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Réflexion sur Noam Chomsky, la liberté d’expression et les impostures intellectuelles (attendez, vous allez comprendre)

On trouve de tout, mais alors vraiment de tout sur Internet. En lisant cela, vous pensez immédiatement à vidéos bizarres, théories du complot, photos étranges, ragots, que sais-je encore. On pense moins aux intellectualoïdes faussaires du mois, aux journalistes à la petite semaine et aux faux-nez et pseudos du jour.

Je suis toujours étonné de constater l’efficacité (relative) d’une logorrhée parsemée de quelques mots qui se veulent «  savants », de références obscures que personne n’ira vérifier et d’un jargon progressiste dont la familiarité et les souvenirs qui s’y rattachent vous font l’effet d’un verre de lait chaud. A croire qu’il suffit d’étirer la forme pour compenser l’absence de fond.

La dernière imbécillité en date sur laquelle je suis tombé, c’est l’accusation portée contre Noam Chomsky d’être un «  confusionniste » (et ne me demandez surtout pas la définition de ce terme). Et de ressortir une histoire vieille de trente ans pour laquelle Chomsky s’est déjà expliqué et de lui reprocher ceci ou cela, notamment sa signature dans une pétition pour la liberté d’expression de (ici, un nom sulfureux).

Noam Chomsky a une conception de la liberté d’expression qui ne prête à aucune confusion, justement. Il s’agit tout simplement d’un principe. On peut y adhérer ou pas, mais le qualifier de «  confusionniste » ne fait que révéler l’insondable vacuité intellectuelle des accusateurs - ou leur volonté manifeste de manipuler le lecteur.

Comme pour tout principe, il est plus facile d’affirmer son attachement que de le démontrer. Or, c’est justement dans les cas les plus «  extrêmes » que l’affirmation (somme toute gratuite jusqu’à là ) se démontre, se confirme et se concrétise. Et c’est à ce moment-là - et pas avant - que l’on sait qu’il ne s’agissait pas de paroles en l’air.

On pourrait faire un parallèle avec la peine de mort : je suis pour ou je suis contre. Dire «  je suis contre la peine de mort », c’est énoncer un principe qui, par définition, ne souffre pas d’exceptions. Que l’on s’en félicite ou s’en lamente, peu importe, le principe est affirmé et le reste est un débat philosophique (non dénué d’intérêt, par ailleurs).

Par contre, si je dis je suis «  contre la peine de mort » et que je rajoute aussitôt «  sauf pour les crimes particulièrement odieux », alors je ne suis pas contre la peine de mort, je suis pour la peine de mort «  dans les cas de crimes particulièrement odieux ». C’est clair, net et précis, et il ne s’agit pas ici de porter un jugement sur l’un ou l’autre, mais de clarifier ce qui devrait être une évidence.

« Si nous ne croyons pas à la liberté d’expression de ceux que nous méprisons, alors nous n’y croyons pas du tout. » - Noam Chomsky (interview par John Pilger en 1992). Notez l’importance ici de l’expression « ceux que nous méprisons ».

Alors, reprocher à Noam Chomsky de signer, par exemple, une pétition pour la liberté d’expression de (ici, un nom sulfureux) est aussi intelligent que d’accuser Robert Badinter de sympathie pour les criminels particulièrement odieux - chose que bon nombre d’abrutis n’ont pas manqué de faire à l’époque du débat sur l’abolition de la peine de mort en France. Dans un cas comme dans l’autre, l’imposture intellectuelle des accusateurs est la même.

Ce n’est donc pas Chomsky qui pratique le « confusionnisme », mais ses détracteurs qui n’osent pas aller jusqu’au bout de leur raisonnement : qu’eux-mêmes ne sont tout simplement pas pour la liberté d’expression (tel que l’entend Chomsky), mais contre la liberté d’expression de (ici, un ou plusieurs noms sulfureux). C’est clair, net et précis.

Le débat devrait donc éventuellement porter sur sa conception de la liberté d’expression et non sur un prétendu « confusionnisme » que quelques esprits pas très affutés auraient décelé chez Chomsky.

On dit que la beauté n’est pas dans l’objet mais dans l’oeil qui le regarde. Ici aussi, le «  confusionnisme » n’est pas chez l’accusé mais chez celui qui l’accuse.

Dit comme ça, c’est déjà moins confus.

Viktor Dedaj
Vive la beauté de l’évidence.

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