25 

Kérala, Vietnam, Chine, Cuba : Conquêtes et limites de l’agroécologie socialiste face à l’agrobuziness impérialiste

Le gouvernement communiste du Kerala, petit Etat du sud-ouest de la fédération indienne, vient de couronner par le lancement du label « Kerala Organic », les succès de sa politique volontariste en matière d’agroécologie : L’objectif est de passer à une production agricole 100% bio à l’horizon 2020. Avec 100 000 tonnes de produits bio annuels, la moitié du chemin semble déjà parcouru. Mais ce n’est pas tout : la diversification de la production agricole, propre à développer une véritable autosuffisance alimentaire, a déjà transformé le pays. La rupture avec le modèle de monoculture intensive dépendante, avec ses survivances féodales, semble bien engagée et « durable » (puisqu’agroécologique), et les principes politiques du gouvernement n’y sont certainement pas étrangers.

Le Kerala, gouverné par les communistes depuis 1957, présente sur cette voie agricole durable, certaines similitudes avec la révolution agroécologique cubaine, dont il est inutile de rappeler les incontestables succès et le leadership en la matière depuis les années 90 : Le peuple kéralais est le plus instruit de tous les peuples indiens, le système scolaire et universitaire rivalise en performance avec celui de Cuba et l’IDH (Indice de Développement Humain) combinant les indicateurs économiques, scolaires et sanitaires, compte parmi les plus élevés des pays en voie de développement, ... comme à Cuba.

C’est en particulier le développement du KAU (Université Agricole du Kérala) qui détermine les avancées décisives en agroécologie, par l’investissement gouvernemental dans la recherche agronomique et l’implantation de centres de formation partout dans les campagnes pour assister les paysans impliqués dans le processus. Les stations de recherche de l’IFSRS sur les « systèmes agronomiques intégrés » (coopératives de polyculture bio et agroforestières) jouent également un rôle déterminant en enseignant des rudiments de permaculture à la population notamment urbaine (à l’image des « organoponicos » urbains et périurbains qui font la fierté de Cuba).

Mais il faut aussi souligner que l’histoire et l’économie du Kérala ne permettent pas des avancées aussi spectaculaires qu’à Cuba. Le parti communiste kéralais, issu du mouvement maoiste, est l’un des plus importants du continent. Cependant, par la seule voie des urnes et dans le contexte spécifique qui est celui d’une lutte anti-impérialiste sous la forme d’un front politique hétérogène, marqué par plusieurs alternances, il n’a pas transformé de fond en comble la société. Il n’a pu que la gouverner et la réformer progressivement, en particulier en faveur de la paysannerie qui lui reste fidèle jusqu’aujourd’hui, plusieurs décennies après la réforme agraire anti-féodale / anti-coloniale dont elle a bénéficié. Il n’y a pas eu au Kérala de collectivisation de l’agriculture et la propriété de la terre n’est pas acquise à un pouvoir central et populaire susceptible d’impulser partout au même rythme une grande transition du modèle agricole comme c’est actuellement le cas à Cuba.

Le Kérala qui s’inscrit dans une fédération indienne politiquement hétéroclite, ne dispose pas de la marge de manœuvre d’un Etat socialiste dit classique. Ses succès récents en matière de « bio » sont évidemment liés à une volonté politique de souveraineté populaire à caractère anti-impérialiste (et donc d’autosuffisance alimentaire durable, respectueuse des sols sur le long terme), et à une capacité d’investissement planifié dont sont incapables les gouvernements capitalistes ou dépendants rétifs aux politiques de « long terme ». Mais il y manque encore la dimension nationale qui caractérise les expériences de socialisme réel au vingtième siècle.

Les prix du « bio », qui à Cuba sont fixes, sont ici plus couteux (même si le gouvernement achète les productions à des prix préférentiels), ce qui n’est pas compatible avec une perspective « durable » comme celle que l’ONU reconnait à Cuba. Même si le gouvernement kéralais subventionne abondamment les plantations qui se lancent sur cette voie, tout le territoire n’est pas encore concerné et la législation n’a évidemment pas atteint le stade d’une interdiction pure et simple des pesticides comme à Cuba.

D’une certaine façon les limites rencontrées par le Kérala sur la voie du bio, bien que son gouvernement ait depuis des décennies une tonalité communiste (mais sans structure socialiste au niveau des rapports de production) et malgré les premiers succès qu’ils enregistrent actuellement, souligne par la négative pourquoi Cuba devance tous les pays du sud en matière d’agroécologie depuis les années 90, y compris les pays de l’ex-camp socialiste.

Le développement de l’agroécologie dans les pays du sud devient un axe politique majeur sur les trois continents, et ce n’est pas un hasard. En effet, comme l’avait déjà indiqué le dirigeant révolutionnaire marxiste burkinabé Thomas Sankara dans les années quatre-vingt, la protection de l’environnement dans les pays dominés ou dépendants, qui détermine la capacité du peuple à s’approvisionner en aliments et en énergie par ses moyens propres et de façon durable, sur le long terme, ne présuppose aucun acte de foi « écologiste » de la part des gouvernements pour qu’ils s’en emparent prioritairement, ce qui est d’ailleurs plutôt rassurant quand on est un « écologiste » sincère : L’intention n’est pas « morale » ou « romantique », mais bien animée par des objectifs concrets et immédiats.

De très nombreux pays, en Amérique Latine, en Afrique, en Asie, cherchent des fonds permettant d’inciter les travailleurs de la terre à rompre avec les funestes méthodes de l’agriculture intensive tout en limitant les pertes de productivité. Mais la conccurence est rude, et c’est sans surprise que de nombreux paysans « mixent » les semences d’Etat moins chers mais peu productifs, avec des semences ultraperformantes et dépendantes d’intrants chimiques fournis par Monsanto et consor. C’est le cas au Salvador par exemple le cas, malgré les efforts financiers du gouvernement.

Dans ce contexte, les performances de l’Etat cubain ne sont pas dues à un fantasmatique héroïsme, mais bien à des traits spécifiques de son socialisme : propriété étatique des terres, collectivisation avancée de la paysannerie et mutualisation du matériel agricole, haut niveau d’alphabétisation du peuple permettant aux paysans de s’instruire et devenir potentiellement « agronomes » de leurs propres sols, haut niveau de développement de la recherche (notamment agronomique) et de la diffusion du savoir scientifique à l’université, capacité de mobilisation des masses, y compris paysannes, dans des projets d’ampleur nationale, haut degré d’indépendance et de souveraineté nationale contre les appétits impérialistes extérieurs (notamment contre l’agrobuziness).

Evidemment, dans le contexte d’un pouvoir de type « électoral », dans une fédération où le Kérala est bien seul avec une telle couleur politique, les marges de manœuvres sont bien différentes, et les avancées moins rapides, quoique réelles. Tentons d’en tirer quelques enseignements.

L’anti-impérialisme entre résurrection des traditions rurales et bond en avant de l’agrobiologie

Les succès cubains déjà mentionnés, et exposés dans un précédent article intitulé « Socialisme cubain et agroécologie : le renforcement mutuel », résultent d’une double nécessité historique :

- La nécessité pour l’ensemble des pays du sud, confrontés à l’agressivité impérialiste américaine ou européenne, de parvenir à une autosuffisance alimentaire et énergétique, sur le long terme (« durable »), garante d’une souveraineté nationale effective, en sortant notamment des modèles agricoles dépendants de « sous-traitance », donc de la monoculture intensive chimique imposée par les multinationales agroindustrielles et usant les sols locaux surexploités ;

- Les potentialités politiques, économico-sociales, juridiques du modèle des pays rescapés du « camp socialiste », après la chute de l’Union Soviétique, pour accomplir mieux que d’autres les objectifs de cette agroécologie souveraine, et ce malgré les reculs de l’agriculture post-khrouchtchévienne, tardivement alignée sur le modèle intensif américain, et qui ont imprégné les pratiques de Cuba comme celle des autres « pays frères » jusqu’aux années 80. Pour connaître les conquêtes soviétiques en matière d’agroécologie et d’énergies alternatives avant la rupture khrouchtchévienne des années 60, lire les brochures du Cercle Henri Barbusse intitulées L’écologie à la lumière du marxisme léninisme et Les enseignements de l’agroécologie soviétique / 70e anniversaire du plan de transformation de la Nature de 1948, téléchargeables au format pdf.

Le leadership cubain traduit cette double nécessité sous la forme d’une resurrection de cultures et pratiques traditionnelles précoloniales, parallèle à un bond en avant socialiste sur le plan social, économique et scientifique, condition objective d’une réelle planification écologique, couteuse sur le court terme et contraignante sur le plan social et technique. Une telle rencontre a pu s’effectuer ailleurs, et jusqu’à un certain point, dans des pays du sud à plus fortes traditions rurales et moins affectées par l’agroindustrie moderne, mais sans influence du camp socialiste, ou au contraire dans des pays plus avancés comme la Chine, qui fut au centre même du camp socialiste. Il faut pourtant reconnaître que nulle part ailleurs qu’à Cuba, aujourd’hui, cette contradiction n’a été mieux surmontée. Et il est nécessaire d’en identifier les raisons concrètes.

Le sommet de la Tricontinentale à la Havane en 1966, avait déjà acté, notamment par la voix du révolutionnaire marxiste africain Amilcar Cabral, qu’une réelle indépendance nationale ne pouvait se construire sans une résurrection de la culture nationale et des traditions précoloniales, point d’appui des futures conquêtes politiques et économiques. Vingt ans plus tard un autre dirigeant marxiste, Thomas Sankara, insistera davantage encore sur cette nécessaire exhumation, y compris en ce qui concerne les pratiques agricoles : le savoir faire des anciens, complexe et adapté au terrain, aux sols, aux ressources, à la complexité des écosystèmes locaux, ne peut être nié comme il l’a été par la monoculture intensive et homogénéïsante, destructrice des sols et des espèces endémiques, et par la brutalité de sa chimie, antiscientifique parce qu’antibiologique.

A Cuba, la polyculture traditionnelle n’a jamais vraiment disparu, entretenue parallèlement à la monoculture intensive de la canne à sucre destinée au marché soviétique en échange de denrées alimentaires. C’est d’ailleurs sur cette continuité d’un savoir faire paysan, certes marginale avant 90, que l’agronomie cubaine moderne planifie ses recherches et approfondit sa connaissance de terrain, par une alliance étroite, dans les milliers de centres villageois d’échanges « de paysan à paysan » (campagne « Campesino a campesino »).

Un tel savoir faire permet par exemple d’innover dans les pratiques agroforestières pour améliorer les économies d’eau et le microclimat des plantations. Un exemple simple parmi tant d’autres sur le prestigieux marché des Havanes : La culture du tabac peut se passer de pesticides parce que la nicotine présente dans la sève des feuilles, qu’on peut faire sortir d’un mouvement de doigts, repousse naturellement les ravageurs.

Les centres de semences endémiques se développent à Cuba pour alimenter l’ensemble des coopératives bio avec des semis aptes à résister aux terrains sans béquilles chimiques, par des sélections vieilles de plusieurs siècles, et que le « catalogue » Monsanto n’autorise pas dans le reste du monde. Le célèbre agronome cubain Humberto Rios Labrada a obtenu en 2010 le prix Goldman, « prix Nobel vert » très prisé des écologistes, pour sa campagne de développement des centres de semences endémiques pour l’agriculture, sur la base des traditions rurales de l’île.

Toutes les expériences ancestrales peuvent contribuer à redévelopper la productivité malgré le non-usage des pesticides, par le jeu de coopérations inter ou intraspécifiques. En Chine par exemple, le riz de Huen Yang (Yunnan) est mis à l’étude parce qu’il a la propriété, depuis plusieurs siècles d’éducation, de résister à quasiment toutes les maladies sans aucun pesticide, par sa grande biodiversité intraspécifique (une trentaine de variétés très proches cultivées ensemble). On peut également considérer que le recours à l’agroforesterie à Cuba mais aussi en Chine ou au Vietnam, représente d’une certaine façon un retour aux sources, d’avant la « révolution verte », et sa déforestation massive.

Le développement des « systèmes intégrés », c’est-à-dire d’agrosystèmes de polyculture où les espèces s’entre-aident pour suppléer aux dopants chimiques sans baisse de rendement, répond à la fois à la demande d’une diversification agricole liée au besoin de souveraineté alimentaire, et à la restauration durable de la fertilité des sols, ressources pour ne pas dire richesses nationales stratégiques, après des années d’érosion par les intrants chimiques. Au Vietnam par exemple, on associe par exemple dans le delta du Mékong riz, soja (réincorporant l’azote dans le sol sans besoin d’engrais chimiques) et pisciculture (produisant un équilibre faune / flore propre à résister globalement à l’incursion d’espèces indésirables, sans pesticides donc).

Alors pourquoi les succès enregistrés à Cuba, tardent-ils à s’étendre nationalement chez d’autres rescapés du camp socialiste, comme la Chine ou le Vietnam ?

L’histoire du camp socialiste et les limites rencontrées par l’agroécologie chinoise

Si Cuba s’est illustré en matière d’agroécologie, la Chine est devenu le leader incontestable des énergies renouvelables et de ce qu’on appelle ici la « transition écologique ». Il faut lui reconnaître cet immense mérite. Le puissant développement industriel du pays, à travers une volonté politique forte de restaurer la vitalité et la biodiversité des environnements chinois, l’a conduit aux succès que l’on sait sur la question des énergies solaires (les plus grandes centrales solaires au monde sont chinoises), hydroélectriques (la Chine est le premier producteur mondial d’électricité d’origine hydraulique), des « villes-forêts » bientôt énergétiquement autosuffisantes, etc. 630 milliards de dollars sont investis dans ce domaine, sous l’impulsion de Xi Jinping qui déclarait solennellement il y a quelques mois : « Vantez le développement écologique ! Développez l’énergie renouvelable ! ».

La Chine est également réputée pour sa campagne sans précédent de reboisement : l’Etat a planté plus de 6 milliards d’arbres depuis 1978. Une « muraille de Chine » verte est de plus en capacité de barrer la route au menaçant désert de Gobi. Il rivalise sur ce terrain avec les exploits soviétiques de l’immédiat après-guerre, avant le grand tournant révisionniste khrouchtchévien de 1956.

Cependant, les tentatives de transition agroécologique tardent à venir, malgré les résolutions des derniers congrès du PCC. En réalité, la Chine est bien plus avancée sur le plan industriel que sur le plan agricole, du point de vue socialiste, et ceci pour deux raisons historiques :

- D’abord les tentatives de collectivisation lors du « grand bond en avant » dans la Chine maoïste se sont globalement soldées par des échecs. Ce grand pays semi-féodal se refusait à appliquer le modèle soviétique de collectivisation, mais revendiquait d’une certaine façon une marche forcée plus rapide qu’elle ne l’avait été en URSS, après des années de « NEP » (re-développement provisoire d’un marché agricole privé pour accroître les forces productives, quitte à laisser se développer transitoirement une couche de paysans riches et exploiteurs). On imposa une alternative aux kolkhozes et aux sovkhozes soviétiques (modèle qu’ont repris les cubains) ; les « communes populaires ». Celles-ci se destinaient à l’autosuffisance matérielle à l’échelle du village, sur un mode autogestionnaire et dans un pays encore insuffisamment industrialisé, encore incapable de développer dans les champs une mécanisation et une aide matérielle suffisante. Chaque village devait avoir son petit haut fourneau pour produire ses outils, etc. Mais cette politique volontariste et non-pragmatique s’est vite soldée par un échec et il fallu rebrousser chemin.

- Les reculs ont sans doute été eux-mêmes exagérés puisque sous Deng Xiao Ping on décida de « décollectiviser » les campagnes. L’agriculture redevint familiale plutôt que coopératif et tout fut pensé pour le court-terme, suivant l’adage de Deng « Si elle augmente la production, l’agriculture privée est tolérable ».

Ce double échec tranche avec l’expérience soviétique : les kolkhozes et sovkhozes y ont duré jusqu’aux années 90 et nombreux sont encore les paysans qui refusent de sortir de leurs kolkhozes, tant les conditions y étaient meilleures que dans les exploitations privées. L’idéologie maoïste dans le traitement de la question agraire a également influencé le Vietnam, qui a vécu à peu de choses prés ces deux phases consécutives de collectivisation non contrôlée / dé-collectivisation, non sans une certaine agitation entre les tenants de la ligne pro-soviétique d’Ho Chi Minh et les dirigeants influencés par la ligne maoïste, majoritaires à cette époque.

Ainsi, l’absence d’une réelle collectivisation des campagnes explique au moins en partie la difficulté rencontrée par la Chine et dans une certaine mesure par le Vietnam, à développer rapidement et correctement une planification agroécologique d’ampleur nationale. Certes les progrès existent de ce coté, mais ils restent limités à certaines régions, et reposent sur des politiques uniquement incitatives, par subventions, et sans le soutien direct des masses paysannes organisées, habituées aux intrants. L’Etat a les moyens, au niveau de la superstructure, de financer l’agronomie scientifique et la formation de nombreux agronomes, de légiférer pour interdire ceci ou favoriser cela, mais cette politique rencontre des masses paysannes encore imprégnées de féodalisme dans certaines régions, et souvent impréparées à d’aussi difficiles transitions techniques.

La Chine ou le Vietnam ont sans doute plus de marge de manœuvre que la Kérala puisque le parti communiste gouverne l’Etat tout entier, mais également moins que Cuba ou que feu l’URSS pré-Khrouchtchévienne, faute d’une collectivisation suffisante après la phase indispensable de réforme agraire.

L’agroécologie : une affaire de rapports de production, et non de « consommateurs » revendicatifs

Il est à ce titre intéressant de remarquer qu’un pays comme Cuba qui dépendait matériellement du marché soviétique, a effectué malgré tout une véritable révolution agroécologique ces dernières années grâce aux rapports de production qui déterminent sa paysannerie, pendant que la Chine, retardé dans sa rupture avec des rapports de production féodaux par rapport à l’URSS, n’a pas tiré de son indépendance politique vis-à-vis du marché soviétique les ressources nécessaires à une véritable transition agroécologique. Nous sommes bien ici dans une approche matérialiste qui place comme déterminants fondamentaux les rapports de production, devant les formes politiques de l’Etat qui les gère.

Allons plus loin : il est plutôt rassurant que l’évolution mondiale des luttes de classe, hors de toute question morale ou de toute abstraction sur de prétendus « droits de la nature », crée naturellement les conditions d’une protection de fait de l’environnement, conçu comme une richesse nationale à soigner durablement. L’origine en est la nécessité d’une sécurité alimentaire et énergétique des pays dominés, pour échapper à leurs prédateurs. La finalité est de ne pas gâcher les environnements nationaux avec des pratiques aveugles guidées par le profit maximum et l’anarchie de la production (capitalisme).

Il n’est donc pas besoin de se réclamer de « l’écologie politique » pour accomplir les exploits que l’on connait à Cuba. Il suffit de donner à l’Etat, contre l’anarchie de la production capitaliste court-termiste, les moyens de gérer les terres à l’échelle nationale, et aux masses paysannes les moyens de s’instruire et d’innover dans la culture de leurs terres par l’articulation des savoir-faire traditionnels et des avancées de la science agrobiologique.

Pourquoi l’écologie politique, si prompte ici à dénoncer le « totalitarisme » socialiste, cache t-il autant que possible les succès de Cuba et des autres rescapés du camp socialiste en la matière ? Serait-elle gênée par la dimension profondément « souverainiste » de ce type d’agroécologie, elle qui, chez nous, défend ardemment et sur le mode fédéraliste la construction européenne, contre les souverainetés nationales et populaires ?

Soyons plus clairs : le soucis écologique ne peut être l’affaire de « lobby de consommateurs » soucieux de leur santé (légitimement !), comme tentent de le résumer les écologistes occidentaux. Preuve est faite chez nous que ce seul soucis, non lié à la lutte de classe et à l’état des rapports de production agricole, conduit à un non sens absolu : le « bio low cost ». Celui-ci consiste à produire en quantité industrielle des denrées légèrement plus chères que les denrées équivalentes imprégnées de pesticides, à partir de cultures hors sol et sous serre, c’est-à-dire en niant purement et simplement la question de la fertilité des sols, jugés incurables.

Tout est lié ; indépendances nationales anti-coloniales et anti-impérialistes, luttes anticapitalistes et protection des environnements que détruisent les bourgeoisies occidentales. Toute lutte partielle ou niant les autres aspects mentionnés se heurtera rapidement à des limites concrètes que seule la résolution de la contradiction principale, celle qui oppose la chaîne bourgeoise impérialiste aux classe ouvrières et aux peuples opprimés, pourra résoudre jusqu’au bout.

Guillaume SUING

 https://germinallejournal.jimdo.com/2018/06/20/k%C3%A9rala-vietnam-chine-cuba-conqu%C3%AAtes-et-limites-de-l-agro%C3%A9c

COMMENTAIRES  

21/06/2018 09:06 par Danael

Les prix du bio à Cuba d’après le documentaire ci-dessous varie un peu selon la qualité du produit. Mais les prix restent relativement stables car ces denrées bio sont produites à proximité des lieux de consommation ( peu de coût de transport donc) et se distribuent dans des réseaux stables : marchés locaux, écoles, hôpitaux, etc. Comme le soulignent les Cubains dans ce vidéo , il y a eu un vrai consensus sur toute l’île sur ce projet d’ agriculture bio de proximité ( voir système démocratique à Cuba https://www.legrandsoir.info/cinq-questions-reponses-sur-les-elections-presidentielles-a-cuba.html).
Vu l’embargo des EU et l’effondrement de l’URSS, Cuba devait en effet vite trouver des solutions. Donc, l’intention n’est pas « morale » ou « romantique », mais bien animée par des objectifs concrets et immédiats... la nécessité d’une sécurité alimentaire et énergétique des pays dominés, pour échapper à leurs prédateurs. Mais dans le cas de Cuba , les valeurs acquises par la révolution font que cette réforme agraire ne répond pas qu’à un objectif utilitaire seulement. Il fallait aussi sauver la révolution et la faire gagner en indépendance face au grand adversaire américain ( constant objectif depuis le début de la révolution). Pour cela, Cuba a toujours compté sur son très haut niveau d’ éducation et ses valeurs socialistes. Nous avons donc bien besoin de ces deux pôles : romantisme révolutionnaire ( utopie) et pragmatisme. Pourquoi l’écologie politique, si prompte ici à dénoncer le « totalitarisme » socialiste, cache t-il autant que possible les succès de Cuba et des autres rescapés du camp socialiste en la matière ? Peut-être parce que son utopie n’est pas si grande et son pragmatisme non plus.
Les « organoponicos » urbains à Cuba
https://www.youtube.com/watch?v=410UwUIvwsU

21/06/2018 09:45 par Danael

correction première ligne : varient

21/06/2018 10:51 par CN46400

Pour plusieurs raisons, cet article me parait discutable. D’abord il compare des situations totalement différentes. Or, en agriculture surtout, la comparaison est un art. Climat, fertilité des sols, commercialisation des produits, compétences des agriculteurs, capital investi, politique étatique, etc... sont autant de variables à intégrer, complexifiant le pb indéfiniment.
Mais le plus discutable est la vision que cet article donne de l’agriculture soviétique avant 1940, période NEP (1922-1928) comprise. Et ce hors de toute référence à Lénine qui pourtant est à la base de la NEP (OC-T32,33,36,42,45...) et dans l’esprit duquel il s’agissait d’une orientation pour plusieurs générations (60 ans dans le cas du Kamchaka...) qui concernait aussi, surtout même, l’industrie. Elle suivait la redistribution des terres de 1918, suite à la Révolution d’Octobre (non rappelée dans l’article ) qui a conduit à une morcellisation des terres, incompatible avec la mécanisation à venir. Pour Lénine, les campagnes comptaient 1 million de koulaks, possesseurs d’un peu de capital (machines + locaux de stokage + finance commerciale), de 5 millions de paysans moyens (10 ou 20 hectares), producteurs de l’essentiel de la production commercialisée et de 60 millions de paysans pauvres (moins de 5 hectares) vivant en quasi-autarcie, sur lesquels Lénine tablait pour développer une coopération, à la française (correspondance avec Renaud Jean). Lénine n’a jamais envisagé la collectivisation de type 1927-28. Même s’il ne fait pas de doute pour lui, qu’une grande partie de cette couche allait subir l’exode rural, support de l’industrialisation à venir, à l’instar de l’exemple occidental ( France-Allemagne-GB). Lénine insistait, lourdement sur l’alliance "clef de voute", ouvrier-paysans, faucille-marteau... Avec Staline ce fût un autre politique. Par exemple les productions animales (100 en 1913) sont à 137 en 1928 (fin de la NEP), à 65 en 1933 et 108 en 1939....(Moshe Lewin). Ensuite, convenons que si les intrans chimiques sont peu utilisés dans la période stalinienne, c’est surtout à cause de la faiblesse de l’industrie chimique soviétique.
De même il osé d’affirmer que Cuba a copié la collectivisation soviétique, alors que la nationalisation du sol suffisait pour transformer, de facto, les latifundias en "sovkozes" (ex : la propriété des Castro’s à Biran).
Quand à la "décollectivisation" de Deg Xiao Ping en Chine, elle ne concerne que le travail qui est redevenu individuel sur une terre, toujours propriété de l’état, mais confiée en usufruit gratuit au paysan tant qu’il l’a travaille. Les réformes Raoul Castro ont introduit cette donnée à Cuba (75ha en 2010).
Au Kérala, où l’état ne peut disposer de la propriété de la terre, ou les entreprises capitalistes ne peuvent pas être entravées, la donne est encore différente !

21/06/2018 11:23 par rkw

Merci pour cet article passionnant (et les liens riches )- très utile à mon activité de militant communiste !

21/06/2018 12:48 par Guillaume Suing

Pour CN49400 : Merci pour ces précieuses informations et l’ouverture d’une discussion frutueuse ! Je tiens à répondre sur deux points importants. 1) Concernant la décollectivisation chinoise il me semble justement que ce qui manque aux pays socialistes qui disposent encore de la terre mais qui ont perdu l’aspect "collectiviste" (avec effectivement des reculs à Cuba bien sur mais aussi de grandes réussites liées à l’organisation des masses par l’ANAP), c’est la capacité à impliquer toute la paysannerie dans la démarche d’une transtioon agroécologique : il ne suffit pas de décréter, il faut aussi que la paysannerie soit sociologiquement apte à la mettre en oeuvre.
2) Sur l’URSS c’est la collectivisation qui a mis un terme aux famines (avec des reculs là aussi en 47 mais dans le contexte d’un pays en ruine) : le grand plan de transformation de la nature, grand d’agroforesterie, en 48 s’appuie sur des dimension sociale, économiques et scientifique qu’on peut actuellement retrouver à Cuba. Certes on utilisait peu de pesticides en URSS avant khrouchtchev mais aussi pour des raisons de parti pris scientifique : williams notamment était contre et leur préférait la polyculture et l’amélioration des propriétés physique du sol fertile (que les pesticides dénaturent). Voir à ce sujet mon livre L’écologie réelle / une expérience soviétique et cubaine

21/06/2018 17:13 par Assimbonanga

Communiqué sur la situation (daté du mercredi 20/06 à 15h30)

Aujourd’hui, mercredi 20 juin 2018, une vague de perquisitions et d’arrestations s’est abattue sur la lutte contre le projet CIGEO. A 7h00 du matin, à Bure (55), la Maison de la Résistance a été perquisitionnée. À l’écriture de ce communiqué la perquisition est toujours en cours. Huit autres lieux d’habitation ont été simultanément perquisitionnés dans la même matinée. Dans ces lieux, les motifs des perquisitions ont été peu ou pas présentés ; les commissions rogatoires n’ont souvent pas été présentées non plus. Selon une dépêche AFP reprenant les déclarations du procureur Glady, ces perquisitions sont en lien avec « trois affaires de 2017 ». En septembre dernier, des perquisitions avaient déjà eu lieu pour ces mêmes motifs. A l’heure actuelle, au moins 8 personnes sont en garde-à-vue dont certaines à la suite d’arrestations ciblées. Une procédure exceptionnelle de perquisition a été engagée contre un avocat, qui a été arrêté. Ces opérations sont toujours en cours et nous redoutons toujours que ce bilan s’alourdisse.

Nous souhaitons préciser que ce déploiement judiciaire et policier exceptionnel visant la lutte anti-CIGEO est la suite d’une semaine de répression. Il vise nos rassemblements et notre vie sur ce territoire. Durant cette semaine, la présence militaire entre les villages de Bure et de Mandres-en-Barrois a été constante, s’accompagnant de nombreux contrôles d’identité et fouilles de véhicules. Durant la journée de mobilisation et le weekend, du 16 et 17 juin, au moins 19 interpellations ont eu lieu. Ce lundi, 3 personnes ont été lourdement condamnées suite à la manifestation du 16 juin, dont 2 camarades qui sont actuellement en prison. Depuis le début de la semaine, 6 personnes ont été interpellées dans Bure et ses alentours. Cette intimidation est permanente mais les moyens mis en œuvre sont toujours énormes (centaines de militaires de la gendarmerie mobile, drônes, ULM, caméras en tout genre…). Malgré cette large opération d’intimidation de l’État, nous restons déterminé-es dans notre lutte contre le projet CIGEO, contre l’ANDRA et son monde. Nous appelons largement en France et dans le monde à des rassemblements ce soir, 18h, devant les préfectures, les ambassades ou les consulats pour montrer notre soutien à cette lutte, aux personnes actuellement en garde-à-vue et en prison.

Quelques chouettes hiboux qui suivent la situation. Source : vmc.camp

21/06/2018 19:54 par Emilio

Comme j’aime toujours les articles de Guillaume Suing sur l’agro-écologie .. Une photo de mes compartiments de lombriculture de ma finca ( ferme ) agro- écologie et agro- forestrie .
Là je n’utilise qu’un compartiment ( là ou il y a un filet vert) , rempli avec des déchets de cuisine pré composté 3 semaines dans une poubelle plastique avec couvercle (de tout sauf os viandes, mais je suis végétarien) . Ce que j’ai trouvé en expérimentant , c’est que les lombrics rouges adorent les troncs de bananiers pillés , donc j’en ai planté plus d’une centaine , pour alimenter les lombrics .
Le même système qu’à Cuba .. Entretien nul , juste à charger et quelques mois plus tard , la récolte d’humus. Les compartiments sont séparés par un grillage , les vers migrent quand je ne leur donne plus à manger .. Dernière récolte d’humus de lombrics , 150 kgs . Un des meilleurs fertilisants qui soient , je l’emploie pour démarrer les semailles . J’ai utilisé un bois dur et quasiment imputrescible , très commun par chez moi , l’eucalyptus . Coupé vert , et pas besoin de fongicides insecticides , il pourrit très difficilement , en plus le moins cher .

22/06/2018 16:57 par CN46400

@ Guillaume Suing
En URSS, comme 50 ans plus tard en Chine, c’est l"exploitation agricole individuelle, relancée par la NEP, et pas la collectivisation agricole , qui a surmonté les famines. Dans les années 50, pour limiter les pertes de récoltes de céréales, on exterminait en Chine les piafs... En URSS la collectivisation a aboutit à déporter (exode rural forcé) vers l’industrie les agriculteurs les plus compétents (koulaks, paysans moyens et paysans pauvres récalcitrants...). Ceci dit, en Chine comme en URSS les Révolutions socialistes ont libéré, dans tous les domaines, et donc aussi agricoles, des recherches visant, non a concurrencer la chimie agricole, elle n’existe quasiment pas à l’époque, mais à doper la productivité. Votre travail, pour remettre les recherches de Lissenko, hors des polémiques biologie-marxisme-léninisme, en valeur est donc méritoire.
Par contre je ne vous suis pas quand vous écrivez : il faut aussi que la paysannerie soit sociologiquement apte à la mettre en oeuvre (l’agrobiologie). Les paysans sont des prolétaires qui doivent travailler pour vivre, ils produisent ce qu’ils peuvent vendre. Les arboriculteurs du Tarn-et- Garonne mangent, à leur table, des pommes et des pêches mûres à point, et pas les quasi vertes qu’ils livrent, pourtant, aux centrales d’achat. Et tout est à l’avenant. Comme tous les travailleurs, les paysans sont fiers de leur travail. Les pertes de récolte, volées ou détruites ne les conduisent à aucune jubilation. Que l’agrobiologie leur assure des fins de mois corrects et vous verrez qu’aucun ne regrettera l’odeur du glyphosate.....

23/06/2018 13:10 par Guillaume Suing

Pour CN46400 : concernant les famines qui ont eu lieu pendant la NEP et au début de la collectivisation, je t’invite à lire l’excellent "Famines et transformation agricole en URSS" de Mark Tauger (Delga) qui explique avec beaucoup de détails les vraies causes des famines consécutives (que la pensée unique occidentale actuelle attribue à tort à la collectivisation).
Sur les intrants chimiques, il y avait deplus une forte contradiction entre agronomes partisans de la "chimie" et du modèle américain dès les années trente (agronomes dont le chef de file était pryanichnikov, qui a eu son heure de gloire pendant les années de guerre sous invasion nazi) et les agronomes dit "agrobiologistes" conduits par williams et lyssenko et qui considéraient les "agrochimistes" comme des partisans d’une doctrine occidentale erronée. l’explosion de l’agriculture intensive s’est faite dans l’immédiat après guerre en occident, sauf en URSS ou il a fallu attendre plusieurs années (l’arrivée de khrouchtchev) pour revenir sur les "rails" (avant quoi les savants occidentaux et dissident style medvedev et monod "grandeur et chute de lyssenko" se moquaient ouvertement du "retard" soviétique en matière d’intrants chimiques par "idéologie anti-occident").
Les paysans sont en effet fiers de leur travail mais justement encore plus en agroécologie, quand leur intellect est aussi valorisé. Mais ceci implique des efforts politiques et économiques important en amont pour instruire le peuple, chose qui s’est produit à Cuba bien plus qu’ailleurs.

24/06/2018 08:42 par CN46400

@ Guillaume Suing
Les "famines soviétiques" sont un marronnier journalistique courant. Pas une raison pour faire l’impasse sur l’objectivité historique. Les preuves existent pour les famines d’après guerre civile et qui ont été surmontées par la NEP. Par contre celles concernant la "collectivisation" n’existent qu’au travers de témoignages de deux ou troisième main, Lacroix-Riz parle de "disettes sévères" tout au plus. Pour ma part, ayant passé une partie de ma vie dans une ferme française, je reste dubitatif devant des pseudo-famines rurales concentrées dans les zones les plus fertiles du pays, une autre manière de mépriser les paysans qu’on pourrait affamer au milieu de leur lopin.... En France occupée, les nazis ont affamé les villes, jamais les campagnes. Mais l’anticommunisme a des moyens que le cartésianisme ignore, notamment sur les vertus d’efficacité, du NKVD par rapport à la Gestapo.
Ceci dit, la "collectivisation" stalinienne est une manifestation tragique de la "maladie infantile" dénoncée en son temps par Lénine, et à laquelle on doit aussi, les "kmer rouges", le "Grand bond en avant et la Grande Révolution culturelle" (Mao) et les divagations albanaises de Enver Hodja. Des aberrations volontaristes ou le rêve chasse les réalités de ceux, ouvriers, cadres ou paysans, qui trempent, tous les jours, leurs pieds dans la glèbe, et qui, quoiqu’on dise, sont les objets principaux du socialisme. C’est cela la tragédie de la collectivisation, d’avoir sinon rompu, du moins fragilisé, exagérément, l’alliance classe ouvrière-paysannerie si essentielle à Lénine.

24/06/2018 11:18 par Guillaume Suing

Si tu mélanges les collectivisations chinoises vietnamienne à celle de l’URSS, pourquoi ne pas intégrer dans ta critique celle de cuba ?

24/06/2018 13:28 par Emilio

Exagéré la collectivisation ? c’ est le moins que l’on puisse dire .. Parce que oui , on ( un Etat avec les moyens de répressions ) peut affamer des paysans sur un lopin de terre qui ne leur appartient déjà plus.
.
J’ ai aidé une ukrainienne à fuir son pays , pas du communisme , mais de l’après communisme soviétique , et son effondrement, et sa misère noire qui s’en ait suivit . Elle a vécu cette période , par ce que ses parents lui disaient ..et elle me racontait cette terreur . Ses parents n’étaient pas anti communiste , plutôt des "protégés" relativement . Père et mère scientifiques , brillants physiciens, et leur fille le fut aussi .
La comparaison avec la France occupée et ses campagnes qui ne connaissaient pas la faim .. . Sauf que dans cette Ukraine là , toutes possessions privées étaient interdites .. des appartements à une poule pondeuse ou un cochon etc . Et chacun surveillait l’autre , et le KGB contrôlait l’ensemble . Pour ses parents et leurs recherches , il y avait un employé du KGB dans le laboratoire , qui devait lire et approuver toutes et chaques recherches. En fait, la terreur était d’avoir à faire un jour à ces hommes du KGB . Un de ces oncles avait été convoqué justement , un jour par cette police politique .. Une journée , il est ressorti les cheveux blancs .. que lui ont-il dit pour le terroriser à ce point , personne ne l’a jamais su , parce qu’il n’en a jamais parlé ..

Simple détail , mais oui , il est possible d’affamer, même avec des terres fertiles . On peut faire une autre comparaison du jour , avec nos semences certifiées hybrides .. Peut-être pas pour vos pays , où il y encore des droits et surtout des militants qui veillent sur ces droits . Mais j’ai vécu ce terrorisme d’Etat en Colombie , en 2013 après la grève paysanne massive contre le traité de libre échange qui avait été signé , entre le gouvernement colombien et Washington , le TLC . J’avais relayé la terreur que nous vivions pour LGS , à cette époque.

Dans les faits , semences de riz détruites par la police , des milliers de tonnes , parce que l’obligation était de planter UNIQUEMENT des semences certifiées .
Pour des fermes , déclaration obligatoire avec factures d’achat de plantes certifiées , superficie etc.. à L’ICA , un organisme qui gère ce terrrorisme d’Etat .. Terreur totale et totalitaire , je n’avais plus le droit de planter des semences natives , interdits. Même pas d’en échanger , et encore moins de vendre des légumes issus de ces semences non certifiées. La seule concession possible était de faire une déclaration de plantations de ces semences devenues illégales , un tas de paperasses à cet ICA , une approbation du gouvernement et pour un délai maximum de 2 ans , non renouvelable .

L’organisation terroriste de la misère , au profit d’un Etat soumis aux volontés de multinationales . Les paysans produisaient à perte , une fois les semences certifiées achetées, les fertilisants chimiques importés des USA , sans aucunes subventions d’Etat, face à un dumping commercial des pommes de terre venant d’Europe ou Canada .. c’est endettement par crédits , puis à terme vendre sa ferme .. rachetées a bas prix.. par des multinationales ..Ce fut le cas pour la production de riz .. qui est maintenant largement importé , des USA .. La moitié des paysans colombiens plus de 10 millions, n’ont par ailleurs aucun titre de propriété et plus de 4 millions même pas accès à l’eau potable . Sans compter les violences inouïes des employés des multinationales , baptisés paramilitaires , qui volent sans risques les terres convoitées par pillages et massacres .. Une sorte de police politique terroriste de l’ombre , qui travaillent pour les même besoins du terrorisme international, baptisé compagnies multinationales , dont les sièges sont , bien tranquilles, en Europe ou aux USA ..

Crise qui se prolonge aujourd’hui . Alors oui , le terrorisme d’Etat a cette capaicité d’affamer des paysans , même avec des terres fertiles , hier comme aujourd’hui . Parce que et où , l’Etat a cette capacité répressive et ses escadrons de la mort en agents d’Etat .. Collectivisation forçée ou privatisation forçée , le résultat est le même , déposséder le paysan et en faire un esclave .

24/06/2018 14:57 par Assimbonanga

@CN46400, en quoi les paysans du Tarn-et-Garonne sont-ils des prolétaires ?

24/06/2018 21:01 par CN46400

@ Emilio
Il est question d’agriculture, et de "famine rurale" sur cet échange, pas de "Père et mère scientifiques , brillants physiciens, et leur fille le fut aussi". qui sont, en URSS comme partout des urbains et pas des ruraux. J’ai sur ma table, de Moshe Lewin "la formation du système soviètique" (1985) ; c’est un chercheur sovièto-israëlo-franco-américain qui a terminé, après l’extermination de ces parents juifs par les nazis, son adolescence dans un kolkoze soviétique. Sensible au trotskisme, il ne fait aucun cadeau à Staline, je suis convaincu de sa sincérité quand il décrit, par le menu, les perquisitions visant à extraire de toutes les cabanes les grains qui manquent dans les villes, et les chantier quinquennaux, où il faut nourrir ceux qui y ont été déportés, récalcitrants de la collectivisation pour la plupart, et aussi les récoltes qui, sur le marché mondial, paient les machines importées pour l’industrialisation.
Au passage, je note que les machines et tous les savoirs qui vont avec, de l’industrialisation Deng Xiao Ping, n’ont rien coûté au gouvernement chinois, et ont été payé aux capitalistes occidentaux avec la plus value dégagée par la force de travail chinoise. C’était l’objectif de la NEP de Lénine, a des km du "socialisme dans un seul pays" cher aux staliniens.
Quand au rapport fertilité-famine, sachez que les kolkosiens disposaient d’un lopin (1Ha dans la période considérée ; 0,5 plus tard) et que là où pousse les céréales, pousse aussi quantité de plantes, plus ou moins sauvages, souvent comestibles, sans parler du gibier qu’un paysan affamé n’hésite pas à cravater etc...
Par contre la comparaison Colombie- Ukraine 1933 me parait délicate à manier.
@Assimbonanga
Les arboriculteurs du Tarn et Garonne sont des bipèdes qui, pour vivre, doivent travailler, regardez leurs mains, donc, pour moi, des prolos pur jus !
@ Guillaume Suing
Je n’ai pas parlé du Vietnam, tout simplement parce que je ne connais pas, ou mal, plantation d’hévéa Michelin mis à part, le problème agricole vietnamien. A Cuba, le pb était tout à fait différent. En 59 la concentration agraire était in comparable avec celle de l’URSS en 27-28. La propriété Castro, par exemple, couvrait 20 000 ha, et toutes les bâtisses, église comprise, du village de Biran en faisait partie. Cette latifundia, avec son personnel, est devenu un sovkoze du jour au lendemain suite a un décret gouvernemental. Alors qu’en URSS la constitution d’un kolkose nécessitait l’adhésion volontaire, en fait forcée, de multiples micro-propriétaires.

25/06/2018 00:47 par Emilio

CN46400 , C’est aussi toi qui définit le cadre « question d’agriculture, et de "famine rurale" sur cet échange ..

Dans le sujet de cet article «  Kérala, Vietnam, Chine, Cuba : Conquêtes et limites de l’agroécologie socialiste face à l’agrobuziness impérialiste  »

Les pères et mères physiciens ,viennent dans « l’échange « persos » entre toi et Guillaume et juste pour situer leur « classe » de relatif privilégiée, donc pas anti communiste et surtout pas des nazis , mais qui avaient de la famille dans cette campagne ukrainienne , et que oui famine rurale il y a eu , grave , et dû à la collectivisation forçée .

Comme en Crimée , Le 18 mai 1944, où tous les Tatars de Crimée, soit 230.000 personnes, ont été déportés en Asie centrale. Là les troupes soviétiques ont déportées en une nuit les populations .. vers d’autres regions soviétiques , elles n’ont jamais pu revenir vers la Crimée . Un « plan » de Staline .

Maintenant CN46400 , si tu veux absolument resté dans le cadre des famines organisées , et de sa collectivisation forçée , tu peux lire ce lien :

http://www.gauchemip.org/spip.php?article6965

Et l’article source , qui remet dans le contexte pour expliquer pourquoi ces crimes ..
http://russiepolitics.blogspot.com/2016/05/au-fait-pourquoi-les-tatars-de-crimee.html

La Colombie intervient ..vers le fil du sujet « limites de l’agroécologie socialiste « face à l’agrobuziness impérialiste « 
Pour illustrer ton doute sur le « possible d’affamer, même avec des terres fertiles . » pas pour comparer Ukraine de 1933 et Colombie de 1993 .

25/06/2018 09:33 par Assimbonanga

@CN46400, ah ! C’est à leurs mains que vous décelez leur prolétariat. A leurs subventions, l’on pourrait les croire fonctionnaires. Mais en tant que chefs d’entreprise, ils récupèrent la TVA sur leurs machines, outils, fournitures. En comme propriétaires de l’outil de travail, ils s’éloignent de la condition prolétaire puisqu’ils peuvent toujours revendre quelques hectares pour améliorer la retraite ou aider le fiston à construire sa villa...Mais manger des fruits mûrs à la différence des consommateurs, tuer la chèvre ou le veau, ou le coq, l’on jurerait des privilégiés. On s’y perd un peu. C’est un régime plus que spécial.

25/06/2018 14:40 par Georges SPORRI

En marge de ce débat je rappelle qu’entre 1965 et 1975 les kolkhozes étaient organisés en parcelles individuelles ( 17 % ) et collectives ( donc 83 % ) . La production des 17 % était destinée aux marchés et , tient comme c’est bizarre , 50 % de la production totale provenait des 17 % de parcelles privées ... C’est ça le "socialisme dans un seul pays" = un capitalisme mal développé géré par l’état . Cela étant dit il est plus que probable que Trotsky ou Boukharine n’auraient pas fait mieux car la révolution prolétarienne mondiale fût vaincue en Allemagne en 1919 !

25/06/2018 16:28 par CN46400

@ Assimbonanga
Vous avez, manifestement, des comptes en cour avec la gent paysanne ? Ca me rappelle certains raisonnements qu’on peut entendre dans les milieu paysans, et bien d’autres, sur les fonctionnaires, ou les métèques qui traversent illégalement des frontières. Désolé mais je ne peut plus rien pour vous....
@ Sporri Georges
Trotski ou Boukharine auraient-ils fait mieux ? bof ! auraient-ils pu faire pire ? peut-être ! Reste que l’un, comme l’autre, n’ont pas pu, ou pas voulu, prendre le relais de Lénine pour battre Staline sur le terrain de la NEP. Mais, à toute chose, malheur est bon ; nous savons maintenant que la voie du socialisme autarcique est une impasse. La Commune a duré 3 mois, l’URSS 75 ans et la RPC a 79 ans....l’histoire continue !
@ Emilio
C’est bien beau de faire de la surenchère sur les famines, génocides divers et variés, exécutions en tous genres, mais il arrive un moment où une question devient prégnante : Comment se fait-il qu’il y a encore 150 millions de russes en Russie ?

25/06/2018 16:42 par Assimbonanga

Tellement il y en a , j’en oublie toujours lorsque je m’escrime à dresser la liste des particularités de cette profession protéiforme. Donc, je reprends le même texte et je le complète.

Ah ! C’est à leurs mains que vous décelez leur prolétariat. A leurs subventions, l’on pourrait les croire fonctionnaires. Mais en tant que chefs d’entreprise, ils récupèrent la TVA sur leurs machines, outils, fournitures. En comme propriétaires de l’outil de travail, ils s’éloignent de la condition prolétaire puisqu’ils peuvent toujours revendre quelques hectares pour améliorer la retraite ou aider le fiston à construire sa villa...Mais manger des fruits mûrs à la différence des consommateurs, tuer la chèvre ou le veau, ou le coq, l’on jurerait des privilégiés.
Lorsqu’ils paient un salarié agricole en étant exonéré de cotisations sociales (exonération reconduite suite au siège des raffineries), ce sont des patrons exaucés mieux que Pierre Gattaz et lorsqu’ils ne versent pour eux-même que des cotisations dérisoires comparées à celles d’un ouvrier, je ne sais même pas à quoi on peut les assimiler. Quant aux impôts qu’ils paient pour la collectivité, avec les défiscalisations, amortissements, bien souvent c’est zéro, donc, c’est pire que des prolétaires : des indigents. On s’y perd un peu. C’est un régime plus que spécial.

25/06/2018 19:47 par Emilio

@CN46400 là, ton échange sur les famines , dans un sujet d’agroécologie face à l’agrobuziness , se transforme maintenant en polémique d’égotrip ..

Uribe n’arrive même pas à sortir un truc pareil dans le genre « question prégnante » !!!
« Comment se fait-il qu’il y a encore 50 millions de colombiens en Colombie ?

STP , restons dans le sujet POR FAVOR ! Tu peux mieux faire QUAND MÊME !?

26/06/2018 02:30 par Emilio

2 réactions à lire cet article de Guillaume ..
1- le bio et l’agroécologie socialiste ,
2- propriété privée des terres et collectivisation
je vais faire 2 commentaires pour que l’ensemble soit « digeste « je l’espère, parce que les 2 sont TRÈS importants et fondamentaux !

Il faut absolument séparer le bio ( en anglais ou espagnol, on dit « organic ») de l’agroécologie socialiste , tel que définit par le plus grand mouvement planétaire dans ce domaine « Via Campesina » . Mouvement originaire du Brésil , avec la collaboration de nos amis cubains, entre bien d’autres , et qui regroupent plus de 200 millions de paysans dans le monde. Je ne suis pas encore adhérent , mais dès que ma situation financière le permettra ( !?) , je le ferai , parce que je suis en parfait accord avec eux. Via Campesina definit très bien et très précisément ce qu’est l’agroécologie populaire.

Pourquoi donc vouloir séparer 2 mots qui semblent si proches ?

Pour éviter la récupération capitaliste d’un diable qui se cache dans les détails !

Oui, idem pour les 2 pour le respect des sols , le sans chimiques de synthèse des intrants et phytosanitaires . Mais les similitudes s’arrêtent là !!!

Et l’exemple du bio « français du jour est révélateur , et pourquoi ce bio est si facilement récupéré par les capitalistes , via leur compagnies multi-nationales mortifères .

Le bio français disons , utilise à 95% des semences hybrides F1 , semences fabriquées dans les labos des pires capitalistes qui soient , les semenciers de Monsanto Bayer et Syngenta pour les principaux et dominants mondiaux .

Hors l’agroécologie VEUT sortir des griffes de ces prédateurs , ne pas en dépendre , parce que le but premier , fondamental , de l’agroécologie est la SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE . Utiliser ces semences hybrides ,ou OGM c’est entré de plain pied dans l’agro-buziness mondialisé capitaliste !!!

Le bio français , ne voit que le producteur paysans ou compagnies , en réglementant ce travail via certifications, cahiers des charges etc.. pour obtenir ce label « bio » MAIS en le séparant de la chaîne alimentaire . Alors que ce travail de base , de production , est lié à la distribution des produits !

Le bio , issu donc de produits capitalistes de semences , continuent allègrement dans sa voie capitaliste , en entrant dans un système de distribution capitaliste , d’intermédiaires prédateurs ..aux grandes chaînes de distribution vampires souvent , et sans aucune interrogation , parce que rien ne définit ce label autrement que les certifications . Bien sûr, ce bio , peut avoir d’autres circuits parallèles , de vente directe à la ferme , dans des coopératives ou des magasins de type coopératifs , gérés ou pas par des producteurs .. mais l ’amalgame est destructeur parce que pas définit .

Il y avait un très bon documentaire hier soir , sur la chaine TV TELESUR . dont le thème était « l’insécurité alimentaire dans le monde ». Avec des intervenants remarquables par leurs connaissances du sujet , d’ingénieurs agronomes , urugayen etc ..( j’en suis aussi , mais je préfère me définir comme paysan –technicien , parce que l’agroécologie , c’est aussi un refus des classes sociales ) . Et une autre intervenante , journaliste et que je qualifierai de combattante pour la révolution , pour les peuples , leur dignité et leur conscience . La magnifique Esther Vivas , que je découvrais . Elle a écrit de nombreux ouvrages sur l’alimentation dans le monde , ses gaspillages partout , y compris dans les pays pauvres comme l’Argentine et tous , parce que les produits doivent répondre à des normes d’aspects , de calibrages et que conjointement la chaine de distribution longue , produit énormément de déchets . C’est absolument inacceptable dans un monde où des masses souffrent de la faim . Elle soutient aussi fermement le concept de souveraineté alimentaire , qui nous unit toutes et tous dans le monde , l’agroécologie n’en est que l’émanation et le prolongement , dans sa forme productive de base .

Voilà , quelques points essentiels qui opposent bio et agroécologie . Le bio n’a pas cette vision révolutionnaire de changement de système , l’agroécologie SI ! Les capitalistes ont déjà récupéré le bio , à tous les étages on vient de le voir , mais ils ne pourront pas récupérer l’agroécologie ..parce que trop conscientisée …. (à moins d’une transmutation et qu’ils deviennent le peuple et donc socialiste .. mais plus probable qu’ils finissent en Soley Green avant cela ^^ )

26/06/2018 09:03 par CN46400

Mon cher Emilio, je ne pense pas être si loin que cela du sujet de l’article. Mais le socialisme réel a, pour le moment, plus concerné l’URSS que la Colombie (FARC mises à part). Ce qui ne veut pas dire que la Colombie a fini sa partition dans le dépassement de la domination du capitalisme sur nos vie. Par contre, le drame des tatars de Crimée, comme celui des alsaciens d’Oradour, ne doiventt rien à la collectivisation stalinienne, mais tout à la mèche allumée par Hitler le 22 juin 1941.

26/06/2018 09:43 par Assimbonanga

@CN46400. A la vérité, je suis complètement endoctrinée. Par mon mari ! Il est paysan et il passe son temps à m’expliquer que les ploucs exagèrent, qu’ils pleurent comme des crocodiles et que lui , au contraire, s’est réfugié dans cette profession pour la liberté qu’il a trouvé. Il a abandonné l’usine (où il était l’ingénieur) et il a fait sa vie à la ferme. Il s’agit donc plus d’un rétablissement de vérités que d’un règlement de compte, une façon de mettre le projecteur sur les recoins que les "agriculteurs" évitent de montrer dans leur constante plainte dont le seul but est d’obtenir toujours plus d’assistanat (j’emploie à dessein le mot de Wauquiez).
A les en croire, l’agriculteur est un mec qui se suicide tous les 3 jours, travaille 70 heures par semaine et gagne 350€ par mois. C’est un peu court !

28/06/2018 15:17 par Assimbonanga

@CN46400, merci pour les chansons en cadeau. Y a-t-il un message subliminal à l’intérieur ? Un sens caché, une allégorie ?

(Commentaires désactivés)