Gauche de droite, Gauche de combat : la social démocratie et nous.

La social-démocratie est un terme et une réalité politique polysémiques.

En effet, définissant un courant politique, le sens du mot change avec l’évolution de ce même courant.

Fondée par les pères du marxisme, Marx et Engels, la social-démocratie (S-D) fut la forme organisée du mouvementent révolutionnaire. Même si, notons-le, des courants réformistes existaient au sein de la social-démocratie. Des courants plus ou moins contrôlés du vivant des deux fondateurs et du dernier d’entre eux, Engels, qui mourut en 1895. Marx lui-même décrit la naissance de la S-D ainsi :

« une coalition entre petits-bourgeois et ouvriers [...] enleva aux revendications sociales du prolétariat leur pointe révolutionnaire et [...] leur donna une tournure démocratique. On enleva aux revendications démocratiques de la petite-bourgeoisie leur forme purement politique et on fit ressortir leur pointe socialiste. C’est ainsi que fut créée la social-démocratie. » Marx

C’est en Allemagne que va croître le plus grand parti social-démocrate d’Europe.

En 1875, les mouvements socialistes allemands fusionnent lors d’un congrès à Gotha. Le programme adopté lors de l’absorption de l’ADAV (association générale des travailleurs allemands de Lassalle) par le SDAP (parti ouvrier social-démocrate de Bebel et Liebknecht) est un texte de compromis d’inspiration marxiste, mais faisant une large place aux idées lassalliennes. Marx et Engels se montrent mécontents de ce programme, qui leur paraît opportuniste et antiscientifique, sans rompre pour autant avec le parti social-démocrate. Marx rédige à cette occasion la Critique du programme de Gotha et affine la notion de dictature du prolétariat. C’est en 1890 que le SPD (parti social-démocrate d’Allemagne) prend son nom définitif. La social-démocratie se définit alors comme une alliance étroite formée par le parti politique socialiste et les syndicats pour constituer une expression politique unie du mouvement ouvrier.

La lutte entre réformisme et révolution ne cesse jamais au sein de la S-D.

A la fin du XIXe siècle, Édouard Bernstein, un des exécuteurs testamentaires d’Engels, constatant que le capitalisme ne s’est pas effondré et tend même au contraire à se consolider, publie entre 1896 et 1898 une série d’articles défendant la thèse selon laquelle la transformation socialiste de la société devient possible par le parachèvement et l’élargissement des institutions politiques et économiques existantes. L’État, en se démocratisant et en adoptant le suffrage universel, devient l’instrument de la démocratisation : il n’est donc plus à conquérir, mais à « libérer » de son contenu de classe. Pour Bernstein, la social-démocratie doit cesser de se penser comme le parti du prolétariat pour devenir un vaste parti populaire et démocratique et, au lieu de préconiser la révolution, proposer simplement des réformes visant à une plus grande justice sociale.

Ces thèses sont vivement combattues par les marxistes « orthodoxes » comme Bebel et Kautsky, autre exécuteur testamentaire d’Engels. Bebel déclare :

« Je ne tolérerai pas qu’on brise la colonne vertébrale de la social-démocratie, qu’on remplace son principe : la lutte de classe contre les classes possédantes et contre le pouvoir d’État, par une tactique boiteuse et par la poursuite exclusive de buts soi-disant pratiques ».

La tendance de Bernstein est mise en minorité en 1899 ; néanmoins, il n’est pas exclu du parti et continue d’y jouer un rôle important. En outre, si la ligne de Kautsky, qui prône le maintien de la ligne « révolutionnaire », a triomphé, elle se montre nuancée quant au concept de révolution. Kautsky entend en effet par là un changement radical de la société, mais de manière non violente, par le biais de la majorité.

La S-D s’étend en Autriche-Hongrie, en Scandinavie, en Grande-Bretagne. Le mouvement social-démocrate suédois s’écarte de la tradition marxiste en rejetant toute idée de révolution ; en Grande-Bretagne, où le marxisme ne s’est jamais implanté durablement, le mouvement ouvrier fédéré au sein du Trade Union Congress (TUC) évolue rapidement vers un réformisme partisan de la paix sociale. En Russie en revanche, le Parti Ouvrier Social-Démocrate (POSDR) est aussitôt réduit à la clandestinité ou, pour une grande partie de ses membres, à l’exil. Les sociaux-démocrates russes, confrontés à un pouvoir politique répressif, demeurent donc dans une optique révolutionnaire. rapidement le POSDR connaît une scission de fait entre Bolcheviks (= Majoritaires) et Mencheviks (= Minoritaires).

Avec la Première Guerre mondiale, l’éclatement de la social-démocratie…

C’est la Première Guerre mondiale qui verra l’éclatement de la social-démocratie.La social-démocratie européenne, et plus largement le mouvement socialiste, politiquement de plus en plus réformiste, se divise profondément. Les partis socialistes se rangent dans leur majorité à la politique d’« Union sacrée », soutenant l’engagement guerrier de leurs gouvernements respectifs, voire participant au pouvoir dans ce contexte. Les socialistes et sociaux-démocrates pacifistes sont minoritaires. Une autre tendance, représentée notamment par Lénine, prône le « défaitisme révolutionnaire » qui conduirait les partis socialistes à souhaiter la défaite de leur propre gouvernement, le conflit étant l’occasion d’amener à la révolution prolétarienne. Si la ligne de Lénine demeure minoritaire, l’opposition à la guerre gagne du terrain à mesure que dure un conflit particulièrement meurtrier : les sociaux-démocrates allemands se divisent et les pacifistes, exclus, fondent le Parti Social-Démocrate Indépendant d’Allemagne (USPD) au sein duquel les révolutionnaires constituent une tendance autonome, la Ligue Spartacus.

… la Révolution d’Octobre change la donne

La Révolution d’Octobre 1917 change totalement la donne au sein du mouvement ouvrier international et bientôt la rupture entre les deux courants, réformiste et révolutionnaire, devient radicale avec la fondation de la IIIe Internationale communiste (IC). Les anciens partis sociaux-démocrates font le choix de rejoindre l’IC, soit de façon majoritaire, soit minoritaire. Ils choisissent de changer de nom pour rompre symboliquement avec le réformisme et se baptisent communistes. Le courant réformiste reste au sein de la IIe Internationale et maintiennent les parti sociaux-démocrates. En Europe et particulièrement en Allemagne la rupture sera dramatique puisque le SPD dirige l’action contre-révolutionnaire face à la révolution des communistes regroupés dans la Ligue Spartacus et contribue au premier chef à l’écrasement et à la répression anticommuniste. Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht seront même assassinés sur ordre du gouvernement SPD.

Socialisme : parti réformiste ou parti communiste

Dès lors dans chaque pays deux partis se réclameront du socialisme, un parti réformiste et un parti communiste. Bien évidemment, dans chaque pays, la rupture ne se fait pas dans les conditions extrêmes que connaît l’Allemagne et les relations entre les deux courants ne seront pas identiques partout. De plus la manière dont s’est produite la scission, la rupture entre communistes et sociaux-démocrates, et cela malgré les 21 conditions à l’adhésion à la IIIe Internationale, fait que des éléments constitutifs de la pratique sociale-démocrate subsistent dans certains partis communistes et que certains partis socialistes continuent à se référer, au moins théoriquement, à des concepts révolutionnaires marxistes comme la SFIO qui prétend lutter pour la dictature du prolétariat. Toujours est-il qu’après Octobre 1917, la rupture est irrémédiable entre réformisme et révolution.

Une phase de radicalisation des relations entre les deux courants va suivre la fin de la Première Guerre. D’un côté il s’agit d’affirmer le caractère révolutionnaire des PC qui, sous l’impulsion de l’IC, dominée par le Parti bolchevik, impose la « bolchevisation » des sections de l’Internationale. De l’autre il s’agit pour les affiliés de la IIe Internationale de s’opposer avec véhémence aux communistes pour justifier la préservation de « la vieille maison ». Et des deux côtés on s’affirme en s’opposant. En Allemagne le KPD devient l’ennemi principal du SPD et en France Aragon lance : « Feu sur les ours savants de la social-démocratie ! ».

Années 30, l’Internationale Communiste et la lutte contre le fascisme

L’IC, un temps sur des positions sectaires, tire les conséquences de la défaite du mouvement ouvrier allemand face au nazisme en 1933 et effectue un tournant lors de son VIIe Congrès sous l’égide de son secrétaire général, Georges Dimitrov. C’est la ligne prônée par le parti français, celle du Front Populaire, qui s’impose. Quant à la S-D elle continue de camper dans beaucoup de pays sur des positions sectaires, anticommunistes, qui empêchent l’unité d’action antifasciste de se déployer. Dans d’autres pays, comme la France ou l’Espagne, le Front Populaire peut se constituer et tenter de barrer la route au fascisme. Cette stratégie de l’IC, au-delà même des acquis sociaux et de l’expérience acquise par la classe ouvrière et la paysannerie, jette les bases de ce que sera la Résistance durant la Deuxième Guerre, stratégie qui sera mise en œuvre au sein de Fronts comme le CNR en France ou le PEEA en Grèce ou le Comité de libération nationale en Italie. Elle permet aux partis communistes de devenir des partis de masse et des partis nationaux, dans le sens gramscien des partis « nationaux-populaires ».

Isoler et battre l’ennemi principal

Adaptation de la stratégie léniniste de Front unique, cette ligne du VIIe Congrès de l’IC, vise à la fois à lutter contre l’isolement des communistes et contre le réformisme et l’opportunisme y compris dans des alliances, des fronts, des blocs avec la S-D. Car combattre la division et l’inertie que celle-ci engendre c’est aussi combattre l’influence réformiste. Isoler et battre l’ennemi principal est une des grandes leçons du léninisme y compris avec « un allié temporaire, chancelant, conditionnel, peu solide et peu sûr » (Lénine, La maladie infantile du communisme). Renoncer au Front unique c’est baisser les bras devant le réformisme et la S-D. Bien entendu cette politique implique que les communistes gardent leur autonomie, leur indépendance, leur entière liberté car « la S-D est foncièrement un parti bourgeois » (Lénine, Ibid.). Le Front unique c’est la poursuite de la lutte des classes y compris dans une entente tactique avec la S-D pour que « l’expérience politique des masses » (Ibid.) les amène à rejeter le réformisme au profit de la révolution. Ce qui compte c’est que le Front serve à mettre les masses en mouvement et que les communistes jouent leur rôle d’avant-garde au sein du Front. Bref, comme le dit encore Lénine,

« toute l’histoire du bolchevisme, avant et après la Révolution d’Octobre, abonde en exemples de louvoiement, d’ententes et de compromis avec les autres partis, sans en excepter les partis bourgeois ! ».

Classe contre classe ou front populaire ?

La menace fasciste, sa victoire en Italie et surtout en Allemagne en 1933 font bouger les lignes au sein de l’IC. En effet le résultat concret de la ligne « classe contre classe » de l’Internationale et d’un puissant, combatif et héroïque parti communiste, le KPD, fort de 250 000 adhérents, fut une défaite terrible et une impasse. Certes la responsabilité de la S-D fut écrasante, de la répression contre la révolution spartakiste au vote pour Hindenburg au nom du moindre mal. Son hostilité agressive à l’égard des communistes et à toute perspective d’unité d’action fait du SPD, sans contestation possible, un des fourriers de nazisme. Il reste que proclamer que « l’arbre fasciste ne doit pas cacher la forêt social-fasciste » ne fut pas la réponse adéquate à la situation. Lorsque l’arbre s’abattit sur le mouvement ouvrier, nombreux furent ceux qui regrettèrent la forêt. C’est bien ce jugement des faits qui fit que l’IC opta pour la stratégie de Front populaire lors de son VIIe Congrès. Cette stratégie peut se décliner d’une multitude de façon mais elle reste fondamentalement juste : isoler l’ennemi principal en regroupant autour de la classe ouvrière toutes les forces possibles. Selon l’ennemi principal, selon les situations historiques particulières, le périmètre du Front, la tactique, les alliés substantiels ou circonstanciels changent, mais pas la stratégie. Rappelons que le trotskisme fut incapable de comprendre cette stratégie, qu’il condamna le Front populaire comme une compromission avec la bourgeoisie et une stratégie contre-révolutionnaire.

La social démocratie aujourd’hui

Le réformisme et la S-D ont connu depuis le Front populaire des évolutions : la base ouvrière s’est effritée, l’osmose entre les dirigeants sociaux-démocrates et la grande bourgeoisie s’est encore renforcée. Profitant du rapport des forces entre l’URSS, le camp socialiste, le mouvement de libération nationale et le mouvement ouvrier révolutionnaire, essentiellement les partis communistes, et le capitalisme, la S-D a tenté de s’identifier à l’« État providence », c’est-à-dire au compromis imposé au capitalisme durant les « Trente glorieuses », tentant de faire oublier cette vérité que Lénine avait déjà signalée : « les réformes sont toujours le résultat de l’action révolutionnaire » et non de la bonne volonté du capital. Ainsi le programme du CNR et les réformes mises en œuvre à la Libération en France par les ministres communistes sont le résultat d’un rapport des forces, de la puissance du PC, de l’URSS et non du réformisme social-démocrate. Ceci explique la « crise » contemporaine de la S-D et son incapacité à proposer une alternative au capitalisme voire une « humanisation » du capitalisme, depuis la chute de l’URSS et la mutation réformiste et opportuniste de nombre de PC. L’impuissance politique de la S-D et son rôle néfaste, réactionnaire apparaît ainsi de façon de plus en plus évidente.

D’ailleurs tant l’évolution sociologique que politique de la S-D implique de s’interroger sur l’identification du réformisme avec les partis sociaux-démocrates. En somme de quoi la S-D est-elle aujourd’hui le nom ? Certes depuis 1914, la S-D c’est la bourgeoisie dans les rangs ouvriers. Mais nous l’avons vu plus haut sa nature de classe n’empêche pas ce courant politique d’évoluer, de bouger au grès des situations et des rapports de forces, en particulier avec le courant révolutionnaire. C’est bien avec la S-D que les communistes ont tenté, parfois échoué (dans les pays scandinaves) et parfois réussi (en France, en Espagne, au Chili) à constituer dans les années 1930 des Fronts antifascistes. C’est que pour les communistes il n’y a ni politique du moindre mal, ni politique du pire. Il y a analyse des possibilités, des contradictions portées par telle ou telle situation concrète et action pour mettre les masses en mouvement et défendre en leur sein la ligne rouge, la ligne de la cohérence et de l’efficacité, la ligne de classe. Et puis les communistes choisissent leur ennemi : il serait irresponsable et absurde de mettre un signe d’équivalence absolu entre toutes les forces bourgeoises. Madame Bachelet, Présidente social-démocrate du Chili n’équivaut pas le général Pinochet. Le capitalisme règne sous l’une et l’autre mais ne pas tenir compte des différences entre l’une et l’autre pour les conditions de la lutte de la classe ouvrière et l’avenir même du socialisme serait criminel du point de vue des intérêts de la classe, du peuple et du pays.

Gauche de droite, la social démocratie et le social libéralisme

La S-D est devenue progressivement une sorte de social-libéralisme, parfois implanté en milieu populaire grâce à un syndicalisme puissant mais fondamentalement et ouvertement de collaboration de classe, visant à déserter la lutte des classes, à pacifier les rapports sociaux. Un capitalisme aménagé, un État-providence plus ou moins présent, une redistribution partielle des revenus aux couches populaires, la « modération » salariale (en fait l’austérité plus ou moins accentuée selon la conjoncture économique) assurée au patronat, une pratique économique libérale assez classique finalement, agrémentée de quelques améliorations sociales : voilà la pratique S-D sur la longue durée. Mais là encore on ne peut pas ne pas tenir compte des situations spécifiques de tel ou tel pays, de tel ou tel rapport de forces. Ainsi la SFIO et le PS Italien soutiennent la ligne de Front populaire proposée par les communistes contre les partis S-D des pays nordiques acharnés à combattre le Front populaire au sein de l’Internationale Ouvrière Socialiste.

La social démocratie et le clivage autour de la question de la Nation

Un point important doit être souligné. Dans les années 1920 la S-D fut en quelque sorte aidée par la grave sous-estimation de la question nationale par les communistes. En effet la référence à la nation, aux valeurs nationales permettait à la S-D de se démarquer des communistes qui, traumatisés par le social-chauvinisme de la S-D et ses funestes conséquences en particulier durant la Première Guerre mondiale, jettent le bébé patriote avec l’eau du bain nationaliste bourgeois. Là encore la politique de Front populaire permet aux partis communistes de faire leurs l’héritage national progressiste, de s’intégrer à la nation, de récupérer la force du sentiment national et de le mettre en synergie avec le combat social : cela va permettre aux PC, au moins à certains d’entre eux, de passer de l’état de secte à celui de partis de masse.

Reste l’évolution sociologique de la S-D : ce courant politique, même s’il draine encore dans certains pays la classe ouvrière, surtout là où les PC étant soit inexistants, soit devenus réformistes, (il est difficile de ne pas céder au vote « utile »), est de plus en plus le représentant de la moyenne bourgeoisie avec ce que cela implique sur le plan idéologique. Reste que la base de masse de la S-D n’est pas la base de masse de la droite classique et que les communistes ne peuvent qu’en tenir compte dans leur stratégie.

Enfin soulignons que dans les partis réformistes, dans le courant historique de la S-D, on doit inclure un néo-réformisme issu de l’aile gauche de la la S-D et de l’aile droite des PC mutés en partis réformistes et opportunistes. Leur histoire, leurs militants, même de façon résiduelle, permettent aux communistes d’interagir avec eux de façon différente qu’avec la vieille S-D devenue plus libérale que réformiste.

Cette évolution social-libérale entraîne un rétrécissement de l’espace politique de la S-D. Et son positionnement de plus en plus à droite sur l’échiquier politique. Le keynésianisme n’est plus à l’ordre du jour pour le capital car rien ne l’y contraint. En revanche les contradictions du capitalisme travaillent toujours la société et le capitalisme, débarrassé de sa peur de la révolution, se lance dans une politique de recul social d’une telle ampleur qu’on peut parler de recul civilisationnel. Le visage « exterministe » (G. Gastaud, Mondialisation capitaliste et projet communiste le temps des cerises 1997) du capitalisme et de son stade impérialiste apparaît dans toute son hideuse monstruosité tant sur le plan social qu’environnemental. De plus, la nouvelle mondialisation capitaliste implique pour le grand capital la destruction des États-Nations, qui constituent des pôles potentiels de résistance à sa domination puisque l’espace national reste l’espace d’organisation et d’action de la classe ouvrière. Ce qui n’exclue pas la nécessaire coordination internationaliste prolétarienne, bien au contraire.

Quelle chemin pour construire le socialisme ?

Le principe de Newton de l’action et de la réaction selon lequel à toute action correspond une réaction d’intensité égale mais de sens opposé, est une loi physique mais aussi politique. Ainsi la violence de l’action capitaliste contre les classes ouvrières, les masses populaires et leurs patries donne une base matérielle à une stratégie de Front populaire et patriotique en réaction à la politique du capital. Car pour qui veut bien s’aider de l’analyse matérialiste de la situation, cette analyse concrète de la situation concrète qui plutôt que de faire référence à ce pseudo marxisme théorique d’étagère, figé en dogme, sait s’appuyer résolument sur un marxisme créateur guide pour l’action *, il apparaît clairement qu’unir les communistes – à une époque où le Mouvement Communiste International est à l’état gazeux-,unir les patriotes – c’est à dire ceux qui considèrent, pour paraphraser le marxiste irlandais James Connolly, que la « cause du travail est la cause de la patrie et la cause de la patrie est la cause du travail »- à unir les antifascistes – à l’heure où la fascisation de l’UE et des États bourgeois est à l’œuvre – est la réponse révolutionnaire à la situation actuelle.

La social-démocratie, le réformisme sont en opposition totale avec cette stratégie : ils prônent et collaborent à la criminalisation du communisme et des communistes, ils prônent la dissolution de fait des nations dans des conglomérats supranationaux voulus et forgés par le grand capital et pour son seul intérêt au niveau mondial comme régional avec, par exemple, l’UE en Europe. Enfin, ils nient la fascisation et la facilitent par l’anticommunisme et l’antipatriotisme, rejoignant en cela un certain gauchisme dogmatique et nihiliste national, au-delà des postures « de gauche ».

Alors que l’opportunisme et le dogmatisme aboutissent à l’isolement et à l’impuissance du mouvement ouvrier et populaire, le marxisme et le léninisme permettent d’unir les masses à partir de leur niveau de conscience et de leur expérience concrète et de mettre en mouvement celles-ci dans une dynamique politique qui offre des perspectives immédiates et une issue politique.

Antoine Manessis

(*) En pratique, ne faut il pas savoir dire « il existe le marxisme théorique et le marxisme créateur. Je reste sur la base de ce dernier »

COMMENTAIRES  

10/01/2014 06:28 par olivier

Merci pour cet article qui nous rappelle l’évolution du parti social démocrate français et sa perte de substance de gauche.
« Car pour qui veut bien s’aider de l’analyse matérialiste de la situation, cette analyse concrète de la situation concrète qui plutôt que de faire référence à ce pseudo marxisme théorique d’étagère, figé en dogme, sait s’appuyer résolument sur un marxisme créateur guide pour l’action *, il apparaît clairement qu’unir les communistes – à une époque où le Mouvement Communiste International est à l’état gazeux-,unir les patriotes – c’est à dire ceux qui considèrent, pour paraphraser le marxiste irlandais James Connolly, que la « cause du travail est la cause de la patrie et la cause de la patrie est la cause du travail »- à unir les antifascistes – à l’heure où la fascisation de l’UE et des États bourgeois est à l’œuvre – est la réponse révolutionnaire à la situation actuelle. » <— Au niveau mondial je veux bien, mais en France le FN monopolise un peu la fibre patriotique depuis quelques années me semble-t-il... Du coup tenter d’unir les patriotes et les anti fascistes ne me semble pas évident au premier abord.

10/01/2014 08:50 par placide

@ olivier
Si le FN occupe le terrain, c’est qu’il a été abandonné justement par la gauche. A ce sujet lire par exemple l’excellent livre Patriotisme et Internationalisme reflexion autour de la question de la Nation (2010) de G Gastaud, et voir les récentes interventions de A Bernier sur le sujet.

Mais le FN l’occupe pour diffuser ses idées nauséabondes, xénophobes.

Alors oui justement, il faut l’affronter sur ce terrain, pour là aussi démonter les mensonges du FN, et dévoiler le parti garde chiourme du système capitaliste qu’il est derrière sa rhétorique eurocritique qui masque qu’il n’est ni pour sortir de l’UE, ni de l’euro par exemple.

http://www.initiative-communiste.fr/articles/prcf/derriere-le-masque-le-vieux-fn-ultra-liberal/

13/01/2014 18:56 par Gabriel

Le front populaire a été une tactique politique criminelle de la bureaucratie stalinienne. Cette tactique a mené bien des révolutions à l’échec. Souvenez vous que suite au massacre des ouvriers de Shangai en 1927 par Chan Kai Chek , Mao décida de ne plus se soummetre à la direction du Kuomintang et d’avoir une organisation socialiste indépendante de la bourgeoisie du Kuomintang. Stalin et ses alliés voulaient que les communistes chinois restent au sein du Kuomintang et forment un front populaire, Trotsky y était contre. Stalin voulait que les communistes chinois laissent Chan Kai Chek entrer avec ses troupes à Shangai, Trotsky disait que si cela arrivait Chan Kai Chek en profiterait pour massacrer les ouvriers. C’est cela qui arriva. Si Mao ne s’était pas séparé du Kuomintang la révolution chinoise aurai échoué comme la révolution espagnole. Les ouvriers peuvent donner un appui tactique à une bourgeoisie nationale anti-impérailiste mais tout en ayant leur propre organisation politique indépendante. C’est la tactique léniniste de la troisième internationale qui stipule qu’il faut frapper ensemble (l’ennemi impérialiste), mais qu’il faut marcher séparement. Front populaire et socialdémocratie ont mené la clase ouvrière au naufrage.

16/01/2014 11:39 par Manessis

Notre ami trotskiste Gabriel reprend la vieille ligne trotskiste hostile au Front populaire.
Qu’il me permette de le remercier. Pour deux raisons :
1) il nous rappelle et nous démontre l’inconsistance politique de la ligne trotskiste,
2) il nous montre que refuser, comme le trotskisme (mais il n’est pas le seul, tous les sectaires, les dogmatiques, les opportunistes, les gauchistes récusent cette stratégie) de bâtir un front qui a eu comme résultat en 36 de barrer la route au fascisme en France (celui-ci ne put occuper le pouvoir que grâce aux baïonnettes hitlériennes), revient à isoler la classe ouvrière et favoriser le "solo funèbre" dont parlait Marx.
Ce que notre ami Gabriel ne semble pas comprendre (et son voyage en Chine n’est absolument pas sérieux, quel qu’un aura sans doute l’envie et le temps d’expliquer cette mystification historico-politique) c’est que son interprétation de la stratégie de FP ne correspond en rien à ce qu’elle fut et ce qu’elle est.
C’est justement le FP qui permet de créer les conditions du vaste mouvement revendicatif de 36 qui impose à la S-D les conquêtes sociales de 36 et met en branle une dynamique politique qui s’épanouira dans la Résistance, le CNR et la Libération avec une nouvelle vague encore plus importante de conquêtes sociales.
Le trotskisme en dénonçant le FP, la Résistance, le CNR ou les conquêtes de 45 comme manœuvres contre-révolutionnaires et staliniennes, outre que cela fera rigoler à la fois tout travailleur doté d’un minimum de conscience de classe et tout adhérent du MEDEF qui se bat avec Denis Kessler pour démolir l’héritage du FP et du CNR, cela prouvera l’absence cruelle de stratégie de ce courant politique, son incapacité à saisir les contradictions du réel, sa propension à réciter comme un mantra les analyses du vieux Léon sans les confronter aux faits. Car la validation d’une stratégie c’est la praxis qui la donne et ce n’est pas en tentant de faire de Mao un krypto-trotskiste (ce qui est digne du marxisme de Groucho pas de Karl) que notre brave Gabriel évitera le jugement de l’histoire.
Combattre le FP comme contre-révolutionnaire n’est ce pas objectivement être l’allié du MEDEF ? Hélas toute l’histoire du trotskisme, cet anti-léninsme, le démontre même si la bonne foi de Gabriel et de ses camarades n’est nullement en cause.

19/01/2014 03:39 par Gabriel

Monsieur Manessis,

Votre Stalin a reconnu l’État d’Israël, cette entité sanguinaire alliée des USA non seulement au moyen orient mais partout dans le monde. Non seulement reconnu, il a fourni des armes aux sionistes !
Et pendant la guerre civile espagnole vos camarades stalinistes fusillaient ceux parmi les marxistes qui ne voulaient par joindre le front populaire.
Votre Stalin a fait torturer et assassiner Andres Nin membre de la POUM.

19/01/2014 03:44 par Gabriel

Dans un front populaire la classe ouvrière se soumet à la direction bourgeoise, dans un front de libération nationale la classe ouvrière garde son indépendance politique et organisationnelle tout en appuyant les mesures anti-impérialistes de la bourgeoisie nationale mais à partir d’une plateforme indépendante.

19/01/2014 03:55 par Gabriel

Lénine, 4 janvier 1923

Staline est trop brutal, et ce défaut, pleinement supportable dans les relations entre nous, communistes, devient intolérable dans la fonction de secrétaire général. C’est pourquoi je propose aux camarades de réfléchir au moyen de déplacer Staline de ce poste et de nommer à sa place un homme qui, sous tous les rapports, se distingue de Staline par une supériorité - c’est-à-dire qu’il soit plus patient, plus loyal, plus poli et plus attentionné envers les camarades, moins capricieux, etc.

19/01/2014 12:52 par quimporte

son voyage en Chine n’est absolument pas sérieux, quel qu’un aura sans doute l’envie et le temps d’expliquer cette mystification historico-politique

Si ce propos est une réponse à celui-ci :

suite au massacre des ouvriers de Shangai en 1927 par Chan Kai Chek , Mao décida de ne plus se soummetre à la direction du Kuomintang et d’avoir une organisation socialiste indépendante de la bourgeoisie du Kuomintang.

bien que je ne sois pas et n’ai jamais été trotskiste, il me semble que la mystification est plutôt du côté de la première citation et la vérité historique du côté de la seconde.
Mao a su prendre à temps ses distances avec Staline, notamment en ce qui concernait le rôle des paysans chinois dans la révolution : l’orthodoxie stalinienne voulait qu’ils n’en aient pas, et que la révolution soit exclusivement dirigée par son fer de lance : le prolétariat ; ce dernier, ultra minoritaire à l’époque en Chine, n’avait aucune chance de gagner le combat, même (et surtout) en faisant alliance avec la bourgeoisie.
Rappelons-nous que la révolution bolchévique fut le fruit d’un coup d’état à la faveur de la première guerre mondiale ; la révolution chinoise est née de la révolte de tout un peuple.

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