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Salve de missiles dans le ciel de Damas

C’est fait. Le gang Washington-Paris-Londres vient de bombarder la Syrie. Abdiquant toute pudeur, l’habituel trio expert en coups tordus a expédié ses engins de mort sur un Etat-membre des Nations Unies. A grand renfort de missiles, un Occident déclinant a joué les durs à distance, se gardant bien d’affronter sur le terrain un adversaire qui lui mettrait une bonne fessée. En attaquant l’appareil militaire syrien, cette coalition étriquée conduite par des pantins vaniteux a cru que sa quincaillerie de luxe lui permettrait de s’imposer. Mais c’était oublier que la donne stratégique change à toute vitesse. En matière militaire, il y a loin de la coupe aux lèvres, surtout lorsque l’objectif à atteindre est fantasmatique. Expérimentée sous la présidence de Bill Clinton, la technique des frappes chirurgicales vient de connaître un nouvel avatar, dont il n’est pas sûr qu’il soit le plus réussi.

N’en déplaise à des dirigeants auto-satisfaits, cette opération-éclair a brillé par sa nullité, et sa fourberie politique n’a eu d’égale que son inanité militaire. En réalité, le bilan est proche de zéro. Aucun résultat opérationnel, aucun impact psychologique, aucun intérêt politique. Ce fut tout juste une pluie de pétards mouillés sur Damas, un exercice d’entraînement grandeur nature pour la défense anti-aérienne syrienne, un tir au pigeon où le missile occidental, ce joujou prétentieux, a fini par jouer le rôle du pigeon. Les « beaux missiles » de Trump ont fini en morceaux, pitoyables tas de ferraille destinés au futur musée de l’impérialisme à Damas. Ce résultat est d’autant plus significatif que la DCA syrienne a combattu seule l’agresseur étranger, sans l’aide de ses alliés, même si l’appui technique russe a sans doute joué un rôle décisif.

Même désastre sur le plan de la guerre psychologique. On ne s’imaginait quand même pas, à Washington, Londres et Paris, que le peuple syrien serait tétanisé par cette lâche agression. Elle a plutôt produit l’effet inverse, car la couardise de l’adversaire, en général, consolide le moral des troupes. Les premières images en provenance de Damas furent celles d’une population souriante, brandissant fièrement le drapeau national et le portrait du président Bachar Al-Assad. Les trois pieds nickelés de la géopolitique n’impressionnent pas les Syriens. En détruisant les trois quarts des missiles ennemis, la défense anti-aérienne syrienne a résumé à sa façon la réponse de ce peuple courageux à l’agresseur néo-colonial. La DCA de l’armée arabe syrienne est comme la métaphore d’un peuple qui résiste victorieusement, depuis 2011, à une tentative de destruction multiforme.

Bien entendu, les fauteurs de guerre occidentaux ont fait tourner les rotatives d’une propagande mensongère pour tenter de justifier leur entreprise destructrice. Mais la supercherie a fait long feu. Il s’agissait, dit-on, de punir le régime syrien pour l’emploi de l’arme chimique contre les civils de la Ghouta. Mais où sont les preuves détenues par les trois agresseurs ? On nous répond qu’elles sont accablantes, mais qu’il est impossible de les communiquer, car elles sont « classifiées ». Un enfant de quatre ans comprendrait le stratagème. S’il y a des « preuves », au demeurant, on pourrait les trouver sur place, et c’est pourquoi l’Organisation internationale pour l’interdiction des armes chimiques a accepté l’invitation du gouvernement syrien. Mais le jour même de l’arrivée de ces experts, le trio occidental a bombardé Damas. Inutile de faire un dessin : quand on accuse sans preuves un coupable désigné d’avance, on n’a pas besoin d’enquête.

En réalité, la politique belliciste d’un Occident en mal d’hégémonie pourrit tout ce qu’elle touche. Elle brandit les droits de l’homme, mais c’est pour soutenir les terroristes. Elle chante les louanges du droit international, mais c’est pour mieux l’anéantir. Elle parle de démocratie, mais elle la viole à domicile tout en déniant aux autres nations le droit à l’autodétermination. Quand Macron annonce qu’il va « punir » le président syrien lors d’une conférence conjointe avec le prince héritier d’Arabie saoudite, il se moque du peuple français. La triplette belliciste USA/France/Grande-Bretagne est comme la grenouille qui veut être plus grosse que le bœuf. Elle s’imagine qu’elle est le centre du monde alors qu’elle en est l’appendice. Elle est seulement le club de l’oligarchie occidentale, mais elle se prend pour la « communauté internationale ». Et lorsque le monde assiste médusé à une fanfaronnade où le criminel le dispute au grotesque, elle s’imagine qu’elle a remporté une victoire. Cette salve de missiles sur la Syrie ne changera rien au cours des événements. La Ghouta est libérée, et les autres provinces le seront bientôt. La guerre à distance menée par les ennemis de la Syrie est perdue d’avance.

Bruno GUIGUE

COMMENTAIRES  

16/04/2018 00:31 par chb

Merci pour ce nouveau pamphlet jubilatoire.
La France réduite à l’état de larbin du voyou (qu’ont réussi nos petits Rafale, cette fois : l’ont-ils bien descendu leur bouquet de technologie de mort made in F ?), c’est en notre nom, avec nos sous et notre honneur...
Aux USA, l’illusion Trump sera-t-elle balayée par un régime pire encore ?

16/04/2018 11:46 par Renard

La France dans cette histoire ressemble à un lâche dans un groupe de caïd : le genre de mec qui vient mettre le dernier coup de pied à un mec au sol mais qui ne ferait rien sans son copain aux gros bras américain.

Excellente affaire que Macron vienne s’embourber dans cette connerie trumpienne, il n’en sera que plus haï, c’est quand même un mec qui risque la troisième guerre mondiale uniquement pour montrer son zèle pro-atlantiste. Le mouvement de contestation va pouvoir s’élargir.

16/04/2018 19:23 par chb

Outre son côté criminel voyou, ce harcèlement de la Syrie a quand même une incohérence étrange. A l’instar de la foldingue punition par Trump il y a juste un an, les dernières frappes ont plutôt conforté l’AAS et le gouvernement al Assad, comme le note B. Guigue. Les syriens peuvent se féliciter de l’efficacité de leur DCA. Une poignée de blessés seulement, peu de destructions dont aucune d’objectifs militaires, contrairement à l’attaque israélienne de la base T4 !
Là encore, un gros buzz sur des images gore fabriquées et une annonce des frappes ont précédé une action punitive sans efficacité militaire sinon l’exercice (pour la première fois des Rafale ont volé 9 h et 40 minutes d’affilée, avec 5 ravitaillements en vol. Un de nos pilotes était une femme... vive la France) et le gaspillage de nombreux missiles fort coûteux.
Les cibles ont eu tout le temps nécessaire pour se préparer,
+ les consignes fermes venues de Moscou ont soigneusement été respectées, évitant le vrai clash.
Ils jouent à quoi, nos « responsables » ?

17/04/2018 02:09 par Renard

@chb Les éléments que vous soulevez sont étranges en effet, à l’époque des frappes de l’année dernière Les chroniques du grand jeu avait soulevé l’hypothèse que Trump avait balancé les missiles (causant pratiquement aucun dégât) pour calmer les ardeurs du Deep State pro-guerre et les enfumés en préparant une réele désescalade avec la Russie. Un peu comme De Gaulle qui criait "vive l’Algérie française" et "je vous ai compris" alors qu’il avait en tête le référendum sur l’indépendance. La différence avec les bombardements de l’année dernière serait que cette fois l’Angleterre et la France ont été enrôlé dans cette mise en scène en bon fayot atlantiste qu’ils sont.

Hypothèse un peu farfelue mais ceci expliquerait cela.

17/04/2018 12:10 par François de Marseille

Jakubovitch compare ceux qui exigent des preuves de l’usage d’armes chimique aux négationnistes qui demandent des preuves de l’existence des chambres à gaz.
Point Godwin atteint, la routine...

17/04/2018 14:41 par JC

C’est toi qui atteins le point Godwin, François de Marseille... un dit "négationniste" n’est pas forcément un nazi ou un pro-Hitler. On peut tout à fait retourner le tweet de Jaku contre lui. Oui, en effet, en droit on exige des preuves lors d’accusations de crimes (même si Nuremberg les rendait facultatives, mais c’est bien parce que c’était ainsi qu’il a fallu une loi pour empêcher sa contestation).

17/04/2018 18:53 par Renard

@JC Ouii évidement un négationiste n’est pas forcément un nazi de même un gars qui lève le bras en criant "Sieg heil" à peut être simplement une crampe au bras et un peu de toux..

17/04/2018 20:37 par François de Marseille

@ JC : Point Godwin : De la loi de Godwin, du nom de Mike Godwin, et de point. Cette loi énonce que « plus une discussion dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison IMPLIQUANT les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1 ».
Je crois que le négationisme implique les chambres à gaz qui impliquent le nazisme mais je me trompe peut être...

18/04/2018 16:22 par JC

Franchir la dernière étape est facultative (enfin, obligatoire par la loi, facultative si les révisionnistes ont raison), c’est ce que je faisais remarquer. Dans le raisonnement, tu n’es pas obligé d’arriver au nazisme, même si dans la pensée de Jaku’ (et, espère-t-il pour glacer le sang avec un argument d’autorité, de tout le monde) c’est évident.

19/04/2018 04:53 par François de Marseille

Reaction d’Emmanuel Todd sur France culture :
https://m.youtube.com/watch?v=iEldyA6jvJs
« Le niveau intellectuel des diplomates Russe est très supérieur à ceux du quai d’Orsay »
« Si vous voulez lire un truc intelligent, lisez les discours de Poutine ou Lavrov »
« Pour comprendre j’ai dû lire RT » (on devrait lui conseiller aussi LGS).
« Macron, je ne m’écoute plus, être président c’est passer a la télé, il ne contrôle pas la monnaie, son seul pouvoir est d’enlever ce qui reste aux pauvres ».
« La France a cessé d’être une démocratie en 2005 »
Les journalistes ne savaient plus ou se mette, du grand bonheur.

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