RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
14 février 1968 la révolte des cités universitaires

Cinquantenaire du mouvement révolutionnaire étudiant de 1968

Le 14 février 1968, cinquante mille étudiants et étudiantes résidant en cité universitaire abolissaient par un mouvement coordonné au plan national le règlement intérieur des cités universitaire en ne respectant plus à partir de ce jour ses interdictions et en imposant leurs libertés de circulation et de visite. La première vague du mouvement révolutionnaire étudiant de 1968.

Sur les quelque 500 000 étudiants de l’époque environ, 50 000 d’entre eux étaient hébergés en cités universitaires où ils bénéficiaient de loyers modiques. Ces cités étaient séparées en cités pour les étudiants et pour les étudiantes [1]. Elles étaient soumises à un règlement intérieur qui interdisaient de recevoir dans leurs chambres toutes visites féminines pour les étudiants (sœur, amies, petites amies, fiancée et même épouse [2]) et toutes visites masculines pour les étudiantes (frère, amis, fiancé et époux), alors même que nombre de résidents et résidentes étaient majeurs, ayant plus de 21 ans (la majorité à l’époque était de 21 ans).

Les associations des résidents demandaient la liberté de circulation et de visite dans les cités et l’annulation du critère d’annuité limitant à trois ans le séjour en cité U condamnant les étudiants des milieux modestes à ne pouvoir suivre que des études courtes de licence.

Devant le mépris et le refus de l’administration de négocier et de satisfaire leurs revendications [3], l’assemblée générale de la FRUF (Fédération des Résidences Universitaires de France [4]) réunie à Toulouse le 21 janvier 1968 adoptait, sur ma proposition, à l’unanimité, la décision d’abolir au plan national dans les faits les interdictions liberticides en appelant tous les résidents à ne plus respecter les règlements intérieurs, ensemble, en même temps, le 14 févier.

Ce 14 février, je donnai une conférence de presse à Paris au siège de l’UNEF, 15 rue Soufflot, en présence de Jacques Sauvageot, vice-président de l’UNEF (malheureusement disparu récemment), annonçant l’appel de la FRUF et l’action nationale de l’ensemble des associations des résidents partout en France. Entre autres, deux manifestations furent organisées à Nancy et Montpellier rassemblant chacune cinq mille étudiants qui furent durement réprimées par les CRS faisant plusieurs blessés.

Ainsi le 14 février 1968, et à partir de ce jour pour les générations futures, par un mouvement coordonné décisif, la jeunesse étudiante en cité universitaire abolit dans les faits, de manière irréductible et irréversible, les interdictions oppressives en imposant par l’action la liberté de circulation et de visite et l’ouverture des portes. Ainsi elle instaura et gagna sa liberté et sa dignité de vivre sa vie amicale, amoureuse et sexuelle.

La conquête de cette liberté, par ce mouvement d’ampleur nationale, par son organisation coordonnée, par son mode d’action subversif bravant les règlements et la répression imposant de fait ses revendications, par son succès et son exemple, cette révolte des cités universitaires a constitué incontestablement la première vague du mouvement révolutionnaire étudiant de 1968.

[1] Par exemple, la cité universitaire de Rangueil de 1500 résidents à Toulouse était constituée de deux tripodes, A pour les étudiantes et B pour les étudiants. Leur architecture était copiée sur celle des prisons avec trois ailes de cinq étages en étoile autour d’un hall central où siégeait un gardien nuit et jour qui surveillait et contrôlait les entrées et sorties. Les issues des extrémités des bâtiments étaient verrouillées au mépris des règles élémentaires de sécurité anti-incendie.

[2] A la cité universitaire de Rangueil de Toulouse, un étudiant en chimie de 24 ans marié ne pouvait recevoir son épouse chez lui. Sa compagne le rejoignait en passant par un vasistas de l’entresol.

[3] Il n’a existé aucune instance de discussion ; aucune négociation n’a pu avoir lieu avec les CROUS ou le ministère. En 1967, l’association des résidents de Bures-sur-Yvette avait unilatéralement appelé à ne plus respecter les interdictions de circulation et de visite. L’administration locale avait réprimé le mouvement en expulsant de la cité les dirigeants de l’association.

[4] La FRUF, organisée sur le modèle de l’UNEF, rassemblait au niveau national les représentants de toutes les associations de résidents des cités universitaires affiliées des différentes universités. Du nord au sud : Lille, Nancy, Strasbourg, Rouen, Nanterre, Antony, Bures sur Yvette, Besançon, Renne, Nantes, Orléans, Poitiers, Lyon, Clermont Ferrand, Grenoble, Nice, Aix Marseille, Montpellier, Toulouse, Bordeaux.

Claude MATTIUSSI président de la FRUF en 1967-1968,
aujourd’hui âgé de 22 + 50 ans, professeur de mathématiques retraité, docteur en sciences de l’éducation, directeur-adjoint de l’Institut de Recherche pour l’Enseignement des Sciences de l’université Paul Sabatier de Toulouse et chercheur attaché de l’UMR Éducation-Formation-Travail-Savoir de l’université Jean Jaurès de Toulouse.

URL de cet article 32937
  

Même Thème
Contre-discours de mai de François Cusset
Bernard GENSANE
François Cusset. Contre-discours de mai. Ce qu’embaumeurs et fossoyeurs de 68 ne disent pas à ses héritiers. Actes Sud, 2008. Bizarrement, on a très peu célébré le cinquantenaire de Mai 58, la chute de la Quatrième République, le coup d’État feutré de De Gaulle, l’instauration d’une nouvelle République, donc d’un nouveau partage institutionnel du pouvoir, avec un renforcement du rôle de l’État, de sa prééminence, tout ce que les " gaullistes " libéraux d’aujourd’hui vomissent. J’ai lu peu (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Les moyens de défense contre un danger extérieur deviennent historiquement les instruments d’une tyrannie intérieure.

James Madison
4ème président des Etats-Unis, 1751-1836

La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.