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L’OTAN aurait-il oublié l’objet de sa mission en Libye ?

La résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies, votée le 17 mars 2011, autorise les États membres «  à prendre toutes mesures nécessaires (…) pour protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaque en Jamahiriya arabe libyenne, tout en excluant le déploiement d’une force d’occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n’importe quelle partie du territoire libyen (…), et pour faire respecter l’interdiction de vol et faire en sorte que des aéronefs ne puissent être utilisés pour des attaques aériennes contre la population civile ».

Cette résolution, promue par la France, avait été adoptée alors que le gouvernement libyen de Mouammar Kadhafi bombardait les villes de l’est du pays, dont les clans et tribus s’étaient soulevés contre son autorité et où se développait une rébellion armée (en cela, la résolution 1973 pourrait constituer un précédent lourd de conséquence, dans la mesure où un gouvernement est légitimement fondé -et seul dans ce cas- à utiliser la force pour maintenir l’ordre sur le territoire de l’État ; le gouvernement libyen, qui faisait face à une rébellion armée, pour dictatorial qu’il fût, avait donc ce droit d’user de la force).

Plusieurs États membres de l’OTAN ont décidé d’intervenir, avec la bénédiction de la Ligue arabe, mais qui a par la suite retiré son aval à l’intervention dont l’objectif réel, le renversement du gouvernement libyen, était devenu évident (de même, plusieurs géants membres du Conseil de sécurité au moment du vote, à savoir la Russie et la Chine, sans toutefois opposer de veto, et l’Allemagne, le Brésil et l’Inde, ont refusé de soutenir le texte).

Appuyés par les frappes aériennes de l’OTAN, les rebelles libyens ont chassé les troupes gouvernementales des régions hostiles à Mouammar Kadhafi. Néanmoins, les rebelles, cela fait, n’ont pas mis fin à leur mouvement et, après avoir commencé par envahir la Tripolitaine, ils attaquent désormais les provinces fidèles au gouvernement, dont celle de Syrte, fief des partisans de Kadhafi.

Les clans de Syrte, en effet, dont Kadhafi est originaire, n’ont jamais fait défection au gouvernement et se sont opposés aux rebelles de l’est. Il en va de même des tribus du grand sud, le Fezzan, dont les chefs de clans continuent de lutter contre l’invasion de leur territoire par les rebelles et les troupes du CNT.

Les rebelles, commencent à présent la conquête de ces régions et bombardent lourdement les villes qui leur résistent. L’OTAN, quant à lui, continue d’appuyer militairement leur progression.

Or, aux termes de la résolution 1973, c’est tout le contraire que devrait faire l’OTAN, qui a reçu le droit onusien d’intervenir en Libye pour protéger les civils, mais certainement pas pour aider une rébellion à conquérir tout le pays.

La mission de l’OTAN, très clairement et sans ambiguïté, doit être, maintenant, de protéger les zones civiles pro-Kadhafi des attaques des rebelles.

Cependant, dès le début de son intervention, l’OTAN a montré ses intentions ; elle a non seulement empêché le gouvernement libyen d’utiliser son aviation, mais a offert la sienne aux rebelles : les frappes des avions de l’OTAN n’ont pas seulement détruit les chars du gouvernement libyen, mais ont aussi attaqué les véhicules qui transportaient les soldats, y compris ceux qui se repliaient, comme nous avons pu le constater lors de notre séjour d’observation en Libye, en août, sur la route qui mène de Benghazi à Brega, laquelle est jonchée sur toute sa longueur de carcasses de camions et d’automobiles qui fuyaient les frappes.

En outre, des instructeurs états-uniens et français et des éléments de régiments de commandos britanniques ont été déployés sur le sol libyen, en totale violation de la résolution 1973.

L’objectif des six pays de l’OTAN qui participent aux opérations militaires en Libye n’est donc pas, de toute évidence, d’assurer la protection des civiles. Les bombardements de l’OTAN, qui s’en sont pris également à des installations militaires situées à proximité d’agglomérations densément peuplées, ont d’ailleurs été à l’origine du décès de plusieurs centaines de civils (de plusieurs milliers, selon des sources gouvernementales libyennes).

L’objectif de cette intervention occidentale est devenu très clair : remplacer le gouvernement libyen par un autre, par les leaders d’une rébellion, le Conseil national de transition (CNT), qui s’est constitué à Benghazi (et dont les leaders, pour la plupart anciens responsables du régime kadhafiste qui ont tourné casaque, sont très loin de pouvoir se réclamer d’un quelconque fondement démocratique).

Puisqu’il convient «  d’appeler un chat un chat », l’intervention militaire atlantique, sur le strict plan du droit international, constitue désormais un acte de guerre à l’encontre de l’État libyen et un soutien à une tentative de coup d’État ; elle se solde en plus par la mort de nombreux civils, dont les attaques sur Syrte et le Fezzan risquent d’accroître considérablement le nombre.

Entre ingérence et néocolonialisme, c’est le droit international qui, incontestablement et une fois encore, est foulé au pied par l’Alliance atlantique.

Pierre PICCININ

Professeur d’histoire et de sciences politiques

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