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Après l’ANI, le droit de grève bientôt soumis à la question ?

"Ils se comportent encore comme des voyous !"

Le droit social français connaît des heures difficiles. Alors que le Conseil constitutionnel va plancher sur la loi du Mariage pour tous, il se pourrait bien qu’au train où vont les choses les sages de la rue de Montpensier se retrouvent un jour prochain à examiner le droit de grève.

Celui-ci, comme le code du Travail avec l’ANI, risque de devenir, si ce n’est la bête à abattre (il ne faut pas que cela soit trop visible), en tout cas un animal à dépecer. Un mammouth à dégraisser, comme diraient certains.

Déjà, des signes avant coureurs apparaissent ici et là. Mardi 24 avril, la grève a été pointée un temps par la direction de Peugeot comme la responsable d’une décision que le constructeur automobile pourrait prendre la mort dans l’âme : la fermeture de l’usine d’Aulnay-sous-bois.

L’action des salariés de l’usine « pourrait nous obliger » à fermer le site cette année et non l’an prochain comme Peugeot l’avait promis, a susurré de façon liminaire le directeur financier, Jean-Baptiste de Chatillon. Et ceci est « le fait » d’un « petit nombre de personnes (qui) continue à perturber notre usine ». Depuis quinze semaines.

Après les patrons voyous : les syndicats et la grève de voyous, en quelque sorte.

A peine lancée aux journalistes, la phrase assassine fait l’objet d’un rétropédalage de la part de la direction de Peugeot qui affirme qu’elle entend maintenir le calendrier initial de fermeture du site.

Peu importe, l’important est que Peugeot utilise la grève scélérate comme autant d’éléments de langage à destination non seulement du patronat dans son ensemble et des salariés français qui doivent comprendre ce qui arrive en pareil cas. Le politique doit également tendre une nouvelle fois l’oreille.

Rassurons-nous : le gouvernement a le pavillon très élastique, nous l’avons vu et compris avec l’Accord national interprofessionnel (ANI), dit de « flexisécurité » (la deuxième partie de ce mot-valise étant des plus relatives).

De plus, nul n’était besoin pour Peugeot de remettre la mort annoncée de ce site industriel sur le tapis de la communication : le sort d’Aulnay est scellé depuis belle lurette.

L’usine est maudite pour la famille Peugeot et les actionnaires depuis 1982 : les ouvriers immigrés se battent alors, notamment, pour la … liberté syndicale. Après une longue saga de conflits sociaux, notamment celui de 2007 en pleine campagne présidentielle, en 2011 un document interne évoque la fermeture du site. En 2012 : l’arrêt de mort devient officiel, la C3 n’y sera plus produite.

A GENOUX

Pourtant, bien avant la crise qui touche la construction automobile et les erreurs stratégiques commerciales de Peugeot mettant l’entreprise à genoux, Aulnay marchait très bien. En 2004, l’usine avait connu un record de production et de productivité (418.000 véhicules par 5.000 salariés).

Autre indice précurseur d’une attaque en règle contre le droit syndical : Alain Vidalies, ministre en charge des relations avec le Parlement a déclaré sur France Info que le gouvernement sera défavorable à l’amnistie des délits commis lors de mouvements sociaux.

Le tout bien que la proposition de loi communiste en ce sens ait été déjà adoptée au Sénat. Pudique, en plein affaire Cahuzac, Vidalies tient à ajouter que son gouvernement n’est pas favorable « à cette amnistie, ni à aucune autre ».

Nous attendons donc avec impatience, la terrible sentence qui va frapper l’ancien ministre du Budget fraudeur fiscal à grande échelle. Elle viendra de la Cour de Justice de la République (si le dossier va jusque là, d’ici deux-trois ans) réputée pour l’extrême rigueur de ses décisions…

En pleine crise économique, les leviers dont disposent les représentants du personnels pour faire valoir les droits de leurs mandants, non seulement en matière de conditions de salaires et de travail mais surtout en ce qui concerne le maintien de l’emploi, se réduisent comme peau de chagrin.

Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que les ménages qui ont déjà le plus grand mal à boucler des fins de mois commençant le 15 (dans le meilleur des cas) regardent à deux fois avant de cesser le travail pour motifs revendicatifs.

Cette loi d’amnistie sociale, pour aussi débattue qu’elle pourrait l’être, a néanmoins sa légitimité. Les actions "musclées" des militants syndicaux n’ont été jusqu’ici mus que par des objectifs personnels.

Ensuite, on ne peut qu’espérer que notre gouvernement très attentif aux desideratas du Medef lors de l’écriture de l’ANI, n’écornera pas plus avant le droit des salariés à « valeur constitutionnelle » et figurant par ailleurs dans « La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ».

Denis Thomas

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COMMENTAIRES  

25/04/2013 14:32 par calamejulia

Justement un voisin vient de sortir, après le café, me demandant si je prenais parfois
le temps d’écouter les informations. Il paraîtrait qu’aujourd’hui c’était pavillon gagnant !
Un reportage sur les seringues qui traîneraient un peu partout à la vue des enfants
et aussitôt après la fameuse proposition de salles de shoot qui viendrait pour le
pays entier !
Concernant l’égalité de salaires (que le gouvernement ressort après le vote pour
l’union homosexuelle) il paraîtrait que cela "n’est pas évident et que cela peine à
se mettre en place" ! Aucune raison de légiférer bien sûr ! Et les inégalités
vont commencer à se faire jour... mais chut !
Alors nous étions d’accord pour le lièvre de PSA/PEUGEOT qui sentait l’arnaque
et que les médias ont relayé -tranquillou maxou- avec force explications et débats !
Vivement la quille !

26/04/2013 09:25 par Quidam

Les entreprises de diversion ne sont pas des figures de rhétorique, la classe dirigeante & possédante n’a que faire de ces leurres lancés au vulgus pecum tel des os à ronger, ce qui les intéresse c’est ce qui se passe en sous-main.

Croyez-vous que les questions présentées comme étant soi-disant problématiques le soient pour eux-mêmes ?

Il n’y a pas de criminalité dans les beaux quartiers ultra-sécurisés où ils résident, pas de soucis de mixité culturelle ou religieuse non plus, pas de Roms, d’immigrés clandestins, (quoique…) de populations présentées comme « sensibles », les seuls immigrés exotiques sont des Qatari blindés de fric reçus à bras ouverts.

Ils se contre-fichent également des questions de mœurs, cela fait des siècles que quand on a du pognon on fait strictement ce que l’on veut sur ce plan & que c’est même vu comme étant du dernier chic.

Non, il n’y a qu’une seule chose qui les intéresse, c’est de pouvoir non seulement jouir de profits indécents, mais d’en faire de plus en plus !

Alors forcément il faut bien que quelqu’un paie l’addition pendant que ces messieurs-dames se gavent, & ce sont qui vous savez, tous les autres bien entendu…

Mais, comme le pressentaient des George Orwell, Aldous Huxley & autres Philip K. Dick, ils ont trouvé le moyen idéal & rêvé de pouvoir continuer leur prédation, abrutir la masse des opprimés au point de leur donner volontairement carte blanche, alors pourquoi se gêneraient-ils ?

Alors forcément le droit de grève & toutes les conquêtes des luttes sociales passées c’est quelque chose à abattre, mais vous allez voir que les gens sont devenus tellement cons qu’ils vont bien y arriver !

26/04/2013 10:04 par Michel

Bonjour

" l’usine avait connu un record de production et de productivité (418.000 véhicules par 5.000 salariés)"

vous savez ou on pourrait trouver les données pour pouvoir faire un comparatif ?
Je suis presque certain, que les arguments dont on nous bassine, 35h, cout "exhorbitant" du travail (le plus souvent dénoncé par des gens qui ne survivraient pas 5 minutes avec ce salaire), prendraient une autre saveur

Merci
Michel

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