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Le RSA de Hirsch-Sarkozy ou quand la gauche oublie ses fondements...

"Dans un contexte où depuis plusieurs années les salaires progressent beaucoup moins vite que les revenus du capital, dans un contexte où l’on explique aux salariés de tant d’entreprises qu’il n’y a pas de quoi augmenter les salaires en bas et qu’au même moment, on augmente la distribution des actions et les dividendes en haut, il n’est quand même pas anormal que les revenus du capital soient mis à contribution pour revaloriser le travail des plus démunis et des plus exclus". On se croirait à l’université d’été d’ATTAC et pourtant, il s’agit d’un extrait de l’allocution de Nicolas Sarkozy confirmant que le Revenu de Solidarité Active (RSA) sera bien financé par un prélèvement supplémentaire de 1,1% sur les revenus du capital (Intérêts, dividendes, revenus fonciers, revenus d’assurance-vie et plus-value).

Du coup, la gauche en perd son latin. Jean-Louis Tourenne (PS), président du Conseil général d’Ille-et-Vilaine, a estimé que "Les classes moyennes seront touchées pour peu qu’elles aient placé quelque argent en prévision des accidents de la vie (décès, chômage...). Les personnes modestes (par exemple, les veuves d’agriculteurs en milieu rural), propriétaires de petits biens qu’elles louent seront taxées alors qu’elles ne sont généralement pas imposables". Le PS doublé sur sa gauche se poserait désormais en défenseur des petits épargnants... On se frotte les yeux, on n’ose y croire. Heureusement qu’il y a un secrétaire général au PS, François Hollande, qui sait garder la tête froide et se souvenir qu’il est quand même de « gauche » : « S’il doit y avoir des financements pour le RSA, qu’ils soient pris sur ceux qui ont le plus me paraît légitime ». En deux mots, le PS approuve Nicolas Sarkozy, situation quand même plus confortable qu’un tandem Sarkozy-Hirsch le doublant sur la gauche... Mais est-ce une situation si extraordinaire ?

Dans le gouvernement Sarkozy-Fillon, Martin Hirsch est souvent présenté comme étant différent des autres ministres d’ouverture : non seulement, il n’aurait pas trahi ses idées d’origine mais, de plus, il est vu comme une personnalité courageuse qui, en dépit des faibles moyens budgétaires dont il dispose, se bat pour mettre en oeuvre sa proposition de Revenu de Solidarité Active (RSA) destinée à éradiquer la pauvreté. Ce n’est qu’une pure illusion. La décision de Nicolas Sarkozy d’intégrer le RSA dans son programme est tout sauf un incident de parcours : cette proposition s’inscrit dans les projets libéraux d’impôt négatif dont l’objectif est de remettre, coûte que coûte, la population au travail en complétant, sur budget public, les revenus insuffisants que les entreprises versent.

Pour comprendre cette évolution des libéraux, on se doit de revenir quelques dizaines d’années en arrière. Comme on le sait, le chômage était quasiment inexistant en Europe dans les années 60. Il va progresser fortement dans les années 70 pour atteindre environ 10% de la population active de ces pays. Ce chômage massif va devenir le moyen qui permettra, dans la première partie des années 80, aux détenteurs de capitaux de dicter leurs conditions d’embauche (« si vous n’êtes pas satisfait du salaire proposé, d’autres attendent pour travailler »). Le résultat est connu : en l’espace de quelques années, la part des salaires dans la valeur ajoutée va perdre quelques 10% et ce, dans tous les pays européens. Comme les régimes d’indemnisation du chômage n’avaient pas été prévus pour faire face au chômage de longue durée, de nombreux individus vont se trouver durablement sans ressource, ce qui amènera les États à construire de nouveaux filets sociaux dont le RMI institué en France en 1988.

Même si cette situation était largement favorable au capital, il lui en fallait encore plus : il est en effet dommage que tant d’individus ne travaillent pas, ce qui réduit d’autant les opportunités de profits pour les entreprises. Il fallait donc les remettre au travail tout en les maintenant dans la précarité afin d’éviter toute surenchère salariale. En clair, leur faire accepter des emplois à temps partiels sans possibilité de complément (temps partiels subis), des emplois de courte durée qui s’enchaînent les uns aux autres en fonction des besoins immédiats des entreprises, des emplois dangereux et largement sous-payés.

C’est dans ce contexte que des formules d’impôt négatif vont se mettre en place dans divers pays. Le principe en est simple : vous vous devez d’accepter le premier travail venu et comme les entreprises ne sont pas en capacité de vous fournir des salaires décents, l’État, dans la mesure de ses faibles moyens, complétera vos revenus sous forme d’un avoir fiscal encaissable : ce n’est plus l’individu qui paye ses impôts mais l’État qui paye les individus. Construction saugrenue, non ? Cet impôt négatif se mettra en place dès 1975 aux États-Unis sous la forme du Earned Income Tax Credit (EITC). Les montants de cet impôt négatif seront toujours modestes : au maximum 4 176 $ par an pour un individu isolé ayant deux enfants à charge. Sur ces dernières années, de nombreux autres pays occidentaux (Canada, Royaume-Uni, Irlande, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Belgique, Autriche, Danemark, Finlande) ont créé des systèmes analogues. La France a institué son premier dispositif d’impôt négatif avec le gouvernement Jospin en 2001 : la Prime Pour l’Emploi (PPE) qui ne peut être touchée qu’à partir d’un certain niveau de revenu annuel (3 743 €) et bénéficiera pleinement aux travailleurs à temps plein au SMIC.

Le RSA n’est pas à proprement parlé un impôt négatif dans la mesure où il n’est pas versé par l’administration fiscale mais par les Conseils généraux. Mais sa logique est identique : compléter les revenus du travail par de l’argent public. Son unique raison d’être est la présence du RMI et de l’API (Allocation de Parent Isolé) dans le paysage français auxquels il se substitue. Son objectif est clair : inciter les allocataires de ces revenus à reprendre, coûte que coûte, un travail. Bien entendu, ce retour au travail est paré de toutes les vertus (réinsertion dans la vie professionnelle, augmentation des revenus), vertus auxquelles une gauche sans boussole ne peut être insensible. Les critiques du projet Hirsch-Sarkozy ne porteront ainsi jamais sur l’objectif caché (fournir de la main d’oeuvre bon marché aux entreprises) mais sur les conditions de sa mise en oeuvre, notamment la diminution « tendancielle » des budgets du projet (de 6 à 8 milliards d’euros avant d’entrer au gouvernement, pour afficher 3 milliards à son entrée et terminer aujourd’hui à 1,5 milliard). Le gouvernement avait laissé entendre qu’il financerait le RSA par une baisse de la PPE, ce qui laissait une marge de critique au PS (déshabiller Pierre pour habiller Paul). Manque de chance, le duo Sarkozy-Hirsch avait dans sa poche un autre plan : une hausse des taxes sur les revenus du capital. Le PS n’a plus d’autres choix que d’approuver. Mais quelle politique alternative une véritable gauche de transformation sociale pourrait-elle avancer ?

S’il est un objectif qu’une gauche digne de ce nom doit avoir, c’est celle d’une véritable libération de l’individu face au capital. Aujourd’hui, ce sont les entreprises qui choisissent leurs salariés et imposent leurs conditions, les impôts négatifs et le RSA ne changeant absolument rien à cela. Une véritable politique de changement social consiste au contraire à inciter les entreprises à embaucher à un point tel que toute personne qui cherche un emploi se trouve face à de nombreuses offres, à créer une situation dans laquelle le facteur de rareté soit désormais du côté des individus et non plus des emplois.

Utopique ? Imaginons que l’entreprise touche pour chaque emploi en équivalent temps plein un montant monétaire représentant une bonne partie du coût salarial. Finançons ces montants par un prélèvement sur la différence entre les ventes et les achats de chaque entreprise. En clair, une partie du coût salarial est prise en charge de façon collective par la totalité des entreprises. Supposons que l’offre d’emplois soit insuffisante (emplois de mauvaise qualité, persistance de chômage...). On relève alors la partie financée collectivement : chaque entreprise bénéficie de l’intégralité du travail d’un individu tout en ayant une part encore plus importante prise en charge par les autres entreprises. Les entreprises ont alors tout intérêt à embaucher, à rivaliser pour proposer des emplois attractifs.

Cette proposition économique existe : elle s’appelle la redistribution interentreprises (http://www.redistribution.fr). Grâce à celle-ci, une partie de la production globale d’un pays pourrait être dorénavant extraite des mécanismes marchands et répartie de façon strictement égalitaire entre les travailleurs. Ainsi, toute personne qui travaille a la garantie de recevoir un revenu décent, indépendamment de la valeur marchande de son travail. N’oublions jamais que le capital n’est que du travail mort, du travail cristallisé dans une production intermédiaire. En rémunérant de façon collective le travail, on réalise ainsi un financement mutualisé des investissements des entreprises, une collectivisation partielle mais néanmoins systématique des moyens de production. Voilà qui permettra de renouer tranquillement avec l’essence du socialisme, de libérer l’individu face au capital.

Mais revenons à la déclaration de Nicolas Sarkozy : « mettre à contribution les revenus du capital ». Voilà maintenant plus de dix ans qu’une partie significative de la gauche « radicale » tient ce langage et le voici repris par le représentant le plus emblématique du libéralisme anglo-saxon. Cette aventure du RSA tombe à point nommé pour nous rappeler que taxer les revenus du capital ne porte nullement en germe un quelconque changement de société : cela a longtemps été un cheval de bataille de la gauche réformiste et l’histoire a prouvé à plusieurs reprises que la droite libérale est parfois prête à sacrifier momentanément ses propres intérêts (l’investissement, ils savent ce que c’est !). A l’inverse, avec la mesure de redistribution interentreprises décrite précédemment, les entreprises auront le plus grand mal à générer des profits sur le travail des individus tout en étant « programmées » pour embaucher à tout prix : nous avons là en germe la naissance d’une autre société, d’une société dans laquelle les individus s’associeront enfin librement pour travailler ensemble tout en ayant la garantie d’un revenu décent et d’un resserrement drastique des inégalités.

Benoit Borrits

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Chroniques de GAZA 2001-2011
Christophe OBERLIN
L’auteur : Christophe OBERLIN est né en 1952. Chirurgien des hôpitaux et professeur à la faculté Denis Diderot à Paris, il enseigne l’anatomie, la chirurgie de la main et la microchirurgie en France et à l’étranger. Parallèlement à son travail hospitalier et universitaire, il participe depuis 30 ans à des activités de chirurgie humanitaire et d’enseignement en Afrique sub-saharienne, notamment dans le domaine de la chirurgie de la lèpre, au Maghreb et en Asie. Depuis 2001, il dirige (…)
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(...) quelqu’un a dit il y a vingt ans : "vous pouvez croire tout ce qu’on raconte sur cet homme, sauf qu’il est mort".

(...) Ce lieu sera pour toujours un témoignage de lutte, un appel à l’humanisme. Il sera aussi un hommage permanent à une génération qui voulait transformer le monde, et à l’esprit rebelle et inventif d’un artiste qui contribua à forger cette génération et en même temps en est un de ses symboles les plus authentiques.

Les années 60 étaient bien plus qu’une période dans un siècle qui touche à sa fin. Avant toute chose, elles ont été une attitude face à la vie qui a profondément influencé la culture, la société et la politique, et a qui a traversé toutes les frontières. Un élan novateur s’est levé, victorieux, pour submerger toute la décennie, mais il était né bien avant cette époque et ne s’est pas arrêté depuis. (...)

Avec une animosité obstinée, certains dénigrent encore cette époque - ceux qui savent que pour tuer l’histoire, il faut d’abord lui arracher le moment le plus lumineux et le plus prometteur. C’est ainsi que sont les choses, et c’est ainsi qu’elles ont toujours été : pour ou contre les années 60.

Ricardo Alarcon,
président de l’Assemblée Nationale de Cuba
Allocution lors de l’inauguration de la statue de John Lennon à la Havane, Décembre 2000

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