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Critique du discours de la "révolution" syrienne (1) : L’Hétérogénéité culturelle de la Syrie

Toute l’histoire des interventions impérialistes au Proche-Orient, au cours des XXe et XXIe siècles, ne montre aucune campagne, aucune alternance aussi frappante entre la force armée et la diplomatie que celle que nous offre actuellement la guerre impérialiste contre la Syrie !

Du discours misérable du Conseil national syrien

L’Empire étatsunien dont les legiones trébuchent partout en Irak et en Afghanistan ; l’Union européenne se précipitant derrière les ambitions impériales de Napoléon le Petit [1] , Nicolas Sarkozy ; la Turquie du nouveau sultan ottoman, Erdogan Pacha, voulant exporter, aux Pays des Arabes, ses nouvelles explorations dans le domaine de droits de l’Homme et de l’humanisme cosmopolite, une sorte d’amalgame alchimique du laïcisme d’Atatürk et de l’Islamisme des Frères musulmans ; les émirats et sultanats arabes connus par leur despotisme absolu, leur racisme, leur système social discriminatoire et leur mépris pour toute valeur humaine ; sans oublier, évidemment, le nouveau-né à la Frankenstein, le Conseil national syrien (CNS), dont les membres se déguisent en costume de la première Révolution française (1789), et dont le président, monsieur Burhan Ghalioun, se précipite sur la scène de l’Histoire en réverbérant Camille Desmoulins : « Peuple, pauvre peuple, on te trompe, on tue tes amis » [2] ; tout ceux-ci jouent, à l’heure présente sur la scène des grands événements de l’Histoire et sous les éclats de rire sonores de l’impérialisme entier, la comédie de la Sainte-Révolution syrienne [3] , dont le thème principal se résume en « Démocratie, Liberté, Justice » ; dont les scénaristes portent plusieurs appellations, Obama, Cameron et Sarkozy, et le metteur-en-scène s’incarne en Erdogan ; dont les comédiens enfin, ou plutôt les farceurs, se reconnaissent réciproquement sous le nom des Quarante-quatre d’Ali Baba et du Conseil national syrien.

Face à cette réalité tragique, notre but fut fixé dès le premier article que nous eûmes publié sur Le Grand Soir en deux points précis : 1) contrecarrer les mensonges de la campagne impérialiste ; 2) démasquer la nature contrerévolutionnaire du discours dit « révolutionnaire » du Conseil national syrien (CNS). Pour rappel, monsieur Ghalioun, grâce à des vieux documents de la première Révolution française, qui sentent encore le renfermé, déclara le deuxième jour du mois d’octobre 2011 un jour « historique » ; car selon lui, aux premières lueurs de ce jour est né le Conseil national syrien (CNS), regroupant une foule de messieurs gentilshommes, opposants au régime du président syrien Bachar al-Assad. C’était un nouveau pas de la part de la prétendue « révolution » syrienne pour rendre les puissances impérialistes, surtout l’Empire étatsuniens, la France et la Turquie, encore plus ravies qu’elles ne l’étaient avant le 2 octobre 2011.

Quant à nous, nous conseillons à ces messieurs gentilshommes de prendre un brevet pour leur nouvelle déclaration, avant que les foules « révolutionnaires » du présumé Printemps arabe ne leur arrachent l’invention miraculeuse ; ce qui pourrait, en tout cas, être d’un très bon rapport. En plus, pour ce qui est de notre travail, la fidélité au but que nous eûmes mis dès le début de la campagne impérialiste contre la Syrie exige un effort énorme visant à ré-informer l’opinion publique scientifiquement et objectivement de la nature du conflit au Proche-Orient, surtout au Levant ; car à notre avis, la preuve du véritable caractère « social » ou, plus exactement, du véritable caractère « démocraticiste » de la prétendue « révolution » syrienne, ne réside évidemment pas dans les slogans et les réclamations que soulèvent des manifestants « réels » dans des régions rurales, ni encore, dans le discours désinformatif, produit et propagé par des manifestants « virtuels » sur des réseaux sociaux, tels que Tweeter et Facebook, mais dans l’analyse de la situation objective 1) des composants internes de la société syrienne, et 2) du rôle de l’Empire étatsunien et ses intérêts stratégiques dans la région.

Dans ce sens, nous trouvons indispensable de faire un rapide survol présentant les moments les plus marquants de l’histoire des interventions coloniales et impérialistes, au début du XXe siècle, dans cette région stratégique du Proche-Orient qu’est le Levant. Un tel survol sera indispensable, dans ce contexte, pour ré-informer l’opinion publique, déjà vulnérable et soumise à la manipulation des médias de l’ordre. Cependant, la nature contradictoire du paysage syrien nécessite une certaine présentation des différents composants culturels de la société syrienne ; ce que nous appelons, ici, l’hétérogénéité syrienne, faisant partie intrinsèque de l’hétérogénéité levantine, primo, et proche-orientale, secundo.

A notre avis, un tel survol nous semble utile à former, plus tard dans des prochaines critiques, des questions objectives menant à une reconstruction du paysage syrien, telle que déterminée par l’analyse objective des données réelles sur le terrain, et non pas telle désirée par la manipulation subjective des données virtuelles sur internet, et dans le discours misérable du Conseil national syrien.

Examinons brièvement la mosaïque composante du paysage syrien.

Des composants internes de la société syrienne

La Syrie a toujours représenté, selon les époques, des réalités bien différentes. Sur sa terre, se mêlèrent de différentes cultures. Berceau des grands polythéismes antiques, elle donna naissance aux grandes mythologies humaines. Aussi sur sa terre, s’épanouirent le judaïsme et le christianisme ; la Syrie resta toutefois jusqu’au IVe siècle, environ, la terre de multiples dieux, de nombreux cultes, même si le même dieu se cachait souvent sous plusieurs appellations ; Adonis, Tammuz, Baal, Melkart, Ishtar s’identifiaient parfois avec Isis, Osiris, Aphrodite, Zeus, Apollo, Marduk, Venus ; dieux phéniciens, araméens, arabes, grecs, romains cohabitaient et se mêlaient, sans qu’il fût toujours possible de les identifier correctement.

La Syrie constitue aussi le berceau du christianisme primitif, et les chrétiens furent un élément important de la société syrienne à partir du second siècle. C’est à Jérusalem que se crée la première communauté chrétienne. C’est à Antioche (de nos jours en Turquie) que le nom de « chrétiens » est donné pour la première fois aux disciples de Jésus. Ce sont les villes de Syrie qui abritent les premières communautés hors de Jérusalem : Césarée, Antioche, Damas.

La Syrie demeurait le centre de la culture chrétienne orientale et mashréquine [4] pendant presque trois siècles de rayonnement culturel byzantin. A la suite de la victoire à Yarmouk (636 àˆ.C) sur les troupes d’Héraclius I, les Arabes s’assurèrent le contrôle de la Syrie, qui s’islamisa et s’arabisa. Par conséquent, la dynastie omeyyade (661-750), fondée par Muawiya [5] , exerça son rayonnement depuis Damas, sa capitale. A Damas, l’administration fut réorganisée, les sciences se développèrent, les mosquées et les palais se multiplièrent. Ainsi, la Syrie devint le berceau de la culture et de la civilisation musulmane, qui est, en effet, une synthèse de plusieurs processus d’acculturation. Parmi ces différentes acculturations, nous soulignons, d’abord, l’acculturation arabo-syriaque, sous la dynastie omeyyade à Damas, première et seule dynastie purement arabe en islam, ensuite l’acculturation arabo-persane, sous la dynastie abbasside à Bagdad, et arabo-berbère, en Andalousie omeyyade.

De l’hétérogénéité syrienne

En effet, la multiplicité des invasions étrangères demeure traduite notamment dans le domaine religieux. La Syrie est un pays majoritairement musulman. Les musulmans comptent 90 % de la population, et les chrétiens 10 %. Parmi les musulmans, 70 % des Syriens sont sunnites, et les 20 % restants sont membres d’autres groupes musulmans, principalement les chiites alaouites et les druzes, mais également un nombre restreint de chiites ismaéliens et duodécimains. De leur côté, les chrétiens sont répartis en plusieurs confessions : des grecs orthodoxes, composant la moitié de la population chrétienne, des syriens maronites et des catholiques (15%), mais également des chrétiens assyriens, des arméniens vivant principalement à Alep et des orthodoxes Jacobites. Il existe aussi une minorité juive en Syrie, qui vit principalement à Damas. Leur nombre fut estimé à 40 000. En plus, il existe une autre minorité religieuse, dans le nord-est du pays : les yézidis, d’ethnie kurde [6].

Sans nul doute possible, le point le plus important à noter, ici, concernant l’hétérogénéité levantine, de laquelle l’hétérogénéité syrienne constitue une partie intrinsèque, c’est qu’elle se forme non pas de groupes ethniques et religieux, mais plutôt de groupes ethnico-religieux, qui se diffèrent aussi dans le domaine linguistique ; étant donné que les membres de chaque groupe parlent, à côté de l’arabe, langue officielle, leur propre langue ethnique, telles que kurde, arménien, turkmène, araméen, syriaque et hébreu. Cela veut dire qu’en Syrie, comme au Levant, le vrai déterminant d’un groupe quelconque se présente dans l’appartenance de ce groupe à une religion précise - ou même à une confession - déterminée, à son tour, par une appartenance ethnico-linguistique, d’où la corrélation cum hoc ergo propter hoc semble, ici, plus ou moins justifiable, telle qu’elle est illustrée dans l’exemple suivant : je suis assyrien, arménien ou syriaque, donc je suis chrétien ; de même, je suis arabe, kurde ou turkmène, donc je suis musulman.

Les Sunnites

Les Sunnites sont majoritaires en Syrie. Ils comptent 75% des Syriens, et pratiquent un islam orthodoxe. Du point de vue ethnique, les Sunnites de Syrie ne se limitent pas à une seule ethnie. La majorité d’eux sont arabes, kurdes et turkmènes. Cette diversité ethnique se justifie par le fait que le monde musulman est majoritairement sunnite (environ 90 %) ; seulement 10 % sont Chiites. Il n’est pas secret qu’entre Sunnites et Chiites se trouve un conflit historique, violant et sanglant, datant du lendemain de la mort du Prophète. L’exemple des attaques presque quotidiennes contre la communauté chiite d’Irak par des groupes salafistes wahabistes constituent l’exemple le plus pertinent du conflit sanglant entre les deux sectes.

Les Arabes : environ 88 % de la population sont arabes, parmi lesquels des bédouins. Les Arabes sont arrivés massivement en Syrie avec la victoire militaire des musulmans contre l’armée gigantesque des Byzantins à Yarmouk en 636 (àˆ.C).

Les Kurdes : la minorité kurde, habitant essentiellement le long de la frontière turque, forment 8 % de la population. Les Kurdes constituent d’ailleurs la seule grande minorité ethnique à assise territoriale en Syrie. Il existe trois petites régions kurdes au nord de la Syrie. Ces régions sont séparées les unes des autres, mais toutes limitrophes du Kurdistan turc et iranien dont elles constituent en quelque sorte un prolongement. La plupart des Kurdes sont des musulmans de rite sunnite, mais quelques-uns sont chrétiens ou alaouites. Ils constituent un des peuples les plus anciens de la région.

En plus, l’installation des Kurdes en Syrie est ancienne ; elle s’est amplifiée avec l’établissement de l’État ayyoubide au Caire et à Damas sous le règne de Saladin (1138 - 1193). Bien que beaucoup de Kurdes habitent la Syrie depuis des générations, un grand nombre est venu de la Turquie entre 1924 et 1938, après la tentation d’Atatürk d’imposer sa politique assimilatrice aux Kurdes turcs. Ajoutons que la majorité des Kurdes de Syrie parlent le kurde septentrional ou kurmandji (kurmancî), une langue indo-européenne non apparentée ni à l’arabe ni au turc.

Les Turkmènes : les Turcomans de Syrie ou Turkmènes sont d’origine turque oghouz. Leurs ancêtres se sont installés en Syrie au temps de l’Empire ottoman avant sa dissolution en 1918 et la création de la Syrie moderne. Peu d’études sérieuses ont été consacrées à leur situation actuelle. Les démographes spécialistes de la région estiment leur nombre à environ 0,6% de la population totale de la Syrie [7], ce qui rend leur nombre largement inférieur à celui des Kurdes, des chrétiens et des alaouites.

Les Circassiens : approximativement 100 000 Circassiens ou Adyguéens, qui sont les descendants des nomades musulmans ayant émigré de Russie au XIXe siècle , habitent en Syrie [8] . Près de la moitié se concentrent dans la province d’Al-Quneitera. Les Circassiens ne représentent qu’une faible partie de la population syrienne. Bien que minoritaires, ils ont cependant conservé leur propre langue et s’attachent à leur culture et traditions. Ils ont assez bien résisté à l’assimilation, car ils ont conservé leur langue caucasienne, le circassien, mais s’ils parlent également l’arabe. Ils sont de confession musulmane de rite sunnite.

Les Chiites

Les musulmans chiites et hétérodoxes de Syrie se divisent en plusieurs sectes : les alaouites, les ismaéliens, les duodécimains et les druzes.

Les Alaouites : les Alaouites, également appelés Nusayris, font un groupe ethnico-religieux issu du djebel Ansariya au nord de la Syrie ; ils forment une secte musulmane chiite hétérodoxe, initiatique et ésotérique influencée par le chiisme ismaélite. Au début du XXIe siècle, ils forment environ 20 % de la population de la Syrie. Aussi, une communauté alaouite existe au Liban et en Turquie [9] , en particulier à proximité de la frontière syrienne. Les intellectuels alaouites développèrent, avec les intellectuels chrétiens, les principes fondamentaux du nationalisme panarabe. En effet, le positionnement des alaouites face au mandate français (1920 - 1946) et leur résistance aux projets de démembrement de la Syrie, imposés par les autorités françaises, gardent leurs remarquables traces dans l’histoire moderne de la Syrie. Cela entraina les vrais nationalistes panarabes sunnites, qui considéraient l’appartenance à la Nation panarabe supérieure à toute autre appartenance, surtout religieuse, à accepter les alaouites comme leurs compatriotes arabes.

A fortiori, la Syrie constitue, aux yeux des Alaouites, plus qu’un pays ; elle est leur patrimoine historique et leur lieu d’origine, pour la simple raison que les alaouites sont uniquement originaires de la région côtière s’étendant du Nord du Liban jusqu’à l’Alexandrette en Turquie , en passant par les régions côtières de la Syrie.

Les Ismaéliens : apparentés aux musulmans chiites, les Ismaéliens comptent 200 000 ou 1% de la population de Syrie. Dans le monde, les Ismaéliens se divisent en deux groupes majeurs, les Bohras et les Nizarites ; ceux de Syrie sont majoritairement nizarites. La secte ésotérique fut au XIe siècle fondée par un Persan. Ils croient en la réincarnation, ne vont pas dans les mosquées mais prient dans des maisons particulières. Ils ont créé la célèbre secte des Assassins au Moyen-âge, dont le siège persan était Alamut et le siège syrien le château de Qadmous. Ils sont aujourd’hui de paisibles citoyens dans les pays d’accueil et ont pour chef l’Agha Khan. La plupart d’eux se concentrent à SalamÄ« yah à l’Ouest.

Les Duodécimains : ils comptent environ 5% des musulmans dans le monde. La séparation avec les sunnites s’est opérée dès le début de l’islam. Ils habitent à Damas et la banlieue de Sayyidah Zaynab. Les Chiites duodécimains comptent environ 100 000 ou 0,5 de la population syrienne.

Les Druzes : les Druzes comptent environ 3 % de la population. Ils habitent la région montagneuse du Jabal al-Arab, au Sud-ouest de la Syrie. L’origine de la secte des druzes remonte au Xe siècle. Les Druzes font partie des groupes et sectes hétérodoxes de l’islam. La doctrine des Druzes par la majorité des musulmans, surtout l’islam orthodoxe sunnite, comme une sorte d’hérésie.

Les Chrétiens

Les Araméens : ou Assyriens constituent, en effet, la majorité des chrétiens orientaux du Levant et de la Mésopotamie. Leur présence au Levant et aussi ancien que celle du christianisme. Ils sont les indigènes du Levant précédant à la conquête arabe au VIIe siècle. La plupart des Araméens sont originaires de Turquie et d’Irak. Ils ont quitté leur pays respectifs pendant l’ère du mandat français en Syrie. Les différents termes utilisés pour nommer les Araméens, ne donnent qu’une différence religieuse, mais pas ethnique. Leur territoire ancestral est divisé entre plusieurs pays : Turquie, Syrie, Iraq ; et les différents termes utilisés pour les Araméens sont : Assyriens, Assyriens jacobites, Assyriens orthodoxes, Assyriens catholiques, Chaldéens, Nestoriens, Maronites, Melkites catholiques et Melkites orthodoxes. Au Levant, ils sont reconnus par l’appellation locale Siryani qui dérive du turc Süryani.

Les Arméniens : la plupart des Arméniens sont arrivés en Syrie par vagues successives en tant que réfugiés fuyant la Turquie entre 1925 et 1945. Environ 75 % des Arméniens vivent dans la province d’Alep. Les autres sont dispersés dans Hayy al Arman (Quartier arménien), près de Damas, et dans quelques autres villes du pays. Les Arméniens appartiennent généralement à l’Église orthodoxe arménienne, mais environ 20 000 relèvent de l’Église catholique arménienne. Ils constituent l’un des grands groupes importants non assimilés en Syrie. Comme partout à la diaspora arménienne, Ils conservent de leurs coutumes, maintiennent leurs propres écoles et fondent des journaux dans leur langue. Les Arméniens refusent l’assimilation et veulent maintenir leur identité culturelle, linguistique et religieuse.

Les Juifs

Les Juifs habitent la Syrie depuis l’antiquité. Leur nombre était estimé à plus de 40 000 avant 1990. Depuis, ils ont presque tous quitté la Syrie pour Israël. Aujourd’hui, ils comptent une centaine d’individus et sont aujourd’hui concentrés dans la province d’Alep et dans la ville de Damas (Hayy al-Yahud ou Quartier juif). La plupart des Juifs de Damas sont des colporteurs, des commerçants, des changeurs ou des artisans ; quelques-uns sont d’importants professionnels, en particulier des médecins. Comme les Juifs syriens parlent l’arabe, ils sont tenus comme une minorité religieuse et non linguistique.

Qu’est-ce que tout cela veut dire ?

En guise de conclusion, nous trouvons utile de raconter, ici, une petite anecdote. Un jour, en essayant de demeurer fidèle à l’héritage intellectuel marxiste-léniniste, nous tombâmes par hasard sur un des Cahiers rouges occupant notre chambre. C’était un Cahier rouge de Lénine intitulé Un pas en avant, deux pas en arrière. En fouillant ses pages jaunies, nous fûmes attiré par le paragraphe suivant :

« Lorsqu’une lutte prolongée, opiniâtre et ardente se poursuit, il arrive d’ordinaire un moment où les points litigieux, centraux et essentiels, commencent à apparaître, dont la solution déterminera l’issue définitive de la campagne, et auprès desquels les menus et insignifiants épisodes de la lutte sont de plus en plus reculés à l’arrière plan » [10]

Certainement dans ce cahier, Lénine analysait la situation en Russie à la veille de la première révolution de 1905. Pourtant, ce beau paragraphe nous ouvrit les yeux à la réalité des composants contradictoires du paysage syrien, en premier lieu, et de celui levantin, en second lieu.

Ce que nous voulons dire par tout cela, c’est que le point principal, et central à la fois, de chaque analyse portant sur le paysage syrien, et qui se prend objective, doit prendre au sérieux ce que nous appelons, ci-dessus, l’hétérogénéité syrienne, issue de celle levantine ; ajoutons que cette hétérogénéité ne se présente jamais, dans la réalité, comme si elle formait un modèle raffiné du multiculturalisme canadien ; ce que les médias de l’ordre essayent toujours à faire, et à désinformer, tristement, l’opinion publique ; au contraire, elle se présente dans son propre contexte culturel, et selon les conditions historiques qui la créèrent.

Par conséquent, les conflits politiques au Levant sont souvent la manifestation symptomatique de conflits plus profonds, plus enracinés dans le substrat culturel de la région, donc de conflits religieux s’habillant en costume politique. De surcroit, les conflits politiques au Levant passent, rapidement, en conflits religieux, plutôt confessionnels ; et les réclamations sociales, qui servent au début d’un conflit quelconque, comme une vitrine politique derrière laquelle se cache les déterminants réels du conflit, se réduisent, malheureusement, en tueries tribales. Une vérité amère, mais elle nous offre, au moins, une meilleure lecture de la soi-disant « révolution » syrienne ; une lecture qui se met, naturellement, à distance des fanfaronnades des hâbleurs du Printemps arabe écourté, à bride abattue, en Hiver étatsunien très funèbre !

Somme toute, nous nous demandons en chuchotant à voix basse : est-ce que monsieur Burhan Ghalioun, président du CNS, a-t-il jamais lu l’Histoire du Levant ?

Fida Dakroub, Ph.D

[1Le titre d’un pamphlet politique de Victor Hugo, condamnant le règne de Napoléon III.

[2Citation de Camille Desmoulins.

[3Voir l’article de l’auteur sur Le Grand Soir « Le 11-Vendémiaire de la Sainte-Révolution syrienne ou l’Échec du Conseil national syrien » : http://www.legrandsoir.info/le-11-vendemiaire-de-la-sainte-revolution-...

[4L’auteur utilise le terme mashréquin dans un sens très spécifique, signifiant un espace culturel précis, celui du Levant et de la Mésopotamie, donc de la Syrie naturelle), face au terme maghrébin indiquant l’espace de l’Afrique du Nord (Lybie, Tunisie, Algérie et Maroc).

[5Né en 602 à La Mecque et mort en 680 à Damas, il est le premier calife omeyyade. Fils d’Abu Sufyan, l’un des plus farouches adversaires du Prophète de l’islam, Mahomet, se convertit à l’islam avec sa famille lors de la conquête de La Mecque en 630.

[7Youssef Courbage, "La population de la Syrie" in Y. Courbage, B. Dupret et al., La Syrie au présent. Reflets d’une société (Paris, Actes Sud, 2007), p. 189.

[8Après sa victoire militaire sur les Caucasiens, qui mit fin à la Grande révolte de 1825 - 1864, le Tsar russe Alexandre II s’adressa à la délégation des tribus circassiennes, alors sujets de l’Empire turc ottoman, en ces termes : « Vous vous installerez à l’endroit qui vous sera indiqué ou bien vous émigrerez en Turquie. » Un petit groupe de Circassiens s’installa suivant l’ordre russe dans les plaines de la rivière Kouban tandis que la majorité se regroupa par centaines de milliers sur les rives de la mer Noire pour un exil dans d’autres régions de l’Empire ottoman. Ils s’installèrent dans les pays nommés aujourd’hui : Turquie, Syrie, Liban, Jordanie et Israël.

[9Il se trouve une certaine différence entre les Alaouites de Syrie et les Alevis de Turquie.


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