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Trois entreprises étasuniennes contrôlent plus d’un tiers des terres agricoles ukrainiennes *

En 2021, une loi sur la vente des terres agricoles est entrée en vigueur en Ukraine. D’après le média Australian National Review, des firmes étasuniennes ont profité de cette législation pour investir massivement dans le pays. 40% des terres cultivables en Ukraine est désormais contrôlé par des capitaux étasuniens . Cela projette un jour nouveau sur le récent accord entre les belligérants ukrainien et russe concernant l'exportation du blé récolté en Ukraine. Kiev a négocié sous la pression d'intérêts financiers étasuniens . Plus fondamentalement, la question de la répartition de la propriété est fondamentale car elle permet de suivre l'échec de la démocratie dans l'Ukraine indépendante.

Les agriculteurs ukrainiens profitent-ils du fait que l’Ukraine dispose des terres agricoles les plus fertiles d’Europe ? Avec l’entrée en vigueur le 1er juillet 2021 de la loi « modifiant certaines lois concernant les conditions de renouvellement des terres agricoles » (loi 552-IX), le président Zelensky et le FMI ont souhaité “rendre le secteur plus attractif pour les investisseurs internationaux“. On ne sera pas étonner de constater que de nombreux Ukrainiens ont contesté cette loi, qui ne ferait que renforcer la corruption dans le pays et la mainmise de quelques grands propriétaires sur le secteur agricole. En effet, suite à l’entrée en vigueur de cette loi, selon le site Australian National Review, l’Ukraine aurait vendu un tiers de ses terres agricoles à trois grandes entreprises transnationales étasuniennes. D’après l’agence australienne, ces firmes seraient désormais propriétaires de 17 millions sur 42 millions d’hectares de terres agricoles, acquis en moins d’une année, soit près de 40 % de la superficie totale de l’Ukraine.

Mainmise étasunienne sur 40% des terres arables ukrainiennes

Les trois enseignes Cargill, Monsanto (société germano-australienne à l’origine, mais aujourd’hui à majorité étasunienne) et Dupont sont bien connues aux États-Unis détiennent désormais environ 40% des terres arables ukrainiennes.

Cette réalité récente relie la guerre en Ukraine aux initiatives des décideurs financiers stratégiques occidentaux puisque des sociétés comme Vanguard, Blackrock et Blackstone figurent parmi les plus gros actionnaires de ces entreprises.

Désormais, lorsqu’on parle de blé ukrainien, on se demande si l’usage de ce terme est encore approprié. Si on tient compte des informations fournies par la revue australienne, le blé exporté par l’Ukraine provient de terres agricoles appartenant à des firmes étasuniennes. (Il faudrait ajouter des investissements chinois récents, représentant à peu près 5% du total des terres arables du pays.

Les inspecteurs qui ont contrôlé le transit des cargaisons de blé ukrainien depuis le 3 août dernier, connaissent l’identité des propriétaires de ces céréales puisqu’ils ont à leur disposition les documents officiels liés aux échanges.

Le secrétaire d’État Antony Blinken avait qualifié le voyage du Razoni, le premier navire ukrainien transportant des céréales à avoir quitté Odessa depuis l’invasion de l’Ukraine, « d’étape importante”. Mais on est amené à voir l’accord sur les exportations de blé à travers le couloir établi en Mer Noire sous un autre jour, si l’on considère qu’il s’est agi, pour les Etats-Unis, à travers leurs hommes de paille ukrainiens, de défendre les intérêts d’entreprises étasuniennes.

Une réforme renforçant la corruption et la mise à l’écart des agriculteurs ukrainiens

La propriété des terres cultivables constitue un sujet à controverses en Ukraine depuis la fin de l’URSS et la décollectivisation des terres qui s’en est suivie. Faut-il abolir la loi qui a autorisé la vente de ces terrains donnant à des investisseurs étrangers le droit de les acheter ? En Ukraine, ce n’est pas seulement un sujet de “conversations de comptoir”, c’est une question cruciale.

Les terres agricoles en Ukraine étaient des propriétés de l’Etat à l’époque de l’Union soviétique. Les agriculteurs travaillaient dans des exploitations collectives et publiques. Suite à la création d’une Ukraine indépendante, le gouvernement a décidé de privatiser la plupart des terres agricoles. Des coupons étaient distribués aux occupants, qui leur permettaient de devenir propriétaires d’une parcelle agricole délimitée. Mais dans un contexte de récession économique, beaucoup ont revendu leurs coupons. Il s’est ainsi constitué un groupe de grands propriétaires terriens, membres d’ une nouvelle oligarchie. Tout cela avait été encouragé par le Fonds Monétaire International, juge auto-proclamé des procédures adéquates de privatisation.

En 2001, un moratoire a été décrété pour faire le bilan de ces transactions, suspendant la privatisation des terres publiques, et bloquant jusqu’à inventaire les transactions portant sur des terres privées. Ce moratoire concernerait 41 millions d’hectares de surface agricoles, soit environ 96 % des terres agricoles ukrainiennes. Environ 10 millions d’hectares étaient à cette époque encore la propriété de l’Etat ou des communes ; et 28 millions d’hectares appartenaient à des “petits et moyens propriétaires” privés au nombre de 7 millions. Pourtant, même renouvelé régulièrement jusqu’en 2019, le moratoire n’a pas joué son rôle de stabilisation. Cependant, les difficultés économiques de la population ont conduit beaucoup de petits propriétaires à louer leurs terres à des opérateurs qui étaient en fait membres de l’oligarchie terrienne en voie de constitution. La concentration des terres a continué sous une forme déguisée.

Ce sujet est passionnant dans la mesure où il est bien vrai qu’une démocratie repose sur une classe moyenne nombreuse de propriétaires. Or l’Ukraine s’est, avec les années, toujours plus éloignée de cet objectif. Et, dans ce domaine comme dans tous les autres, le président Zelensky a trahi l’espoir que les électeurs avaient mis en lui.

Le candidat Volodimir Zelensky avait proposé l’organisation d’un référendum pour pouvoir remédier aux défauts du moratoire de 2005, mais il n’a pas eu lieu après qu’il avait été élu.

Pire, Zelensky a fait préparer une loi qui ouvrait largement la terre ukrainienne à des acquisitions étrangères. Pourtant, selon des sondages d’opinion 64% des participants des Ukrainiens se déclaraient contre la vente des terres aux étrangers. Par ailleurs, deux tiers des personnes sondées réclamaient l’organisation du référendum. promis par le Président.

La Verkhovna Rada, parlement ukrainien à chambre unique, a fini, en mars 2020, par voter un texte, sous la pression du Président et celle du Fond Monétaire International, le principal créditeur du pays. La nouvelle loi 552-IX a mis fin au moratoire et autorisé les particuliers à acheter jusqu’à 100 hectares de terres à partir du 1er juillet 2021. Dans le même temps, la loi, apparemment restrictive en ce qui concernait l’acquisition de terres par des étrangers (personnes physiques ou morales) : elle permet l’acquisition de terres par des sociétés enregistrées en Ukraine ; et elle n’a pas régulé le mécanisme de location des terres pour leur exploitation. C’est ainsi que les entreprises et les fonds dont nous parlons ont pu contourner la loi.

Second pays le plus vaste d’Europe, la superficie totale de l’Ukraine atteint 600 000 km², dont 170 000 km² ont été acquis indirectement (prête-noms ukrainiens ou baux de longue durée) par des sociétés étrangères, en grande majorité occidentale, notamment américaines.

Zelenski et les institutions internationales ont toujours présenté cette réforme agricole comme une condition nécessaire pour attirer les investissements étrangers, permettant de « libérer » le plein potentiel des terres agricoles ukrainiennes.

Cette loi était également la condition d’obtention d’un prêt de 5 milliards de dollars accordé par le Fonds monétaire international (FMI).Mais nombreux Ukrainiens contestent la loi qui, selon eux, ne fera que renforcer la corruption (devenu un fléau dans le pays) et l’accaparement des terres par les grandes multinationales étrangères.

Le Réseau ukrainien de développement rural dénonce le fait que « la plupart des terres privatisées sont louées par de grandes exploitations commerciales agricoles...la terre ne sera même plus disponible à la vente au profit des agriculteurs indépendants ».

C’est ainsi que les investisseurs étasuniens seraient devenus, de manière déguisée, propriétaires de terres agricoles en Ukraine. Pour rappel, avant l’adoption de cette loi, des manifestations pro-Zelenski proclamait que « la terre appartenait aux Ukrainiens » tout en stigmatisant « les Chinois et les Arabes » qui s’apprêtaient, selon les manifestants « à emporter notre terre par wagons ». Deux ans et demi plus tard, il s’avère que ce sont des capitaux étasuniens qui contrôlent un tiers des terres ukrainiennes – contre seulement 5% pour des capitaux chinois.

16 août 2022

* Note du GS (27 août 2022).
Cet article a été suivi d’un autre (https://www.legrandsoir.info/a-qui-profite-vraiment-la-creation-d-un-marche-des-terres-en-ukraine.html) qui en conteste le contenu.

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