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La peluche ensanglantée

Elle gît la peluche, près du petit corps recouvert du voile de la mort. Cette photo, insupportable, inconcevable (devait-on la publier ?) va nous hanter longtemps, sans doute jusqu’au bout du chemin. Comment la dépasser ? Impossible résilience. Il y a des peluches qui hurlent, qui pleurent, qui geignent, qui implorent, qui accusent, qui condamnent à mort...

On n’a pas le droit de faire du mal à une peluche. Que deviendrait ma Lucie sans sa peluche ? Elle dort dans les bras de « Vlad », son copain l’ours peluche, et tient par la main

son « bébé » peluchette, qu’elle caresse jusqu’au beau « pays des merveilles ». Elle n’aime pas le « marchand » de sable ; le sable, cela ne se vend pas.

Ce soir, les peluches de Lucie se taisent, essuient leurs yeux qui n’en finissent pas de couler ; quelques unes se dressent et crient « salopard ». C’est primaire, instinctif je l’avoue, et dangereux ; la haine peut soulager, mais ne fait rien avancer. Comment est-il possible que notre monde produise de tels monstres, manipulés, instrumentalisés, ou pas ? Faut-il qu’il soit agonique, cannibale, faut-il que notre société soit en passe de perdre toute humanité, tout espoir, pour écraser ainsi la tendresse et tuer une peluche ?

Et qu’ils sont laids la plupart de nos « politiques », ceux qui n’attendent même pas que le sang sèche pour s’approprier la peluche, pour en tirer quelques misérables bénéfices. L’histoire retiendra qu’ils ont osé , que des médias ont « mis en boucle » pour faire bouillir la colère et flamber « l’audimat », nous expliquer qu’ils n’avaient finalement pas grand chose à dire... mais qu’il fallait occuper l’antenne. J’ai trouvé la peluche bien plus digne que ces charognards. La peluche se suffit à elle-même.

J’ai aimé la retenue, la dignité des miens, les communistes, les humanistes sincères, les révolutionnaires, les syndicalistes, les militants « de verdad »...

Et qu’ils sont vilains, les uns et les autres, tous ceux qui en rajoutent, qui sans être juges mènent quand même l’enquête à leur façon, signalant d’emblée les présumés responsables, tous ceux qui récupèrent avec « opportunisme » les monstruosités, la douleur, l’horreur, pour soigner leur côte de popularité, pour ouvrir des brèches criminelles entre les peuples , pour désigner toujours les mêmes « fous », les mêmes « loups sauvages ». Sont-ils vraiment « fous », ces « loups sauvages », ou fanatisés, aveuglés, fascisés ? Le résultat est certes le même, horrible, mais réfléchissons un moment : le terrorisme ne tombe pas du ciel. Il naît de fractures, de fêlures, de rejets, de discriminations, d’intolérances ; de violences sociales, guerrières, de frustrations, d’humiliations... C’est contre tout cela qu’il faut être « en guerre ».

La France, et c’est douloureux, n’incarne plus pour des millions d’hommes, chez elle et dans le monde, les valeurs fondatrices du « 14 juillet », celles pour qui des milliers de militants, de Résistants, donnèrent leur vie, celles que nous aimons et portons en nous dans nos résistances, nos combats pour un monde plus juste, plus solidaire. Désirable. Un monde où des avions de « muerte » n’iraient pas la nuit, loin de « chez nous », bombarder d’autres peluches. Pourquoi ? Pour qui ? Un monde où les gamins palestiniens pourraient se baigner en paix. Sans drones à la place du soleil. Un monde où les enfants de Nice et d’ailleurs joueraient toute la nuit sur les fronts de mer. Un monde sans « fous ».

Ne pleure pas peluchette... Nous allons écarter les méchants, tout faire pour réduire les fractures, et pour créer du lien, du sens, de la compréhension, de l’humanité, et t’aimer davantage. Ensemble. T’aimer davantage, peluchette.

Jean ORTIZ
Samedi, 16 Juillet 2016.
Photo Reuters l’Humanité 16/7/2016.

 http://www.humanite.fr/blogs/la-peluche-ensanglantee-611956

COMMENTAIRES  

16/07/2016 23:36 par vagabond

C’est un déchirement de voir des enfants payer pour des crapules de toutes sortes.
Le mal est lâché dans ce monde. Comment les protéger ?

17/07/2016 09:24 par Milsabor

Le prototype du suicide pervers par le massacre de masse correspond à la fusion du Sujet dans la mort avec son self grandiose. Il accomplit la dynamique de son fonctionnement psychologique reposant sur le déni, le défi, le triomphe et la vengeance. Plus fort que la mort, il jouit de son pouvoir de détruire l’autre sans remord ni culpabilité et projette son nom à la face du monde pour l’éternité. Le premier du genre s’appelait Erostrate qui a mis le feu au temple d’Ephèse il y a plus de 2000 ans (à l’époque tuer des gens n’aurait eu aucun impact).

17/07/2016 10:30 par macno

Merci Jean :
« Sont-ils vraiment « fous », ces « loups sauvages », ou fanatisés, aveuglés, fascisés ? Le résultat est certes le même, horrible, mais réfléchissons un moment : le terrorisme ne tombe pas du ciel. Il naît de fractures, de fêlures, de rejets, de discriminations, d’intolérances ; de violences sociales, guerrières, de frustrations, d’humiliations... C’est contre tout cela qu’il faut être « en guerre ». »
Mais quand la "vraie" guerre est allumée c’est bien connu qu’il n’est plus possible ou très difficile de l’éteindre.
C’est bien avant qu’il faut faire la guerre à la guerre...
Un texte sur le wahhabisme qui présente quelques éléments de réponse très intéressants :
http://lesakerfrancophone.net/le-wahhabisme-saoudien-une-explication-trop-simple/
Toute guerre est un espace temps où des psychopathes de tous genres ont le pouvoir et/ou une multitude d’autres ont enfin l’occasion d’exprimer en toute "légalité" (ou pas d’ailleurs) leurs dysfonctionnements.
Cette "guerre contre le terrorisme" en fait partie et c’est peut-être la pire du genre car il n’y a pas de ligne de front. On n’est pas "sortis de l’auberge", nos société ayant créé un stock de psychopathes non négligeable et aussi manipulables à souhait...
« On venait d’allumer la guerre entre nous et ceux d’en face, et à présent ça brûlait ! Comme le courant entre les deux charbons, dans la lampe à arc. Et il n’était pas près de s’éteindre le charbon ! » (le voyage, Céline)
Le pire dans cette histoire est que "ceux d’en face", qu’on le veuille ou non, font partie de nous...

17/07/2016 12:37 par aldamir

Citation :à ajouter :
"le monde ne se meurt pas, il est en train d’être assassiné et les assassins ont un nom et une adresse"
Utah Philips

17/07/2016 12:55 par L. A.

L’article parle, dès son titre, d’une peluche et épilogue sur ce terme, cité pas moins d’une quinzaine de fois.
Sur la photo, il n’y a pourtant pas de peluche, mais une poupée, si les mots ont un sens (demandez donc à un gosse si c’est pareil). Comme quoi, pour les journalistes même les mieux intentionnés, et jusque dans les plus petits détails, il est inconcevable de ne pas utiliser les sempiternels mêmes clichés***, fussent-ils (simultanément !) contredits par les faits.
Quant au reste, sur le fond de l’affaire et quelle que soit l’empathie qu’on puisse avoir envers les martyrs, cet article n’apporte… strictement rien.
*** Il faut croire que « peluche » est plus accrocheur que « poupée » et connoté différemment, alors on mettra peluche même si on fournit une photo qui montre irréfutablement le contraire.

17/07/2016 21:30 par patrice

@ L A : Pendant que l’humaniste montre la peluche, le ridicule chicaneur ergote sur le sexe des doudous !
Merci Monsieur Ortiz pour ce magnifique texte.
Patrice Sanchez

P.S.. En une période où nos politicards n’ont à la bouche que les mots " déchéance de nationalité ", il serait de salubrité publique de promulguer une loi à l’encontre des gouvernements traîtres et parasites à la nation...

18/07/2016 01:34 par patrice

@ Macno
Bonsoir,

" Le pire dans cette histoire est que "ceux d’en face", qu’on le veuille ou non, font partie de nous... "

Oui le plus triste c’est que nous sommes tous plus ou moins contrôlés par des psychopathes passés maitres dans la manipulation de nos consciences !

Depuis le vieux de la montagne et sa secte des assassins fumeurs de haschich, rien n’a changé sous le soleil du maléfique...

Vous renvoyez à un lien sur le wahabbisme, je suis avant toute chose un humaniste se souciant de mon prochain par delà toute confession et je n’ai pas la vérité absolue, mais en notre époque de propagande et de mensonges, je cherche hors des sentiers battus avec notamment Pierre Hillard qui m’avait mis sur la piste de Sabbatai Tsevi fondateur de la secte des sabbatéens il y a quelques années !

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sabbata%C3%AF_Tsevi#La_conversion_.C3.A0_l.27islam

Tsevi se convertit à la religion musulmane tout en gardant des liens ambigus avec le judaisme, tout comme Jacob Frank qui créa par la suite le frankisme et se déclarait le successeur de Tsevi !

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacob_Frank#D.C3.A9claration_d.27.C3.AAtre_le_successeur_de_Sabbata.C3.AF_Tsevi

Pour en revenir au wahabbisme je ne cesse de m’étonner de la bienveillance de l’état d’Israël vis à vis de la monarchie Saoudienne !

18/07/2016 10:07 par L. A.

@ patrice
Il est assez facile de dire à ceux qui objectent « Mais… » (comme disait André Wurmser) qu’ils sont ridicules et ergoteurs. Mais vous, qui êtes à n’en pas douter un admirable analyste dialecticien, vous saurez nous dire en quoi c’est un « magnifique texte ». Serait-ce pour la profondeur de ses arguments qui m’aurait échappé (« On n’a pas le droit de faire du mal à une peluche », « qu’ils sont laids », « la retenue, la dignité des miens », « qu’ils sont vilains, les uns et les autres », « pour un monde plus juste, plus solidaire », « Nous allons écarter les méchants », « pour créer du lien », et j’en passe) ?
Maintenant, quelles que soient vos considérations, j’estime être en droit d’en avoir d’autres, y voyez-vous une objection ? Me faut-il votre autorisation ? Enfin je vous rappelle que, pour ma part, je n’ai été ni incorrect, ni impoli…
P. S. : plus les heures passent et plus il apparaît clairement que ce drame est en rapport avec la psychiâtrie, et non avec les musulmans, les sabbatéens ou le wahabbisme. On pourrait épiloguer sur la mise en abyme de « ceux qui n’attendent même pas que le sang sèche pour s’approprier la peluche, pour en tirer quelques misérables bénéfices ».

18/07/2016 11:31 par Palamède Singouin

réfléchissons un moment:le terrorisme ne tombe pas du ciel Il naît de fractures, de fêlures, de rejets, de discriminations, d’intolérances

Comme par exemple de 15 à 20 ans d’interminables débats sur le voile à l’école, à la crèche, chez les nounous, dans la rue, à l’université, sur le hallal, sur les mosquées, sur la prière dans la rue, sur la Marseillaise de Benzema et la responsabilité des musulmans (et/ou des noirs) dans les mauvais résultats de l’équipe nationale de foot....
Débats dans lesquels des poly-tocards "de gauche" genre Valls ou Boutih sont venus prêter main-forte - accompagnés d’un ramassis d’intellectuels et d’escrocs pyromanes (Finkielkraut, Badinter, Philippe Val, Caroline Fourest...) - aux Sarkozy, Ciotti, Morano et autres "patriotes" du type vichyste.

.......

de violences sociales, guerrières, de frustrations, d’humiliations...

telles que la litanie des bavures policières jamais sanctionnées, les contrôles au faciès systématiques et pour finir, l’alignement de la diplomatie français sur celle des USA et d’Israël accompagné d’un aventurisme militaire initié par Sarkozy et amplifié par Hollande.

C’est contre tout cela qu’il faut être « en guerre ».

Et ne pas oublier ce mot de Saint-Just : "Les peuples n’ont pas d’autre ennemi que leur gouvernement"

18/07/2016 15:22 par vagabond

A quoi bon, ces guerres (de clocher ?) ?

Le texte n’est pas terrible et alors, celui qui l’a écrit a réagi à chaud avec ses mots. Faut-il en débattre comme d’une question essentielle !?

Tout ce qu’il y a à retenir, c’est cette déchirante image, d’un petit enfant innocent gisant inanimé tout comme la poupée.

Puissent les enfants sacrifiés partout dans ce monde malade, rejoindre une dimension digne de leur pureté. J’espère que les malheureux parents surmonteront l’atroce souffrance. J’espère que tous ceux qui ont perdu un être cher, et tous ceux qui sont blessés surmonteront l’horreur de cette épreuve.

18/07/2016 16:46 par Jean Cendent

Bonjour,
Oui, de la psychiatrie du type délégation de pouvoir à des psychopathes .

22/07/2016 10:34 par D. Vanhove

@ L.A. : je vous rejoins sur le fond de vos commentaires (pas vrmt sur l’affaire de peluche ou de poupée, mais soit...)... mais, j’avoue humblemt n’avoir pas osé exprimer mon avis, et m’être auto-censuré sachant les volées de bois vert que je risquais de la part de certains internautes... surtout, dès qu’il s’agit de commenter un papier dont qqs aspects et l’illustration me paraissent "racoleur"...

certes, le papier a ss doute été écrit sous le coup de l’émotion... mais, justement, dans son contenu, l’auteur reproche aux élus d’avoir réagi de suite et donc sous le coup de l’émotion... préférant la "dignité des siens"... il aurait dû s’y tenir...

donc, je n’aime pas ce papier... pcq’il tire sur la ficelle émotionnelle et même si dans un tel cas, les émotions sont premières et tt à fait compréhensibles (personne ne peut rester indifférent à ce type d’évènement), ce sont des réactions primaires (ss aucun jugement de valeurs, mais bien d’ordre chronologique) or, il me semble qu’il faut laisser passer ces réactions (dont raffole les merdias qui en rajoutent tant et plus) pour revenir le plus tôt possible à la raison... ce que ce papier n’encourage pas...

que se passe-t-il, en fait : nos pays découvrent par retour de boomerang, ce qu’ils se permettent de faire avec une technologie redoutable en d’autres lieux qu’ils détruisent complètement... allez voir en Irak, Syrie, Libye, Gaza,... ce qui reste de ces lieux et la ruine totale des familles largement endeuillées...et pour tte réponse à ce qui s’est passé à Paris, Bruxelles, Nice, ces élus nous disent qu’ils vont frapper encore plus fort en Irak et en Syrie... cherchez la cohérence de tels propos...! Ce sont donc bien, "leurs guerres et nos morts" !!

en réalité, tant que nous voterons pour ces salauds, tant à gauche (pour ce qu’il en reste) qu’à droite, qui sont probablemt bien plus criminels que les qqs égarés qui commettent leurs forfaits sur nos territoires, nous participons à la dérive à laquelle nous assistons, éberlués et perdus...

enfin, et pour illustrer la raison pour laquelle je n’aime pas ce billet, je vous invite vrmt à voir et lire ce qui suit, à propos des raids français ayant semble-t-il tués des centaines de civils, dont des enfants et leur "peluche" (mais dont ces mm merdias ne pipent mot, la mort de ces basanés ne comptant pour rien d’autre que de sombres statistiques dont tt le monde se fout) :

[>http://french.almanar.com.lb/adetails.php?eid=315962&cid=18&fromval=1&frid=18&seccatid=37&s1=1]

23/07/2016 08:44 par cunégonde godot

L.A. :
L’article parle, dès son titre, d’une peluche et épilogue sur ce terme, cité pas moins d’une quinzaine de fois.
Sur la photo, il n’y a pourtant pas de peluche, mais une poupée, si les mots ont un sens (demandez donc à un gosse si c’est pareil). Comme quoi, pour les journalistes même les mieux intentionnés, et jusque dans les plus petits détails, il est inconcevable de ne pas utiliser les sempiternels mêmes clichés***, fussent-ils (simultanément !) contredits par les faits.
Quant au reste, sur le fond de l’affaire et quelle que soit l’empathie qu’on puisse avoir envers les martyrs, cet article n’apporte… strictement rien.
*** Il faut croire que « peluche » est plus accrocheur que « poupée » et connoté différemment, alors on mettra peluche même si on fournit une photo qui montre irréfutablement le contraire.

Bien vu !
Cet article est une "marche blanche" à usage mental et la photo qui l’illustre en subliminal un fidèle portrait de son auteur se ragardant si beau en son miroir... degauche, forcément degauche...

23/07/2016 11:22 par legrandsoir

Merci pour vos encouragements permanents à nos auteurs et pour votre art de ne jamais appuyer.

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