Les accords de paix entre les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), aujourd’hui Force alternative révolutionnaire du commun, et le gouvernement colombien ont été réduits en miettes lors de leur passage par le congrès. Les FARC dénoncent le non respect des rares accords encore en vigueur et ont été obligés de suspendre en grande partie leur campagne électorale pour des raisons de sécurité.
Le 2 mars, Gustavo Petro, ex-maire de Bogota, seul candidat de gauche ayant une mince chance de se faire une place au deuxième tour, a été victime d’un attentat lorsqu’il s’approchait du lieu de son allocution publique dans la ville de Cucuta. Au moins un impact de balle s’est logé dans son véhicule blindé.
Le 16 mars, soit 5 jours après leur réélection, le député Germán Carlosama et Alberto Castilla, le sénateur paysan associé au Congrès des peuples, tous deux membres du Polo Democratico, convergence de gauche, ont été informés par le biais des médias que le Bureau du procureur venait d’ouvrir une enquête les accusant de faire partie de la guerilla de l’ELN. Alberto Castilla a participé à plusieurs reunions publiques avec des organisations sociales apuyant la participation dans le procesus de paix avec cette guerilla.
Comme ça a été le cas avec plusieurs procès très médiatisés contre les étudiantEs ou des leaders paysans, il semble s’agir d’un procès public et médiatique plus que juridique. La coïncidence des dates – ouvrir une enquête pour des faits remontant pour certains à 1999 en pleine campagne électorale – met en doute l’indépendance judiciaire.
Cette campagne électorale en vue des présidentielles devait symboliser la paix. Cependant, les FARC se retrouvent hors jeu, et les deux principaux partis d’opposition, celui de Petro et de Castilla, sont victimes d’attentat et de criminalisation.Le même 16 mars, Todd Howland, représentant sortant des Nations unies en Colombie, annonçait la sortie de son rapport annuel, qui a été reporté jusqu’à l’arrivé de son successeur dans des circonstances confuses. Ce rapport loin du langage diplomatique est plus dur qu’à l’habitude à l’égard du gouvernement colombien : « La présence de l’État, exclusivement à travers de ses forces de sécurité, cherchant à imposer son autorité par la force ne contribue pas à générer les changements positifs et durables pour les communautés. Le manque d’une perspective d’intervention intégrale de l’État mène à une escalade de la violence dans certaines parties du pays. »[1]
La Colombie doit passer dans quelques semaines par le processus d’Examen périodique universel de l’ONU et plusieurs rapports alternatifs accablant ont été produits par différentes organisations sociales et de droits humains. Une partie de la communauté internationale est timide à l’égard du gouvernement colombien et du processus de paix, refusant d’admettre que les accords de la Havane, orgueil des diplomates de ce monde, sont en phase de devenir un échec.
Parallèlement, la Colombie est dans la dernière ligne droite de son entrée dans l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), ce qui signifierait un aval important des grandes puissances aux politiques actuelles du gouvernement.
Pendant ce temps, la lutte pour la protection de l’environnement, de la paysannerie, des territoires afro et autochtones et les luttes contre l’extractivisme sont quotidiennes et font face à une vague de violence malheureusement bien connue. Les chiffres des autorités colombiennes font état de 282 assassinats de leaders sociaux depuis 2016.
Actualisation du 9 avril 2018 : Jesus Santrich, membre de l’équipe de négociation des FARC et aujourd’hui un des 5 congressistes de ce parti siegeant ( mesure inclus dans les accords) a été caputré pour narcotrafic sur demande de la DEA de Etats Unis. Un autre fait qui vient mettre en doute les garanties dont devait bénficier les FARC pour lors de leur entrée en politique.
[1] https://colombiaplural.com/wp-content/uploads/2018/03/Informe-completo.pdf