Oliver Stone : les États-Unis « ne sont pas menacés. Nous sommes la menace »

Middle East Eye

Oliver Stone : les États-Unis « ne sont pas menacés. Nous sommes la menace »
Alors qu’il lance une nouvelle série documentaire offrant un point de vue critique sur les actions étasuniennes outremer, le réalisateur explique à MEE (Middle East Eye) qu’il n’a pas toujours vu les choses de cette manière.

NATIONS UNIES – Les controverses étasuniennes sont le fort d’Oliver Stone. Le réalisateur hollywoodien a braqué ses caméras sur l’assassinat de John F. Kennedy, la guerre du Vietnam et les attentats du 11 septembre 2001.

Lors de la préparation de sa nouvelle série documentaire pour la télévision, “ The Untold History of the United States ” (L’histoire jamais racontée des États-Unis), ce sont les « exploits » américains au Moyen-Orient qui l’ont le plus marqué, a-t-il déclaré à Middle East Eye mercredi dernier.

« En étudiant ces non-dits de l’histoire, une chose qui m’a vraiment beaucoup frappé a été l’histoire de notre implication au Moyen-Orient » a-t-il dit.

« Une implication abjecte. »

Stone retrace l’interventionnisme de Washington dans la région depuis les années 30, indiquant que celui-ci a atteint son apogée lors de l’envoi par l’ancien président George H. W. Bush de centaines de milliers de soldats pour libérer le Koweït après son invasion par l’Irak en 1990.

L’Union Soviétique s’était effondrée depuis peu et la porte était alors grande ouverte pour la domination de la région par une unique superpuissance, a-t-il expliqué.

« Nous n’en sommes jamais sortis. Une fois que nous y étions, nous y étions pour toujours. »

« Nous avons déstabilisé toute la région, semé le chaos. Et maintenant, nous accusons l’État islamique du chaos que nous avons nous-même créé », a-t-il ajouté, en référence à la milice extrémiste qui contrôle désormais de larges pans de la Syrie et de l’Irak.

Stone a préparé et écrit la série et le livre qui l’accompagne en partenariat avec Peter Kuznick, un professeur de l’American University spécialiste de la question des frappes nucléaires étasuniennes sur le Japon qui ont mis fin à la Seconde Guerre Mondiale.

« Tout tourne autour du pétrole. Vous vous souvenez de cet autocollant pour voiture où était écrit : ‘’Qu’est-ce que notre pétrole fait sous leur sable ?” », a demandé Kuznick à MEE.

La soif étasunienne de l’or noir est au fondement de l’alliance des États-Unis avec l’Arabie Saoudite, du coup contre le Premier ministre iranien Mohammad Mossadegh en 1953, appuyé par la CIA, et du soutien américain aux miliciens religieux qui combattaient les Soviétiques en Afghanistan dans les années 80, a-t-il poursuivi.

« Nous avons créé ces pagailles, et ensuite nous avons élaboré un plan militaire grandiose pour y mettre un terme. Mais les solutions militaires ne marchent tout simplement pas. »

Les opinions de Stone et de Kuznick ne risquent guère de faire froncer les sourcils dans les rues du Caire, de Moscou ou de Paris.

En revanche, aux États-Unis, elles sont loin d’être majoritaires.

Selon Stone, les Étasuniens vivent dans un bulle, influencés par un système éducatif, une classe politique et des médias qui dépeignent les États-Unis comme un symbole de stabilité et une force bienveillante dans le monde.

Un exemple célèbre est la description faite par l’ancien président Ronald Reagan des États-Unis comme d’une « ville scintillante sur une colline ».

« Être américain est très confortable », a avancé Stone. « Vous avez le sentiment d’être en sécurité et de jouir de la prospérité des biens matériels. Mais en même temps, vous pensez que vous avez des ennemis partout – en Russie, en Chine, en Iran, en Corée du Nord.

« Vous habitez dans ce cocon qu’est ce grand pays entouré de deux océans, mais avec l’impression de vivre toujours sous la menace. »

Oliver Stone a déclaré comprendre ce sentiment pour l’avoir lui-même vécu.

Stone est né à New York, d’un père républicain exerçant la profession d’agent de change, Louis Stone. Oliver a toujours été créatif – il écrivait souvent de courtes pièces de théâtre pour amuser sa famille – mais n’avait jamais remis en question la manière dont ses professeurs d’histoire enjolivaient les actes des États-Unis, a-t-il raconté.

« J’avais toujours entendu une seule partie de l’histoire, celle qui met en valeur l’exceptionnalisme américain, qui présente les États-Unis comme un pays altruiste et bénéfique pour le reste du monde. »

En 1967, Stone se porta volontaire pour aller combattre dans l’armée au Vietnam. Il fut blessé deux fois et, à son retour, il fut décoré de l’Étoile de bronze de l’héroïsme et d’un Purple Heart, une médaille accordée aux personnes blessées ou tuées au service de l’armée.

« Je suis revenu du Vietnam perplexe, complètement désorienté vis-à-vis de ce qui s’y passait.

« J’avais été soumis à une lourde dose de langue de bois, de langage militaire. »

Il a commencé à poser des questions et à lire les travaux d’« historiens progressistes », tout en étudiant la réalisation de films à l’université de New York avec Martin Scorsese et d’autres enseignants.

Ces idées ont inspiré les films à caractère politique qu’il a produits dans les années 80.

Ainsi, l’un de ses premiers films, Salvador (1986), se déroule dans le contexte d’une guerre en Amérique centrale dans les années 80. Platoon (1986), l’opus qui l’a rendu célèbre, met en scène un jeune soldat, interprété par Charlie Sheen, servant au Vietnam. Il a continué à enquêter sur cette guerre dans Né un 4 juilet (1989), avec Tom Cruise.

Puis en 1991, il a réalisé JFK, un film qui expose ses théories sur l’assassinat de l’ancien président, et qui sera suivi par deux autres portraits de commandants en chef des États-Unis, Nixon (1995) et W (2008).

Quant à son dernier film sur le lanceur d’alerte de la NSA Edward Snowden, sa sortie a été ajournée à 2016, a-t-il indiqué.

Oliver Stone a également à son palmarès des interviews de chefs d’État étrangers ayant défié Washington – du révolutionnaire cubain Fidel Castro au président russe Vladimir Poutine, en passant par le président ukrainien déchu Viktor Ianoukovytch.

“ The Untold History of the United States ”, une série documentaire en dix parties et un livre de 750 pages, offre aux Américains une version alternative de l’histoire de leur pays depuis la Seconde Guerre Mondiale jusqu’à nos jours.

Oliver Stone a affirmé que l’un de ses objectifs était de combattre le « crime éducatif » consistant à tromper les écoliers étasuniens.

« Nos programmes scolaires doivent être débarrassés de l’exceptionnalisme étasunien », a-t-il insisté.

« Nous ne sommes pas menacés. Nous sommes la menace. »

Oliver Stone

 http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/oliver-stone-les-tats-unis-ne-sont-pas-menac-s-nous-sommes-la-menace-13481966

COMMENTAIRES  

24/09/2015 20:33 par reymans

C’est plutot survolé mais belle lucidité, plutot rare pour un etasunien, surtout dans le monde du cinéma
Bravo Mr Stone, même si j’ai bien peur que ces prises de consciences et de ^positions vous fassent à la finale plus de tort qu’autre chose. Ca reste une cause noble, qui vaut le coup de se battre à savoir enfin ouvrir les yeux du peuple usanien, carremment dans sa bulle

Je visionnais il y a peu un film US, San Andréas pour ne pas le nommer
Sans parler de propagande au sens propre du terme, quel enfumage tout de meme
On y dépeint des services américains toujours prets à aider en cas de catastrophe, avec tous les moyens qui vont avec, la volonté des dirigeants, politiques notamment

C’est en visionnant ce film que je me suis pris à désespérer pour le peuple américain. En me posant d’un coup une question claire, et tellement simple que c’en est consternant : entre ce que nous sert ce genre de film, et la réalité des choses il y a un gouffre. Katrina, la Nouvelle Orléans, ca n’aura donc pas suffit au peuple US pour comprendre qu’on se moque d’eux, que leurs dirigeants les enfument ? Et ce n’est qu’un exemple

Panem et circenses, une locution qui a encore de beaux jours devant elle, et pas qu’aux US...

24/09/2015 21:04 par Pierre M. Boriliens

"la question des frappes nucléaires étasuniennes sur le Japon qui ont mis fin à la Seconde Guerre Mondiale"

Il faudra quand même que M. Stone se débarrasse aussi de cette contre-vérité (une majeure !)...

25/09/2015 08:11 par macno

@ Le Grand Soir
Vous aviez plein d’éléments concernant "les Américains" dans cet article : « Le désespérant désert de l’esprit »
http://lesakerfrancophone.net/le-desert-hurlant-de-lesprit/
Mais vous ne l’avez pas passé, et c’est dommage...
J’admets que l’article sur Oliver Stone est très intéressant, mais pour mieux comprendre comment fonctionne tout un pays et sa politique, il est préférable de s’attacher à en étudier, "au microscope" oserai-je dire, ses composants les plus basiques, les gens et leurs fonctionnements.
C’est à mon avis une démarche beaucoup plus instructive.
Ce n’est pas l’angle d’approche le plus facile j’en conviens. Il l’est bien moins que celui de monter en épingle ceux (des Américains) qui ont compris. Mais une question, LA question pratiquement incontournable subsiste : sont-ils véritablement compris dans leur propre pays ?
Cette déculturation de ce pays vient du fait que ce n’est pas un pays mais un assemblage de cultures plus ou moins abandonnées pour....le culte de la performance, autant dire pour une absence de culture.
Mais cet article le dit bien mieux que je ne pourrais le faire...
Il est à noter que ce "phénomène américain" qui n’est pas nouveau, nous pend au nez....

25/09/2015 17:44 par depassage

@ macno
Le désert de l’esprit est d’abord toujours désespérant et provient du statu-quo. Ou du forcing à maintenir un état ou une situation qu’importent les conséquences tant que cela nous reste possible. Après s’être doté de moyens uniformisés et d’une idéologique uniformisante qui en découle pour maitriser et dompter un grand espace comme les U.S.A, il reste à le maintenir tel. Mais cela ne se peut sans un expansionnisme débridé comme celui qui lui a donné naissance et sans l’entretien d’une peur de l’autre qui ne provient pas de l’autre mais du système lui-même et de sa peur de s’écrouler.

25/09/2015 19:54 par DePassage

@Pierre M. Boriliens

Sans savoir ce qu’en dit ou en pense Oliver Stone, dans cet article c’est le Middle East Eye qui fait cette contrevérité.

Parlant des frappes nucléaires des États-Unis au Japon, je viens de lire qu’ils livreront à l’Allemagne 20 bombes nucléaires équivalant à 80 bombes utilisées à Hiroshima :

http://www.zdf.de/frontal-21/stationierung-neuer-us-atomwaffen-in-deutschland-russland-beklagt-verletzung-des-atomwaffensperrvertrages-40197860.html

27/09/2015 00:25 par Geb.

Les Etats unis d’Amérique...

Le seul pays du Monde qui est passé directement de la barbarie et du génocide, à la décadence et à la destruction en interne de son propre peuple.

Après ça tu peux lire "We, The People" à l’endroit, à l’envers, et faire une exégèse en profondeur sur le 2éme Amendement, pour finalement te rendre compte que ça ne sont pas les belles paroles et les beaux écrits qui font la Démocratie et la Liberté, ni même leur application formelle par ceux qui s’en gargarisent sans jamais aller au bout. Mais plutôt une vraie compréhension des situations économiques et sociales par ceux qui sont concernés.

Et les "citoyens" usaméricains, y compris les plus lucides et honnêtes, (Et j’y inclus même Noam Chomsky), sont toujours en retard d’une année lumière sur leur situation réelle dans le Monde réel.

Sinon comment comprendre qu’avec environ 4 armes par têtes d’habitants nourrissons inclus, y compris les chars d’assaut et le hélicos de combats détenus par les citoyens américains, ceux-ci n’aient pas encore transformé le Sénat, la Maison Blanche, et le Congrès, avec Wall-Street en prime, en bouillie pour les chats au nom de ce même 2ème Amendement ???

29/09/2015 11:09 par D. Vanhove

...le danger - et certains commentaires en attestent - consisterait à penser que les Américains sont les seuls à être dans cet état de délitement de leur société, où les responsables politiques se "moquent" de leurs citoyens, etc... alors que ce qui est décrit dans l’article peut parfaitement s’appliquer à nos pays européens aussi...

penser que l’UE vaut mieux que les EU est un leurre... il n’y a que qqs nuances, et elles sont de plus en plus ténues...!

06/10/2015 14:48 par reymans

Très juste Mr Vanhove, il est bon de rester lucide sur nos situations respectives également, car elles ne sont pas tellement plus reluisantes

26/10/2015 09:43 par sik rim O.

I l me semble que certains contributeurs, en reponse a cet article, oublient que LEurope elle meme est constituee d’Etats qui sont passes par des guerres infames et destructrices de peuples indigenes
Les Europeens se sont enrichis et vivent confortablement maintenant pour regarder avec degout et haine, des "migrants’ venir solisiter quelque peu de leur bonne fortune. La crise actuel du Moyen Orient a commence tres tot avec l’invasion des africains pour certains,des Indiens, des americains pour d’autre...etc... Des etats Europeens ont agresses la Lybie,la Syrie etc.... et leur populations ont regardes leur TV et ont subis le lavage de cerveau quotidien sans trop de questions il me semble.i
Trop de critiques sur les americains qui sont traites comme des idiots et des ignares fous. Aurez vous oublie deja les populations francaises, allemandes et autres, sinon toutes a travers leur histoires meurtrieres et sauvages. Et pourtant, ils represantaient "la civilisation" et la culture et contimuent a se poser en tant que peuples eclaires , sages et eduques.
Pourquoi ne pas se regarder dans un mirroir et de ce demander cette question : Et nous ? sommes nous vraiment different de l’Americain moyen ?
Monsieur Stone a les moyens de se poser des questions sur sa vie et de faire des films Holliwoodien pour le grand public. C’est tres bien pour des intellectuels qui se gargarisent d’idee fraternelles et liberatrices de peuples.... avant ou apres un bon repas.
Aux USA, la population est comme tout autre a travers le monde, a part que le niveau de vie est beaucoup mieux pour la grande partie. Nous ne somme pas differents de vous . Il y en a qui vont a Harvard, comme il y en a qui vont a la Sorbone. Beaucoup ne sont pas eduques, ni politises( et c’est maleureux, bien sur) autant que pas mal d’europeens, il y a du bon et du moins bon,
Le probleme n’est pas lAmericain, ce serai plutot du cote de l’etre humain qu’il faut regarder.

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