RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Algérie : Empêcher de voter, est-ce un acte démocratique ?

Posée de la sorte, cette question semble farfelue. Mais pas le moins du monde.

Certains membres du Hirak de l’étranger intimident les électeurs qui « osent » se présenter dans les consulats ou dans les bureaux de vote en les traitant de « traitres » ou de « cachiristes » (partisans de l’ancien système). Selon eux, voter est synonyme de trahison à la pureté du Hirak qui veut instaurer une réelle démocratie dans le pays. Ainsi, tous ceux qui n’adhèrent pas à leur vision des choses sont automatiquement des collaborateurs de la « 3issaba » (bande mafieuse). Cette conception étriquée et totalitaire de la démocratie est malheureusement en complète opposition avec les valeurs prônées par ce mouvement de révolte initialement inclusif et rassembleur qui a vu le jour le 22 février 2019.

Le Hirak pacifique serait-il en train de muer lentement en un Hirak belliqueux ? La « révolution du sourire » se métamorphose-t-elle en « révolution du rictus » ?

Supposons un instant que cette action d’empêchement ou d’interdiction de vote réussisse à merveille et que le taux de participation frise le zéro, quelles leçons le Hirak pourra-t-il en tirer ? Qu’il est très fort et très bien organisé ? Qu’il est facile de faire peur aux honnêtes citoyens qui ont une idée différente ? Que l’intimidation et les invectives sont des outils de choix pour instaurer la démocratie en Algérie ?

Mais jamais quelqu’un ne pourra prétendre que le taux de participation ainsi obtenu est réel.

Mais d’où vient donc cette idée biscornue que « ne pas aller voter est un acte démocratique » ? Émane-t-elle réellement des « stratèges » du Hirak qui veulent imposer une transition au lieu d’une élection ?

Le 26 novembre 2019, c’est-à-dire à peine deux semaines avant l’échéance électorale, le professeur Robert Zaretsky écrivait dans la célèbre revue Foreign Affairs un article sur l’Algérie au titre très (très) clair : « An Election’s Failure Will Be a Democratic Success » (L’échec de l’élection sera un succès démocratique) [1].

Pour information, cette revue est publiée par le CFR (Council on Foreign Relations) un des think tanks les plus importants des États-Unis, spécialisé dans la politique étrangère et les affaires internationales. Fondé en 1921, le CFR a compté parmi ses membres des politiciens de premier plan comme Henry Kissinger, Madeleine Albright ou Colin Powell (en tout une douzaine de Ministres des Affaires étrangères), ainsi que des directeurs de la CIA, des banquiers, des juristes, des journalistes et des professeurs.

C’est pour cette raison que Foreign Affairs est considéré comme un des magazines étasuniens les plus influents en politique étrangère. Parmi ses illustres contributeurs, on peut mentionner, à titre d’exemple, Samuel P. Huntington, Hillary Clinton, Donald H. Rumsfeld, Francis Fukuyama, David Petraeus, Zbigniew Brzezinski, John J. Mearsheimer, etc.

Revenons à l’article de Robert Zaretsky, professeur d’Histoire française moderne à l’Université de Houston. On peut y lire :

« L’échec de cette élection marquera, paradoxalement, le succès des aspirations démocratiques du pays, telles qu’elles s’expriment à travers un phénomène qui domine le paysage politique algérien depuis fin février : le Hirak. »

Alors que l’Algérie toute entière s’est offusquée de la résolution du Parlement européen, cet article représente une ingérence bien plus dangereuse et insidieuse que celle introduite par l’eurodéputé Raphaël Glucksmann, le « consultant en révolution », conseiller spécial des révolutionnaires colorés géorgiens et ukrainiens.

Les stratèges printanistes du Hirak ont-ils avancé l’idée d’intimider les électeurs pour faire échouer les élections afin de garantir « le succès des aspirations démocratiques du Hirak » en « s’inspirant » de l’article de Foreign Affairs ?

Ou est-ce juste une banale coïncidence ? Comme celle des fleurs distribuées aux forces de l’ordre ? Ou celle du balayage des rues empruntées par les manifestants ? Ou peut-être celle du simulacre de funérailles ?


[1] Robert Zaretsky, « An Election’s Failure Will Be a Democratic Success », Foreign Affairs, 26 novembre 2019, https://www.foreignaffairs.com/articles/algeria/2019-11-26/algeria-fac...

»» http://www.ahmedbensaada.com/index.php++cs_INTERRO++option=com_content++cs_AMP++amp ;view=art...
URL de cet article 35524
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Auteur
« Arabesque américaine » : Printemps Arabe ou révolutions colorées fomentées par les USA ?
Ahmed BENSAADA
Souvent évoqué, parfois décrié, mais rarement analysé, le rôle des États Unis dans les révoltes de la rue arabe fait enfin l’objet d’un travail sérieux, rigoureux et fort bien documenté. Arabesque américaine* est l’ouvrage d’Ahmed Bensâada, un chercheur algérien établi à Montréal. Dès les premières lignes, l’auteur annonce la couleur « une chose est évidente : le mode opératoire de ces révoltes a toutes les caractéristiques des révolutions colorées qui ont secoué les pays de l’Est dans les années 2000. Comme il (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"Aucune femme en burka (ou en hijab ou en burkini) ne m’a jamais fait le moindre mal. Mais j’ai été viré (sans explications) par un homme en costume. Un homme en costume m’a vendu abusivement des investissements et une assurance retraite, me faisant perdre des milliers d’euros. Un homme en costume nous a précipités dans une guerre désastreuse et illégale. Des hommes en costume dirigent les banques et ont fait sombrer l’économie mondiale. D’autres hommes en costume en ont profité pour augmenter la misère de millions de personnes par des politiques d’austérité.
Si on commence à dire aux gens comment ils doivent s’habiller, alors peut être qu’on devrait commencer par interdire les costumes."

Henry Stewart

Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.