RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Quand l’économie et le capitalisme se peignent en vert

Le vert fait vendre. De la « révolution verte » en passant par la « technologie verte » et jusqu’à la « croissance verte », il s’agit toujours de nous faire sortir de la crise. Dernière trouvaille en date ; l’« économie verte ». Une économie qui, contrairement à ce que son nom indique, n’a rien de « vert », mis à part la couleur des dollars qu’espèrent gagner ceux là même qui en font la promotion.

Il faut dire que la nouvelle offensive du capitalisme global, visant à 
privatiser et à transformer massivement en marchandises les biens communs, trouve dans l’économie verte sa plus haute expression. Dans un contexte de crise économique comme celle d’aujourd’hui, il s’agit précisément d’une des stratégies du capital pour récupérer des taux de profits élevés, en privatisant les écosystèmes et en transformant le « vivant » en marchandise.

L’économie verte constituera, justement, le thème central dans l’agenda du prochain Sommet des Nations Unies sur le Développement Durable, Rio+20. Il aura lieu du 20 au 22 juin à Rio de Janeiro, vingt ans après le Sommet de la Terre de l’ONU qui s’était déroulé en 1992 dans cette même ville.

Deux décennies plus tard, où en sommes nous ? Que sont devenus des concepts tel que le « développement durable », qui est accolé à ce sommet ? Où en est la ratification de la Convention sur le Changement Climatique qui avait jeté les bases du Protocole de Kyoto ? Ou de la Convention sur la Diversité Biologique qui fut élaborée à l’époque ? Ce ne sont plus que des chiffons de papier, ni plus ni moins. La situation aujourd’hui est pire qu’à l’époque.

Au cours de toutes ces années, non seulement on n’est pas parvenus à freiner le changement climatique, la perte de biodiversité, la déforestation, etc., mais ces processus n’ont fait, au contraire, que s’aggraver et s’intensifier. Nous assistons ainsi à une crise écologique sans précédent qui menace l’avenir de l’espèce humaine et de la vie sur cette planète. Une crise qui joue un rôle central dans la crise de civilisation que nous traversons.

Cette crise environnementale met en évidence l’incapacité du système capitaliste à nous sortir de la voie sans issue dans laquelle nous a conduit sa logique de croissance illimitée, de profit à court terme et de consumérisme compulsif. Cette incapacité à offrir une issue réelle, nous avons clairement pu la constater lors des échecs des sommets sur le
climat à Copenhague (2009), Cancún (2010), Durban (2011), ou lors du sommet sur la biodiversité à Nagoya au Japon (2010). A chaque reprise ce sont des intérêts politiques et économiques particuliers qui se sont imposés sur les besoins collectifs de l’humanité et sur l’avenir de la planète.

Dans ces sommets, on a adopté des fausses solutions face au changement
climatique ; des solutions technologiques comme le nucléaire et les agro-carburants, ou encore la capture et le stockage sous terre des émissions de CO2. Autant de mesures destinées à masquer les causes structurelles qui nous ont conduites à la crise écologique actuelle. Ces fausses solutions ne cherchent qu’à faire du profit avec cette crise et elles ne feront rien d’autre que l’aggraver.

Les liens étroits entre ceux qui possèdent le pouvoir politique et le pouvoir économique expliquent cette absence de volonté pour adopter les réponses effectives. Les politiques ne sont pas neutres. Une solution réelle implique un changement radical du mode de production, de distribution et de consommation actuels, une confrontation ouverte avec la logique productiviste du capital. Autrement dit : toucher au noyau dur du système capitaliste. Ceux qui détiennent le pouvoir politique et économique ne sont pas disposés à faire une telle chose car ils ne veulent pas « tuer la poule aux oeufs d’or ».

Aujourd’hui, vingt ans plus tard, ils veulent nous vendre leur « économie verte » comme une solution à la crise économique et écologique. C’est un autre grand mensonge. L’économie verte ne cherche qu’à faire du profit avec la nature et avec la vie. Il s’agit d’un processus d’appropriation néo-colonial des ressources naturelles - du moins celles qui ne sont pas encore privatisées - afin de les transformer en marchandises que l’on achète et que l’on vend.

Ses promoteurs sont, précisément, ceux qui nous ont conduit à la situation de crise dans laquelle nous nous trouvons : les grandes entreprises multinationales, avec le soutien actif de gouvernements et d’institutions internationales. Ces mêmes compagnes qui monopolisent le marché de l’énergie (Exxon, BP, Chevron, Shell, Total), de l’agro-industrie (Unilever, Cargill, DuPont, Monsanto, Procter&Gamble), des pharmaceutiques (Roche, Merck), de la chimie (Dow, DuPont, BASF), sont les principales qui impulsent l’économie verte.

Nous assistons à une nouvelle attaque contre les biens communs et les perdants seront les 99% de notre planète. Et tout particulièrement les communautés indigènes et paysannes du Sud, celles qui protègent et vivent de ces écosystèmes. Elles seront expropriées et expulsées de leurs territoires au profit des entreprises multinationales qui veulent tirer profit de ces écosystèmes.

Le Sommet de Rà­o+20 est destiné à garantir ce que l’on pourrait appeler « une nouvelle gouvernance environnementale internationale », qui consolide la marchandisation de la nature et permette un plus grand contrôle oligopolistique sur les ressources naturelles. En définitive, il s’agit de déblayer le terrain pour les entreprises multinationales afin qu’elles s’approprient les ressources naturelles en légitimant des pratiques de pillage et d’usurpation. La réponse est entre nos mains ; dire « non » et démasquer un capitalisme et une économie qui ne font que
se peindre en vert.

Esther Vivas

Articule publié dans « Público » le 17/06/2012. Traduction : Ataulfo Riera.

+info : http://esthervivas.com/francais/

URL de cet article 17027
  

Même Thème
Un autre capitalisme n’est pas possible
Rémy HERRERA
Le capitalisme est en crise. Il pourrait même s’agir d’une des plus graves crises de l’histoire moderne. Et pourtant, à suivre l’actualité au jour le jour, l’opinion publique peut avoir le sentiment que cette crise est déjà derrière nous. Or, le pire est sans doute encore à venir, malgré les propos rassurants tenus et les aménagements envisagés. En effet, la réactivation annoncée de l’intervention étatique a notamment pour objet la négation de la nature de biens publics à la fois gratuits et libres de (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

En Occident, la guerre deviendra la norme, la guerre constante. Les gens grandiront, atteindront la maturité, deviendront adultes, avec l’idée qu’il y a toujours une guerre. Alors la guerre ne sera plus une chose exceptionnelle, inhabituelle ou horrible. La guerre deviendra la nouvelle normalité.

Julian Assange

Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.