Érigé en exemple dans sa gestion du Covid-19, le pays souffre de l’inflation qui touche l’alimentaire.
Comme un paradoxe. Malgré les sanctions économiques, qui entravent l’acheminement de matériel médical, et la menace d’offensive militaire étasunienne, le Venezuela semble pour l’heure parvenir à contenir l’épidémie de Covid-19. Avec 345 cas et 10 morts selon le dernier bilan, l’Organisation panaméricaine de la santé, institution de l’ONU, a demandé au gouvernement la possibilité d’étudier sa stratégie « pour pouvoir la reproduire dans d’autres pays », précise la vice-présidente de la République bolivarienne, Delcy Rodriguez. Dépistage massif et gratuit – le plus haut taux du sous-continent –, porte-à-porte de médecins et confinement depuis deux mois portent leurs fruits. « Avec un Jair Bolsonaro aux manettes du Brésil et Donald Trump à Washington, Nicolas Maduro fait figure de véritable d’homme d’État » dans cette crise, concède un député d’opposition à l’AFP. Quatre pays européens (Belgique, Allemagne, France et Estonie) assuraient, lors d’une réunion le 28 avril, que les sanctions européennes n’avaient aucun impact sur l’aide médicale. Ils s’inscrivent ainsi en faux contre le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, qui appelle, lui, à une levée des restrictions qui empêchent les livraisons d’assistance humanitaire.
Un plan d’urgence d’approvisionnement
Bien avant la propagation de l’épidémie, plus de 9 millions de Vénézuéliens étaient en situation d’insécurité alimentaire, selon le Programme alimentaire mondial. Afin d’éviter que la crise alimentaire ne s’ajoute à la crise sanitaire, le gouvernement a mis sur pied un plan d’urgence pour garantir l’approvisionnement de douze produits prioritaires, une allocation de 400 000 bolivars (2,10 euros) et des distributions de colis. Le 1er mai, le salaire minimum a été augmenté de plus de 70 %, pour atteindre aussi 400 000 bolivars. L’urgence s’est exprimée vendredi au centre pénitentiaire Los Llanos (État de Portuguesa), où au moins 47 détenus sont morts et 75 autres ont été blessés dans une mutinerie. Du fait des mesures de restriction des visites liées au Covid-19, les familles ont dû réduire l’approvisionnement en nourriture et en médicaments. La population carcérale n’est pas la seule à souffrir. Il y a deux semaines, des scènes de pillage ont été rapportées dans plusieurs villes de l’intérieur. En cause, l’inflation, qui a atteint 124 % depuis le début de l’année du fait de la manipulation artificielle du taux de change et de la spéculation contre le bolivar. Pour les États-Unis, la famine aussi est une arme. L. S.
Lina Sankari, l’Humanité (04/05/2020)