des quotidiens et magazines, mais aussi (et d’abord ?) dans des revues (Preuves (1951-1974), Commentaire, Esprit, Le Débat...) qui, chose souvent inaperçue, font partie de l’espace médiatique et dont l’une des fonctions consiste à rendre cette pensée dominante appropriable par les intermédiaires culturels opportunistes que sont les éditocrates, sondologues et autres experts. Dans Le « Décembre » des intellectuels français [10], Julien Duval et al. décodent « Le style Esprit », dont le fait de « [p]rendre pour point de départ des “débats de société” condamne ainsi à un conservatisme intellectuel et politique qui prend la forme d’un questionnement sans fin », et « [l]a rhétorique du Débat » qui réalise le tour de passe-passe consistant dans « la valorisation du “citoyen éclairé” et des hommes du Débat qui [du coup] tendent à ne faire qu’un ».
Lié au travail idéologique des revues, celui des think tanks (Fondation Saint-Simon 1982-1999, dont le casting est un véritable who’s who du journalisme mondain et de l’essayisme de marché [11] (Casanova, Colombani, Duhamel, Jean Daniel, Elkabbach, Ferry, Furet, Giesbert, Joffrin, Julliard, July, Minc, Ockrent, Rosanvallon, Sinclair), Fondapol, Institut Montaigne, La République des idées...) représente un degré supérieur de rationalisation de cette pensée dominante sachant qu’il consiste bien souvent à fournir « clé en main » des mots d’ordres, des idées force, des schémas de pensée et d’action et des argumentaires pour définir dans l’espace médiatique l’agenda des thèmes et problèmes considérés comme étant dignes d’intérêt [12].
... produisant des effets ravageurs
La « gauche » a détenu le pouvoir législatif de 1981 à 1986, de 1988 à 1993, de 1997 à 2002 et de 2012 à 2017, soit 20 ans sur les 36 dernières années, elle n’a pourtant jamais eu la moindre velléité de :
- re-nationaliser TF1 [13] (Le samedi 1er décembre 2012 le ministre « socialiste » du redressement productif Arnaud Montebourg est interviewé dans le JT de 20 heures de TF1 et a oublié ce qu’il déclarait à Pierre Carles dans Fin de concession, un documentaire sorti en 2010 : « C’est le moment de taper sur TF1, je vais vous donner un coup de main. Il faut leur mettre la tête sous l’eau. (...) C’est la télévision de la droite (...) c’est la télévision des idées qui détruisent la France pour moi. La télévision de l’individualisme, la télévision du fric, la télévision du matraquage sur la sécurité » ;
- promouvoir un véritable service public de l’audiovisuel (notamment débarrassé de la publicité et des « partenariats » avec des entreprises privées) ;
- transformer les structures de l’espace médiatique pour faire en sorte que les médias soient indépendants des pouvoirs et garantir un véritable pluralisme en matière d’information et de programmes.
Tout ce qui précède a abouti de manière méthodique et implacable à ce que :
- Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron soient les candidats « naturels » des oligarques des médias et des médias dominants ;
- Le débat d’avant 1er tour de la présidentielle 2017, supposé exposer les conceptions et programmes des candidats en matière d’ « intérêt général » et de politiques publiques ait eu lieu sur CNews et BFM-TV, c’est à dire sur deux chaînes commerciales appartenant à deux milliardaires/prédateurs (Bolloré et Drahi) : imagine-t-on un congrès de lutte contre la fraude fiscale avoir lieu chez Jérôme Cahuzac ? Les candidats de gauche auraient pu s’entendre entre eux pour dire : « Ce débat est trop important pour avoir lieu dans des médias racoleurs et privés, nous ne participerons à un débat que s’il a lieu sur le service public »...
Que faire ? Quelques réflexions et questions
Comment dé-ritualiser cette question « Que faire ? » ?
Comment déjouer les techniques de folklorisation de l’attitude critique mises au point par les groupes qui participent à la domination de l’espace médiatique ?
Si l’on considère que les médias ne sont pas un réceptacle du débat public mais en sont des co-organisateurs qui s’intéressent prioritairement à ce qui intéresse leurs agents dominants qui ont des préoccupations qui sont l’expression de leurs positions privilégiées dans l’espace social, alors on peut dire que le premier enjeu politique c’est celui de l’appropriation démocratique des médias car tant que sera perpétuée la structure actuelle de l’espace médiatique on assistera à la poursuite du travail de dé-politisation/ psychologisation du traitement journalistique des enjeux politiques et sociaux.
La connaissance de l’espace médiatique (sa structure actuelle, son histoire...) est une condition nécessaire mais non suffisante de sa transformation.
Il faut se défier d’une forme de média-centrisme dans lequel peut s’enfermer la critique des médias et qui empêche de voir que la possession et le contrôle des médias dominants par la classe dominante n’est pas la seule arme dont ses membres disposent pour neutraliser, ridiculiser ou empêcher toute forme de critique d’un monde qui leur convient parfaitement.
Que peuvent apporter la connaissance de l’espace médiatique et celle de la classe dominante à la lutte pour une appropriation démocratique des médias ?
Quels sont les effets recherchés ?
Comment ne pas s’inscrire dans un spectacle permanent ayant ses contestataires officiels [14] et s’adressant à des consommateurs de contestation constitués en part de marché de l’industrie de l’entertainment ?
À quoi servent ou pourraient servir les réunions publiques ?
Dans les partis, syndicats, associations, quelles sont les personnes disposées, c’est à dire ayant les dispositions, et ayant intérêt à travailler à une véritable transformation de l’espace médiatique ?
Denis SOUCHON