RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Valère Staraselski. Le Parlement des cigognes....

Valère Staraselski. Le Parlement des cigognes

On a plaisir à lire Staraselski, son écriture concrète, directe, expressionniste : « Au matin, derrière les hautes et doubles fenêtres de l’hôtel, toutes garnies de lourds rideaux festonnés, le jour n’en finissait pas de se lever. L’aube durait. On aurait dit qu’un reste de nuit gisait au dehors. Cependant, sans que rien ne l’ait laissé prévoir, ce jour gris, ce jour couleur ciment, s’annula brusquement. Une grosse boule, à la fois puissante et resplendissante apparut. Durant l’espace d’un moment, la lumière qu’elle dispensait rendit les toits enneigés de Cracovie d’une incroyable couleur orangée. »

Âgé de soixante ans, Valère Staraselki a produit une œuvre (romans, essais, nouvelles) aussi multiple et variée que sa vie professionnelle. Avec Le Parlement des cigognes, il nous invite – en faisant se rencontrer un nonagénaire juif polonais et de jeunes Français en voyage professionnel à Cracovie – à un devoir de mémoire concernant le sort des juifs de Pologne sous la botte nazie et, en fin d’ouvrage, sous le régime communiste (les khouligans fascistes).

Aux Juifs, les nazis disaient ne rien vouloir prendre : seulement la vie. Et ils déployèrent des trésors d’horreur imaginative pour massacrer des dizaines de milliers de civils parfaitement innocents. Avec la participation, résignée ou enthousiaste de nombreux Polonais catholiques.

Le devoir de mémoire est d’autant plus difficile à accomplir que les assassins ont fait disparaître toutes les traces de leurs crimes : les cimetières juifs avec leurs pierres tombales qui leur servirent à construire des routes, les ultimes témoins de 1945. Les Polonais « de souche » leur prêtèrent main forte par peur des représailles : il fallait tuer les Juifs pour ne pas être tués par eux après la victoire des alliés. Tous ces Polonais se connaissaient : un habitant de Kracovie sur quatre était juif. Un Juif dénoncé rapportait un kilo de sucre.

Staraselski nous emmène dans le décor naturel de La Liste Schindler de Spielberg, au camp de Płaszów, là où l’espérance de vie était de quatre semaines. Les Russes approchant, les Allemands firent exhumer et brûler 9 000 cadavres par une unité de Juifs contraints. Les exécutants furent ensuite massacrés. Pas de témoins ! Cela dit, autant les Polonais d’aujourd’hui organisent des voyages organisés vers Auschwitz, autant Cracovie ne figure pas – à l’exception de l’usine de Schindler – au programme des tour-opérateurs. Il y aurait pourtant beaucoup à faire, ne serait-ce que respirer la mort « jusque dans les mouvements de l’air et les rayons du soleil ». On comprendrait alors pourquoi les Juifs des ghettos partirent ensemble, résignés, à la mort : « Á quoi bon vivre s’il ne reste plus personne ! Qu’il m’arrive ce qu’il arrive aux autres, voilà ce que nous pensions … Tous ! Plutôt la mort que la séparation ! … »

Le nonagénaire parviendra par miracle à s’échapper d’un train qui le menait vers un camp d’extermination, à se dissimuler des soldats allemands qui le traquèrent et des Polonais qui le pistèrent. De cette fuite infernale, il gardera les stigmates de taches de vieillesse qu’il baptisera tristement « fleurs de cimetière ».

Pour le héros du livre, lorsque l’on a tout perdu, il ne reste que la beauté à contempler et à saisir : « les papillons qui voltigent dans les branchages, la brise pure de la forêt et des champs, les crépuscules qui s’allongent au printemps et même le cri des corneilles qui annoncent le soir. » Donc la beauté des cigognes en plein massacre. Dans ce monde de l’abomination, seules les cigognes furent porteuses d’humanité. La Pologne en compte encore 160 000. Quand elles font claquer leur bec, des cigognes en assemblée peuvent faire penser à un débat d’élus en démocratie. Jamais les cigognes, jamais aucun animal ne s’est rendu coupable de massacres à échelle industrielle.

Paris : le cherche midi, 2017.

En illustration : œuvre de Monique Lauray, inspirée par “ Nuit et Brouillard ” de Jean Ferrat, offerte au Musée national de la Résistance.

URL de cet article 32274
  

Même Auteur
Éric Dupont-Moretti : "Condamné à plaider"
Bernard GENSANE
Il a un physique de videur de boîte de nuit. Un visage triste. De mains trop fines pour un corps de déménageur. Il est toujours mal rasé. Il sera bientôt chauve. Parce que ce ch’ti d’origine italienne est profondément humain, il est une des figures les plus attachantes du barreau français. Il ne cache pas sa tendance à la déprime. Il rame, il souffre. Comme les comédiens de boulevard en tournée, des villes de France il ne connaît que les hôtels et ses lieux de travail. Il a décidé de devenir avocat le (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Je crois, juridiquement parlant, qu’il y aurait des motifs sérieux pour inculper chaque président des Etats-Unis depuis la seconde guerre mondiale. Il ont tous été soit de véritables criminels de guerre, soit impliqués dans de graves crimes de guerre.

Noam Chomsky, in "What Uncle Sam Really Wants"

La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.