Je l’invitais donc à boire un coup avec moi, et nous commençâmes une discussion sur l’état de notre belle Planète, à laquelle mon invité ne comprenait visiblement rien : nous avions développé des technologies intéressantes, disposions de ressources en grande quantité, de formidables capacités d’adaptation à toutes sortes d’environnements et de climats, et il s’avérait qu’après plus de 4000 ans de civilisation nous n’étions toujours pas capables ni de nourrir ni de loger tous les habitants de cette petite planète
"-Comment ça, une personne sur six n’a pas de quoi manger à sa faim" , me dit-il alors étonné, "avec toute votre science et votre technologie, vous n’êtes toujours pas parvenus à régler ce problème ?"
"- A vrai dire nous en sommes encore loin" , lui répondis-je alors. "Imaginez-donc, quelques 10% de la population possèdent aujourd’hui l’équivalent de presque 90% des richesses de cette planète !- Et cela ne vous révolte pas ?
-Si, bien sûr, mais nous n’y pouvons rien…
-Pourquoi, vous n’êtes donc pas libres ?
-Non, enfin si… ça dépend.
- Certains sont donc esclaves alors ?
-Et bien pas exactement. En fait nous sommes en démocratie.
- C’est qu’alors vous choisissez volontairement cette situation ? Vous n’avez donc pas de religion, ou de philosophie pour vous guider vers plus de justice, plus d’entraide et de partage ?
-Si bien sûr, et même qu’on fait beaucoup de guerres pour les défendre, et même parfois des guerres "préventives" , au nom de la justice et de l’entraide, de la religion aussi.
-Vous adorez donc le Mal alors, et vos religions appellent à la haine, la violence et la mort ?
- Non, toutes nos philosophies, toutes nos religions prônent l’amour de son prochain, la fraternité et la paix entre les hommes… Regardez-donc notre littérature, tous nos grands hommes sont de fervents partisans de l’amour des autres ! Dans mon pays, la devise se trouve justement être fondée sur ces valeurs, que nous défendons partout dans le monde : LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE.
-Vous êtes vraiment étranges… Pourquoi ne vous débarrassez-vous pas de vos dirigeants, puisqu’ils ne respectent visiblement pas leurs engagements ? Ils vous contrôlent par la pensée, ou vous battent ? Comment font-ils pour que vous acceptiez cette situation ?
-Bon, c’est un avis personnel que je vous donne, mais je crois bien que c’est à cause du capitalisme, enfin de l’argent quoi…
-C’est quoi l’argent, c’est quoi le capitalisme ?
- Vous ne connaissez pas l’argent ?!! C’est l’outil qui devait originellement servir à aider les hommes à échanger, à partager les fruits de leur labeur… et le capitalisme, c’est le cadre général qui régit les échanges, fixe les prix, donne à chacun sa valeur et détermine sa place au sein de la société. Cet outil était censé nous procurer à tous du travail, des loisirs et des biens, et surtout nous apporter le bonheur à chacun, mais…
- Mais apparemment cela ne fonctionne pas. Ca fait longtemps qu’on vous promet des améliorations ?
-Au moins 2000 ans, mais sûrement depuis le début en fait…
- Et vous n’avez pas essayé autre chose, un autre système pour fonctionner tous ensemble ?
-Non… Mais à vrai dire ce n’est pas si simple : nous ne savons pas quoi mettre à sa place.
-C’est qu’il vous faudrait au moins contrôler vos dirigeants, et sanctionner leurs excès, leurs mensonges… Vous n’avez pas d’instances susceptibles de le faire ?
- Bien sûr que si, ce n’est pas le problème de la Loi en elle-même, mais bien plutôt de ceux qui les écrivent, en s’arrangeant pour y laisser toujours une faille, dans laquelle s’engouffrent ceux qui ont le plus de pouvoir, c’est à dire celui de se payer les juges qui leurs conviennent, et même de se payer les législateurs qui rédigent ces lois…Nous sommes coincés.
-Eh bien dans ce cas supprimez l’argent, et vous supprimerez du même coup tous vos problèmes…
-C’est un excellente idée, mais comment faire ? Comment partager les richesses, comment inciter les gens à travailler, comment vivre alors en société ?
- Mais c’est que si la situation est telle que vous la décrivez, vous n’avez rien à perdre à essayer. Car d’après mes informations (et c’est pour ça que je suis là ), votre planète court un grand danger, et met en péril l’équilibre de l’Univers. Et si comme vous le dites les problèmes sont tous liés de près ou de loin à votre "argent" (qui semble être plus qu’une religion), alors il vous faudra bien apprendre à vous en passer. Et le plus tôt sera le mieux.
Rendez-vous compte, il faudra vous ouvrir pour y parvenir, à l’intérieur de vous-même et aux autres aussi. Dépasser votre conditionnement, réapprendre à penser par vous-même, et vous unir aux autres pour y arriver. Ce ne sera sans doute pas facile, mais avez-vous vraiment le choix ? Si les choses sont comme vous le dites, alors vous pourrez tenter toutes les combinaisons possibles, vous pourrez faire tous les calculs imaginables, faire toutes les lois que vous voudrez, rien ne changera cette réalité : le plus riche sera toujours le plus fort.
-Impossible voyons, cela remettrait trop de choses en cause : comment ferions-nous pour faire table rase du passé, oublier les avancées de la technologie, le progrès technique ou social ? La solidarité, la fraternité, la liberté, comment faire pour les conserver ? Comment l’homme fera-t-il pour trouver son bonheur, faire société et devenir bon ?
- Mais qui vous parle de renoncer au progrès ? Sérieusement, regardez où vous en êtes rendus, et cessez de retourner votre vision du point initial de la conversation, à savoir qu’une personne sur six n’est pas en mesure de se nourrir. Voulez-vous continuer ainsi ? Ecoutez-donc ce que je viens de vous dire : le simple fait de supprimer l’argent vous contraindra à rechercher, et obtenir ces solutions que vous recherchez. Car c’est en unissant vos forces, en prenant soin des besoins et des désirs de vos frères humains que vous trouverez le fonctionnement d’un monde sans argent. Vous ne pouvez le faire en présence de l’argent, car c’est lui qui vous en empêche. Réfléchissez bien : si les hommes étaient tels qu’ils correspondent à vos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, alors l’argent deviendrait inutile dans l’instant."
Nous continuâmes à deviser un peu encore, et c’est en partant que je lui ai dit que personne ne croirait à mon histoire… Et vous savez ce qu’il m ’a répondu ? "Ca ne m’étonne pas : si vous étiez vraiment malins, vous n’en seriez pas là !" . Et il s’en est retourné, comme il était venu.
Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr