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Faire taire ceux qui critiquent Israël. Helen Thomas et le nettoyage politique aux Etats-Unis (Counterpunch)

Vous vous souvenez d’Helen Thomas ? Elle était la correspondante de presse la plus âgée de la Maison Blanche et c’était toujours elle qui ouvrait les conférences de presse du président et les fermait en disant les mots magiques : "Merci Monsieur le Président".

Voici ce qu’on dit d’elle dans Wikipédia :

"Helen Thomas (née le 4 août 1920) est une auteure américaine et une ancienne reporter du News Service, membre du White House Press Corps et journaliste d’opinion. Elle a travaillé pour United Press International (UPI) pendant 57 ans, d’abord comme correspondante puis comme chef du bureau de la Maison Blanche. Elle a écrit des articles pour Hearst Newspapers de 2000 à 2010 sur les affaires nationales et la Maison Blanche. Elle a couvert tous les présidents des USA des dernières années de l’administration Eisenhower jusqu’à la seconde année de l’administration Obama. Elle a été la première femme officier du National Press Club, la première femme et la première présidente de l’Association des Correspondants de la Maison Blanche, la première femme membre du Gridiron Club. Elle a écrit six livres ; son dernier ouvrage, co-écrit avec Craig Crawford, est "Listen Up, Mr. President : Everything You Always Wanted Your President to Know and Do (2009) (Ecoutez Monsieur le Président : Tout ce que vous voudriez que votre président sache et fasse)."

Helen a été congédiée de son poste de journaliste de Hearst après avoir répondu à une question posée par un rabbin dans une vidéo sur Israël. Elle a répondu, en toute franchise que les Israéliens devaient quitter la Palestine. A la question suivante du rabbin : "Et où devraient-ils aller ?"

Elle a répondu : "Là d’où ils viennent" et elle a cité l’Allemagne, la Pologne et d’autres endroits.

Nous savons tous que ces pays qui se sont montrés si cruels et meurtriers pour les Juifs européens ne sont plus ce qu’ils étaient dans les années quarante. Mais à en juger par la réaction des médias et celle d’Abe Foxman, le chef de la Ligue anti-diffamation (the Anti-Defamation League), on aurait pu croire qu’elle renvoyait les Juifs israéliens aux années 1940. Elle a été balayée par une tempête médiatique qu’il faut considérer comme un signal adressé à tous ceux qui oseraient s’éloigner de la ligne du parti en ce qui concerne Israël.

Helen a vite été renvoyée de Hearst news et son agent de conférences Nine Speakers,Inc. ne veut plus l’avoir comme cliente. Une conférence d’introduction qu’elle devait faire à Bethesda, Maryland high school a été annulée et l’Association des Correspondants de la Maison Blanche a fait une déclaration pour dire que sa remarque était "indéfendable".

Son alma mater*, Wayne State University, a dit que sa remarque était "offensante" et "inappropriée".

Le président Obama a dit que sa remarque était "offensante" et "hors de propos". Dans le passé, Helen Thomas avait posé des questions sur le soutien des USA à Israël et au cours d’une conférence de presse sur la capacité de l’Iran de fabriquer des armes nucléaires, elle avait interrogé le président Obama sur les armes nucléaires "secrètes" d’Israël et demandé pourquoi la Maison Blanche ne condamnait pas l’attaque israélienne de la flottille d’aide humanitaire pour Gaza.

Wikipédia indique aussi qu’un groupe de survivants et de parents de survivants de l’Holocauste avait reproché au Musée National Américain de Dearborn dans le Michigan, de vouloir placer une statue d’Helen Thomas dans le musée en disant que ce serait immoral de lui faire cet honneur et que "les valeurs américaines étaient en jeu".

Quelque temps plus tard, après une autre conférence d’Helen Thomas, la Ligue anti-diffamation a demandé aux écoles et aux organisations de journalisme d’abroger tous les distinctions honorifiques accordées à Thomas. L’organisation a dit que Thomas s’était "clairement et indubitablement révélée une vulgaire antisémite" dans sa conférence. Peu après, la Wayne State University de Detroit a cessé de décerner le Prix Helen Thomas de la Diversité d’Esprit Médiatique qu’elle attribuait depuis plus de dix donnant comme raison le caractère antisémite de ses remarques.

Helen a été dure avec tous les présidents des USA au cours des conférences de presse et à la différence des reporters lâches qui étaient assis avec elle dans la salle de presse de la Maison Blanche, elle ne laissait pas les présidents ni leurs secrétaires à la communication se défiler et ne pas répondre aux questions. Et on pense que c’est la raison pour laquelle Ari Fleischer a mené la charge pour qu’Helen soit ostracisée. C’était elle qui avait refusé d’accréditer les mensonges de Fleischer sur la guerre d’Irak de conférence de presse en conférence de presse.

Le dernier outrage est venu d’une direction inattendue : le groupe qui organise un meeting anti-AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) à Washington. Helen avait d’abord été invitée à parler au groupe qui préparait une contre-conférence au moment de la fête annuelle de l’AIPAC à Washington. AIPAC qui est peut-être le lobby le plus puissant de tous ceux qui opèrent dans la capitale, rassemble tous ses membres nationaux à un meeting annuel à Washington pour que tous les présidents, les candidats à la présidentielle et les amis spéciaux d’Israël qui sont au gouvernement puissent venir ramper devant la fontaine de financement politique qu’est l’AIPAC. C’est un organisme qui n’est pas un PAC (comité aux affaires publiques) qui donne simplement de l’argent aux politiciens. C’est une organisation qui peut donner l’ordre de financer -ou de ne pas financer- des candidats s’ils promettent de voter des aides à Israël avec l’argent des contribuables et de protéger Israël contre ceux qui critiquent les nombreux crimes qu’il commet en occupant les Palestiniens.

Helen a d’abord été invitée au meeting ant-AIPAC, puis elle a été cérémonieusement "désinvitée" pour la raison, lui a-t-on dit, qu’elle serait une "distraction". Pour commencer on a du mal à imaginer en quoi quelqu’un qui a les opinions d’Helen Thomas pourrait distraire qui que ce soit du message du groupe anti-AIPAC qui doit être, je suppose, d’énoncer tout le mal que fait l’AIPAC au plan politique.

Helen n’a pas eu davantage d’explication et donc en l’absence d’une explication plus précise, nous pouvons seulement supposer que l’opération de nettoyage politique commencée par Abe Foxman et sa ligue anti-diffamation se poursuit en empruntant jusqu’à la plateforme érigée par les prétendus ennemis de l’AIPAC.

L’intention des défenseurs d’Israël est clairement de faire disparaître toutes les Helen Thomas de la planète, en même temps que leurs opinions opposées à ce que fait Israël à ceux qu’il occupe ainsi qu’à ses voisins comme le Liban qui a souffert terriblement de l’agression d’Israël. L’invasion du Liban par Israël en 1982 a causé la mort de 30 000 Libanais, en majorité des civils, a blessé des milliers de personnes et détruit les maisons de dizaines de milliers de personnes.

Helen n’est pas la seule à être visée. Le lobby israélien a fait pression sur le juge Goldstone jusqu’à ce qu’il renie une partie de ce qu’il avait écrit auparavant. Son comité appointé par l’ONU a écrit un rapport qui faisait du tort à Israël en révélant et dénonçant comme crime le meurtre de 1 200 civils palestiniens sous les bombardements insensés de l’invasion de la bande de Gaza en 2008. Le Hamas fait aussi l’objet de critiques mais a malgré tout accepté le rapport. Tout le monde sait que Gaza constitue la plus grande prison à ciel ouvert avec ses frontières clôturées et gardées par l’armée israélienne, l’espace aérien contrôlé par l’armée de l’air israélienne et la mer par la marine israélienne. "Tirer sur des poissons enfermés dans un tonneau" est l’expression qui vient à l’esprit quand on lit les rapports sur ce qu’Israël a fait à Gaza.

D’après moi, la raison principale du nettoyage politique des personnes qui osent dire ce qu’elles pensent comme Helen Thomas, Norman Finkelstein, le juge Goldstone et quelques autres, c’est que ce sont les contribuables qui financent les activités criminelles d’Israël et Israël ne veut pas que le public et donc les contribuables sachent quelles activités ils financent.

La question qu’il faut se poser est la suivante : Les USA peuvent-ils se permettre d’interdire toute allusion aux actions d’Israël ? Pouvons-nous continuer a frapper d’ostracisme ceux qui critiquent la politique des USA envers Israël en les rejetant du monde universitaire et de la vie publique ? C’est une forme de contrôle de la pensée contre laquelle nous n’hésiterions pas à lutter avec ardeur si quelqu’un d’autre le faisait.

Notre soutien continuel de tout ce qu’Israël fait au Moyen-Orient et le musellement de ceux qui le critiquent rendent la vie de tous les Américains plus dangereuse et plus onéreuse.

James Abourezk

(*) Alma mater étymologiquement "mère nourricière" désigne aux USA l’institution dont un(e) étudiant(e) reçoit son diplôme.

James Abourezk est un homme de loi de Sioux Falls, South Dakota, et un ancien sénateur étasunien. Il est l’auteur de "Advise and Dissent, a memoir of his life in South Dakota and in the U.S. Senate". On peut le joindre à georgepatton45@gmail.com.

Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/abourezk04252011.html

Traduction : D. Muselet

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