Mexique, mai 2014 - Vingtième année de la guerre contre l’oubli - Un petit matin... il doit être environ 2 ou 3 heures, qui sait. On dirait le silence en réalité [La Realidad]. Ai-je dit « on dirait le silence ? » Eh bien c’est le cas, parce que le silence ici a son propre son, comme le chant des grillons ; certains sont plus forts que d’autres, plus forts et dissonants ; et d’autres toujours constants, plus faibles. Il n’y a pas de lumière aux alentours. A présent s’y ajoute le silence de la pluie. La saison des pluies a déjà commencé, mais elle n’est pas encore assez présente pour blesser la terre. Juste assez pour l’égratigner un peu, un crépitement constant. Une petite égratignure par ci, à peine une flaque d’eau par là. Comme pour donner un avertissement. Mais le soleil, la chaleur [ i ] durcit rapidement la terre. Ce n’est pas encore le temps de la boue ; pas encore. C’est le temps de l’ombre. C’est vrai, c’est toujours le temps de l’ombre. Elle va partout, sans égard pour le temps. Même là où le soleil est le plus féroce, on peut encore trouver l’ombre, accrochée aux murs, aux arbres, aux rochers, aux gens. Comme si la lumière lui donnait encore plus de force. Ah, mais la nuit ... aux premières heures de la matinée, c’est vraiment le moment de l’ombre. Dans la journée, elle vous soulage, mais aux petites heures du matin, elle te réveille comme pour te dire, « et toi ? T’es où ? » Et tu balbuties dans ton sommeil, jusqu’à ce que tu puisses répondre clairement à toi-même - « dans la réalité »,
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( ... )
« Eh bien, pour vous dire la vérité, j’en sais rien. Soi-disant qu’il y aurait dans la ville une coutume, une façon de faire les choses pourrait-on dire, que lorsqu’il y a un décès dans une famille, les autres membres de la famille et les amis leur rendent visite pour leur faire savoir qu’ils les soutiennent dans leur douleur. Ils appellent ça « présenter ses condoléances », je crois. Oui , c’est ça, pour leur dire qu’ils ne sont pas seuls.
( ... )
« Ok, d’après ce que j’ai lu, la majorité des élèves de la petite école ont déclaré se sentir comme chez eux, qu’ils avaient été traités comme de la famille. Eh bien, certains ont dit qu’ils avaient été traités encore mieux que dans leurs familles. C’est-à-dire, comme on dit, qu’il y a des familles et puis il y a des familles, par exemple à...
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« Peut-être. Oui, il se pourrait que certains ressentent le besoin de venir présenter leurs condoléances à la famille du défunt Galeano, ou aux compas [contraction de compañeros - NdT] ici, ou aux deux.
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« Ce n’est pas si simple, car ici c’est très loin de là-bas. C’est quoi, peut-être quelque chose comme 7 heures de San Cristóbal ? Donc, vous voyez, c’est loin. Et une mort violente ne prévient pas à l’avance, elle ne précise ni la date ni le lieu, elle surgit tout simplement, et s’assied, sans y être invitée. Oui, elle entre en défonçant la porte.
Ce n’est pas comme la mort par vieillesse ou par maladie, qui glisse subrepticement un pied, puis une main, et se retrouve rapidement assise là, dans un coin, à attendre, jusqu’à ce qu’elle se sente à l’aise et annonce : « ici, c’est moi qui commande ». On peut donc se préparer, s’habituer à l’idée. Mais pas avec la mort violente. La mort violente te surprend comme un coup, elle te bouscule, t’étourdit, te rue de coups, te poignarde, te flingue, te tue, te met une balle dans la tête, puis se moque de toi. Voilà comment ça fonctionne.
Donc, si t’as prévu quelque chose, comme on dit, un « partage » ou un échange, ou une réunion, ou des cours à la Petite Ecole Zapatiste, là tu peux annoncer que ce sera telle heure à tel endroit, et tu préviens les gens, et chacun, chez lui, ajuste son emploi du temps en fonction du travail ou de l’école ou de la famille, et organise son voyage. Et toi tu profites du délai pour préparer leur hébergement et ce que tu vas leur offrir.
Mais parce que la violence ne prévient pas, on n’a pas le temps de préparer quoi que ce soit, ni qui viendra, ni qui les recevra. Et ensuite, que dire ? Même si on est là, tous ensemble, à se regarder les uns les autres, le son du silence te rend muet, comme si la mort avait emporté non seulement le défunt, mais aussi tes mots avec.
C’est donc difficile d’y aller, pas parce qu’on n’en a pas envie ou parce qu’on n’aimait pas Galeano ou les compas de La Realidad, mais parce qu’il est difficile de trouver un moyen pour s’y rendre.
Qui plus est, où logerions-nous tous ce gens, car ce caracol est très petit et encerclé à nouveau par les paramilitaires ? Et que leur donnerions-nous à manger ? Et les toilettes, si 25 ou 50 d’entre eux ont besoin d’y aller, ou s’ils veulent se baigner à cause de la chaleur [ii] ou de la pluie ?
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Ah, oui, si les visiteurs apportaient leur propre nourriture et leur propre tente pour la pluie, ça changerait un peu les choses, mais pas beaucoup, car comme le responsable de la santé l’a déjà expliqué, nous devons surveiller, comme on dit, l’hygiène, et nous veiller à qu’ils ne transforment pas l’endroit en, comme on dit, une porcherie. Parce qu’on en connaît qui sont vraiment sales, qui visent toujours à côté de la cuvette des WC, surtout les putains de mecs. Parce qu’en tant que femmes, nous sommes...
Hein ? Oui, c’est important, pour prévenir des maladies. Oui, comme la rage. Hein ? Non, l’autre rage, la colère, la fureur. (*)
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Qui ? Non, les bons visiteurs nous préviennent à l’avance de leur arrivée ; ils ne se présentent pas comme ça, sans crier gare. Le visiteur qui arrive sans prévenir, on l’appelle, ou on l’appelait, « gorron », ou « gorrona », selon le cas [masculin ou féminin - NDT]. Je ne sais pas pourquoi on l’appele ainsi, ou l’appelle toujours, mais c’est une référence à ceux qui se présentent sans être invités, ceux qui, comme on dit, se sont invités tous seuls. Oui, la mort est comme un « gorron » ou une « gorrona », selon le cas, comme un visiteur qui se présente sans prévenir, qui n’a pas demandé s’il pouvait venir. Oui, je sais que ce n’est pas exactement la même chose, mais c’est de là que ça vient.
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Oui , je pense que si vous leur indiquez un jour précis, alors certains viendront, pas tous, mais certains. Parce que même si tous ne viennent pas, ils seront là d’une autre manière. Comme une « auditoire », mais en sens inverse.
Parce que la mort peut aussi être vaincue avec un autre calendrier et une autre géographie. Pourquoi je dis « aussi » ? Oh, je sais ce que je dis. N’y prêtez pas attention pour le moment. Peut-être que je vous expliquerai un jour... ou vous verrez vous-même.
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Combien ? Je n’en ai aucune idée, peut-être beaucoup, ça dépend, parce que là-bas je vois qu’ils sont en train de construire un autre abri, de balayer et nettoyer. Oui, comme s’ils attendaient des visiteurs.
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Quand exactement ? Eh bien, demande à Emiliano ou à Max, ou à SubMoi que j’ai vu là-bas parler avec une jeune femme qui est d’ici. Il était en route pour prendre la parole devant les Comités [CCRI].
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Moi ? Eh bien, j’attends. Lorsque les Comités de la zone se mettront d’accord, je suis sûre qu’ils me diront d’écrire quelque chose et c’est ce que je ferai.
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Regardez !... là ! ... cette petite lumière là-bas. Tu as vu l’étrange animal que c’est ? Oui, il ressemble à un chien ... ou plutôt un chat. Oui comme un chat-chien. Étrange, non ?
( ... )
Oui, c’est vrai, la réalité est étrange.
* * *
Extrait de la page 4 du rapport d’enquête sur l’assassinat du camarade Galeano. Interrogatoire de la compañera S., zapatiste, comité de soutien de La Realidad, 16 ans, bientôt 17. 11 mai 2014.
(Attention : le texte qui suit contient des propos qui peuvent heurter la sensibilité de la royauté européenne et tous ceux qui aspirent au trône. Mais entre nous, il n’y a rien ci-dessous qu’on n’entend pas dans n’importe quel coin du monde. Alors, allons-y).
« Nous sommes le 11 mai 2014.
( ... )
Nous avons une compañera présente ici qui va nous répéter ce qu’on lui a dit, ou plutôt ce qu’une personne précise lui a dit ; l’autre n’a pas vraiment parlé. C’est ce que la compañera va nous raconter.
Vas-y, compañera.
Compañera S : Eh bien, tu vois, sous-commandant insurgé Moisés, je vais te dire ce que cet assassin m’a dit.
SCIM : Quand est-ce qu’il t’a dit ça ?
Compañera S : C’était samedi.
SCIM : 10 mai ?
Compañera S : 10 mai.
SCIM : A quelle heure ?
Compañera S : A 9h environ.
SCIM : 9 heures du matin ?
Compañera S : Oui, à environ 9h il m’a dit : « Tu te prends vraiment pour quelqu’un, » mais je ne voulais pas lui répondre.
Puis il a dit « arrête », et je me suis arrêtée.
« Écoute ce que je vais te dire » dit-il ; Je me suis arrêtée.
SCIM : Et quel est son nom ?
Compañera S : Son nom est R.
SCIM : R. Ok , continue.
Compañera S : Il m’a dit , « écoute ce que je vais te dire », et j’ai écouté.
Il a dit : « Profite de ton Caracol. Profites-en maintenant, parce que nous allons le prendre ; ce Caracol va très bientôt être à nous. Et lorsqu’il sera à nous, j’y construirai ma maison avec plaisir. Nous allons le prendre très bientôt. »
Je lui ai répondu : « Eh bien, si c’est comme ça, si vous vous croyez un homme, si vous avez une telle bite et de telles couilles, que vous allez prendre le Caracol mort ou vif, alors allez-y et prenez-le si vous avez les couilles ».
Et il m’a dit : « Oui j’ai une bite et des couilles, tu veux les voir ? »
Et j’ai répondu : « Si vous voulez les montrer, montrez les à votre mère. » C’est ce que j’ai dit.
Puis quand il m’a dit : « C’est parce que nous avons tué ton mari que tu es si en colère ? »
Et j’ai dit : « Ce compañero n’est pas notre mari. Ce camarade est notre camarade de lutte, de la lutte pour nos communautés, pas pour les misérables aumônes du gouvernement ».
Et il s’est mis à rire avec son ami qui était avec lui, et il a dit ...
SCIM : Quel était le nom de son ami ?
Compañera S : M.
Il m’a dit : « Nous allons mettre la main sur Raúl, Jorge, et René. Une fois que nous aurons mis la main sur eux, nous allons les tuer comme nous avons tué la peluda (Note : « La peluda » est le nom péjoratif avec lequel les paramilitaires de la CIOAC-H se réfèrent au compañero Galeano) .
Je lui ai dit que s’ils allaient le faire, qu’ils le fassent, qu’ils essaient, qu’ils entrent dans le Caracol. Mais pas quand il sera vide, comme ils l’ont fait à l’école, où ils sont allés parce qu’il n’y avait personne. Je lui ai dit : « si vous êtes vraiment des hommes, prenez le Caracol. » Ils ont ri et ont dit :
« Tu devrais être heureuse que nous n’ayons pas tué ton père. »
SCIM : C’est ce qu’il t’a dit ?
Compañera S : Oui.
« Nous n’avons pas tué ton père, mais nous le ferons la prochaine fois. »
Et j’ai répondu : « Pourquoi ne l’avez-vous pas tué ? »
« Eh bien, nous ne l’avons pas vu. »
« Eh bien, si vous allez le faire, faites-le. Il est dans le Caracol, c’est là où il est. »
C’est là qu’il m’a dit : « tu sais qui a tué La Peluda ? »
Et j’ai répondu : « Comment le saurais-je puisque je n’étais pas présente quand ils ont tué notre compañero ? »
Il a dit : « C’est moi qui l’ai tué. Je lui ai tiré un balle dans la tête et je l’ai envoyé en enfer. Et c’est ce que ferons lorsque nous mettrons la main sur les autres - ceux que j’ai mentionnés, c’est ce que nous leur ferons. Ils ne perdent rien pour attendre. Tu sais quoi ? On en a marre de vous tous. » C’est ce qu’il m’a dit. « Parce que ce que vous faites n’est pas juste. On en a marre ».
Mais j’ai répondu : « C’est nous qui avons marre de vous tous. Encore plus depuis que nous avons découvert ce que vous avez fait à notre camarade. Nous les compañeras sommes allées récupérer le corps ; c’est là que nous avons eu vraiment plus que marre ».
C’est là qu’ils ont ri.
« Evidemment, parce qu’ils sont tous vos maris, » me dit-il.
SCIM : Et quand il se moquait, que disait-il à propos de ce qu’ils font... qu’ils font ce qu’ils disent, non ? Il n’a pas dit quelque chose sur le Conseil de Bonne Gouvernance ? Il n’a pas dit quelque chose comme... »
( inaudible )
SCIM : D’accord.
Compañera S : Il a dit : « Nous allons les tuer, les briser une fois pour toutes. Vous êtes tous au Conseil de Bonne Gouvernance, vous êtes de bons gouvernants, quoi que nous fassions, vous ne riposterez pas. Pourquoi ? Parce que vous êtes de bons gouvernants.
Je lui ai dit : « Oui, bien sûr, nous sommes de bons gouvernants, mais pas si bons que ça. »
« Mais qu’allez vous tous me faire ? Même si vous savez exactement qui l’a tué, vous n’allez rien faire parce que vous êtes le conseil de bonne gouvernance qui protège tout le monde. Je n’ai pas peur » , a-t-il dit. « Je n’ai pas peur, c’est pourquoi je te dis que je l’ai tué. »
Et j’ai répondu : « J’aimerais que ce soit le cas. Lorsque votre jour viendra, j’espère que vous jouerez aux durs comme vous le faîtes en ce moment avec moi ».
« C’est bien ce que je ferai. Mais quand ? Ce jour-là ne viendra pas », a-t-il dit. « Parce que vous êtes tous au Conseil de bonne gouvernance, vous êtes de bons gouvernants et vous ne ferez rien. »
SCIM : Tu te rappelles d’autre chose ? Tu as dis quelque chose à propos de rires et de moqueries.
Compañera S : Oui, il a ri et son ami hurlait, mais n’a rien dit.
SCIM : M ne parlait pas, il se contentait de rire ?
Compañera S : Il n’a rien dit, il se contentait de rire. M était là, l’autre lui a donné un petit coup pour qu’il parle.
SCIM : Ah. Un petit coup ?
Compañera S : Oui, il lui a donné un petit coup dans le dos et ils se sont mis à crier. Il a dit « tu ferais mieux de poursuivre ton chemin, va t’occuper de tes affaires. » Je n’ai pas répondu.
SCIM : D’accord, si plus tard tu te souviens de quelque chose d’autre qu’il t’aurait dit, nous pourrons y revenir. C’est pour constituer un dossier, car dans ce cas, c’est le gars lui-même qui t’a raconté ce qui s’est passé.
Compañera S : Oui.
SCIM : Et c’est lui-même qui l’a fait. Tu dis qu’il t’a demandé si tu savais qui a tué le compañero Galeano. Puis il t’a dit que c’était lui, exact ?
Compañera S : Oui .
SCIM : « Et il a dit qu’il lui a tiré une balle dans la tête. »
Compañera S : « Qu’il lui a tiré une balle dans la tête, puis qu’il foutu le camp ».
SCIM : D’accord, compañera. Quel est votre nom dans la lutte ?
Compañera S : Mon nom est S.
SCIM : S ?
Compañera S : oui .
SCIM : D’accord. C’est ce que nous voulions, pour qu’il soit clair que ton témoignage est direct, parce que tu es d’ici, de La Realidad. Quel était ton travail lorsque tu es allée au « partage » ou à l’échange à Oventik ?
Compañera S : Ecouter.
( Note : « Ecouter » est un travail ou une commission ou une responsabilité attribuée à quelques compañeras et compañeros qui consiste à « écouter » ce qui se dit lors d’un « partage » ou échange pour aller ensuite le rapporter à leur communauté, région, et zone. Ceci afin que les échanges ne soient pas limitées aux présents, mais qu’ils puissent être partagés par tous les zapatistes. Ce serait l’équivalent d’un « narrateur ». Les compas choisissent des jeunes qui ont une bonne mémoire, qui comprennent bien l’espagnol et qui peuvent expliquer dans leurs propres langues ce qui a été dit. L’échange avec le Congrès National Indigène (CNI) avait déjà des dizaines de jeunes originaires des différentes zones qui étaient chargés « d’écouter ». L’idée était que tous les compas de tous les peuples autochtones de la CNI puissent être entendus dans tous les comités de soutien zapatistes.)
SCIM : Ah , oui , oui. L’échange qui devait avoir lieu avant le Congrès National Indigène. Très bien. Ce sera tout, compañera S. Merci.
( inaudible )
SCIM : Attends. Lorsque tu as parlé à ce type R, était-il ivre ou sobre ?
Compañera S : Non, j’étais assez proche mais je n’ai pas senti l’odeur d’alcool. Et quand je suis arrivée à la maison de L., le même gars est passé devant en rentrant chez lui. Il me regardait en se retournant et riait. Je l’ai regardé avec colère.
SCIM : Donc, on peut dire qu’il était sobre quand il t’a dit ce qu’il t’a dit ? Il n’était donc pas ivre.
Compañera S : Non, il n’était pas ivre .
SCIM : D’accord , ce sera tout compañera. Merci.
* * *
Un autre petit matin. Le Sous-commandant Insurgé Moisés arrive et me dit :
« La décision est prise. Le rassemblement est prévu pour le vendredi 23 mai, l’hommage au compa Galeano se déroulera le samedi 24, et tout le monde rentrera chez lui le dimanche 25. C’est à dire les comités de soutien ».
Ceux qui viennent de l’extérieur aussi ?, lui demande-je.
« Idem, mais à ceux de l’extérieur, dis leur que c’est même chose que pour les comités de soutien : tout le monde doit apporter sa nourriture et son couchage ».
Et je rédige un communiqué ou une lettre ou quoi ?
« Comme tu le sens, mais que ce soit bien clair qu’ils ne doivent pas être un fardeau pour les compas. Ils viennent apporter leur soutien, offrir leurs condoléances à la famille du défunt et aux compas ici, pas pour être pris en charge. En clair, il ne s’agit pas d’une fête.
Oh, et dis leur aussi que les comités de soutien organiseront un hommage au compa Galeano dans tous les caracoles le 24 mai. Et qu’il serait bon pour eux de prévoir aussi quelque chose ce jour-là, là où ils vivent, selon leurs propres disponibilités et habitudes.
Autre chose. Si tu reproduis l’interrogatoire, ne met pas les noms de ces salauds, seulement une initiale. Parce que nous ne savons pas s’il est réellement coupable du meurtre ou s’il voulait simplement faire le malin et faire peur à la petite.
Dis-leur aussi que nous allons inviter les compañeras et compañeros des médias indépendants ou alternatifs ou autonomes ou quel que soit le nom qu’on leur donne, les médias qui ne sont pas payés, qui fait partie de la Sixième, ceux qui sont nos compañeras et compañeros et qui sont chez eux chargés de l’« écoute ». Dis-leur que peut-être - précise bien « peut-être » - le Commandement général de l’EZLN donnera une conférence de presse aux médias indépendants ou quel que soit leur nom, à ceux qui font partie de la Sixième. Je dis « peut-être » car cela dépendra de notre charge de travail et nous ne voulons pas de malentendu. Et que les médias commerciaux ne sont pas invités, nous n’allons pas les recevoir. »
Faut-il leur envoyer une photo du défunt ?
« Oui , mais une photo de lui vivant, pas une photo de son cadavre. Parce que nous nous souvenons de nos compañeros de leur vivant dans la lutte. »
Très bien. Quoi d’autre ?
« Simplement que nous sommes toujours présents, mais je pense qu’ils le savent, dans la Realidad [ La Réalité ]. »
Vale (**). A la santé et à l’écoute.
Depuis les montagnes du Sud-Est du Mexique.
Sous-commandant insurgé Marcos.
Mexique, mai 2014. Vingtième année de la guerre contre l’oubli.
source originale http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2014/05/13/fragmentos-de-la-realidad-i/
source en anglais http://www.informationclearinghouse.info/article38510.htm
Traduction « lutter, c’est aussi ne pas oublier » par VD - à partir de la version anglaise et quelques coups d’oeil sur la version espagnole – pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.