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Cuba à l’assaut du coronavirus

Une quarantaine de députés français de tous bords (de LR à LFI) demandent au gouvernement de solliciter "l’aide médicale" de Cuba. Dans une lettre adressée à Edouard Philippe et restée pour l’heure sans réponse, les députés écrivent : "Nous vous enjoignons de solliciter sans délai le gouvernement cubain pour disposer de ces moyens supplémentaires dans le cadre d’une collaboration internationale pour faire face à l’urgence". "Le gouvernement de Cuba se déclare prêt à envoyer une brigade médicale pour renforcer nos effectifs, notamment dans nos régions les plus affectées", assurent encore les signataires.

Défense à nos fidèles lecteurs de sourire.
LGS

Comme hier face à l’ébola, l’île a proposé son aide aux pays en difficulté face au covid-19. L’arrivée de médecins cubains en Lombardie symbolise cette politique constante de solidarité médicale.

Médecins et infirmiers cubains arrivés en Lombardie. Keystone

« Va-t-on enfin se rendre compte qu’il n’y a que dans les films que les gouvernements capitalistes sauvent le monde ? » Cette réaction captée un réseau social illustre le sentiment de beaucoup face à l’absence de soutien de l’Union européenne et des Etats-Unis envers les premiers pays les plus fortement touchés par le covid-19 : la Chine, l’Iran et l’Italie. Comme à son habitude, Cuba a fait au contraire figure d’exemple. Et ce malgré une situation économique précaire depuis le renforcement des sanction étasuniennes ces deux dernières années. Symbole de cette solidarité cubaine, l’arrivée d’une brigade de médecins et d’infirmiers cubains ce weekend en Lombardie, faisant suite à la demande formulée par les autorités de la région dont le système sanitaire est en plein collapse.

« La patrie, c’est l’humanité », écrivait l’indépendantiste cubain José Marti au XIXe siècle. Près d’un siècle et demi plus tard, force est de constater que les autorités du pays suivent ce précepte. En 2014, Cuba avait déjà prouvé son altruisme lors de la bataille contre l’ébola en Afrique occidentale, avec l’envoi de 256 de ses médecins. Dans les années 1980, après la catastrophe de Tchernobyl, un chiffre record d’enfants ukrainiens malades avait été accueilli et réhabilité dans l’île. Mais cette tradition humaniste date des premières années de la révolution cubaine. En 1963, l’Algérie avait bénéficié la première de cette coopération internationaliste. Depuis, selon les chiffres officiels, plus de 400000 « soldats en blouse blanche » ont prêté service dans 164 pays d’Afrique, d’Amérique, du Moyen-Orient et d’Asie.

A la rescousse de l’Italie
A cette longue liste s’ajoute aujourd’hui l’Europe. Face à la dramatique congestion de son système de santé, la région italienne de la Lombardie a en effet fait appel au gouvernement cubain. La réponse favorable de ce dernier a donné lieu à l’arrivée ce weekend d’une cinquantaine de médecins et d’infirmiers cubains venant rejoindre les brigades chinoises déjà envoyées en renfort la semaine passée. Armés de l’antiviral Interféron Alfa 2b, dont la technologie est cubaine et la production chinoise, ils espèrent contribuer à faire fléchir la pandémie dans la région la plus affectée d’Italie.

Le conseiller sanitaire Giulio Gallera a informé que ce contingent cubain complétera les rangs de l’hôpital de Crema. Le président de Lombardie Attilio Fontana a pour sa part précisé que l’annonce de l’arrivée de ces médecins cubains et chinois a été déterminante dans la décision de reprendre la construction du nouvel hôpital de Bergame (la province lombarde où le covid-19 fait le plus de victimes). « Construire une cathédrale dans le désert était inutile », a-t-il expliqué en se référant à la préalable mise en suspens du chantier pour manque de personnel. Relevons que la Chine a promis l’envoi de davantage d’experts et de médecins.

A part l’Italie, d’autres pays comptent depuis la semaine passée sur du personnel de santé cubain pour contrer le covid-19. Des virologues, microbiologistes et spécialistes en soins intensifs ont été dépêchés au Venezuela (également fortement sanctionné par le blocus étasunien) mais aussi au Surinam, la Jamaïque, la Grenade et le Nicaragua. Selon certaines sources, l’Espagne pourrait elle aussi avoir recours aux services cubains à l’aune de la crise sanitaire qui l’occupe. « En tout, plus de 25’000 médecins cubains présents dans trente-trois pays affectés par le covid-19 travaillent sous l’orientation des autorités locales de santé », relève Pedro Luis Pedroso, ambassadeur de Cuba devant les Nations unies à Genève. Il souligne que cette coopération n’a pas de motifs commerciaux, mais humanistes. Tandis que les pays qui en ont les moyens rétribuent ces prestations, elles sont entièrement ou partiellement gratuites pour ceux qui se trouvent dans une situation financière défavorable.

Biotechnologie sous embargo
En Chine, il n’a pas fallu attendre l’épidémie de covid-19 pour qu’une coopération dans le secteur biotechnologie et pharmaceutique se développe avec Cuba1. Depuis quinze ans maintenant, des dizaines de recherches, d’échanges et d’investissements conjoints ont été réalisés, notamment dans la production et commercialisation de médicaments et d’équipements. L’Interferón Alfa 2b humain, commercialisé depuis trois décades sous le nom d’HeberonRAlfaR ou IFNrec, est un exemple éloquent de cette collaboration. La technologie de ce reconstituant a été transférée il y a quelques années par le Centre d’ingénierie génétique de Cuba (CIGB) à l’entreprise sino-cubaine Changchun Heber Biological Technology, située au nord-est de la Chine.

S’il ne s’agit pas d’un médicament préventif, cet antiviral utilisé en Chine contre le coronavirus est aussi efficace contre certains cancers et hépatites, car il contribue à renforcer l’immunité tout en réduisant les processus infectieux. Aux dires des autorités chinoises, il aurait grandement contribué à freiner les effets graves du covid-19 dans ce premier pays touché par l’épidémie, en participant à la guérison de plus de 1500 malades.

Quelque 113 pays auraient déjà sollicité aux autorités cubaines l’envoi dudit remède. En Italie, un décret a été adopté pour demander à l’Agence nationale du médicament AIFA d’accélérer l’autorisation de mise sur le marché de l’Interféron Alpha 2b. Le député André Chassaigne a pour sa part suggéré au ministre de la Santé français d’envisager une coopération médicale bilatérale entre les deux pays, portant à la fois sur l’accueil de médecins cubains et sur l’utilisation en France de l’interféron Alfa 2b. Il précise que « le blocus des Etats-Unis sur Cuba, contraire au droit international, ne peut en aucun cas affecter la collaboration médicale franco-cubaine, d’autant plus que les Conventions de Genève interdisent tout embargo de médicaments ».

Contactée par notre rédaction, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a expliqué que l’effectivité de l’Interféron est actuellement testée, tout comme celle d’autres médicaments. Pendant ce temps, à Cuba, la recherche d’un vaccin contre le covid-19 occupe actuellement un grand nombre de scientifiques nationaux.

La santé, un droit humain
En milieu de semaine passée, les autorités cubaines ont accepté l’amarrage du bateau de croisière anglais MS Braemar, dont au moins cinq passagers sur mille étaient infectés. Les autres pays sollicités dont les Bahamas et l’île de la Barbade, pourtant membre du Commonwealth britannique, avaient quant à eux catégoriquement rejeté l’appel à l’aide de Londres. Les passagers ont ainsi pu être transférés avec succès au Royaume-Uni, dans le respect des normes de sécurité, a confirmé notre interlocuteur à l’OMS.

« Il est temps de comprendre la santé comme un droit humain et de renforcer la coopération internationale. Ce défi posé par le Coronavirus exige le concours de toute l’humanité, sans distinction », a allégué le ministre des Relations extérieures de la République de Cuba.

L’HEURE N’EST PLUS AU TOURISME
 Vendredi soir, le président de Cuba Miguel Diaz-Canel a annoncé de nouvelles mesures pour contrer le Covid-19, alors que 35 cas sont comptabilisés dans l’île depuis le 11 mars, dont un décès en la personne d’un touriste italien de soixante ans qui souffrait d’une maladie respiratoire chronique. Près de mille individus possiblement contaminés sont aussi actuellement sous surveillance. Si le pays se trouve officiellement encore dans la Phase 1 de la pandémie, soit des cas « importés » ou infectés suite à un contact avec des voyageurs, le président a souligné que des mesures de la Phase 2 (transmission autochtone) et de la Phase 3 (transmission non identifiable) seraient d’ores et déjà mises en œuvre de manière préventive.

Dès ce mardi, les frontières du pays sont fermées au tourisme. L’entrée est uniquement permise, après une quarantaine dûment observée, aux résidents ou à des collaborateurs de la coopération internationale. Les 60’000 touristes actuellement de passage sur l’île sont appelées à quitter au plus vite le territoire, à coup de 13’000 par jour, a précisé le premier ministre Manuel Marrero Cruz. Il a également été décidé d’instaurer des mesures d’isolement pour les personnes qui présentent des symptômes. Afin de garantir l’approvisionnement (Cuba importe presque le 80% de sa consommation), le commerce aérien et maritime est maintenu avec des normes sanitaires strictes.

Les centres culturels (théâtres, cinémas, discothèques) sont fermés et les événements sportifs ou politiques repoussés. La majorité des hôtels seront fermés, ainsi que le 50% des commerces, restaurants, etc… Le secteur privé de l’île, qui représente 13% de la force de travail et concentre l’essentiel de ses activités dans le secteur touristique, sera exempté de certains impôts et démarche bureaucratiques en guise de compensation, et pourra même recevoir une garantie salariale. La décision de fermer les écoles n’a pas encore été prise. Le ministre de la Santé a expliqué que les élèves et étudiants (un million de personnes) étaient plus en sécurité dans les écoles. « Si on les renvoie à la maison, il sera très difficile de les empêcher d’aller dans la rue », a-t-il plaidé. Cependant, les personnes vulnérables doivent rester à la maison et le principe de distanciation sociale a été préconisé. Un enjeu de taille dans un pays où 20% de la population a plus de 60 ans.

Pour l’heure, La Havane se veut rassurant. Vendredi, Miguel Diaz Canel appelait les siens à affronter l’épidémie « à partir de nos points forts et conscients de nos faiblesses, sans panique mais sans excès de confiance ». Une mention des difficultés chroniques d’approvisionnement de l’île, en particulier depuis le durcissement des sanctions mais aussi de la capacité d’organisation de la société cubaine et de la force de son système de santé, universel et gratuit, présent dans chaque quartier à travers les médecins communautaires, auquel l’Etat consacre 28% de son budget.

Face à la pandémie, 2478 lits cliniques ont été habilités, dont le 40% dans dix centres d’isolement répartis sur tout le territoire. Le dépistage, le traçage et l’isolement systématique font partie de la stratégie cubaine depuis le premier cas de Covid-19 détecté. Le pays dispose en effet de la technologie nécessaire aux tests ainsi que du personnel formé, des équipements et des laboratoires, assurent les autorités. D’autre part, des centaines d’ateliers sont en train de confectionner des masques pour la population et le personnel de santé, tout comme des lotions désinfectantes à base de chlore.

Il n’en reste pas moins que l’embargo est un facteur aggravant, entravant de manière considérable l’importation de réactifs et l’accès à des produits de première nécessité comme le savon. Une pétition exigeant la fin de ce blocus, même temporaire, a été mise en ligne depuis Miami.

Laura HUNTER
Le Courrier (Suisse).

Ajout LGS :

»» https://lecourrier.ch/2020/03/23/cuba-a-lassaut-du-coronavirus/
URL de cet article 35853
   
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Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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