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Cinq questions/réponses sur les élections présidentielles à Cuba

1. Qui est le nouveau Président cubain et comment a-t-il été élu ?

Il s’agit de Miguel Díaz-Canel, né le 20 avril 1960, soit un an après l’avènement de la Révolution cubaine, et il est âgé de 58 ans. Après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur, il a enseigné à l’Université central de Las Villas à partir de 1985. En 1994, il est élu Premier secrétaire du Comité provincial du Parti communiste de la province de Villa Clara. Il y acquière rapidement une réputation de cadre modeste, travailleur et intègre. Dix années plus tard, en 2003, il occupe la même fonction dans la province d’Holguín. Son bilan positif et la reconnaissance des habitants de la région lui permettent d’intégrer également le Bureau politique du Parti communiste cubain en 2003. De 2009 à 2012, il occupe la fonction de Ministre de l’Enseignement supérieur. En 2012, il fait son entrée au Conseil des Ministres au poste de Vice-président en charge de l’éducation, la science, le sport et la culture. En 2013, il est élu par le Parlement cubain Premier Vice-président des Conseils d’Etat et des Ministres, qui est la plus haute fonction après la Présidence de la République.

Miguel Díaz-Canel est Président de la République de Cuba depuis le 19 avril 2018. Il a été élu, au suffrage indirect, par les 605 députés du Parlement cubain, Président du Conseil d’Etat et Président du Conseil des Ministres pour un mandat de 5 ans. Il cumule à la fois les fonctions de Président de la République et de Chef du gouvernement. Il succède ainsi à Raúl Castro, au pouvoir de 2006 à 2018, et devient le premier dirigeant né après le triomphe de la Révolution à occuper la plus haute fonction du pays.

2. Pourquoi les élections présidentielles sont-elles indirectes à Cuba ?

Pour arriver au pouvoir, Miguel Díaz Canel a d’abord dû être élu au suffrage direct, universel et secret comme député du Parlement cubain. Il a ensuite été élu par le Parlement à la tête du Conseil d’Etat et du Conseil des Ministres, c’est-à-dire à la Présidence de la République.

Les Cubains sont convaincus que, pour ce qui est des élections présidentielles, le suffrage indirect est plus démocratique. En effet, il est matériellement impossible pour un Président de la République élu au suffrage direct de rendre des comptes aux électeurs, si ce n’est de façon symbolique. En revanche, si le Président est élu par le Parlement, comme c’est le cas dans de nombreux pays occidentaux comme l’Espagne ou le Royaume-Uni, celui-ci peut exercer un contrôle sur le chef du pouvoir exécutif. Il est ainsi beaucoup plus aisé d’exiger des comptes au Chef d’Etat, qui se présente devant le Parlement pour défendre son action et répondre aux questions de la représentation nationale. En outre, un Président élu au suffrage indirect sera moins sujet au sentiment d’omnipotence qui caractérise parfois ceux qui revendiquent une légitimité directe de tout le peuple. Un Président élu par un Parlement dispose de moins de pouvoir qu’un Président élu directement par le peuple.

3. Fidel Castro et Raúl Castro ont-ils dirigé le pays depuis 1959 ?

Contrairement à une idée reçue, la Cuba révolutionnaire, c’est-à-dire post-1959, a connu pas moins de cinq présidents de la République. Manuel Urrutia a été le premier à occuper cette fonction de janvier à juillet 1959. Osvaldo Dorticós a pris la relève de juillet 1959 à décembre 1976. Ensuite, après l’adoption de la nouvelle Constitution de 1976, Fidel Castro a occupé le poste de Président de la République de 1976 à 2006, se soumettant au suffrage tous les cinq ans. Suite à son retrait de la vie politique en 2006 pour des raisons de santé, soit deux ans avant la fin de son mandat, Raúl Castro, alors Vice-président du Conseil d’Etat et du Conseil des Ministres, a pris la relève jusqu’en 2008, comme le prévoit la Constitution. De 2008 à 2018, Raúl Castro a été élu Président de la République et a effectué deux mandats successifs. Durant son second mandat, il avait fait part de sa volonté de ne pas se représenter, souhaitant limiter la durée des mandats exécutifs à dix ans maximum. Cette mesure devrait être intégréé dans la prochaine réforme constitutionnelle. Ainsi, Miguel Díaz-Canel est élu Président de la République jusqu’en 2023, avec la possibilité d’effectuer un nouveau mandat jusqu’en 2028.

Si l’importance de Fidel Castro dans l’Histoire de Cuba est indéniable, parler de la Cuba des frères Castro est inexact sur le plan politique. Fidel Castro a occupé la Présidence de la République pendant 30 ans, après avoir occupé la fonction de Premier Ministre pendant 17 ans. De son côté, Raúl Castro a été Président de la République pendant 12 ans. Aucun autre membre de la fratrie Castro n’a occupé de poste exécutif à Cuba. Fidel Castro a eu sept enfants et Raúl Castro, quatre. Aucun d’entre eux n’a jamais occupé une quelconque fonction au sein du gouvernement.

Pour ce qui est de la longévité au pouvoir, à titre de comparaison, François Mitterrand a été Président de la République française pendant 14 ans. Felipe González a été chef du gouvernement espagnol pendant 14 ans. Angela Merkel, la Chancelière allemande, une fois son quatrième mandat achevé en 2021, aura passé 17 ans à la tête de l’Allemagne.

4. Peut-on parler d’élections démocratiques alors qu’il y a un parti unique ?

A Cuba, contrairement à d’autres pays du monde, le Parti communiste n’est pas un parti électoral. Il ne propose pas de candidats aux élections. La législation cubaine est formelle à cet égard. Seuls les électeurs peuvent proposer les candidats aux élections municipales, provinciales et législatives. Il est donc formellement interdit au PCC de présenter un quelconque postulant à une élection. Le procédé est le suivant : avant les élections, les citoyens se retrouvent lors d’assemblées publiques au sein des circonscriptions pour proposer les candidats. Pour chaque élection, il faut au moins deux candidats et au maximum huit. Une fois choisis par la base, les candidats voient leur CV affichés au sein des circonscriptions. Les campagnes électorales sont strictement interdites. Pour les élections municipales, provinciales et législatives, le suffrage est universel et secret.

Les Cubains sont convaincus que leur système est plus démocratique que ceux de nombreux pays occidentaux. Leur point de vue est le suivant : en France, par exemple, où existe un système multipartite, dans l’immense majorité des cas, quelle que soit les élections, ce sont les partis politiques qui désignent les candidats. Ainsi, les citoyens français ont le choix entre les différents postulants désignés par les divers courants politiques. Or, en France, moins de 5% des citoyens sont membres d’un parti politique et ont donc la possibilité de désigner leur candidat. Ainsi, 95% des électeurs n’ont aucune possibilité de participer à la désignation des candidats pour les différentes élections, leur choix se limitant à opter pour telle ou telle figure désignée par les partis politiques.

5. Quelle est la composition du nouveau Parlement cubain ?

La composition du nouveau Parlement cubain est globalement représentative de la société cubaine et de sa diversité ethnique et sociale. Tout d’abord, la participation électorale a été de 85%. Ainsi, près de 50% des députés (293) ne sont ni membres du Parti communiste ni de l’Union des jeunesses communistes. Contrairement à une idée reçue, n’est pas membre du PCC qui en émet le simple souhait, bien au contraire. Pour intégrer le PCC, il faut être proposé par un membre et passer par un long processus de sélection. L’idée selon laquelle tous les Cubains auraient l’obligation d’être membres du PCC relève du fantasme. Sur les plus de 8 millions d’électeurs à Cuba (sur une population totale de 11,2 millions d’habitants), seuls 800 000 sont membres du PCC, soit à peine 10% des électeurs. Si l’on ajoute les 400 000 membres de l’Union des jeunesses communistes, cela fait un total de 1,2 millions de personnes, soit 15% des électeurs. Ainsi, 85% des électeurs ne sont pas membres du PCC ou de l’UJC.

Plus de 53% (322) des députés sont des femmes. Plus de 56% (338) des députés intègrent le Parlement pour la première fois. L’âge moyen du Parlement est de 49 ans et 13% des élus (80 députés) ont entre 18 et 35 ans. Près de 90% des députés sont nés après 1959. Plus de 40% sont noirs ou métis. Le Président du Parlement cubain, Esteban Lazo, est noir. Ana Maria Mari Machado, une femme, occupe la Vice-présidence. Le secrétariat du Parlement est également dirigé par une femme, Miriam Brito.

Salim LAMRANI

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.

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