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Daouia Benaziza-Gat : contre l’oubli, pour la vérité et la justice

La famille Benaziza

2 juin 1996, 2 juin 2012, 16 longues et éprouvantes années d’humiliation, d’indifférence et de mépris, comme unique et inévitable réponse à notre quête de vérité et de justice concernant la disparition forcée de notre mère et grand-mère Daouia BENAZIZA-GAT ; disparition pour des raisons inexpliquées et inexplicables à ce jour, si c n’est par la politique et le climat de terreur imposés aux populations par les parties en lutte pour le pouvoir.

Depuis cette funeste nuit du 2 juin 1996 durant laquelle un groupe d’agents de sécurité de l’Etat ont fait irruption, de manière brutale et violente, dans notre domicile familial de Constantine pour enlever et séquestrer notre mère alors âgée de près de 70 ans, dans un lieu secret d’où elle n’est plus jamais revenue, aucune information sur le sort qui lui a été réservé ne nous a été communiquée par les autorités du pays malgré nos incessantes démarches et requêtes.

Les autorités civiles et militaires, locales et nationales sont restées et restent sourdent et insensibles à notre détresse et à nos appels à l’aide, comme elles le sont du reste à la situation dramatique des familles des milliers de disparus, estimés officiellement à plus de 8000.

Au tout début de l’avènement du phénomène de la disparition forcée, les familles des personnes enlevées qui osaient prendre la parole étaient perçues comme suspectes et désignées à l’opinion publique comme familles de terroristes. Face aux atteintes massives aux droits de l’Homme, l’indignation était sélective et l’on se solidarisait plus facilement avec les victimes des groupes islamiques armés.

Grace au combat et à la détermination des familles des disparus, soutenus par les militants des droits de l’Homme, des partis politiques et des ONG, la question de la disparition forcée a fini par s’imposer aux autorités et a cessé d’être considérée comme sujet Tabou.

Si le pouvoir algérien a fini par admettre l’existence du phénomène de la disparition forcée, il s’est toutefois employé à minimiser son ampleur et tout entrepris pour semer et entretenir la confusion sur l’identité réelle des auteurs de ce crime.

La pouvoir a cru trouver la parade pour se dérober de ses responsabilités en faisant adopter, par référendum, « la charte pour la paix et la réconciliation nationale » censée mettre fin à la violence, aux dérives sanglantes et à l’insécurité.

Les promoteurs de la charte la présentait comme la solution miracle à ce qu’ils qualifiaient par euphémisme, de tragédie nationale, alors qu’en fait elle avait pour finalité de consacrer l’impunité, d’imposer l’amnésie et de rendre impossible toute quête de vérité et de justice. Les familles sont sommées de renoncer à leur droit de savoir et de justice pour leurs proches contre un simulacre d’indemnisation, et comble du cynisme, l’exigence pour elles de déclarer elles-mêmes leurs disparus décédés.

Nous faisons parties des familles qui ont résisté et rejeté le chantage odieux, et nous continuons aux côté des victimes à réclamer une prise en charge réelle et résolue du dossier des disparus.

Le combat que nous avons mené pour le cas de notre mère et grand-mère a trouvé un écho auprès du comité des Droits de l’Homme de l’ONU qui l’a pris en charge en 2007 et dont les travaux ont abouti durant sa session de juillet 2010.

Les conclusions de l’instance onusienne ont établi qu’il s’agit dans le cas de notre mère et de manière irréfutable, d’une disparition forcée au sens où elle est définie par le Droit International, et donc d’une violation du droit fondamental qu’est le Droit à la vie, qu’en l’espèce, l’Etat algérien a failli à sa responsabilité de le lui assurer et de le lui garantir ; que les membres de sa famille ont le statut de victimes, qu’ils ont droit à la réparation et à la vérité sur ce qui est advenu de leur mère.

A ce titre, l’Etat se doit, conformément à ses obligations et à ses engagements internationaux, d’ouvrir une enquête digne de ce nom et de prendre les dispositions nécessaires pour répondre aux interrogations de la famille et leur rendre justice.

Le comité a fixé un délai de 180 jours à l’Etat algérien pour répondre et se conformer à ces exigences. Le délai est depuis, largement dépassé et Rien, absolument rien n’a été entrepris par le pouvoir en place.

Le Pouvoir administre, encore une fois, la preuve du peu de respect qu’il a, à la fois pour ses engagements internationaux que pour les citoyens qu’il est censé protéger contre l’abus et l’arbitraire.

L’échec de la démarche du Pouvoir pour soi-disant ramener la paix et instaurer la réconciliation est patent, comme en témoigne la persistance de la violence et de l’insécurité dans le pays. L’expérience d’autres pays qui ont connu des drames similaires nous enseigne que la paix et la réconciliation ne sauraient se faire sur le dos de la vérité et de la justice, et que la sortie de la crise, nécessaire et souhaitable, exige de l’Etat qu’il assume cette page sombre de notre histoire, que les atteintes massives aux Droits de l’Homme soient reconnues, que les responsabilités, soient établies, et que les victimes aient un statut en tant que telles.
La construction d’un avenir serein et partagé est à ce prix.

A la mémoire de ma grand-mère : 2 juin 1996, 2 juin 2012… 16 ans

Nedjma Benaziza

A la mémoire de tous les disparus d’Algérie, car la mémoire c’est ce qui nous permet de continuer d’exister, d’honorer notre dette à l’égard de nos disparus et de nous acquitter de notre devoir à l’égard des générations futures.

La mémoire, ce liant indispensable qui, en intégrant les fils des êtres, des lieux et des évènements aux propres fils de notre vie, nous permet d’en tisser une trame qui, malgré les nécessaires défauts, forme la toile de fond de notre trajectoire, et peut-être plus important encore, notre filet de sécurité quand notre vie trébuche et a peur de chuter.

Ceci en temps de paix, toujours relative cela s’entend.

Et qu’en est-il lorsqu’un fil casse, un seul, et que la déchirure sourde comme une menace ?

On lira dans les faits divers qu’après la découverte du corps inanimé d’une personne trouvée morte chez elle, les éléments de la gendarmerie ont ouvert une enquête pour élucider les circonstances et les causes exactes de la mort ; de même que les éléments de la protection civile, après avoir repêché les corps de deux personnes noyées, ont engagé des recherches intenses pour retrouver une troisième portée disparue.

Chercher, retrouver, élucider connaître, n’est-ce pas la quête de la Vérité pour redonner aux fils cassés la chance de renouer avec la toile de la vie et, à l’individu qui a subi la perte, la force, la confiance et l’énergie pour continuer, et surtout pour croire.

Et qu’en est-il lorsque ce n’est pas un fil qui a cassé mais cent, mille, des milliers et que ce n’est plus un individu ou cent, mais des pans entiers de la population qui sont atteints, et que la recherche de la Vérité est interdite et que l’amnésie est décrétée ?

Lorsque la mémoire se déchire par la violence du mensonge et du déni, que le sentiment d’Injustice mine la confiance, alors s’agrandit la béance, se délient les fils d’appartenance et c’est toute la toile qui menace de rompre pour tout engloutir.

Comment alors construire des mémoires individuelles et les jeter comme autant de ponts et de passerelles vers d’autres mémoires pour, grâce aux points d’encrage partagés, construire des points d’appartenance comme autant de noeuds pour tisser et consolider la grande toile, la toile de la grande mémoire collective ?
Comment alors s’étonner des gouffres que nous n’arrivons pas à combler, de ces trous noirs qui aspirent notre énergie génération après génération, nous dépossédant de notre mémoire et donc de notre identité, nous maintenant dans un état de désarroi permanent, nous interdisant de nous appuyer sur une histoire faite de vérité et non de mensonges pour pouvoir enfin nourrir l’espoir de prendre notre destin en main.

« La mémoire implique la connaissance du passé et de toutes ses conséquences. Aussi longtemps qu’on la couvrira du voile d’un pardon sans justice, il sera impossible d’envisager un avenir de paix au sein d’une société réconciliée » Fabiola DELSOLAR et Victor ESPINOZA CUVIAS, Présidente et Secrétaire général de la corporation de la défense des droits du peuple CODEPU, « Mémoire et l’oubli » UNESCO.

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