En effet, Tuxedo, ce que dit l’auteur de Rosa Parks et de la Ségrégation aux US est complètement erroné :
"Bien avant que les lois ségrégationnistes des États-Unis ne soient abolies, la discrimination avait déjà été vaincue dans les faits. Le 1er décembre 1955, Rosa Parks, une femme ordinaire, refusa de s’asseoir sur les sièges réservés aux Noirs dans l’autobus et s’assit sur un des sièges réservés aux Blancs. Elle fut arrêtée pour avoir enfreint la loi de Montgomery (Alabama). Son exemple fut suivi par des dizaines de personnes, tout comme des dizaines de personnes l’avaient précédée. C’est parce qu’il en a entraîné beaucoup d’autres que son acte de désobéissance a eu autant d’impact."
D’abord, dire que la "discrimination avait déjà été vaincue dans les faits", c’est tout ignorer de l’histoire des Noirs aux US et les décennies de luttes qui se poursuivent encore aujourd’hui, non plus, désormais, contre la Ségrégation et les lois Jim Crow, mais contre le racisme institutionnel qui l’a remplacée.
Ensuite, Rosa Parks était tout sauf une "femme ordinaire", ou plutôt un "être humain" ordinaire.
Et son acte de rébellion n’a pas été un incident ponctuel parmi tant d’autres ("suivi par des dizaines de personnes") mais s’il a déclenché un mouvement logique de grande ampleur, suivi par 99% de la population noire de la ville, qui s’est répercuté dans le pays et a eu un écho international, c’est qu’il s’inscrivait dans une stratégie de lutte.
4 jours après l’arrestation de Rosa Parks, à savoir, dès le 5 décembre, les leaders de la communauté noire de Montgomery étaient à même de lancer le boycott des transports publics, qui allait durer 381 jours – plus d’un an, donc, avant d’obtenir satisfaction.
On décrit Rosa Parks comme "couturière", ce qu’elle était à l’époque, mais en fait, elle avait obtenu le diplôme de fin d’études secondaires (le bac) en 1933.
En 1934, elle figurait parmi les 7% de Noirs avec un tel niveau d’études. Mais, en tant que noire, elle n’avait accès qu’aux emplois subalternes.
Après une instruction primaire jusqu’à l’âge de 11 ans (jusqu’en 1924, donc), elle était ensuite allée poursuivre ses études au lycée Alabama State Teachers College for Negroes, mais avait dû abandonner pour s’occuper de sa grand-mère et de sa mère qui étaient invalides (eh oui, c’est comme cela que les femmes restent dans l’ombre aussi : c’est elles qui sont chargées d’assumer les obligations familiales et d’abandonner leurs ambitions).
Mais elle n’a pas abandonné la lutte pour les Droits Civiques et contre les discriminations pour autant.
C’est en 1943, une dizaine d’années avant que MLK soit connu, que Rosa Parks est devenue membre du NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) et a été élue secrétaire bénévole du président de l’association, Edgar Nixon.
Dans les transports, à Montgomery, entre autres, les premières rangées de sièges étaient réservées aux Blancs et, après avoir acheté leur ticket à l’avant du bus, les Noirs devaient redescendre et remonter par l’arrière pour occuper les sièges du fond, derrière un panneau mobile qui était déplacé vers l’arrière au fur et à mesure que les Blancs montaient dans le bus.
Rosa Parks n’a pas attendu 1955 pour protester contre ces injustices flagrantes.
Parks explique que, déjà, en 1943, voulant rejoindre la section des Noirs depuis l’avant, le chauffeur de bus, James Blake, lui avait ordonné de redescendre et de monter par la porte arrière, mais, sitôt qu’elle était redescendue du bus, il avait redémarré.
Ce jour-là, comme dans de nombreuses autres circonstances, elle avait dû faire plus de huit kilomètres de marche sous la pluie.
C’est ce même chauffeur qui conduisait le bus le 1er décembre 1955.
Et le 1er décembre 1955, elle était peut-être fatiguée de sa journée de travail, mais ce n’est pas Cosette qui était montée dans le bus, comme on veut la décrire, mais une militante des droits civiques de longue date, active et déterminée, lasse du traitement qui était infligé aux Noirs dans les transports publics.
Selon elle, cette rébellion n’avait pas été préméditée ce jour-là. Elle était, d’ailleurs, sagement assise à côté de trois Noirs dans la section qui leur était réservée, mais comme de plus en plus de Blancs montaient dans le bus, le chauffeur ordonnait aux Noirs de céder leurs sièges. Ce qu’elle a refusé de faire.
Etudiante volontaire et assidue, épouse, garde-malade, travaillant parallèlement comme aide-soignante, femme de ménage et/ou couturière, puis, licenciée à la suite du boycott et, harcelée, ne retrouvant pas de travail, forcée de fuir la ville de Montgomery et de repartir à zéro en 1957 d’abord, à Hampton en Virginie puis à Détroit dans le Michigan et, enfin, inlassable militante du Mouvement pour les Droits Civiques et contre la discrimination, telle était Rosa Parks.
Et son combat, contrairement à ce que laisse entendre le texte ci-dessus, ne s’est pas arrêté à Montgomery et au boycott des transports.
Ainsi :
En 1965, elle participait à la "Marche historique contre la pauvreté" organisée à Montgomery à l’appel de Martin Luther King.
Elle allait faire des conférences sur le mouvement pour les droits civiques, et sur les problèmes sociaux et économiques auxquels les Noirs étaient toujours confrontés.
En 1987, elle fondait le "Rosa and Raymond Parks Institute for Self-Development", dont l’objectif était d’aider et d’éduquer les jeunes en matière de droits civiques.
En octobre 1995, elle prononçait un discours lors de la "Million Man March" à Washington, et en 1996, elle faisait une tournée dans tous les Etats-Unis et se rendait en Afrique du Sud.
Etc.
C’est sans doute cela qu’on appelle une "femme ordinaire", après tout. C’est-à-dire, quelqu’un qui assume toutes sortes de responsabilités dans l’ombre des héros.
Sur Franklin McCain, "militant" (d’on ne sait quoi), il est indiqué :
En 1960, Franklin McCain, un militant noir de 73 ans résidant en Caroline du Nord, s’assit un soir avec trois amis au comptoir d’une cafétéria de la chaîne Woolworth, dans la ville de Greensboro. … Ils commandèrent du café et attendirent toute la journée.
Je ne sais pas qui est ce journaliste, mais il les accumule !
D’abord, McCain avait agi avec trois autres, qui auraient aussi mérité d’être cités, à savoir David Richmond, Joseph McNeil, et Jibreel Khazan.
Ensuite ces trois-là n’étaient pas de simples "amis" du quatrième, mais, comme lui, des étudiants noirs de la "North Carolina Agricultural and Technical State University".
Ce qui signifie qu’il serait étonnant, comme spécifié, que McCain ait été âgé de … 73 ans, à l’époque - ce que semble confirmer sa date de naissance : 1942.
D’autre part, ils n’avaient pas agi sur un coup de tête, mais étaient pleinement conscients de ce qu’ils faisaient, des sit-in ayant déjà eu lieu dans tout le pays depuis 1957 et s’inscrivant dans le cadre de la lutte non-violente pour les Droits Civiques.
Et, enfin, si cette initiative a déclenché un mouvement de grande ampleur de sit-in dans les endroits réservés aux Blancs, ce n’était pas une action spontanée, mais qui avait longuement été préparée dans les années 50 par d’autres sit-in, plus confidentiels, mais surtout, une énorme organisation et un travail en amont derrière tout cela.
Rien de spontané et d’isolé ne peut réussir s’il n’y a pas de structures pour permettre au mouvement de se développer et une large prise de conscience de la population concernée.
Voir ici (ang).
A l’époque, la bourgeoisie, le clergé et les intellectuels noirs (soutenus par des progressistes blancs) œuvraient tous contre la Ségrégation, car ils étaient tous concernés.
Aujourd’hui, les mouvements pour la justice sociale et contre la discrimination ont été laminés, les Noirs sont en prison (ang), les militants indiens aussi.
Mais tout cela n’est que du sociétal et n’a aucun intérêt, puisque cela ne concerne qu’une fraction infime de la population, alors, revenons aux fondamentaux : la lutte des classes.
Tant que les pseudo-contestataires de nos sociétés vieillissantes se focaliseront sur le genre et les LGBT, tant qu’on glosera sur l’histoire au lieu de réfléchir à des stratégies de luttes communes et inclusives, le capitalisme n’aura rien à craindre de ce côté-là.
Au contraire, il est très bien secondé par ses idiots utiles qui croient tenir un os à ronger.
@Tuxedo : en revanche, je n’ai rien trouvé sur le militantisme "féministe" de Rosa Parks. Si vous avez des références…