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Adolf Hitler : portrait d’un homme ordinaire.

Bonjour,

Je suis sûr qu’en voyant le titre de ce courrier, vous vous êtes empressés de le consulter. De ma part, ça s’appelle de la provocation.

Ce matin j’ai entendu aux informations qu’un film sur les derniers jours de Hitler (Hitler, la Chute) a déclenché une polémique en Allemagne. Les journalistes ont parlé d’un "portrait complaisant" du dirigeant nazi. Alors je me suis demandé "c’est quoi, exactement, un portrait complaisant ?". D’aucuns me diraient que c’est un portrait "qui sympathise avec la personne". En l’occurrence, la sympathie en question se résumerait à présenter ce brave Adolf comme un homme. Personnellement, je n’en ai jamais douté. Je peux parfaitement admettre qu’il ait pu être sensible à quelques envolées lyriques d’un dénommé Wagner. Je ne doute point qu’il ait pu verser des larmes au cours de son existence tumultueuse. Je veux bien croire à son amour pour Eva Braun. Et pendant ses derniers jours dans le bunker, l’ambiance n’était pas à la fête. On le comprend. Et pour vous dire toute la vérité, je n’en ai rien à foutre. Qu’il crève, lui et ses adeptes.

Alors où est le malaise ? Il semblerait, selon les journalistes, que le simple fait d’affirmer que Hitler "était un homme" provoque ce malaise. Attention, les médias ce matin ne parlent pas d’un "portrait erroné", mais bien d’un "portrait complaisant". Ce qui veut dire "vrai" - dans un sens - mais "sélectif". Pour le reste de "l’oeuvre" de Hitler, on est quand même assez au courant, non ? Ou est-ce que 50 ans d’enseignement de l’Histoire chez nous n’auraient servi à rien ?

En réalité, cette réaction des médias en dit long sur l’infantilisation du monde occidental. Une conception fantasmagorique de la réalité qui éclate tous les jours sur nos écrans et dans nos journaux, mais le cas de Hitler ce matin est symptomatique. Ainsi, le fondateur du nazisme ne saurait être tout simplement le produit de certaines forces politiques et économiques de son temps. Non. Il a donc du surgir d’on ne sait trop où et dormir dans un cercueil, ou quelque chose comme ça.

Ainsi donc, les médias sont finalement arrivés à leur destination : le monde des bandes-dessinées. Une vision ouatée de la réalité, où de charmants bambins blonds et leurs mamans attentionnées seraient soudainement agressés par des hordes surgies des entrailles de la terre. Très "Seigneur des Anneaux", vous ne trouvez pas ? Mais faut-il réellement s’en étonner ? Pas vraiment, car l’exemple vient de haut.

Prenons l’exemple d’une campagne électorale dans la plus grande démocratie de la planète, le pays le plus occidental de l’Occident, à savoir les Etats-Unis d’Amérique. J’ai oublié des guillemets au passage mais je vous laisse le soin de les placer là où bon vous semble.

Le candidat - quel qu’il soit - se présentera "favorablement" en compagnie de sa femme (qu’il aime), de ses enfants (qu’il adore), de son chien (avec qui il entretient une relation de confiance). Il se montrera en train d’assister à un match de base-ball, en train de pêcher (à la ligne), de chasser, de serrer des mains, de faire des bisous, de distribuer des cadeaux. Il fera griller des saucisses, prononcera quelques bons mots, fera preuve de charme. Bref, il se présentera dans toute son "humanité" jusqu’à nous faire péter les glandes lacrymales. Les électeurs ne sont pas appelés à élire un "homme politique", mais une "image sociale". Un pur cas de consumérisme où l’emballage et l’image prime sur l’utilité et la nature réelle de l’objet. Et aussi un pur cas de propagande qui pourrait se résumer ainsi : "s’il aime sa femme, ses enfants, son chien et les saucisses, il ne peut pas être mauvais". Là , la machine de propagande est en position offensive. Pathétique pour l’humanité, certes, mais c’est comme ça.

Dans le cas de Hitler, le même mécanisme est à l’oeuvre, mais cette fois-ci en sens inverse. Car le mécanisme décrit ci-dessus est tellement intégré dans le monde médiaco-commercial, qu’ils réagissent instinctivement - à "leur" instinct - et se mettent en position "défensive", qu’on pourrait résumer ainsi : "Hitler était mauvais. Il est donc impossible qu’il ait aimé sa femme, ses enfants, son chien et les saucisses. Affirmer le contraire serait dresser un portrait complaisant". Hitler décrit comme un homme ? Brrr... quelle révélation. Et surtout, quelle hérésie pour les médias commerciaux qui s’échinent à nous présenter le côté doré et civilisé de quelques diplômés de Yale qui mettent la planète à feu et à sang mais restent néanmoins dans le camp du "bien", parce que... ben, parce qu’ils aiment leur femme, leurs enfants, etc.

Le plus bel exemple concret de ce schéma intellectuel, qui confond le fond et la forme, qui nie les réalités pour s’accrocher aux mythes, c’est celui du pro-américanisme bêlant. Celui qui s’esbaudie de la présence d’une statue de la liberté à Manhattan, sans remarquer les B52 qui la survolent tous les jours. Celui qui verse une larme émue d’y voir deux partis politiques débattre "démocratiquement" sur l’utilisation d’armes nucléaires tactiques en Irak. Celui qui tremble à l’idée que Hitler ait pu nourrir ses canaris. Celui qui juge un dirigeant occidental sur l’amour qu’il porte à son chien plutôt que sur le sort cruel qu’il réserve à ses semblables.

Et oui, il paraît que Hitler aimait les animaux . Mais ne le répétez pas, car vous pourriez mettre en danger la Civilisation Démocratique et Libérale Occidentale. C’est vous dire si cette civilisation repose sur des bases solides.

Viktor Dedaj,
"ecce homo"
janvier 2005

COMMENTAIRES  

10/01/2005 12:37 par philou116

Excellente analyse de la situation...

23/07/2006 13:58 par pat

mais ce victor est un monstre

23/07/2006 14:30 par Viktor Dedaj

Mort de rire...

Pouvez-vous préciser cette profonde pensée ?

Viktor Dedaj

13/01/2005 20:37 par patkorat

C’est pas trop tot. hitler le cache misere de toutes les horreurs humaine empeche toute reflexion. Mais c’est comme un mauvais film. La connerie humaine a porte hitler au pinacle du siecle passe. la connerie humaine actuelle entend porter a nouveau la guerre comme l’intelligence supreme. Quand affronterons nous notre part mauvaise pour la vaincre ? Quand les pires tyrans cesseront-ils d’etre les poupees repoussantes de notre humanite vacillante ?
L’enfer, c’est devenu nous.

20/04/2005 04:35 par François Lourbet

J’ai vu cet assez mauvais film consacré au Führer, comme on disait (en italien, ça se traduit par Duce, en espagnol par Caudillo, en français par Guide - ainsi se faisait appeler De Gaulle, qui ne valait pas mieux que les autres voyous). Et je me disais, ensuite, que le régime nazi a duré douze ans avant de s’effondrer sous ses propres ruines. Douze ans, c’est peu dans la vie d’un peuple.

Et je pensais à d’autres peuples, à d’autres pays dont l’histoire criminelle se confond avec leur histoire tout court. Il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, de pays "fabriqués" par la volonté de quelques uns. Chacun aura reconnu les Etats Unis d’Amérique du Nord, qui accumule les crimes, au nom de la "liberté", depuis leur naissance. Massacre des amérindiens, vol de leurs terres, esclavages, interventions armées un peu partout dans le monde, mise en place de dictatures effroyables, terreur intérieure (Red scare après la révolution russe, MacCarthysme après le début de la guerre froide).

L’autre Etat criminel est Israël (la Shoah n’excuse rien et que les brutes qui martyrisent les palestiniens depuis plus d’un demi-siècle osent évoquer les six millions de victimes juives du nazisme devrait ouvrir les yeux de la communauté internationale). Et le dire haut et fort n’a strictement rien à voir avec un quelconque antisémitisme. Y en a marre des amalgames.

16/01/2005 11:11 par barbarie.org

10 minutes de lucidité qui font le plus grand bien... Et que penser de ces acteurs qui affirment, courageux et inflexibles, qu’ils seraient prêts à jouer tous les rôles, sauf celui d’Hitler, parce qu’il "y a des limites" ?

01/02/2005 00:05 par domsau2

Oui, Hitler était un humain, pas un humaniste, mais un humain.
PS : il aimait les animaux, certes, mais a tué Blondie.

10/03/2005 00:21 par marsl1

Alors, est ce qu’on peut penser de la même manière que l’armée allemande était une armée d’occupation comme les autres, pas plus horrible ???
et est ce que le gars qui vient de nous provoquer avec sa déclaration sur l’occupation de la france en 40 n’avait pas entièrement tord ???

19/03/2005 18:57 par fantomassss

je pense qu’il faut faire la part des choses, certes l’occupation de l’armée allemande a été mortelle pour des millions de gens, mais la plupart des soldats de cette époque étaient comme vous et moi, je pense que peu d’entre nous, dans leur situation auraient réagi autrement. Hitler était bien un homme, il éprouvait sûrement des sentiments mais en reniait la plupart par conviction idéologique.
ayant vu le film, je ne trouve pas qu’il soit réellement humanisé dans ce film, on y voit surtout la folie d’un homme.

14/04/2005 19:45 par orauxchats

Alors là , moi je dis BRAVO à toi ! Je suis une jeune fille de 20 ans et j’en ai moi aussi marre d’entendre toutes sortes de conneries, notamment sur les grands dirigeants de notre, au combien !, merveilleuse démocratie occidentale qui, comme tu dis, aiment leur femme, mettent leur fille en sevrage juste parce qu’elle a fumé un pétard mais qui balancent des bombes sur la gueule de civils au nom de la grande croisade contre le terrorisme !

Je n’ai pas (encore) vu le film "la chute" d’Hitler mais j’en ai lu des critiques ! On reproche au film de le présenter comme un être humain. J’ai été très surprise : je pensais qu’il était, en fait, une horrible créature venue du fin fond de la galaxie pendant la migration des mouettes lors de l’été 1913... Hum... Ben oui, que c’était un mec, pas comme tous les autres certes, mais c’était un homme, en chair et en os. Un mégalomane, cocaïnomane, et tous les mane qu’on veut mais c’était un être humain, merde !

Alors, pour tous ceux que le sujet intéresse, je conseille de lire "la part de l’autre" de Eric-Emmanuel Schmitt. ça parle du bonhomme qui a tant fait polémiqué (mais à qui on a laissé faire tout ce qu’il voulait des juifs, des homos, des handicapés, des tsiganes, des prisonniers politiques, des opposants, etc.). ça parle de ce que serait devenu Hitler s’il n’avait pas été refusé à l’académie des beaux arts...

15/04/2005 20:02 par emerson xavier

Une fois de plus votre article est très très bien écrit ! Les grands monstres de l’Histoire, et même les Saints, sont des hommes constitués aussi par leur moment historique. François d’Assise n’aurait pas eu lieu 3 siècles plus tard, pour prendre un exemple dans le camp du Bien. Je me souviens d’un ministre français sous Giscard qui disait des merveilles de Pinochet. Je me suis dit que ce ministre-là , s’il était né au Chili, peut-être qu’il s’appelerait Augusto Pinochet. Né en France, évoluant dans la droite française, son prénom était Michel, nom d’un ange !

16/02/2006 12:27 par Dommdomm

Ayant vu ce film où l’acteur incarnant Hitler (Bruno Ganz, qui à l’accoutumée n’a rien d’un pro-nazi)se métamorphose en un barbare névropathe égocentrique, m’a fait prendre conscience que finalement c’est indéniablement le côté humain du personnage qui le rend crédible et inquiétant...

Le plus affligeant des films d’horreur n’est-il pas celui qui présente un méchant caricatural sans âme faisant jaillir l’hémoglobine ?

Le point qui doit vraiment nous faire réfléchir n’est pas de savoir si tel ou tel fou sanglant a de l’humanité ou pas (on l’enferme et on lui prodigue un traitement) mais plutôt de percevoir comment, par compromission, lâcheté ou cupidité on permet à ce type d’individu d’arriver au pouvoir et de mener tout un peuple à l’inavouable...

Ce qui me préoccupe est que les mêmes moutons qui crient au film complaisant n’ont pas plus de discernement lorsqu’on leur administre leur dose quotidienne de vérités à la TV... Ce n’est pas l’homme Adolf Hitler (ou Georges Bush ou Ariel Sharon ou Mahmoud Ahmadinejad) qui me fait peur, c’est la masse de moutons sans circonspection qui défilent derrière (au pas de l’oie ou autrement).

Beeehhhhh Beeeeeeehhh fait le mouton ...
Seig Heil ou autre cri de raliement font les abrutis qui pensent que celui qui crie le plus fort a toujours raison. C’est de ceux ci que provient le vrai danger : Celui de la horde

21/02/2006 08:39 par nat

Merci de présenter justement quelque discernement au sujet de ce film. Englués dans un dualisme occidental qui se nourrit des deux seules nuances dont l’Amérique soit capable : le bien et le mal, certains semblent manquer de palettes de couleurs. Elles sont pourtant nombreuses entre le rouge et le rouge sang. Je ne connais aucun monstre, seulement des hommes qui le deviennent. Et le plus flippant c’est ça, c’est ce qui se passe chaque jour : le dérapage à partir d’une situation dite normale. Et c’est aussi cela qui est intéressant. Ceux qui crient au loup car Hitler aimait autant ses fesses que son chat, sont des menteurs, des gens qui se balladent dans main street en achetant des bonbons roses et bleus et qui serrent la main de minnie, en se disant : putain, qu’est ce qu’on est bien. On n’est pas sortis de l’auberge.

14/10/2006 15:10 par Anonyme

Tout à fait d’accord sur ce point ! La question est alors : faudrait-il faire confiance à l’Homme pour choisir les bonnes décisions ? Car c’est bien connu : il n’y a ni vérité, ni mensonge, simplement une question d’opinion !

23/03/2006 15:00 par Anonyme

c bien dit et c vrai en plus une jeunes fille de dix-sept ans

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