Algérie : Empêcher de voter, est-ce un acte démocratique ?

Posée de la sorte, cette question semble farfelue. Mais pas le moins du monde.

Certains membres du Hirak de l’étranger intimident les électeurs qui « osent » se présenter dans les consulats ou dans les bureaux de vote en les traitant de « traitres » ou de « cachiristes » (partisans de l’ancien système). Selon eux, voter est synonyme de trahison à la pureté du Hirak qui veut instaurer une réelle démocratie dans le pays. Ainsi, tous ceux qui n’adhèrent pas à leur vision des choses sont automatiquement des collaborateurs de la « 3issaba » (bande mafieuse). Cette conception étriquée et totalitaire de la démocratie est malheureusement en complète opposition avec les valeurs prônées par ce mouvement de révolte initialement inclusif et rassembleur qui a vu le jour le 22 février 2019.

Le Hirak pacifique serait-il en train de muer lentement en un Hirak belliqueux ? La « révolution du sourire » se métamorphose-t-elle en « révolution du rictus » ?

Supposons un instant que cette action d’empêchement ou d’interdiction de vote réussisse à merveille et que le taux de participation frise le zéro, quelles leçons le Hirak pourra-t-il en tirer ? Qu’il est très fort et très bien organisé ? Qu’il est facile de faire peur aux honnêtes citoyens qui ont une idée différente ? Que l’intimidation et les invectives sont des outils de choix pour instaurer la démocratie en Algérie ?

Mais jamais quelqu’un ne pourra prétendre que le taux de participation ainsi obtenu est réel.

Mais d’où vient donc cette idée biscornue que « ne pas aller voter est un acte démocratique » ? Émane-t-elle réellement des « stratèges » du Hirak qui veulent imposer une transition au lieu d’une élection ?

Le 26 novembre 2019, c’est-à-dire à peine deux semaines avant l’échéance électorale, le professeur Robert Zaretsky écrivait dans la célèbre revue Foreign Affairs un article sur l’Algérie au titre très (très) clair : « An Election’s Failure Will Be a Democratic Success » (L’échec de l’élection sera un succès démocratique) [1].

Pour information, cette revue est publiée par le CFR (Council on Foreign Relations) un des think tanks les plus importants des États-Unis, spécialisé dans la politique étrangère et les affaires internationales. Fondé en 1921, le CFR a compté parmi ses membres des politiciens de premier plan comme Henry Kissinger, Madeleine Albright ou Colin Powell (en tout une douzaine de Ministres des Affaires étrangères), ainsi que des directeurs de la CIA, des banquiers, des juristes, des journalistes et des professeurs.

C’est pour cette raison que Foreign Affairs est considéré comme un des magazines étasuniens les plus influents en politique étrangère. Parmi ses illustres contributeurs, on peut mentionner, à titre d’exemple, Samuel P. Huntington, Hillary Clinton, Donald H. Rumsfeld, Francis Fukuyama, David Petraeus, Zbigniew Brzezinski, John J. Mearsheimer, etc.

Revenons à l’article de Robert Zaretsky, professeur d’Histoire française moderne à l’Université de Houston. On peut y lire :

« L’échec de cette élection marquera, paradoxalement, le succès des aspirations démocratiques du pays, telles qu’elles s’expriment à travers un phénomène qui domine le paysage politique algérien depuis fin février : le Hirak. »

Alors que l’Algérie toute entière s’est offusquée de la résolution du Parlement européen, cet article représente une ingérence bien plus dangereuse et insidieuse que celle introduite par l’eurodéputé Raphaël Glucksmann, le « consultant en révolution », conseiller spécial des révolutionnaires colorés géorgiens et ukrainiens.

Les stratèges printanistes du Hirak ont-ils avancé l’idée d’intimider les électeurs pour faire échouer les élections afin de garantir « le succès des aspirations démocratiques du Hirak » en « s’inspirant » de l’article de Foreign Affairs ?

Ou est-ce juste une banale coïncidence ? Comme celle des fleurs distribuées aux forces de l’ordre ? Ou celle du balayage des rues empruntées par les manifestants ? Ou peut-être celle du simulacre de funérailles ?


[1] Robert Zaretsky, « An Election’s Failure Will Be a Democratic Success », Foreign Affairs, 26 novembre 2019, https://www.foreignaffairs.com/articles/algeria/2019-11-26/algeria-faces-unknown-finally

 http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=507:2019-12-10-17-02-01&catid=46:q

COMMENTAIRES  

30/01/2020 00:09 par nasser

Commentaire fait le 30 août 2019
Citation d’un passage d’un article publié par une presse pro-système !
« malheureusement, ce qui se pose comme problème, c’est une question de confiance vis-à-vis de la population aujourd’hui mobilisée, qui rejette catégoriquement toute élection… »
— -
Faux ! ce n’est pas la population du « hirak » des vendredis qui rejette les élections mais bien les groupuscules organisés en pseudo-hirak » qui regroupent quelques centaines (hors vendredi) presque chaque jour manipulés par des partis politiques et des personnalités dont le slogan est « on rejette tout » , « on enlève tout le monde », « on ne dialogue pas » , on élimine des généraux de l’Armée dont Gaid-Salah », on assure nous-même une transition (ils ne disent pas qui et comment), ….La paralysie des institutions, des entreprises et de l’administration……Et tout ça en demandant paradoxalement l’accord de…. l’Armée…(?!).
En somme exactement l’inverse de ce que prône et exige le véritable « Hirak » des vendredis qui regroupe des centaines de milliers) que cautionne l’Armée !
On a constaté que plus la justice interpelle ou arrête de hauts responsables civiles et militaires ( dont le frère de Bouteflika et d’ex hauts gradés plus les pseudo-hirak se multiplient en exhibant des banderoles (immenses et très élaborées..coûtant très chères au point de se demander qui les financent) demandant le départ de responsables de l’Armée , en premier le chef d’état-major Gaid-Salah, leur bête noire, le « liquidateur » de leur système érigé en entreprise de malfaiteurs…Curieux, non ?

30/01/2020 00:16 par nasser

Si c’est une minorité qui vote pourquoi alors dépêcher des brigades de voyous pour les en empêcher par les menaces et les intimidations (en Kabylie) ! En France, ils s’attaquent surtout aux femmes et aux vieillards sous l’attitude nonchalante de la police française !
L’analyste politique, Brahim Zitouni :
« c’est le MAK qui a empêché par la force et la terreur des algériens à voter le jour du scrutin présidentielle à Bejaia et à Tizi Ouzou où le taux de participation a été respectivement de 0.18% et 0.02%. »
« Par exemple à Bouira nous avons vu un taux de participation à l’élection de 20% et un score de 63 % pour Abdelmadjid Tebboune ; ça veut dire que la Kabylie vote exactement comme le reste de la nation », a-t-il expliqué.

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