RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
En Amérique Latine, les gouvernements qui mettent en oeuvre une stratégie alternative ont été réélus constamment, montrant son caractère efficace et populaire

La Grèce, Lord Byron et le chapeau de Bolívar

George Gordon Byron (1788-1824)

Il y a quelques années, alors que je voyageais dans l’avion présidentiel de Hugo Chavez avec un ami français du Monde Diplomatique, on nous demanda notre avis sur la situation en Europe. Un mouvement vers la gauche était-il possible ? Nous répondîmes avec le ton déprimé et pessimiste qui caractérisait les premières années du 21 siècle. Ni au Royaume-Uni ni en France, ni ailleurs dans l’eurozone, nous ne discernions la possibilité d’une percée politique.

« Dans ce cas, reprit Chávez avec un regard pétillant, nous pourrions peut-être vous venir en aide ». Il nous rappela l’époque de 1830 où les foules révolutionnaires arboraient dans les rues de Paris le chapeau de Simón Bolívar, le libérateur vénézuélien de l’Amérique du Sud qui allait mourir quelques mois plus tard. Le combat pour la liberté, dans le style de l’Amérique Latine, était vu comme le chemin à suivre pour l’Europe.

Sur le moment, je fus encouragé mais pas convaincu par l’optimisme de Chávez. Ce n’est qu’à présent que je pense qu’il avait raison ; il était bon de nous rappeler qu’Alexis Tsipras, le leader du parti de la gauche radicale grecque Syriza, en visite à a Caracas en 2007, avait posé la question de la possibilité de recevoir à l’avenir du pétrole vénézuélien à bas prix, tout comme Cuba et d’autres pays des Caraïbes et d’Amérique Centrale. Il y eut ce bref moment où le maire Ken Livingstone et Chávez manigancèrent un accord pétrolier prometteur entre Londres et Caracas, rompu ensuite par Boris Johnson.

Juillet 1830, combats de la rue de Rohan

Plus important que la prospection de pétrole bon marché, il y a le pouvoir de l’exemple. Chávez s’est engagé au tournant du siècle, et même auparavant, dans un projet qui rejette les politiques néo-libérales affligeant l’Europe et une grande partie du monde occidental. Il s’est opposé aux recettes de la Banque Mondiale et du Fond Monétaire International et a bataillé avec force contre les politiques de privatisation qui ont abîmé le tissu social et économique de l’Amérique latine et avec lesquelles l’Union Européenne menace à présent de détruire l’économie de la Grèce. Chávez a renationalisé les nombreuses industries, dont celles du gaz et du pétrole, qui avaient été privatisées dans les années 90.

Les paroles et l’inspiration de Chávez avaient eu un effet au-delà du Venezuela. Elles ont encouragé l’Argentine à dénoncer sa dette ; à réorganiser son économie par la suite et à renationaliser son industrie pétrolière. Chávez a aidé le bolivien Evo Morales à administrer ses industries du gaz et du pétrole en faveur de son pays plutôt que des actionnaires étrangers, et plus récemment à stopper le vol par l’Espagne des profits de sa compagnie de l’électricité. Par-dessus tout il a montré aux pays d’Amérique Latine qu’il existe une alternative au seul message néo-libéral transmis sans fin depuis des décennies par les gouvernements et les médias rivés à une idéologie dépassée.

C’est l’heure où ce message alternatif doit être entendu plus loin encore, doit être écouté par les électeurs d’Europe. En Amérique Latine, les gouvernements qui mettent en oeuvre une stratégie alternative ont été élus et réélus constamment, montrant son caractère efficace et populaire. En Europe, les gouvernements de quelque couleur que ce soit qui appliquent le modèle néo-libéral semblent chuter au premier obstacle, montrant que la volonté du peuple ne suit pas.

Si Chávez et ses coreligionnaires de la nouvelle “Révolution Bolivarienne” ont appelé à un socialisme du 21ème siècle , ce n’est ni pour revenir à une économie à la soviétique ni pour continuer l’insipide adaptation social-démocrate du capitalisme, mais comme l’a décrit le président de l’Équateur Rafael Correa, pour rétablir la planification nationale par l’État « en vue du développement de la majorité de la population » . La Grèce a une occasion merveilleuse de changer l’Histoire de l’Europe et de lancer en l’air ses chapeaux de Bolivar comme le firent les Carbonari italiens à Paris il y a tant d’années. Lord Byron, qui avait l’intention de s’établir dans le Venezuela de Bolivar avant de faire voile pour contribuer à libérer la Grèce, baptisa son bateau « Bolívar » ; nul doute que les évènements contemporains lui auraient plu.

Richard Gott

Londres, le 16 mai 2012.

URL de l’original (anglais) : http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2012/may/16/hugo-chavez-lesson...

Traduit de l’anglais par Thierry Deronne

L’historien Richard Gott, ex-rédacteur en chef du Guardian, auteur entre autres de “In the Shadow of the Liberator : The Impact of Hugo Chávez on Venezuela and Latin America”, Verso, 2001 ; "Cuba : A New History”, Yale University Press, 2004

»» https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/01/26/la-grece-lord-byron-et...
URL de cet article 27869
  

Même Thème
Les 7 péchés d’Hugo Chavez
Michel COLLON
Pourquoi les Etats-Unis s’opposent-ils à Chavez ? Pour le pétrole, on s’en doute. C’est tout ? Les guerres du pétrole, ils sont habitués à les gagner. Mais au Venezuela, on leur tient tête. Ici, on dit qu’il est possible d’employer l’argent du pétrole de façon intelligente et utile. Pas comme à Dubaï où on construit des hôtels à vingt mille euros la nuit au milieu d’un monde arabe sous-développé. Pas comme au Nigeria où la faim tue alors que ce pays est un des plus gros exportateurs mondiaux. Au Venezuela, (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Il n’existe pas, à ce jour, en Amérique, de presse libre et indépendante. Vous le savez aussi bien que moi. Pas un seul parmi vous n’ose écrire ses opinions honnêtes et vous savez très bien que si vous le faites, elles ne seront pas publiées. On me paye un salaire pour que je ne publie pas mes opinions et nous savons tous que si nous nous aventurions à le faire, nous nous retrouverions à la rue illico. Le travail du journaliste est la destruction de la vérité, le mensonge patent, la perversion des faits et la manipulation de l’opinion au service des Puissances de l’Argent. Nous sommes les outils obéissants des Puissants et des Riches qui tirent les ficelles dans les coulisses. Nos talents, nos facultés et nos vies appartiennent à ces hommes. Nous sommes des prostituées de l’intellect. Tout cela, vous le savez aussi bien que moi ! »

John Swinton, célèbre journaliste, le 25 septembre 1880, lors d’un banquet à New York quand on lui propose de porter un toast à la liberté de la presse

(Cité dans : Labor’s Untold Story, de Richard O. Boyer and Herbert M. Morais, NY, 1955/1979.)

La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.