Au Mali, l'armée torture et tue parfois, comme l'ont constaté des soldats français
Dans le nord du Mali, l'armée malienne a régulièrement recours à la torture et au meurtre contre les personnes suspectées de soutien aux groupes islamistes armés au temps de leur domination, ont constaté des médecins et militaires maliens, des soldats français et un journaliste de l'AFP.
Passé Hombori, le paysage n’est pas le seul à se montrer plus hostile. Au fur et à mesure que l’on avance vers le nord, les drapeaux tricolores se font plus rares, les slogans à la gloire de François Hollande ou de l’unité territoriale (presque) retrouvée aussi, et les regards sont circonspects. "
Rémi Carayol (*)
L’ampleur du phénomène reste difficilement quantifiable : s’agit-il d’une stratégie de contre-insurrection dans une région plus favorable aux islamistes qu’ailleurs au Mali, ou de dérapages d’esprits échauffés ? Le colonel Saliou Maïga dirige la gendarmerie de Gao, à 1.200 km au nord-est de Bamako. Il a recensé plusieurs cas de torture et penche pour la deuxième hypothèse : "les soldats, s’ils ne sont pas contrôlés par leurs chefs, peuvent faire n’importe quoi".
Certains de ces militaires, souvent mal encadrés, sont portés sur l’alcool, voire la drogue. Et si les islamistes ont commis de nombreuses exactions (amputations, lapidations...) au nom de la loi islamique, ces soldats semblent également avoir peu de respect pour la vie humaine. Plusieurs ont ainsi tiré sur des personnes désarmées passant à proximité lors d’affrontements avec un petit groupe de Jihadistes, le 10 février dans le centre de Gao, a constaté un journaliste de l’AFP.
Des militaires maliens et français estiment que les victimes civiles ce jour-là (au moins trois morts et 15 blessés) étaient "essentiellement" dues à l’armée malienne.
Peaux blanches
Les accusations d’exactions contre cette dernière se multiplient depuis le début de l’opération française Serval le 11 janvier, dans la presse, de la part d’ONG (Human Rights Watch, Amnesty International, Fédération internationale des droits de l’Homme) et des communautés arabes et touareg.
Ces deux ethnies sont surnommées "peaux blanches" par la population noire majoritaire, qui les accuse souvent d’être "tous des terroristes" et mène aussi, par endroits, des représailles ethniques sans discrimination.
Acide dans les narines
Les ONG parlent de "graves abus", dont des meurtres, dans et autour de la ville de Niono (ouest), d’"une série d’exécutions sommaires" près de Mopti et Sévaré (centre), où sont également rapportées des "violences sexuelles contre des femmes", et dans d’autres localités dans "les zones d’affrontements".
Un journaliste de l’AFP a pu voir quatre "peaux blanches", à Gao et Tombouctou, à 9OO km au nord-est de Bamako, portant des traces de torture : brûlures de cigarettes, à l’électricité, à l’acide, os brisés, marques de coups et de strangulation, balles dans le corps, violences sexuelles.
Dans l’une des villes (à leur demande, l’AFP ne nomme ni ne localise les victimes), un homme affirme qu’après l’avoir tabassé et brûlé à la cigarette, des soldats maliens lui ont versé de l’acide dans les narines.
"C’est peut-être parce que je suis Tamashek (Touareg), je ne vois pas d’autre raison", juge-t-il. "Je sais qu’il n’est pas un islamiste", assure son médecin, qui lui prédit une courte existence : "l’acide va entraîner un rétrécissement de l’oesophage, voire un cancer".
Ailleurs, une "peau blanche" gît sur son lit de douleur, des os brisés, plusieurs balles dans le corps. Là encore, l’armée a sévi, dit le jeune blessé à l’AFP. Son médecin précise qu’il a été violé.
La hiérarchie française "inquiète"
A Tombouctou, des journalistes de l’agence américaine Associated Press (AP) ont également affirmé avoir découvert deux Arabes enterrés dans le sable, près de la ville.
La famille de l’un d’eux a expliqué que la victime avait été arrêtée par les forces maliennes deux semaines auparavant. Plus de nouvelles ensuite, jusqu’à la découverte de son cadavre.
Depuis, des soldats maliens sont venus plusieurs fois voir les journalistes d’AP, selon une source militaire française et un journaliste sur place. Pas de menaces physiques, selon ces sources, mais une insistante pression psychologique. L’agence n’a pas souhaité s’exprimer.
A Gao et Tombouctou, des soldats français ayant vu agir leurs homologues maliens confient leur écoeurement.
"Ils traitent leurs prisonniers comme des chiens", dit l’un. Un autre explique : "la hiérarchie (de l’armée française) a semblé inquiète, mais ensuite ça se joue à Paris".
Le porte-parole de l’opération Serval à Bamako, le lieutenant-colonel Emmanuel Dosseur, n’a pas souhaité faire de commentaire sur le sujet.
Le 17 février 2013.
Source : Au Mali, l’armée torture et tue parfois, comme l’ont constaté des soldats français
Note :
(*) Extrait d’un article du même média d’un envoyé spécial "embedded" se rendant à Gao.
COMMENTAIRES
N’est-ce pas un peu étrange tout de même qu’il faille aller sur Jeune Afrique pour lire un plumitif de l’AFP nous parler de ces petites tracasseries ordinaires d’une "guerre de libération" éclair & exemplaire ? Je n’ai rien vu dans Libération, Le Monde, Le Figaro, ni l’incontournable Charly Hebdo, etc. c’est bizarre non ? C’est pourtant bien la presse & les médias de déférence qui façonnent l’opinion franchouillarde non ?
Je note au passage - sans pouvoir m’empêcher de ricaner un peu - que quand les "Islamo-terroristes" voilaient les femmes, (sans les voiler, vu que ce sont les hommes qui se voilent par là -bas..) enrôlaient des enfants-djihadistes, coupaient la main aux voleurs, détruisaient (sans les détruire, vu qu’entre temps ils les ont retrouvés) des trésors archéologiques, & autres barbaries ordinaires, c’était très vilain ! Mais maintenant que des troufions maliens avinés ou défoncés comme des Shamans violent ces mêmes femmes, torturent leurs époux ou leurs fils & font des cartons sur les civils à la peau un peu trop claire comme à la fête foraine, c’est juste un petit peu préoccupant… mais mieux vaut ne pas trop en parler hein ?
Elle n’est pas belle la vie sous Papa Hollande 1er ? Ce bon monarque de gôche qui va nous restaurer l’honneur perdu du socialisme & de la France éternelle ?
Exact, quidam.
Nous voilà dans la phase III de l’opération dite "humanitaire".
Phase I : la barbarie. Les bébés jetés de leurs couveuses ; la poudre blanche des ADM, les femmes afghanes opprimées ; le Viagra distribué aux soldats de Kadhafi et le bombardement de la population ; les islamistes coupeurs de mains ; etc.
Phase II : bombardements intensifs sur tout ce qui bouge et sur les infrastructures vitales. Populations blessées, violées, tuées, déplacées.
Phase III : la civilisation, enfin. Et c’est tellement bien qu’on n’a plus rien à en dire.
Sauf que les "islamistes" sont toujours là et qu’il s’avère que l’autre camp n’est pas plus tendre et que ce sont encore et toujours les populations innocentes qui trinquent.
Et l’armée française dans tout ça ? Elle est allée au Mali pour quoi faire ?
Dire qu’il y a encore des gogos pour croire ces sornettes qu’on nous ressert, pourtant, depuis des années, et sans aucun effort de crédibilité.
Au temps pour notre président humaniste.
Et en RDC, me direz-vous ? C’est un drôle de méli-mélo, également ...
@ Quidam et @ transes en France
Jeune Afrique est la voix de la Françafrique...
Pour ma part, je reste dans l’expectative. L’armée et les autorités françaises n’essayent-elles pas de jeter l’opprobe sur les Maliens afin de mieux finaliser leur programme ? CAD écarter tout à fait l’armée malienne qui leur aurait donné les moyens de pressions pour la partition du pays et obtenir sans coup férir l’autonomie de l’Azawad ? N’est-ce pas une bonne suite aux scénari couveuse-poudre-blanche-femmes-afghanes-à -sauver, etc. ?
Safiya
@ Quidam (...)Jeune Afrique est la voix de la Françafrique...
Heu... Je dirais même plus, l’AFP ça serait même plutôt la voix de la France tout court, hé, hé !
Pour ce qui est des scénari paranoïdes à propos de l’Azawad au regard de ces allégations d’exactions, le souci c’est qu’elles ne viennent pas - & de loin - que de militaires français, mais d’ONG, de journalistes étrangers & autres observateurs difficilement soupçonnable de défendre des intérêts dans la région...
@Safiya
Certes.
D’autant que tous les organes de presse ont repris l’information de l’AFP telle quelle.
Toutefois, les exactions de l’armée malienne et des diverses parties en conflit ont été signalées précédemment (par Amnesty http://www.amnesty.org/fr/news/mali-civilians-risk-all-sides-conflict-2013-02-01, par ex, pour autant qu’Amnesty soit fiable, évidemment).
Quoi qu’on fasse, on est pris dans des informations douteuses, le but n’étant pas d’informer, mais, justement, de diaboliser pour s’emparer des territoires et morceler les pays de façon à ce qu’il n’y ait pas d’unité nationale, qui permettrait aux peuples de se révolter.
Le Mali avait déjà été soigneusement déstabilisé pour préparer cette partition.
Cela dit, les viols, les tortures et les massacres dans ce genre de conflit, avec diverses parties armées en présence, sont tout à fait vraisemblables et ce n’est pas l’armée française, partie la fleur au fusil sauver les "Maliens", qui s’empressera de faire cesser tout cela.
Le problème, c’est qu’une fois que l’intervention est lancée, l’issue est inéluctable, hélas. Ils ne lâchent rien.