Climat : Claude Allègre et Vincent Courtillot sévèrement critiqués dans La Recherche
La revue La Recherche publie ce mois-ci un dossier sur l’impact du Soleil sur le climat de la Terre. Il se termine par l’interview d’une historienne des sciences américaine, Naomi Oreskes (Université de San Diego, Californie), dont l’analyse des interventions de Claude Allègre et Vincent Courtillot sur le sujet est plutôt sévère.
L’ancien ministre socialiste Claude Allègre, aujourd’hui chargé de mission sur "l’innovation en Europe" par Nicolas Sarkozy, s’est fait une spécialité d’interventions tonitruantes sur le climat. Mettant en cause non seulement la synthèse du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’Evolution du Climat), mais allant jusqu’à traiter "d’escrocs" (le 17 mai 2008 dansune émission de France-5) l’ensemble des scientifiques travaillant sur le sujet.
Cette violence verbale, alliée à des affirmations carrément fantaisistes sur des données factuelles comme la mesure des températures, lui ont valu quelques volées de bois vert. Celle de Naomi Oreskes, géochimiste de formation (pile poil la spécialité scientifique de Claude Allègre) et historienne des sciences de la Terre vaut le détour.
Pour les gens pressés, je recopie ci-dessous les passages concernant Claude Allègre et Vincent Courtillot, le directeur de l’Institut de Physique du Globe de Paris, mais je m’empresse de signaler que l’ensemble du dossier de La Recherche vaut lecture attentive par tous ceux que le sujet intéresse, comme souvent pour cette revue de qualité.
La Recherche : En France, le débat sur le Soleil a connu un rebondissement récent, avec en particulier un vif affrontement public entre le scientifique et ancien ministre Claude Allègre et la communauté des climatologues. S’agit-il du même phénomène ? (référence à la question précédente, S.H.)
Naomi Oreskes : le "climato scepticisme" est une réalité politico-sociale complexe où de multiples processus sont à l’oeuvre. Il y a un phénomène assez courant, qu’illustre bien, aux Etats-Unis, le cas de Freeman Dyson, un physicien célèbre. Il s’agit de scientifiques âgés, qui ont eu énormément de succès à l’apogée de leur carrière et qui, à présent, reçoivent de moins en moins d’attention. Adopter des positions iconoclastes sur des sujets sensibles leur permet de continuer à bénéficier d’une certaine existence médiatique et scientifique. Au fond de tout cela il y a surtout, à mon avis, un désir irrépressible d’être sous les feux de la rampe. Je connais Claude Allègre, parce qu’étant géochimiste de formation j’ai étudié précisément dans son domaine d’expertise. Pour moi, il s’inscrit dans cette catégorie.
La Recherche : Mais d’autres que lui défendent l’idée que la variabilité solaire ou le rayonnement cosmique ont été sous-estimés.
Naomie Oreskes : Il existe également des scientifiques qui aiment avoir la posture de l’opposant ; ils se font l’avocat du diable, ferraillent seuls contre tous et sans doute d’ailleurs croient-ils honnêtement contribuer de cette façon à faire avancer la science. En France, ce profil correspond sans doute à celui de Vincent Courtillot, directeur de l’Institut de physique du globe de Paris. Il a été au coeur d’un débat animé sur la cause de l’extinction des dinosaures, il y a quelques années. Face à l’idée dominante selon laquelle il s’agissait d’un impact d’astéroïde, Vincent Courtillot a toujours été un "sceptique", attribuant l’extinction à un épisode volcanique. Au plus vif du débat, même s’ils n’emportaient pas l’adhésion, ses arguments étaient respectés. Il s’agissait en effet d’un sujet sur lequel il avait travaillé toute sa vie et qu’il connaissait remarquablement bien. D’ailleurs une partie de la discussion est toujours ouverte, et son hypothèse sera peut-être un jour confirmée, totalement ou en partie. Sur les questions climatiques, il semble désormais adopter la même attitude, mais il connait beaucoup moins bien ce domaine. Et la dernière discussion que j’ai eue avec lui, lors d’un colloque à Londres, me conforte dans l’idée que, tout comme Claude Allègre, il n’a tout simplement pas assez travaillé sur le sujet pour que ses critiques soient crédibles.
Propos recueillis par Yves Sciama.
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http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2008/12/climat-claude-a.html