Le Grand Soir : Maxime Vivas, depuis quand écrivez-vous ?
Maxime Vivas : j’ai écrit en 1995 un premier livre qui est paru en 1997.
Un roman ?
Oui, pendant 10 ans je me suis cantonné à la fiction.
Dans quel genre ?
Des romans de littérature générale d’abord, puis des sortes de polars un peu atypiques, fondés sur l’humour, ou sur des événements politiques, ou sur l’histoire récente, un roman d’humour, un conte pour enfant. Pas mal de nouvelles, aussi.
Quel accueil ont reçu ces oeuvres d’imagination ?
Mon premier livre, un roman « social », m’a valu un prix littéraire et un article élogieux dans le Monde. Un autre a été couronné par un prix sous l’égide de Régine Deforge. Claude Mesplède, considéré comme le spécialiste mondial du polar a eu la gentillesse de m’inclure dans son dictionnaire mondial des polardeux et de m’attribuer la paternité du premier polar altermondialiste.
Et les médias ?
C’est plus compliqué. Toutes les critiques sur tous mes livres (à un ou deux articles près) ont été favorables. Mais je vis à Toulouse, loin des médias nationaux, et j’écris « à la marge », sur des sujets qui fâchent. Je n’étais donc pas très omniprésent dans les médias nationaux. Encore que j’aie bénéficié d’une demi page dans Télérama, d’une heure d’émission sur France Inter, pour ne citer que ceux-là , mais il y en a d’autres comme RMC, RTL, M6, etc.
Les médias régionaux (presse écrite, radios et télévisions) ont comblé ces relatives lacunes, même si je n’écris pas sur ma région mais sur des sujets qui intéressent les citoyens du monde. Malgré ce positionnement doublement excentrique au sens premier du mot (hors de Paris et hors des thèmes porteur) j’ai toujours pu franchir le seuil des ventes en dessous duquel les éditeurs vous boudent, les salons ne vous invitent pas, les critiques ne vous lisent pas.
Vous-même, quel jugement portez-vous sur vos écrits ? Sur ceux des autres ?
Un jugement cyclothymique. Pour écrire, disait je ne sais plus qui, il faut un peu d’orgueil. Les écrivains qui jouent les modestes, qui déprécient en public leur travail cachent leur satisfaction narcissique quand ils écrivent et quand ils parviennent jusqu’au mot « Fin ». Douter pendant l’acte d’écriture c’est se paralyser. Le manuscrit terminé, les relectures sont des moments d’humilité, tant on y trouve des choses à redire. Puis, le livre est donné à des éditeurs, qui le refusent (et le doute surgit, terrible) ou qui l’acceptent (et l’angoisse s’installe dans l’attente de la réaction des critiques et des lecteurs). Plus de paix, plus de certitude. Pour finir, si les ventes sont mauvaises, on se remet en cause, si elles sont bonnes, on pense que c’est le thème qui était porteur.
Quel jugement portez-vous sur les écrits des autres ?
Ils sont trop nombreux pour que je cite tous ceux que j’aime et respecte.
Masochiste, je lis aussi, ou feuillette d’autres auteurs à la mode du jour (j’ai les noms !). Dans les périodes dépressives, c’est excellent pour que la confiance en soi revienne.
Quand je suis en manque de maîtres, hors des inaccessibles classiques, je relis des auteurs que je vénère depuis ma jeunesse, Jean-Patrick Manchette pour le polar, et Roger Vailland pour le roman de littérature générale.
Vous avez obtenu le prix Roger Vailland, je crois.
Oui, pour mon premier roman. J’ai appris par la suite que Jean-Patrick Manchette vénérait également cet auteur, jusqu’à glisser son nom dans deux de ses polars. Bon, si on parlait plutôt de la censure ?
D’accord. Quel type de rapport avez-vous avec la presse ?
La bonne question est « aviez-vous », c’est-à -dire : tant que j’écrivais des romans. Là , les journalistes qui vous chroniquent ou qui vous interviewent ont envie de vous mettre en valeur. J’ai eu avec des critiques littéraires réputés (dont l’un a obtenu le prix du « meilleur critique européen ») des rapports vrais et chaleureux. Souvent, les critiques sont eux-mêmes romanciers, cela peut créer une confraternité spontanée. Enfin, il y aurait beaucoup à dire : on sait qu’il existe une confrérie d’auteurs-critiques parisiens qui s’encensent à tour de rôle dans les médias où ils sévissent. Mais ce que je veux suggérer, c’est que d’autres critiques de romans existent aussi dont l’oeil peut être plus littéraire que politique. C’est différent du monde des critiques de livres politiques où maraudent les chacals et les hyènes en service commandé. Pour ceux-là , que vous ayez réussi votre livre ou pas, qu’ils l’aient aimé ou détesté compte pour du beurre. Ils ouvrent votre ouvrage comme une carte d’Etat-major pour étudier les endroits où larguer leurs bombinettes. Ils vous invitent à venir, désarmé, à une rencontre et ils vous défouraillent dessus. Ils arrivent chez vous, souriants, parfumés et se sauvent en ricanant après avoir jeté des boules puantes. Ils n’ont ni foi ni loi.
Mais alors, les choses ayant bien démarré pour vous dans la fiction, qu’est-ce qui vous a pris d’écrire un livre-enquête sur RSF ?
C’est Danielle Bleitrach et Viktor Dedaj qui m’ont détourné du roman (ce n’est pas un reproche, ils m’ont permis d’explorer d’autres horizons). Un beau jour de mai 2005, ils rentraient d’Espagne où ils été partis promouvoir leur livre « Cuba est une île » (1), co-écrit avec Jacques-François Bonaldi, (aux éditions le Temps des Cerises) et ils m’ont proposé une rencontre à la gare de Narbonne. Nous avons déjeuné ensemble. Au dessert, le principe et les modalités d’écriture à trois de « Les Etats-Unis de mal empire » (éditions Aden) (2) étaient dans la boîte. Le livre est paru quelques mois plus tard. A l’époque, je regardais de près Reporters sans frontières et je rendais compte assez fréquemment sur Internet du résultat de mes étonnantes trouvailles. Au bout d’un moment, je me suis aperçu que je disposais d’une quantité importante d’écrits épars sur le sujet. Par ailleurs, des journalistes d’investigation de plusieurs pays, dont les USA, ayant lu ce que je publiais sur la Toile, m’ont envoyé d’autres informations qui n’étaient pas disponibles en France. Je commençais à me demander si je n’allais pas récidiver dans mon infidélité au genre romanesque et publier un livre-enquête, mais je n’étais pas vraiment décidé. J’en mesurais vaguement le danger en terme de brouillage d’image auprès de mon premier lectorat et des critiques qui m’étaient acquis.
Danger que vous avez vérifié par la suite ?
Mon agent littéraire, appuyant sur la parano propre aux auteurs, m’assure aujourd’hui que j’ai ruiné ma carrière littéraire dans le roman et que mon salut est désormais dans la publication sous pseudonyme.
Admettons. Vous pressentiez un risque. Pourquoi l’avoir pris ?
A cause de la réaction de RSF à un interview que j’ai accordé le 5 avril 2006 au quotidien Métro à propos de « Les Etats-Unis de mal empire ». J’y faisais une très courte allusion au financement de cette ONG par des officines écrans de la CIA. Aussitôt, RSF a obtenu un droit de réponse dans lequel elle me menaçait de poursuites judiciaires. J’ai alors pris conseil auprès d’un ami toulousain, spécialiste réputé en Droit. C’est par lui que j’ai notamment appris que, RSF étant une organisation reconnue d’utilité publique vivant en partie des subsides de l’Etat, elle était tenue à la transparence sur son fonctionnement et devait afficher ses sources de financement. Par suite, j’ai décidé d’écrire « La face cachée de Reporters sans frontières » en mettant dans mon jeu un atout maître : pour chaque information qui pouvait ouvrir un contentieux, je me suis tourné vers RSF pour en vérifier la véracité. Ainsi, quand je publie dans mon livre le montant des subventions versées par le Center for a Free Cuba, année par année et au dollar près, je ne fais que reproduire une information que m’a personnellement confirmée RSF (après l’avoir cachée au public). Même chose pour les demandes d’argent faites par RSF auprès d’autres organisations US, ou pour le montant des cotisations payée par les adhérents (2% du budget total !), ou pour les critères qui vont permettre le classement des pays eu égard à la liberté de la presse, etc.
Vos rapports avec la presse se sont gâtés à cause de ce livre ?
Oui, et à un point que je ne pouvais imaginer, bien que je ne sois pas naïf. Dans un premier temps, il y a eu l’omerta. Des journalistes qui m’avaient promis de chroniquer mon livre ne pouvaient plus. D’autres se sont portés aux abonnés absents. Bref, pour la première fois (c’était mon huitième livre), je n’arrivais pas à avoir de critiques dans la presse nationale.
Pas une seule ?
Si, une. En mai 2007, je me trouvais au Venezuela pour y glaner des informations irréfutables concernant le comportement de la presse et des correspondants locaux de RSF pendant le coup d’Etat d’avril 2002 qui avait destitué le président Hugo Chávez. Lors d’un colloque sur « Le droit citoyen d’informer et d’être informé » qui se tenait à Caracas, j’ai rencontré Ignacio Ramonet qui m’a promis que le Monde Diplomatique chroniquerait mon livre. Promesse tenue en février 2008 sous la plume de Maurice Lemoine. Et puis, dans le cadre du festival CulturAmérica, je prononçais, le premier avril, une conférence sur RSF à l’Université de Pau. Daniel Mermet l’a annoncée en fin de son émission « Là -bas si j’y suis ».
Comment cela s’est-il passé avec les autres médias ?
Il y a eu de nombreux cas de figure. Passons sur le journaliste qui se gratte la tête chaque fois qu’il me voit, qui me complimente sur les premiers chapitres et qui, tandis que les mois passent, m’assure en regardant ses chaussures, qu’il va lire la suite et écrire quelque chose. Il y a le journaliste qui est impatient de recevoir le livre, qui m’a promis une chronique, et qui finit par m’avouer que cette idée a été jugée très mauvaise en conférence de rédaction. Il y a ces journalistes que je connais bien, que je côtoie dans des salons parce qu’ils sont aussi écrivains, que je tutoie et qui ne répondent plus à mes mails relatifs à mon livre. Il y a ce journaliste d’un grand hebdomadaire qui me contacte pour me reprocher une erreur dans le livre mais qui ne donne pas suite à mon invitation de la signaler à ses lecteurs. Il y a ces journalistes qui demandent d’urgence à mon éditeur ou qui me demandent directement un « service de presse » (exemplaire gratuit) pour chroniquer le livre et qui écriront sur RSF sans citer le livre.
Votre éditeur est Belge, je crois. Pourquoi ce choix ?
Il s’agit des éditions Aden. Si vous lisez mon livre et y regardez l’organigramme de RSF, si vous imaginez l’immense réseau dont disposait Robert Ménard dans les médias, vous vous apercevez que, compte tenu de la concentration des moyens d’informations (presse et édition) entre quelques mains, le risque existait que mon manuscrit ait pour premier lecteur Robert Ménard et ses avocats, avant même d’être imprimé. Un journaliste m’avait averti : « Vous ne soupçonnez pas l’épaisseur de son carnet d’adresses ». J’ai contacté deux éditeurs qui me paraissaient indépendants et dotés de la puissance de diffusion nécessaire pour promouvoir le livre. L’un a pensé qu’il fallait le publier en feuilleton dans un journal, ce qui n’était pas mon idée et je ne vois d’ailleurs toujours pas le journal qui ferait ça. L’autre l’a refusé au motif que nous allions avoir un procès. Je me suis alors tourné vers l’éditeur de « Les Etats-Unis de mal empire ». Il l’a accepté sans l’ombre d’une hésitation. Il est vrai aussi que le fait que le livre soit édité en Belgique rendait plus compliquée une intervention de la justice française à son encontre.
Le risque de procès est-il réel ?
Non parce que le procédé ruine tout le discours de RSF sur la liberté absolue d’écrire. Oui, parce que l’association RSF est une épicerie compassionnelle qui en appelle à la charité publique et que le rapprochement des sigles RSF/CIA peut tarir cette manne et inciter des entreprises, des ministères, à cesser de la subventionner. Non, parce qu’un procès risquait de faire mieux connaître le livre. Robert Ménard l’a écrit dans la presse, faisant ainsi l’éloge d’une omerta qu’il est censé combattre urbi et orbi. Oui encore parce qu’un procès, même perdu par RSF, est un moyen de me nuire et de lancer un avertissement à tous ses détracteurs.
Vous pouvez nous parler des financements publics et privés français de RSF ?
Tous les détails sont dans mon livre. Sur cette question, on peut néanmoins s’abstenir de l’acheter en consultant le site de RSF. Il y a deux ministères français et l’Office français de la francophonie. Une part de nos impôts, quoi. Puis des groupes privés, comme Sanofi, Carrefour…
Carrefour qui est très implanté en Chine.
Oui, ils y ont ouvert plus de cent magasins et ils projettent d’en créer d’autres. Il se trouve que les rayons librairie des magasins Carrefour en France diffusent, sans prendre de commission, les albums de Reporters sans frontières. C’est leur manière de les subventionner. Mais ils refusent de diffuser mon livre.
Ils refusent vraiment ?
Oui, oui. Au mois de mai, alors que des manifestations venaient d’avoir lieu en Chine devant les magasins Carrefour avec appels au boycott, j’ai contacté leur service central de référencement des livres, celui qui décide de ce qui sera en rayon dans toute la France. J’ai fait savoir à mon interlocuteur que le fait d’abandonner leur ristourne à RSF, de promouvoir les ouvrages de cette ONG et de ne pas accepter un essai qui la présente sous un autre angle, était de nature à compliquer leur situation. Inversement, le fait de donner à lire, et les ouvrages de RSF, et le mien, entrait dans la logique d’une attitude française libérale.
Et leur réponse a été ?
Que leurs problèmes en Chine étaient aplanis car Carrefour avait distribué gratuitement des tentes à l’occasion de la catastrophe du Sichuan. Sic !
Fin de non recevoir, donc. Mais revenons à cette histoire de procès. RSF en est restée à la menace, misant sur l’effet dissuasif de cette épée de Damoclès.
L’effet n’est pas nul. J’ai dû en effet alléger mon texte d’informations que je tiens pour vraies mais sur lesquelles le réseau de preuves pourrait paraître insuffisant à un tribunal. Je dois peser mes mots dans les débats ou interviews. Il est moins risqué, d’écrire sur n’importe quelle organisation politique, n’importe quel leader, que sur RSF et Ménard. Aucun écrivain n’aime sentir derrière son fauteuil une trique et la muselière.
Est-il raisonnable de penser que votre éditeur belge n’a pas eu les moyens de toucher suffisamment la presse française ?
Ce n’est certes pas un mastodonte comme ceux qui nous inondent avec d’autres livres politiques parfaitement creux et écrits par des « nègres ». Mais il dispose d’un diffuseur français (« Les Belles lettres »). « La face cachée de Reporters sans frontières » a circulé, parfois en plusieurs exemplaires, dans toutes les salles de rédaction. Il figure dans des bibliothèques d’écoles de journalisme. Il a été sélectionné pour un prix très médiatique.
Quel prix ?
Le prix 2008 « Lire la politique », décerné au Palais Bourbon par le président de l’Assemblée nationale.
Avec quel jury ?
Un jury composé de 17 directeurs de la rédaction, ou rédacteurs en chef, ou responsables des services politiques des grands médias de presse écrite nationale ou régionale ou de la presse audiovisuelle. Ces 17 sommités de grands médias ont eu à lire mon livre. Croyez-vous qu’elles en ont dit ou laissé dire un seul mot ? Sauf erreur, « La face cachée de Reporters sans frontières » fut le seul, parmi les 34 ouvrages sélectionnés, à se heurter à un silence sépulcral, hormis les recensions que je viens de signaler.
Pouvez-vous nous citer quelques-uns de vos concurrents pour le prix ?
Ségolène Royal, Bernard Guetta Simone Weil, Jean-François Kahn, Michèle Cotta, Jimmy Carter, Yasmina Reza, Vincent Peillon, etc. Tous ceux-là étaient surmédiatisés.
Qui étaient les 17 membres du jury et quels médias représentaient-ils ?
Le président était le philosophe et écrivain Régis Debray.
Le jury était formé d’Arlette Chabot, directrice générale adjointe de France 2, Jean-Michel Helvig, rédacteur en chef de la République des Pyrénées, François Bazin, rédacteur en chef, du Nouvel Observateur, Alexis Brezet, directeur de la rédaction du Figaro Magazine, Elisabeth Chavelet, rédactrice en chef adjointe de Paris-Match, Michèle Cotta, vice-présidente d’IDF1 (Ile de France 1), Gérard Courtois, éditorialiste au Monde, Nicolas Demorand de France Inter, Chantal Didier, journaliste à l’Est Républicain, Sylvain Gouz, conseiller du directeur de la rédaction de France 3, Bernard Guetta, journaliste à France Inter, Laurent Joffrin, PDG de Libération,Valérie Lecasble, directrice générale I-Télé, Dominique de Montvalon, directeur adjoint de la rédaction du Parisien, Luce Perrot, présidente-fondatrice du prix et inspecteur général honoraire de l’administration des affaires culturelles, Hélène Pilichowski, du Dauphiné Libéré, Pascal Riché, rédacteur en chef de Rue89.com.
Du beau monde ! Mais, on y trouve deux candidats au prix !!!
Oui, Michèle Cotta et Bernard Guetta. La première a finalement démissionné du jury pour concourir. Le second, je ne sais pas. Il a réussi à se faire inviter à « Là -bas si j’y suis ».
Et vous n’avez pas eu le prix ?
(Rires). Non. Dommage, j’aurais rejoint la joyeuse bande des prestigieux lauréats des années précédentes : Alexandre Adler, Laurent Joffrin, Jean-François Revel, François Furet, Laurent Fabius, Alain Duhamel, Fadela Amara, etc.
Grande fut votre déception ?
Au contraire, en mesurant mes chances (nulles), j’ai décidé de rejouer cette fable de la Fontaine où le renard, voyant que les raisins sont inaccessibles, y renonce en disant « Ils sont trop verts et bons pour les goujats ». J’ai envoyé un courrier au président du jury, Régis Debray, pour l’alerter sur ma crainte de subir le sort de mon quasi-voisin, Marcellin Albert, porte-parole des viticulteurs du Midi au début du siècle passé. Monté à Paris pour porter la voix de ses camarades, il accepta de Clemenceau un billet de 100 francs pour payer son billet de train et, pour cela, faillit être pendu par ses frères à son retour.
En conséquence, j’informais le président du jury que je refuserai le prix et que, s’il m’était attribué de force, je voulais que son montant de 5 500 euros, soit versé directement à Sami Al Haj, journaliste soudanais encagé et torturé depuis 2002 à Guantanamo pour avoir refusé d’espionner son employeur pour le compte de l’US Army, et oublié pendant deux ans par RSF dans sa liste des journalistes en prison.
Comment Régis Debray a-t-il réagi à cette espièglerie ?
Par un petit mot sympathique. Il a communiqué mon courrier au jury. Il m’a annoncé avec ménagement que mon livre n’avait pas survécu à la seconde réunion de sélection.
Résumons : privé de médias, le livre est mort-né ?
C’est le sort habituel des livres ignorés par la presse et par conséquent transformés en un tas de papier broché au milieu de milliers d’autres livres. Ils stagnent incognito sur l’étal du libraire pendant quelques semaines et ils sont renvoyés à l’éditeur qui va les solder ou les mettre au pilon et qui hésitera à reprendre un manuscrit du même auteur.
Là , les choses se sont passées différemment grâce à des réseaux d’internautes, de cyberjournalistes. Des dizaines de sites ont parlé de ce livre, en France et à l’étranger. En France, je dois citer Le Grand Soir, Bellaciao, Bakchich, Oulala, Altermonde-Le-Village, Rouge Midi. Pardon si je ne peux les citer tous. Le sénateur Jean-Luc Mélenchon en a fait la promotion dans les médias et sur son blog. Il s’est passé avec ce livre ce qui s’est passé (toute proportion gardée) avec la campagne du référendum sur la Constitution européenne, à savoir un complet déphasage entre les médias « installés » (les vieux médias) et le public. Un réseau spontané de militants s’est créé pour empêcher l’étouffement d’une voix dissemblable.
Comment ce réseau est-il intervenu, concrètement ?
De mille manières et souvent sans que j’en sois préalablement informé. Le bouche à oreilles, d’abord. Il a fait que le premier tirage a été épuisé et qu’une seconde édition est actuellement en vente. Puis, de nombreux articles sont parus dans de nombreuses langues sur Internet, couvrant à peu près tous les continents. Il y a eu aussi les interventions d’Internautes en commentaires sur des sites chaque fois qu’on y parlait de Robert Ménard ou de RSF. Les médias qui n’ont pas voulu souffler un mot de ce livre ont vu la brèche s’ouvrir sur leurs sites. Ce fut le cas sur des sites de médias qui ont participé au prix « Lire la politique ». De nombreux Internautes les ont mis au défi (non relevé) de me donner la parole.
On peut donc constater que les journaux qui ont lu votre livre et n’ont pas voulu en parler, ont malgré tout laissé passer des choses sur leurs sites.
C’est un peu ça. Ils se donnent là un vernis de libéralisme, d’objectivité. Mais à faible dose et pour un lectorat exigeant mais restreint. En effet, les clients de ces médias ne vont pas, en masse, visiter leurs sites pour y réentendre la même musique. Néanmoins (chassez le naturel…) des Internautes y ont vu la censure frapper leurs commentaires évoquant mon livre. Des cas m’ont été signalés sur les sites de Libération et de 20 minutes. Le site de RSF ayant eu la malencontreuse idée d’ouvrir un blog « Pour ou contre le boycott de la cérémonie d’ouverture des J.O. », des farceurs sont allés y conseiller mon livre comme élément de réflexion. Du coup, le blog a été bloqué quelques jours, puis fermé. Entre-temps, RSF avait été confrontée à un dilemme cornélien : laisser passer ces informations ou censurer des Internautes. Dur, car Robert Ménard venait de recevoir de Taiwan un chèque de 100 000 dollars pour créer un site destiné à encourager le libre usage d’Internet… en Chine.
Comment s’en sont-ils sortis ?
Par la recette du pâté d’alouette. Un cheval d’approbation du boycott des JO., une alouette de désapprobation d’où surnageait parfois le titre « La face cachée de Reporters sans frontières ». J’ai reçu en copie des mails censurés par RSF. Une amie facétieuse m’a averti qu’elle envoyait un mail où elle affectait de me critiquer férocement. Il est passé sans retard ! (rires).
En résumé, votre livre a été beaucoup censuré dans les « grands » médias et un peu sur leurs sites, qui sont leurs vitrines « libérales », jeunes, ouvertes.
Oui. Cela a duré de novembre 2007, date de la parution du livre, au 10 avril 2008.
Pourquoi cette date précise du 10 avril ?
Parce qu’il s’est produit à Paris, le 9 avril, des incidents dont nous n’avons pas bien mesuré les conséquences.
La perturbation du passage de la flamme olympique par RSF ?
Par RSF et des manifestants pro-tibétains chauffés à blanc par les vieux médias inondés de communiqués de RSF. C’est la méthode de RSF pour intoxiquer. Elle balance bon an mal an 1000 communiqués déjà rédigés. Il reste à faire un copié-collé. Les médias orthodoxes avalent sans vérifier.
La classe politique, soucieuse de l’opinion publique, en a rajouté dans le discours anti-chinois, condescendant, comminatoire. Les Chinois ont subi un affront. Selon l’expression chinoise qui recouvre un ressenti à ne pas sous-estimer, ils ont « perdu la face ». Les images de leur jeune athlète handicapée défendant sur son fauteuil roulant la flamme que veulent lui arracher des forcenés au nom du respect dû aux faibles, ont été passées en boucle à la télévision chinoise. Par la suite, quand Nicolas Sarkozy a tardivement décidé de se rendre à la cérémonie d’ouverture, l’opinion générale, crûment exprimée en Chine, était : « Il vient s’il veut, mais il n’est pas le bienvenu ». L’accueil promis à George W. Bush était plus débonnaire !
La France s’était piégée elle-même ?
Oui, par l’activisme surmédiatisé de RSF. Il a fallu dépêcher à Beijing le président du sénat, Jean-François Poncelet et un ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, pour tenter de recoller les morceaux. Mais le pire risquait de venir. RSF annonçait qu’elle allait faire le même cinéma à Hong-Kong. Or, il s’agit-là , pour les Chinois, d’une partie de leur territoire. On allait droit vers un incident grave.
Et la presse a fait sonner le canon.
Canon chargé à blanc. Comme si un filet maintenant les criquets avait cédé, j’ai vu fondre sur moi, dès le 10 avril, une nuée d’organes de presse qui n’avaient (leurs clients l’auraient juré !) jamais entendu parler de moi la veille.
Par coïncidence, il s’est trouvé que je partais en famille en Chine le 12 pour voir un de mes enfants qui travaillait là -bas depuis un an et y étudiait la langue. La date avait été fixée en raison des vacances de Pâques (ma conjointe est enseignante). Pour tout dire, j’avais un contact à Beijing avec un français occupé à développer des échanges commerciaux et je voulais aussi faciliter une rencontre avec mon fils afin qu’ils définissent les conditions lui permettant de séjourner en Chine le temps nécessaire pour parfaire sa connaissance de la langue chinoise. En fait, des difficultés pour obtenir le renouvellement de son visa l’ont contraint à rentrer en France. Je vous raconte ces choses personnelles parce que cela a un lien, vous allez le voir, avec la presse, mon livre et RSF.
Donc, le 10 avril….
Le 10, une chaîne de télévision, Paris Première, contactait mon éditeur pour m’inviter sur son plateau. J’ai dû refuser pour cause de voyage imminent. Peu après, c’est France 2 qui veut me voir à Paris pour l’enregistrement de l’émission « Complément d’enquête » de Benoît Duquesne. Je refuse pareillement. Ils me proposent alors de descendre le 11. C’est la veille de mon départ. J’accepte à contrecoeur en précisant que l’interview se fera dans un café toulousain. Ils acceptent mais, au dernier moment, ils préfèrent que cela se passe chez moi. Ils débarquent à trois à l’aéroport de Blagnac, louent une voiture et nous voilà en train de déjeuner dans un restaurant au bord de l’Ariège. Puis, on part vers ma maison, ils filment la campagne qui est télégénique, verdoyante et vallonnée, la chaîne des Pyrénées en arrière-plan. L’interview a lieu dans mon bureau. Entre le moment où ils ont débarqué et celui où je leur ai dit au revoir, près de 5 heures se sont écoulées. Je n’avais pas prévu ça, mais je me suis consolé en me disant qu’il en subsisterait peut-être 10 à 15 minutes pendant lesquelles les téléspectateurs allaient apprendre ce qu’est RSF.
On sent venir une désillusion.
L’émission a été diffusée le 21 avril. J’étais dans un hôtel d’une petite ville à presque mille kilomètres de Pékin quand des amis scandalisés m’ont informé que l’émission avait montré en tout et pour tout, en 15 secondes, la couverture de mon livre et quelques lignes extraite d’une page. Je n’apparaissais pas. Par contre, Robert Ménard dissertait à loisir et Benoît Duquesne instruisait à charge contre la Chine avec un acharnement qui gêna même David Douillet. On se souvient que ce judoka se fit arracher la flamme des mains par des officiels chinois à Paris et qu’il l’a mal vécu. On le comprend. Duquesne, qui l’avait invité pour qu’il dévide sa colère, réussit le tour de force de paraître plus vindicatif que lui.
J’avais hâte de voir cette émission, amputée de plusieurs heures de tournage. Sur Internet, nous avons librement visionné, en famille, l’intégralité de cette production française violemment anti-chinoise, qui m’avait censuré en France pour mieux dénoncer la censure chinoise ! Quelques hiatus entre ce que nous entendions sur la réalité chinoise vue de Paris, et ce que nous découvrions sur place nous firent par ailleurs ricaner.
Vous nous parlez là de censure, mais également de parti pris journalistique.
Exactement. Toute analyse portant sur un sujet global et complexe (la réalité d’un pays par exemple) doit proposer une thèse et une antithèse qui permettront, pour conclure, une synthèse. La thèse sur la nature du système chinois est ressassée à satiété, partout et toujours. Dans le traitement de la Chine par cette émission de France 2, l’antithèse est absente. Il en résulte que quiconque est allé sur place où a étudié de plus près le pays, est ulcéré par le manichéisme abêtissant contre lequel on a le droit de s’élever sans pour autant adhérer au PCC. Sans l’antithèse, la conclusion tirée par les consommateurs de médias les fait apparaître comme des abrutis de première. Il en est de même pour l’image idyllique de RSF servie au public par Benoît Duquesne and Co.
Vous avez protesté auprès de France 2.
Un des journalistes m’avait laissé sa carte avec son adresse électronique. Je lui ai envoyé quelques messages sans jamais obtenir la moindre réponse.
Voici le texte de mon premier mail (sarcastique) :
« Cher X,
Les amis que j’avais invités à regarder « Complément d’enquête » avant que je parte en Chine m’ont dit que l’émission était assez déséquilibrée.
Je l’ai donc visionnée en Chine sur Internet (failles dans la censure ?) et je l’ai trouvée équitable, les séquences à tonalité plutôt anti-chinoises alternant harmonieusement avec le discours de Ménard.
Les seules vraies scories sont dans les 15 secondes gauchisantes où apparaissent deux images sur mon livre.
Des presque cinq heures que j’ai passées à Toulouse avec votre équipe de France 2, je retiens qu’un écrivain doit exercer sa vigilance dans l’écriture et surtout dans la promotion de ses ouvrages.
Je vous remercie sincèrement de cette leçon. D’autant plus que je subodore que vous n’êtes pas personnellement maître du montage de l’émission, ni ravi de la poubellisation de votre travail.
Bien à vous. »
Vous parliez de ruée des médias.
Le Figaro Magazine m’a proposé un interview par mail. Prudent, j’ai demandé à voir les parties de mes réponses qu’ils garderaient. Ils l’ont accepté. Ils n’ont pas gardé grand-chose, mais c’était honnête. Mieux, ils ont déploré l’omerta qui durait depuis novembre 2007 : « Et gare à ceux qui critiquent Robert Ménard… Maxime Vivas a tenté de le faire. Résultat : l’ouvrage n’a reçu aucun écho, même négatif, dans la presse ». Discrète autocritique puisque le Figaro Magazine avait été de la confrérie des muets : son directeur de la rédaction possédait mon livre depuis 5 mois en qualité de juré au prix « Lire la politique ».
Un soir, à Beijing, nous déambulons dans un hu tong (quartier populaire fait de maisons basses) quand mon téléphone sonne. C’est une journaliste du Figaro (quotidien). A l’en croire, elle n’a pas encore lu mon livre, elle sait par mon éditeur que je fais des conférences en Chine, que le livre vient d’être réédité, elle me demande combien en ont déjà été vendus. Je lui explique que mon séjour est familial avec un objectif d’aider mon fils à s’établir dans des activités d’échanges économiques, commerciaux, culturels qui ne peuvent qu’être utiles à notre pays, que j’ignore le tirage du livre et que je ne fais pas des conférences.
Le lendemain elle écrit qu’un « écrivain toulousain, en villégiature en Chine, cela ne s’invente pas, […] a écrit un livre peu convaincant… », etc. Le coup de la « villégiature » veut évidemment faire contraste avec ce que la presse française dit de la répression au Tibet dont je me rends complice en me pavanant dans les parages. J’appelle mon éditeur qui m’apprend qu’il ne lui a jamais parlé de conférence ou de réédition. Cherchez la déontologie journalistique.
Une nuit, je reçois un appel d’une journaliste de RTL2 qui avait mal apprécié le décalage horaire. En vue de faire un portrait de Ménard, elle souhaite m’entendre et elle le contactera ensuite. A ce moment-là , j’ai déjà vécu des expériences similaires : les journalistes m’interrogent, rapportent à Ménard mes paroles qu’il peut réfuter sans contradiction postérieure. Je propose donc que Ménard soit d’abord interviewé et qu’elle me contacte à mon retour en France. Elle accepte sans discuter.
Et vous n’avez plus entendu parler d’elle.
Si. Le mutisme n’intervient en général qu’après le mauvais coup, comme avec France 2 ou l’Express. Une journaliste de cet hebdomadaire sollicite d’urgence un « service de presse » pour brosser un portrait de Ménard. Quand son article paraît, des informations puisées dans mon livre y sont réfutées, sans que jamais le titre du livre apparaisse. N’oublions pas que, pour une certaine gent journalistique, cet ouvrage est indispensable dans les salles de rédaction et les écoles de journalistes, mais que son contenu doit être ignoré du public.
Revenons à la journaliste de RTL2. Elle vous rappelle à votre retour en France et…
Oui, c’est un matin à 9 heures. Très affable, elle me dit qu’elle souhaite me poser une question sur le financement de RSF par la National Endowment for Democracy (NED) dont je prétends qu’elle est un paravent de la CIA. Elle me précise que j’aurai 90 secondes et qu’il serait bien que je sois clair, précis, convaincant. Elle me rappellera dans une heure. J’ai le temps de préparer la forme de mon intervention. Je connais très bien le sujet et je pouvais en parler sur le champ, mais, après tout, un délai de répétition pour ciseler mon intervention… A 10 heures, quand le téléphone sonne, j’ai fignolé mon propos et j’ai disposé devant moi quelques feuilles de papier A4 avec des notes rédigées. La journaliste : « On y va ? Antenne. Monsieur Vivas, pensez-vous que la liberté de la presse soit plus grande à Cuba et en Chine qu’aux USA ? ».
Vous en avez d’autres, comme celle-là ?
Oui, on en ferait un catalogue. Mais je préfère signaler que le journal l’Humanité a fait une chronique sur mon livre qui est la plus complète et la plus longue qui soit parue dans la presse papier. Cette critique aimable est parue en mai. On a failli attendre. Il est vrai que, naguère, Robert Ménard était invité au Village du livre de la fête de l’Huma et que nombre d’articles de ce quotidien renvoyait au site de RSF dès l’instant où il était question de liberté de la presse. On mesure le chemin parcouru. Le Parisien-Aujourd’hui a tracé un portrait de Ménard en signalant (brièvement) mon livre en des termes honnêtes.
Vous avez parlé de tirs de canons « chargés à blanc » contre RSF.
Oui, parce que, après le désastre du 9 avril à Paris, il fallait calmer Ménard, le dissuader d’aller à Hong-Kong, mais pas discréditer RSF, pas lui faire connaître le sort de l’ARC ou de l’Arche de Zoé. Par l’occupation qu’il faisait des médias, Ménard a effacé les syndicats professionnels tout en revendiquant sa volonté de ne jamais aborder les problèmes de la presse française et de ses journalistes. Le public connaît les noms de syndicats de salariés ou celui du patronat, les noms de leurs dirigeants, il sait à quoi ils ressemblent. Connaît-il les noms des syndicats de journalistes ou de leurs dirigeants ? Non. Effacés par RSF.
Bref, les canons ont fait de simples sommations.
Oui. Les médias ont brandi le titre de mon livre, parfois la couverture et une ligne ou deux (ce que fit le zapping de Canal +) comme on agite la croix et l’ail devant le vampire invité à retourner dans son cercueil et à refermer le couvercle jusqu’à la prochaine nuit de pleine lune. Et ça a marché. On a assisté à la disparition momentanée de Robert Ménard de l’espace médiatique qu’il occupait à satiété depuis des semaines. Il a prétendu ensuite qu’il avait annulé son voyage à Hong-Kong car il ne voulait pas heurter les Chinois, qu’il fallait permettre un dialogue. ô cynisme lourdingue de l’éléphant sortant en sifflotant du magasin de porcelaine de l’époque Ming !
Avez-vous été invité par la suite à vous exprimer dans des médias ? Quand Ménard a démissionné par exemple.
En fait, si l’on oublie le traquenard de RTL2, je n’ai jamais pu passer en direct dans une émission de radio ou de télévision nationales, même si des auditeurs ou téléspectateurs le réclament. Et ils le font. Quant aux émissions enregistrées, je les refuse désormais si les conditions ne sont pas claires. Je préfère m’exprimer sur le Net. Il y existe une vraie éthique, un dialogue possible avec les lecteurs. La diffusion des idées n’y est pas marginale. J’ai vu certains de mes articles, librement reproduits, traduits en plusieurs langues, toucher à travers le monde un lectorat immense, qu’aucun journal français traditionnel ne peut offrir.
J’ai récemment reçu une demande d’un journaliste du service étranger de France inter. Il voulait m’interviewer sur Robert Ménard au Qatar. J’ai décliné et il n’a pas insisté car ma réponse posait des conditions implicites. En effet, aurais-je eu le droit de dire que Ménard a justifié la torture sur France Culture en août 2007 ? Non. Que France Inter, participant au jury du prix « Lire la politique », a censuré mon livre ? Non. Que le Qatar est une monarchie polygame où les partis politiques sont interdits, où la loi islamiste (la charia) prévaut ? Non. Que la flagellation y est de rigueur mais la critique du pouvoir interdite ? Non. Et si j’avais pu avancer l’embryon d’une de ces informations, la parole aurait aussitôt été donnée à Ménard pour qu’il contredise même ce que je n’ai pu dire. A lui le dernier mot. Toujours. C’est la loi d’airain. Le plus souvent, il intervient dans une ambiance de cirage de pompes.
Vous dénoncez là une complaisance des journalistes envers RSF ?
Et envers Ménard. Il peut proférer n’importe quelle énormité, ses interlocuteurs restent révérencieux. Comme quand il a justifié la torture sur France Culture dans l’émission « Contre expertise » de Xavier de la Porte le 16 août 2007. Les médias qui ont levé le lièvre sont des sites Internet (Rue89 en premier). Plus tard (le 29 mars 2008) dans l’émission « On n’est pas couché » sur France 2, au journaliste Eric Naulleau qui lui rappela ses propos, Ménard répliqua : « Vous êtes un menteur » avant d’en donner une version fausse avec un aplomb sidérant. Et nulle part, un journaliste n’a cherché à savoir et à dire qui mentait dans cette passe d’armes sur un sujet capital. Des dizaines d’articles sont parus sur le Net et même dans les médias traditionnels pour évoquer le « clash Ménard/ Naulleau ». Mais, sauf sur Internet, personne n’a informé le public sur la vérité. Quand Ménard reçoit la Légion d’honneur des mains de Bernard Kouchner, époux de Christine Ockrent, membre du Conseil d’Administration de RSF, aucun journaliste ne déplore qu’on puisse décorer quelqu’un qui a refusé de condamner la torture appliqué à des innocents (la famille d’un preneur d’otage) par les policiers pakistanais « Je ne dis pas, je ne dirai pas qu’ils ont eu tort de le faire » et qui crache que, s’il était concerné « il n’y aurait aucune limite, je vous le dis, je vous le dis, il n’y aurait aucune limite pour la torture. » Cette information là , vous le trouvez sur le Net (c’est ce que vous êtes en train de faire). Aucun journal « consacré » ne l’a publiée et donc, commentée.
Vous pensez que les journalistes subissent des pressions de RSF ?
Son emprise est grande sur la presse. Des choses me sont confiées en off par des journalistes. S’ils en ont le courage, qu’ils disent donc à leur public ce qu’ils me confient en privé sur RSF et son chef. A eux aussi de me permettre d’exprimer un avis discordant. Je parcours la France depuis presque un an, de salons du livre en librairies, en conférences dans des rassemblements et des Universités. Des journalistes tellement timides qu’ils veulent n’en point parler en public, me susurrent que des interventions de RSF se produisent à mon encontre. Si c’est vrai, à eux d’en dire plus. A Duquesne de dire pourquoi Ménard a parlé sans contradicteur dans son émission sur la Chine. A Daniel Schneidermann de dire pourquoi il fait la sourde oreille aux multiples demandes qui lui ont été faites de me donner aussi la parole quand il traite du cas RSF. A Nicolas Poincaré d’expliquer pourquoi, avisé au préalable qu’un de ses invités va exprimer, tout à la fin de son émission, un « coup de coeur » pour mon livre, le propos est fustigé par un auditeur furibard qui accède à l’antenne dans la seconde même (ce qui est techniquement impossible : l’auditeur était forcément en attente au standard avant même que mon livre soit cité). J’ai un tombereau d’exemples de cette espèce.
Vous pensez que les journalistes manquent de courage ?
Je pense d’abord qu’ils ne sont pas libres. Pour qu’ils le soient, et je l’écris en préambule de « La face cachée de Reporters sans frontières », il faudrait que leur hiérarchie soit du métier et non de la finance. Mais il reste qu’ils ont une marge de manoeuvre. Pour en user, il faudrait qu’ils n’appartiennent pas à la famille politique des propriétaires des médias de la pensée unique (ce qui devient rare) et qu’ils osent. On en rencontre pourtant. J’ai eu affaire à une jeune journaliste, qui a pris ce risque à propos de l’essai : « Les Etats-Unis de mal empire ». Je l’avais mise en garde sur les risques qu’elle encourait en rapportant mes propos sur les liens de RSF et de l’argent de la CIA, mais elle n’a pas reculé. A Toulouse, un journaliste de Télé-Toulouse m’a interviewé en mai sur « La face cachée de Reporters sans frontières ». L’enregistrement est passé en boucle plus de dix fois. C’est d’autant plus remarquable que, là aussi, je l’avais mis en garde dans un contexte d’omerta régionale. France 3 Sud, qui m’avait plusieurs fois reçu dans le passé, m’avait envoyé paître. La Dépêche du Midi, seul quotidien régional, avait laissé sans réponse de nombreux mails et messages téléphoniques que mon éditeur ou moi lui avions adressés. J’ai mal vécu cet ostracisme hautain car je connais personnellement des journalistes de ce journal, dont certains qui y sont influents. Il est vrai que RSF compte un correspondant à la Dépêche.
En dehors des journalistes, il reste les historiens, des chercheurs, des universitaires…
Ils ne touchent pas le grand public. Dommage car là , on pénètre dans le territoire de la rigueur et de l’éthique. Au mois de septembre, je suis avisé d’une étude sur RSF effectuée par l’Observatoire de l’Action Humanitaire, travaillant avec Institut d’Etude du Développement Economique et Social (IEDES) de l’Université Paris I Sorbonne. J’y suis abondamment cité, mais qualifié de « castriste ». C’est l’argument récurrent de RSF à mon encontre. Argument étriqué qui fait l’impasse sur ma sympathie pour Evo Morales, Rafaël Correa, Daniel Ortega, Hugo Chávez, le Che, Simon Bolivar, Robespierre, Spartacus, Martin Luther King, Jean Moulin. Je dois en oublier, dont De Gaulle quand il parle du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Je contacte le responsable de l’étude, qui va alors très aimablement rectifier, publier mon mail en annexe, et qui me révèle ce qui suit : Robert Ménard a été consulté pour la rédaction d’une partie (l’historique) de l’étude. En mai 2008, l’Observatoire a travaillé à une réactualisation de cette partie avec Vincent Brossel, le responsable du bureau Asie de RSF. Il a alors essayé de faire supprimer les références à mon travail et à celui de Jean-Guy Allard (l’auteur du premier livre qui ait dévoilé RSF). Bien entendu, précise mon interlocuteur de l’Observatoire, « Nous avons quand même conservé et utilisé ces références bibliographiques et refusé de les éliminer ». RSF s’active pour que les bouches s’ouvrent en Asie et qu’elles se ferment en France.
Dans le premier cas, elle mobilise les sunlights et la sono, dans le second, elle utilise l’éteignoir en catimini.
Donc, beaucoup de mal à faire connaître le contenu de ce livre.
Vous ne pouvez pas savoir combien d’interviews j’ai accordées après le 10 avril à des journalistes qui n’en ont rien fait. A eux de dire pourquoi ils viennent si inutilement me tendre leurs micros ou me placer devant leurs caméras pour des interviews que personne ne lira ou ne verra. A eux de dire ce qui s’est passé quand ils ont rapporté leur travail à leur rédacteur en chef.
Je parle là de la France. Car mon livre, préfacé par Thierry Deronne (vice-président de Vive-TV) qui a créé au Venezuela plusieurs médias communautaires et des écoles d’audiovisuels, est traduit en espagnol et publié au Venezuela. Le plus grand journal vénézuélien (Ultimas Noticias, l’équivalent du Monde) m’a accordé une interview alors que le livre était en cours d’écriture. Son rédacteur en chef l’a chroniqué récemment dans un éditorial. Le quotidien Suisse La Liberté a rendu compte de ma conférence à L’Université de Fribourg (ce qui m’a valu une seconde menace de procès, directement proférée par Robert Ménard). Le plus inattendu a été la réaction des Chinois.
Vous avez traité des rapports de RSF et de la Chine dans votre livre ?
Aucunement. C’est sans doute une lacune, mais quand je l’écrivais, RSF était surtout braquée sur d’autres pays, sur l’Amérique latine (pour pourfendre les pays qui résistent à l’Oncle Sam) et sur l’Irak (pour absoudre l’armée US). Moi-même, je ne m’intéressais guère à l’Empire du Milieu. Après les événements du 9 avril à Paris, les Chinois ont voulu en savoir plus sur RSF. Ils ont acheté plusieurs exemplaires du livre, les ont envoyés à Beijing et les ont traduits à l’intention des Autorités et des médias. Au mois de juin, la responsable du bureau parisien de Radio Chine International est venue me voir à Toulouse. Je l’ai accueillie courtoisement comme je l’aurais fait pour n’importe quel journaliste de n’importe quel journal de n’importe quel pays dont j’aurais pressenti le désir réel de parler de mon travail. L’interview que je lui ai accordé a été diffusé sur les ondes du monde entier en 45 langues. Un autre journaliste chinois, très connu dans son pays, a voulu me rencontrer à Paris. Sous sa plume, ou celle de ses collègues, des articles sont également parus dans plusieurs journaux chinois à forts tirages dont l’un fin octobre 2008. Le moteur de recherche chinois Baidu.com a répercuté ces articles et des discussions sur mon livre.
Vous diriez que votre livre est plus connu en Chine qu’en France ? Et vous aussi ?
(Rires). Exactement, d’autant plus que ma photo accompagne certains articles.
N’avez-vous pas le sentiment d’être instrumentalisé ?
Instrumentalisé ? Nous le sommes tous et toujours. Avec ce livre, je l’ai été trois fois.
La première, par la sélection au prix « Lire la politique ». Dans le lot des ouvrages vautrés dans le discours dominant ou s’autorisant des objections tièdes, il fallait quelques alibis contestataires. « La face cachée de Reporters sans frontières » et « De quoi Sarkozy est-il le nom ? », d’Alain Badiou, furent ces alibis.
La deuxième, par nos médias après le 9 avril. Il importait alors de faire savoir que ce livre existait afin de calmer le trublion. A aucun moment, mis à part les organes que j’ai cités (le Monde Diplomatique, l’Humanité et les sites Internet d’information libre), le contenu du livre n’a été porté à la connaissance des citoyens par la presse nationale traditionnelle. Je suis en attente d’une critique négative sur le fond, d’une contestation étayée de mes chiffres et révélations.
La troisième, par la publicité que les Chinois font à ce livre et me font chez eux.
Mais de ces trois instrumentalisations, la troisième seule me paraît honorable parce que non dissimulée, n’obéissant pas à des mobiles hypocrites. En popularisant mon livre, les Chinois se défendent contre RSF. Ils ne l’ont jamais caché. Ils n’ont jamais cherché à me piéger, eux. Ils n’ont jamais essayé de m’entraîner hors de mon sujet pour une approbation globale de la réalité chinoise.
Je souhaiterais une quatrième instrumentalisation : celle des rédactions françaises qui, trouvant que trop de grands reporters se font tuer dans l’impunité sur le théâtre des guerres (200 en Irak depuis 2003), demanderaient à RSF si ce que j’écris est vrai et exigeraient une autre attitude de cette ONG. Cette instrumentalisation-là sauverait des vies de confrères. Et favoriserait l’information des Français.
Revenons aux Chinois. Ne craignez-vous pas néanmoins d’être utilisé par eux contre votre pays ?
Au contraire. En leur disant : usez de mon livre à votre guise, la France n’est pas RSF, il y a des écrivains, quelques journalistes, des Internautes qui disent la vérité sur cette officine, j’ai la certitude de contribuer, à ma petite échelle, à renouer des relations amicales établies par le général De Gaulle et brisées en quelques heures par un irresponsable dont la plupart des actions comblèrent d’aise George W. Bush. Regardez comment, ni l’opinion publique française, ni l’opinion publique états-unienne, ni Robert Ménard (qui a traité Sarkozy de « lâche ») ne se sont excités contre la longue « villégiature » de Bush à Beijing pendant et après la cérémonie d’ouverture des jeux. Je vis dans une région qui fabrique des Airbus. Les USA fabriquent des Boeing. Vous croyez que la mascarade du 9 avril nous a fait du bien ? Vous croyez que la liberté de la presse en Chine a avancé d’un iota ? Robert Ménard a tiré le bilan de son activisme anti-chinois en disant : « Nous avons échoué. ». C’est trop modeste. La CIA le contredirait. La vérité est que, si la Chine n’a été blessée que dans son amour propre, nos intérêts là -bas ont reculé au profit de nos concurrents. La situation de nos ressortissants en Chine est plus compliquée. Mais tout baigne pour les relations sino-états-uniennes. Parallèlement, chez nous, le droit des citoyens français à être informés, le droit d’un auteur français à faire connaître son travail, ont été bafoués.
Pardon de vous dire que nos intérêts économiques ne doivent pas occulter la question des droits de l’Homme.
J’en suis d’accord et j’irai même plus loin. Il faut y penser partout et exercer des ripostes graduées en fonction des atteintes que ces droits subissent. Elles sont terribles dans la plupart des pays qui nous fournissent en pétrole et en matières premières. Elles sont effrayantes en Irak où plus de 800 000 civils, hommes femmes, enfants, ont perdu la vie depuis l’invasion US. Terribles aussi en Afghanistan (et la France y participe). Il faut être vigilant partout. Hurler à l’unisson pendant des mois contre des troubles au Tibet et murmurer deux secondes quand des bombes US anéantissent par des « erreurs » répétitives tous les habitants de villages afghans n’est pas convenable. S’il s’agit de rompre nos relations commerciales avec la Chine tant qu’elle n’aura pas calqué notre modèle de démocratie, il faut aussi rompre avec plus de 150 pays dont le système déroge à nos critères. A commencer par le Qatar.
Vous diriez que la presse martèle sur certains sujets et est trop discrète sur d’autres.
Oui, hormis sur Internet. De source sûre, je sais aussi deux ou trois autres choses dont je m’étonne que la vieille presse ne dise rien.
La première est que le président Sarkozy s’est personnellement opposé à la présence de Ménard à la garden party de l’Elysée le 14 juillet (pauvre Kouchner qui venait de le décorer !).
La deuxième est que Ménard a été « démissionné », vite fait, bien fait.
La troisième, et je m’en désole, c’est que, 8 mois après les incidents autour de la flamme olympique, l’affront n’est pas digéré par le peuple chinois, qu’un sentiment anti-français est né dans la jeunesse chinoise et que, peut-être par effet d’hystérésis, il progresse.
Indirectement, ici, et par les articles qui me sont consacrés là -bas, je m’adresse à ce peuple pour lui dire que l’agressivité, le mépris, l’arrogance de quelques farfelus, de quelques politiciens en mal d’élection et de quelques médias ancestraux ne sont pas significatifs de l’opinion du peuple français. Je revendique le droit de dire cela sans pour autant adhérer au Parti Communiste chinois, sans rêver de voir importés chez nous le mode de vie, les systèmes politique, économique, social, culturel de la Chine.
La gastronomie, à la rigueur ?
Si vous voulez. D’autant plus qu’elle n’est pas celle qu’on nous raconte. Et quelques leçons de savoir-vivre aussi. Pendant mon séjour en Chine, l’ambassade de France avait donné aux ressortissants Français des conseils de prudence et de discrétion. En fait, partout nous avons rencontré des gens courtois, serviables, même chez ceux qui nos interpellaient sur ce que les Français avaient fait à leur jeune athlète en fauteuil roulant.
Il serait bien que notre vieille presse renonce à nous persuader que nous sommes un peuple supérieur et qu’elle en finisse avec son ton de donneuse de leçons hémiplégique.
Il serait temps qu’elle affiche dans les salles de rédaction et au-dessus des prompteurs ce mot célèbre d’un député tarnais que vous reconnaîtrez : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. »
Jean Jaurès. Pour finir, vous avez des projets ? Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Je relis et corrige le manuscrit d’un roman, je travaille à finir un polar que j’avais commencé il y a quelques années et que j’avais abandonné par manque de temps. J’ai aussi en rayon un petit guide touristico-littéraire et un autre manuscrit atypique où je mets en scène des auteurs des siècles passés. Je ne vous en dis pas plus, il y a du pseudo dans l’air, pour quelques-uns de ces livres qui devraient paraître en 2009/2010. Il n’est pas impossible que j’aggrave mon cas en co-écrivant, sans masque, une autre enquête, sur un sujet tabou. On y réfléchit.
Toute dernière question. Vous n’avez pas l’impression de mener un combat perdu ? Trop tôt, trop seul ?
Oh non ! Nous sommes de plus en plus nombreux et je suis loin d’avoir été le premier. L’avenir est aux porteurs d’un discours de vérité. Si les médias décatis n’en veulent pas, ils vont moisir sur leur socle vermoulu tandis que les consommateurs de médias exigeants, les leaders d’opinion, les citoyens jeunes, vont les fuir. Le phénomène est enclenché et il est irréversible. Chaque bébé qui naît, chaque enfant qui apprend à lire, chaque esprit qui s’ouvre, chaque corbillard qui passe est un client perdu pour eux. Déjà , les médias aux ordres lisent et plagient les travaux des cyberjournalistes. Ils s’empressent de créer leurs propres sites dans l’espoir de bénéficier de l’aura environnante. Ils essaient désespérément de se démarquer de leur image.
Ils sont en train de perdre la bataille menée pour discréditer les sites Internet qu’ils ne contrôlent pas. Vous connaissez ce mot de Gandhi : « D’abord ils vous ignorent, puis ils se moquent, puis ils vous combattent, puis vous avez gagné » ?
Ils sont de plus en plus perçus comme un clan dont chaque membre est intouchable à leurs yeux, quoi qu’il fasse. S’ils conservent un pouvoir, c’est moins celui de convaincre (sauf la ménagère de moins de 50 ans, qu’ils méprisent, d’ailleurs), que celui de passer des bâillons. Mais ils manoeuvrent en recul. De même qu’il n’est pas d’exemple historique d’un peuple occupé qui ne se soit libéré, les agents de propagande déguisés en journalistes finissent toujours par sombrer dans le discrédit.
Merci. Je vous souhaite une autre réédition de « La face cachée de Reporters sans frontières ».
Dont le sous-titre est « De la CIA aux Faucons du Pentagone ». Réédition ? On y va tout droit si tous ceux qui sont révoltés par ce qu’ils apprennent ici achètent le live. Merci à vous.
(1) Cuba est une île http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/?article169
(2) Les Etats-Unis de Mal Empire, ces leçons de résistance qui nous viennent du Sud http://www.legrandsoir.info/spip.php?article6821