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Le FBI et l’Opération Condor

Après l’échec de l’Alliance pour le Progrès, presque toutes les nations latino-américaines traversèrent une époque d’horreur, qui s’étendit à travers tout le continent sous la forme de dictatures militaires. La chute des démocraties fragiles et questionnables donna le pas à des régimes dirigées par des généraux, appuyés sur les formes de violation des droits humains les plus brutales, les tortures et les disparitions, sur les massacres et les assassinats sélectifs. Ce fut la nouvelle forme par laquelle les oligarchies exprimèrent leur totale soumission à Washington et mirent en valeur des ’individus sans scrupules dans le vieux style de Léonidas Trujllo, Anastasio Somoza, Fulgencio Batista et Alfredo Stroessner, mais cette fois le pouvoir dur paraissait n’avoir aucunes limites de perfidie en totale impunité. Des noms aux consonances macabres comme Rafael Videla, Augusto Pinochet, José Maria Bordaberry, Hugo Banzer et beaucoup d’autres, restèrent dans la mémoire historique de nos peuples comme un mauvais souvenir, comme une blessure ouverte et déchirante.

La CIA, le FBI et le Pentagone Nord-Américain aidèrent à perfectionner les organes de répression des pays latino-américains et à former leurs membres aux dernières techniques en matière de torture et de répression. La modernisation accélérée de l’armée, la diffusion des Doctrines de Sécurité Nationale, le perfectionnement des services de renseignement militaire et l’augmentation de l’assistance militaire nord-américaine débouchèrent sur un modèle de contre-insurrection basé sur la terreur. L’idéologie des généraux, influencée notablement par le fascisme et les doctrines de l’ultra droite conservatrice nord-américaine avait comme double objectif, d’une part de contenir la lutte légitime des peuples et d’autre part d’augmenter le niveau de la dépendance au capital d’origine étrangère. Tout cet amalgame idéologique soutenu par la Doctrine de Sécurité Nationale, reposait dans la défense outrancière du développement d’un capitalisme dépendant du capital étranger et sur stratégies de développement conçues par les théoriciens nord-américains, ainsi que dans la répression et la stigmatisation à l’encontre de quiconque proposerait d’autres alternatives de progrès. L’exemple cubain fut excommunié, censuré et persécuté, ainsi que tous ceux qui le défendirent comme alternative plus viable pour les pays concernés.

Les présidents des Etats-Unis impliqués dans l’opération Condor, dans une plus ou moins grande mesure, furent Lyndon Blaines Johnson (1963-1969), Richard Nixon (1969-1973) ; Gérald Ford (1974 -1977), James Carter (1977-1981) et Bush Père (1989-1993). Chacun d’eux à cautionner d’une manière ou d’une autre la participation nord-américaine à ces évènements sanglants.

Les antécédents de l’appui que donneraient les EU à leurs « répresseurs » de service – en ce qui concerne la fourniture des armements les plus sophistiqués de l’époque, l’envoi de conseillers, d’aide financière, la formation à la guerre psychologique et aux techniques antisubversives - pour mener à bien leur future Opération Condor, se détermina à la Conférence Panaméricaine à Chapultepec, organisée en février 1946, au Mexique, qui se matérialisa dans les accords bilatéraux de coopération militaire, en 1951, sur la base de la loi 165 de sécurité mutuelle, approuvée par le Congrès des Etats-Unis, et dans lesquels était inscrit le recours à l’Ecole des Amériques pour former les tortionnaires les plus prometteurs. Des années plus tard, en 1967, le secrétaire de Département de la Défense nord-américain d’alors affirma que : « L’objectif principal pour l’Amérique Latine était le développement de forces militaires et paramilitaires locales pour assurer la sécurité interne. » Ce n’est pas en vain que les États-Unis, dédièrent en seulement trois ans, entre 1970 et 1973, la somme hallucinante de 4 300 millions de dollars à cette fin.

L’Institut de l’Hémisphère Occidental (= continent américain NdT) pour la Coopération et la Sécurité, connut également entre 1963 et 2001, comme l’Ecole des Amériques (alors déplacée à Fort Benning, mais temporairement située à Panama entre 1946 et 1984, à Fort Amador, et qui a présent se retrouve à l’Hôtel Melia Panama Canal) furent les principaux centres de la formation prodiguée par les EU pour initier aux techniques [de tortures] de basse intensité plus de 61 034 répresseurs et tortionnaires de l’Amérique Latine, nombre d’entre eux se distinguèrent par leur bestialité durant l’Opération Condor, comme ce fut le cas pour les Putschistes dominicains, Elias Wessin- Wessin ; le général bolivien Hugo Banzer ; le créateur des escadrons de la mort salvadoriens Roberto D’Aubuisson ; le général massacreur guatémaltèque Hector Granajo ; les généraux putschistes argentins Roberto Eduardo Viola et Léopold Fortunato Galtieri ; le tortionnaire corrompu péruvien Vladimiro Montessino ; le criminel en chef de la Dina chilienne, le général Manuel Contreras, le chef du récent coup d’état au Honduras, le général Roméo Vasquez Velasquez, ainsi qu’une longue liste de criminels en uniformes.

L’époque macabre des dictatures des généraux, se répandit de tous côtés, d’abord au Paraguay (1954) ; puis au Brésil (1964) ; ensuite dans d’autres nations du cône Sud comme le Pérou (1968), l’Uruguay (1972), Chili (1973), Argentine (1976) et en Bolivie. La modalité des juntes militaires putschistes ne fut pas l’unique forme qui incarna la répression institutionnalisée. Il y eut des exemples de gouvernements apparemment démocratiques, mais contaminés par un parrainage militaire- ainsi que cela se produisit en Uruguay, au Guatemala, au Salvador et au Honduras - qui se distinguèrent par leur extrême cruauté répressive.

Pendant que le Brésil étrennait la doctrine de Sécurité Nationale des Etats-Unis - approuvée par J. F. Kennedy en 1962 - depuis le coup d’état de Joao Goulart, la dictature de Stroessner au Paraguay, survécu depuis 1954 jusqu’en 1991. Le régime de Pinochet au Chili, pour sa part, après l’abominable coup d’état contre Allende se maintint au pouvoir de 1973 à 1990. L’Argentine, malheureusement, eut à pâtir de Videla, Viola et Galtieri de 1976 jusqu’en 1982 ; pendant qu’en Uruguay les gouvernements répressifs de Jorge Pacheco Areco et José Maria Bordaberry s’étendirent de 1966 à 1985. D’autres nations comme la Bolivie, le Guatemala et bien d’autres eurent à souffrir un tel panorama atterrant.

Il n’est pas exagéré d’avancer que les victimes de cet épisode répugnant furent au nombre de 300 000 ; beaucoup d’entre elles disparurent et furent assassinées par la répression militaire de cette guerre sale imposée à nos peuples. Des générations entières disparurent, sans l’ombre d’un doute, dans des pays comme le Chili, le Guatemala, l’Argentine, le Salvador. Ce fut la jeunesse qui eut le plus à pâtir de la répression discriminatoire, quelques 80 % des assassinés et disparus avaient un âge qui oscillait entre 21 et 35 ans. D’autres durent se résoudre à un dur exil pour échapper au meurtre.

Cette trame bestiale et répréhensible eut un nom : Opération Condor et fut accomplie par les dictatures militaires et une centaine de terroristes cubains, avec la bienveillance de Washington et l’appui de la CIA et du FBI nord-américain. Pour cela, ils eurent recours au vieil héritage fasciste d’Adolph Hitler. Finalement Condor n’avait pas de différence essentielle avec les opérations nazies comme le fameux décret Nuit et Brouillard.

L’Opération Condor fut l’application des plans nord-américains pour garantir la sécurité de sa cours arrière dans la région et représenta l’internationalisation de la terreur de la part de militaires latino-américains, appliquant le schéma de contre-insurrection de la Guerre de Basse Intensité (GBI). Sans l’ombre d’un doute donc, les conditions organisatrices, techniques et financières pour mener des opérations à grande échelle - coordonnées internationalement, afin de réprimer conjointement toutes les forces progressistes de la région - furent établies lors d’une rencontre qui eut lieu fin novembre 1975 à Santiago du Chili sous la complaisante direction de Pinochet, à laquelle participèrent le Chili, l’Argentine, la Bolivie, le Paraguay et l’Uruguay. Les Argentins, comme leurs associés Chiliens, Paraguayens, assumèrent et jouèrent un rôle significatif dans ces plans. Il importe de faire remarquer que les seuls militaires argentins disposèrent d’un nombre de 340 centres de torture et de détention clandestins, dont les opérateurs étaient des répresseurs militaires.

Les volumineuses contributions apportées par les Etats-Unis pour mener à son terme l’opération Condor incluaient non seulement des grandes sommes d’argent mais aussi de volumineux échanges de renseignements, de conseillers en techniques de torture et des d’équipement prodigués par la Division des Services Techniques de la CIA.

Les opérateurs de la DINA, une organisation du renseignement immédiatement subordonnée à Pinochet, furent ceux qui persécutèrent, séquestrèrent et « finalisèrent » des personnalités démocratiques chiliennes remarquables - dont certaines furent assassinées hors du pays, parmi lesquelles les notables général Carlos Prats et Orlando Letelier. Les membres de la DINA assassinèrent près de 45 OOO Chiliens, selon les sources de l’OEA, de l’ONU, du Conseil Mondial des Eglises et du Parlement Européen. L’Argentine a pour sa part perdu des milliers de ses meilleurs enfants, pendant qu’en Bolivie au cours de 18 ans de dictature militaire de de René Barrientos, Alfredo Ovando, Hugo Banzer, Alfredo Natussh Bush, Garcia Leza et d’autres entre (1965 et 1982), des centaines de Boliviens furent assassinés, des milliers emprisonnés illégalement et plus de 6 OOO recoururent à l’exil

L’opération Condor trouva dans les militaires paraguayens d’efficients artisans des disparitions de citoyens argentins, uruguayens, chiliens, boliviens et d’autres nationalités, qui étaient séquestrés puis renvoyés dans leur pays respectifs pour y être immédiatement torturés et assassinés. En prix de ces faveurs, les militaires argentins, par exemple, assassinèrent 54 paraguayens exilés dans ce pays. Des enquêtes postérieurs indiquent que les militaires paraguayens se sont incorporés aux activités de Condor à partir de juillet 1976, à travers le Colonel Benito Guanes Serrano, chef des Services de Renseignement de l’Armée. Le niveau de répression déchaîné par Stroessner fut tel que 360 000 personnes sur un total de 3 millions d’habitants passèrent par les prisons, et presque 50 % des paraguayens eurent à s’exiler pour échapper à la répression.

La station de la CIA à Montevideo élabora des listings et exerça un contrôle permanent sur les activistes les plus notables et les opposants au gouvernement du moment Ce fut la CIA qui facilita les coordinations entre les militaires uruguayens et leurs collègues du Chili et d’Argentine, donnant lieu aux opérations conjuguées entre eux, déjà analysées, qui étaient prévues dans l’Opération Condor. Par exemple, on peut mettre en évidence le groupe de 32 Uruguayens et Argentins, détenus dans la prison secrète de « Automotoras Orletti » qui furent envoyés en Uruguay en octobre 1976, et là-bas postérieurement « finalisés ». Telle fut la complicité des militaires et groupes civils de pouvoir, associés aux militaires du Cône Sud et comptant sur l’aide et l’appui des États-Unis. La preuve de cela, ce fut que, en 1969, l’agence envoya en Uruguay le célèbre tortionnaire Dan Mitrione.

Pour sa part, le FBI collabora dans l’entraînement de nombreux sicaires et bourreaux maîtres en techniques de torture et de « persuasion » échangeant des informations, des communications et des capacitations policières en général.

L’Amérique Centrale n’échappa pas non plus à la sinistre emprise de Condor. L’incapacité de Miguel Idigoras Fuentes de contrôler le mécontentement populaire, amena l’armée à prendre le contrôle de la situation préparant de fait les conditions pour le coup d’état du 30 mars 1963, les militaires guatémaltèques s’étant approprié la doctrine de Sécurité Nationale, celle-ci prit toute son ampleur durant le gouvernement de Julio César Mendez Monténégro , exercé entre 1966 et 1970. Dans le style de ses homologues uruguayens, un pacte entre les militaires et les civiles sanctifia ce nouveau modèle de contre-insurrection. Le coup d’état qui porta à la tête du régime Enrique Peralta Azurdia jusque-là ministre de la Défense, entraîna mille jours de terreur et de répression contre les forces progressistes du pays. En Mars 1966, avec le transfert du gouvernement à l’avocat Julio Cesar Mendez Montenegro, la répression se perpétua mais sous un autre visage en apparence différent. Ce fut alors que furent capturés et disparurent 28 dirigeants politiques et populaires, par ordre express du ministre de la défense de l’époque, le colonel Arriaga Bosque. Leurs corps disparurent dans ce style institutionnalisé déjà par l’opération Condor.

L’Amérique centrale eut aussi ces “escadrons de la mort”, similaires aux triple A d’Argentine. Il en vint à exister, pour le seul Guatemala, près de 20 organisations de ce type. Le modèle répressif en vigueur au Guatemala, appuyé par l’association entre les politiques, les entrepreneurs et les militaires s’étendit à la décennie des 70, avec l’entière domination de l’armée sur la vie publique. Les gouvernements militaires qui succédèrent à celui de Mendez Montengro, comme celui du colonel Carlos Manuel Arana Osorio (1970-1974) et celui du général Kjell Eugénio Laugerud Garcia (1974-1978) s’approprièrent l’institutionnalisation de la terreur, comme le firent plus tard les gouvernements militaires de Romeo Lucas Garcia, Efrain Rios Montt et Humberto Mejia Victores (1983-85). Ce fut l’époque obscure de la terre brûlée, des massacres de villages entiers, de l’assassinat de leaders et d’étudiants, de syndicalistes qui disparurent, de l’assassinat de 45 000 Guatémaltèques et de la disparition de près de 150 000 personnes.

Pour sa part, le Salvador, pour tenter en vain d’occulter la participation du gouvernement et de ses forces armées dans les fréquents assassinats politiques, créa, en 1967, un groupe paramilitaire connu sous le nom d’Organisation Démocratique Nationale (ORDEN), qui coïncide avec l’apparition des escadrons de la mort au Guatemala voisin. D’autres groupes de paramilitaires, dépendants de l’armée comme l’auto proclamée Brigade anti-communiste « Maximiliano Hernandez Martinez » et l’Armée Secrète Anticommuniste (ESA), commirent également des crimes abominables. Dans chacun d’entre eux étaient intégrés des militaires entraînés à l’Ecole des Amériques, par la CIA et par le FBI.

Ce fut particulièrement le FBI qui fut l’élément essentiel dans les plans de la répression en Amérique Latine, tant par les formations données aux tortionnaires que par un apport essentiel pour la capture et ultérieurement l’assassinat ou la disparition des persécutés politiques. Le FBI transféra en Amérique Latine ses modèles de contre-insurrection comme le programme de contre-renseignement connu comme COINTELPRO, qui avait déjà fait ses preuves à l’intérieur des Etats-Unis, il transféra aussi des fonctionnaires du FBI connus sous le nom de Légats et permit que la formation de répresseurs se fasse à l’Académie Nationale du FBI, elle-même. Plusieurs directeurs du FBI furent impliqués dans cette macabre conspiration de la terreur, tels que John Edgar Hoover, fondateur du FBI dès le 10 mai 1924 et qui en resta directeur jusqu’à sa mort en 1972, Louis Patrick Gray III, chef du bureau du 2 mai 1972 jusqu’en avril 1973, Clarence M. Kelley, en charge du bureau du 7 juin 1973 jusqu’au 15 février 1978 ; James B. Adams, qui dirigea le FBI quelques semaines ; William Hedgcock Webster, qui fut en charge du Bureau de 1978 à 1987, et dirigea ensuite la CIA de 1987 à 1991 et finalement, William Steele Sesiones, Directeur du FBI de 1987 à 1993.

Légats en Amérique Latine

Pendant plus de six décennies, le FBI a placé des officiers du Bureau dans les sièges diplomatiques de 75 villes du monde, couvrant presque tous les pays de la planète. Ayant le statut d’attachés légaux (Légats), ils ont la mission apparente de protéger les intérêts des EU et de leurs citoyens, d’effectuer des travaux de renseignements au sein des nations dans lesquels ils sont accrédités, d’échanger des informations avec les autorités et de les former. Les Légats dépendent directement du Bureau des Opérations Internationales au siège du FBI à Washington, DC. Il existe depuis des décennies des Bureau de Légats à Buenos Aires, Brasilia, Santiago du Chili, Caracas, Bogota, Panama et Mexico.

Les débuts des Légats en Amérique Latine trouvent leur origine en 1941, quand l’ambassadeur des EU en Colombie demanda l’assignation d’un agent spécial à l’Ambassade des EU à Bogota. Un an plus tard, en 1942, des agents spéciaux du FBI furent désignés pour l’ambassade nord-américaine à Mexico. Ce procédé s’officialisa en 1943 avec la désignation d’Attachés Juridiques ou Légats du FBI, dépendants du Bureau des Opérations Internationales au siège du FBI, Washington, DC et qui se chargent de la coordination inter agences avec le Département d’Etat, la CIA et le Pentagone.

En 1968, le Général nord-américain Robert W. Porter déclara que : « Afin de favoriser l’utilisation coordonnée des forces de sécurités intérieures et parmi les pays d’Amérique Latine, nous essayons de promouvoir entre les différents services et la coopération régionale, l’aide à l’organisation d’un commandement intégré et de centres de contrôle, l’établissement de procédures opératives communes, et la réalisation d’exercices d’entraînements conjoints et combinés. Condor fut le fruit de ces efforts.

Les légats coordonnèrent les efforts entre l’Opération Condor et le SIDE d’Argentine, la DINA chilienne, le DISIP et la direction du renseignement militaire vénézuélien, le Département d’Ordre Politique et Social (DOPS) et le Service du Renseignement National Brésilien, ce dernier se convertit plus tard en Agence Brésilienne de renseignement, ainsi que les Divisions Régionales des Opérations de Renseignement et Coordination de la Défense Interne ; l’Organisation Coordinatrice des Opérations Antisubversives d’Uruguay (OCOA) et aussi les renseignements militaires du Guatemala, du Salvador et d’autres nations.

Le New York Times du 6 mars 2001 nous apprend l’existence en 1978 d’un centre de renseignement installé au Canal de Panama, crée par les EU, pour échanger de l’information entre la CIA et les services de renseignement des pays latino-américains, un de ses fournisseurs étant le FBI et ses Légats.

Dans un rapport du Colonel Robert Scherrer, Légat du FBI à Buenos Aires depuis 1972 ; daté du 22 septembre 1976, l’usage de Automotrices Orletti à Buenos Aires comme centre de détention et de torture est reconnu dans un rapport provenant du SIDE argentin, y furent torturés et assassinés les diplomates Cubains Crescencio Galenaga Hernandez et Jesus Cejas Arias, enlevés probablement le 9 août de 1976 dans les environs de l’ambassade Cubaine.

Scherrer imposa aussi à ses chefs du FBI, dans un rapport au sujet des détails de l’assassinat à Washington, DC, de Orlando Letelier del Solar, ex ministre d’Allende à peine une semaine après que ce crime soit commis : « Opération Condor est le nom de code de la compilation, de l’échange et de l’archivage de données du renseignement [militaire] au sujet des personnes [qualifiées d’adversaires politiques], récemment établie entre les services qui collaborent entre eux afin d’éliminer [leurs adversaires politiques] dans ces pays. De plus, l’Opération Condor mènent à leur fin des opérations conjointes contre ses cibles dans les pays membres (…), le Chili est au centre de l’opération Condor, qui inclut également l’Argentine, la Bolivie, le Paraguay et l’Uruguay, le Brésil a également accepté le principe de collaborer aux collectes de renseignement de Condor »

Une troisième phase, plus secrète, de Condor consiste à former des équipes spéciales des pays membres pour qu’elles voyagent dans le monde entier, et dans des pays non membres ; pour mettre en pratique les sanctions [qui incluent] l’assassinat, [des adversaires politiques] des pays membres de l’Opération Condor. Un exemple ; si un [adversaire politique] ou un [appui de l’organisation politique adversaire] est localisé en Europe, une équipe spéciale de l’opération Condor sera envoyée pour localiser et surveiller la cible. Quand la localisation et la surveillance ont abouti, une seconde équipe de Condor de rendra sur place pour mener à bien la sanction effective contre la cible. En théorie, un pays fournira de faux passeports à l’équipe d’assassins, formée par des agents d’un pays distinct. L’assassinat de Letelier pourrait avoir été l’œuvre d’une troisième phase de l’opération Condor.

Ce qui est surprenant dans tout cela, c’est que l’agent spécial Robert Scherrer, en plus de connaître l’activité répressive de la SIDE argentine, coordonna régulièrement avec Antoine Campos Alum, qui était alors directeur du Commandement Des Affaires Techniques du Paraguay, diverses actions de renseignement concernant des personnalités et mouvements progressistes de la région, donnant des directives à ce sujet comme le démontre une note envoyée par Scherrer à Campos Alum : « Je suggère de poursuivre les conversations avec le Directeur de la Mission des Opérations des Etats-Unis au Paraguay, afin d’établir quelque programme similaire dans le domaine de la Sécurité Publique »

Tel était la complicité entre le FBI et les répresseurs de l’Opération Condor que le propre directeur du Bureau, Clarence Kelley, ne vit pas d’inconvénients à envoyer ses vœux à Campos Alum - qui actuellement fuit la justice - à l’occasion de la fin de l’année 1976 : : « En ce Noël, je désire m’exprimer au nom de tous mes collaborateurs et vous remercier de tout cœur de votre coopération, qu’avec tant de bonne volonté vous avez prodigué au FBI. Je vous souhaite le meilleur que vous méritez au centuple. »

Ces félicitations furent sans doute la juste reconnaissance par le FBI envers les policiers paraguayens qui en maintes occasion se dédièrent à lui fournir des informations, y compris au sujet d’activités de personnalités nord-américaines, comme cela se produisit en ce qui concerne le sénateur du Massachusetts, Edward Kennedy, qui lors d’une de ses visites à Buenos Aires eut une réunion avec différentes personnalités paraguayennes.

Le contrôle et le rôle de conseillers du FBI concernant l’activité des groupes de répression de la région, renforcé par presque 100 terroristes d’origine cubaine, ne contredit pas le fait que Scherrer lui-même ai eu connaissance de l’assassinat en Argentine de l’ancien président Bolivien Juan Jose Torres Gonzales, qui s’est produit en juin 1976, de celui de l’ancien Ministre de l’Intérieur et de la Défense du Chili Carlos Prats, de même que des assassinats des parlementaires uruguayens Hector Gutierrez Ruiz et Zelmar Michelini, durant cette même année. D’autre part, selon les archives du FBI de l’Opération Condor, la DINA chilienne a réalisé ou tenté de commettre des attentats terroristes en Espagne, France, Portugal, Italie, EU, Argentine, Chili et dans d’autres pays.

Une preuve de la compromission des Légats nord-américains avec le terrorisme anti cubain a été donnée quand le fonctionnaire accrédité à Puerta Espana, Trinidad et Tobago, donna sans difficulté un visa à Ricardo Lozano, le vénézuélien lié à Posada Carriles dans diverses actions terroristes - dont celle d’avoir placé une bombe en Guyane le 1er septembre 1976. Postérieurement, le bureau s’étonna de ce que le 8 octobre de 1976, ce terroriste fut arrêté sous l’inculpation de détournement d’un avion de Cubana Aviation en plein vol aux Barbades.

Un autre des détachés officiels du FBI qui agirent dans le cade de l’Opération Condor, en l’occurrence au Paraguay, ce fut le Colonel Robert Thierry, qui avait comme façade le titre de « conseiller en administration publique » de l’Administration de Coopération Internationale (AID) et dont la mission consista à servir de conseiller au Ministre de l’Intérieur du Paraguay, ainsi que de créer et de contrôler la Police Technique de ce pays

Un autre Légat du FBI à Buenos Aires, Calvin Clegg, a également été détaché pour récolter en permanence des informations concernant les personnalités progressistes de la région, ce pourquoi il était en interaction constante avec le SIDE. Lors d’une demande au répresseur et informateur paraguayen, Pastor Coronel, employé également à de nombreuses reprises par Scherrer, il lui demanda des informations au sujet du Conseil Mondial pour la Paix. « Est joint un rapport réservé, envoyé par le Bureau du FBI à New-York. Le rapport décrit l’histoire et les antécédents du Conseil Mondial pour la Paix, une organisation qui servit comme instrument du Parti Communiste d’Union Soviétique. Il vous prie d’examiner vos archives cherchant toutes les informations relatives au Conseil Mondial pour la Paix - qui est dirigé contre les EU et leur citoyens – dans votre pays »

Selon des archives de sécurité nationale déclassifiées, il y a peu, un câble de Kissinger du 16 septembre 1976, contient des ordres expresses de Kissinger qui annule l’ordre donné un mois plus tôt, le 18 août, aux ambassadeurs de son pays en Argentine, au Brésil, Chili, Paraguay, Bolivie et Uruguay de prévenir les régimes militaires de la région de ne pas commettre une série d’assassinats internationaux. Les Légats du FBI se bornèrent à avertir leur Directeur de l’existence des plans d’assassinats prévus, mais ne firent rien pour les empêcher..

Aujourd’hui nous savons que beaucoup de gens, à l’intérieur des administrations nord-américaines, se sont, durant cette étape, timidement opposés aux crimes planifiés dans le cadre de l’Opération Condor, mais aucun d’entre eux n’eut à cette époque le courage de les dénoncer. Tel fut le cas de Ernest Siracusa, l’ambassadeur des Etats-Unis à Montevideo, des ambassadeurs du Chili de l’époque David Popper et Robert Hill, ainsi que d’autres fonctionnaires de moindre importance au sein du Département d’Etat. Ont prévalu les décisions du Pentagone, de la Cia, du FBI.

La marche arrière de Kissinger, par l’intermédiaire de son Secrétaire Adjoint pour l’hémisphère occidental, Harry Shlaudeman donna le feu vert à l’assassinat de Letelier et à d’autres crimes macabres commis à cette époque. A ce sujet, Peter Kornbluh, Directeur des Archives de Sécurité Nationale, qui a son siège à Washington, signalait : « Le câble du 16 septembre est la pièce qui manquait dans le casse-tête concernant le rôle joué par Kissinger, et par le gouvernement des Etats-Unis, après qu’ils aient pris connaissance des conspirations de l’Opération Condor. (…) « Nous savons ce qui s’est passé : le Département d’Etat tenta de manière opportune de freiner les « Assassins et Cie » dans le cône Sud et Kissinger, sans explications, les contredit »

Il existe actuellement différents bureaux de Légats en Amérique Latine, comme c’est le cas de celui qui se trouve à l’ambassade de Bogota, Colombie, qui couvre ce pays et l’Equateur. D’autres se trouvent logés dans des ambassades nord-américaines qui ont leur siège à Brasilia, Brésil ; Bridgetown au Barbade ; ainsi qu’une sous officine qui se loge au consulat des Etats-Unis de Nassau, celles-ci couvrent un vaste territoire qui comprend Anguilla, Antigua et Barbade, Aruba, les Bahamas, , les Bermudes, Bonnaire, les Iles Caïman, Curaçao, la Dominique, la Guadeloupe, La Martinique, Montserrat, Saba, San Barthélemy, San Cristobal et Nevis, Saint Eustasies, St Lucia, St Martin, St Vincent et les Grenadines et les Iles Turcos et Caicos.

Les autres officines de Légats d’ Amérique Latine se situent à Buenos Aires, Argentine, avec la mission de s’occuper de ce pays conjointement avec le Paraguay et l’Uruguay ; à Caracas au Venezuela ; une sous officine est située à Puerto Espana, Trinidad et Tobago qui travaille sur la Guyane Française, Surinam, Trinidad et Tobago et aussi au Venezuela. Au Mexique il y a une officine de Légats à l’ambassade des Etats-Unis qui se situe à Mexico, ainsi que des sous officines à Guadalajara, Hermosillo, Monterrey et Tijuana.

Conçu par Hoover le COINTELPRO s’appliqua avec succès non seulement aux États-Unis mais aussi à Porto-Rico, il fut implanté dans plusieurs pays Sud-Américain avec pour but de détruire de l’intérieur les forces progressistes, de fomenter la division et la perte de confiance et de parvenir à une pénétration effectives des informateurs du Bureau dans leurs rangs. Il faudra encore beaucoup enquêter pour comprendre comment a été orchestré ce programme en Amérique latine, mais il est possible d’affirmer que les Légats en usèrent systématiquement, pour créer une ambiance de méfiance entre personnalités de gauche et pour fomenter les divisions, ils incitèrent certains de ses leaders à surdimensionner leur ego, tout en dénigrant leur image vis-à-vis de leurs compagnons.

Un autre élément à succès usé par le FBI dans l’opération Condor fut l’Académie nationale du FBI créée dès 1935 et qui commença à entraîner les policiers et les répresseurs latino-américains depuis 1962 de manière prioritaire, en arrivant à avoir entraînés en septembre 2008 presque 3000 personnes dont une grande part de latino-américains, avec comme mission avouée de « appuyer, promouvoir et améliorer le développement personnel et professionnel des leaders de l’application de la loi, les préparant aux défis complexes, dynamiques et contemporains à travers des techniques innovatrices, facilitant l’excellence dans l’éducation et l’investigation et la création d’associations dans le monde entier. En réalité des diplômés sortaient éminemment préparé en techniques d’interrogatoires de basse pression ; s’y entendant en tortures efficaces et autres méthodes modernes de contre-insurrection.

L’héritage laissé en Amérique Latine par l’Opération Condor est répugnant. C’est quelque chose que nos peuples n’oublieront jamais et les nouveaux pupilles du FBI devront en assumer la honte.

Percy Francisco Alvarado Godoy

Traduction Anne Wolff

Source originale en espagnol : El FBI y la Operación Cóndor - América Latina en Movimiento

»» http://les-etats-d-anne.over-blog.com/article-le-fbi-et-l-operation-co...
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Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
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