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Bruits de bottes, chuchotis de babouches, et cancans maghrébins (Quand, quand ?)...

Des Marines en Algérie ?

Photo : Base Espagnole Morón de la Frontera

Des médias, pas toujours bien informés, pas toujours bien intentionnés, souvent orientés, ont fait état de l’arrivée prochaine, en Espagne, de 500 Marines environ, et de 08 avions de combat. Cette décision aurait été prise, selon ces journaux, afin d’intervenir en Algérie,"où les prémices d’un chaos généralisé se font de plus en plus précises..."

Prochaine ou imminente ? Faudrait savoir…

Si l’information d’un déplacement de troupes américaines, vers l’une de leurs nombreuses bases dans le monde, en l’occurrence celle de Moron de la Frontera, en Andalousie, venait à se confirmer, rien ne dit que cette décision aurait été prise dans l’urgence, en prévision de ce chaos qui ne laisserait donc plus de doute. Dans ces circonstances, les mots pèsent leur poids. L’ordre de mouvement ne semble donc pas avoir été pris dans la précipitation, puisqu’il ne s’est pas encore concrétisé sur le terrain. Il y a donc de la marge donc, entre une arrivée prochaine qui n’aurait pas de caractère exceptionnel, et qui pourrait prendre des mois, et une arrivée imminente, qui aurait déjà dû se produire, et qui aurait confirmé, un tant soit peu, qu’il y de l’orage dans l’air.

Encore que si ce chaos généralisé était aussi certain, et aussi imminent, que nous l’annoncent ces mêmes médias, ce ne serait pas le mouvement de forces aussi minimal, 500 soldats et 8 avions, qui pourrait y changer quelque chose, ni être en mesure d’assurer la protection de citoyens américains, dans un pays aussi vaste. A la limite, c’est même faire injure à ce si effroyable chaos, tant espéré, semble-t-il, que de penser qu’il suffirait de si petites forces pour le conjurer, où pour s’y déployer avec tant de désinvolture, façon Rambo, pour ramener à la maison les gentils compatriotes, sauvés des griffes de quelques sauvages, qui auront provoqué le désastre annoncé, juste avec des canifs entre les dents.

Entre routine, et stimuli...

Cette annonce d’un mouvement de forces américaines n’est peut-être qu’une action tout à fait routinière, comme il s’en passe tant, au sein de cette grande armada, qui est présente aux quatre coins de la planète. Mais même si l’on considère qu’elle a obéi à des considérations conjoncturelles, où l’Algérie aurait sa place, ce ne pourrait être qu’une force d’appoint, venue renforcer, ou remplacer, des troupes déjà en place, dont l’objectif premier n’est pas l’intervention, mais la prévention et le signal. En plus clair, un tel événement, mineur en soi, peut signifier que des dispositions, presque banales, comme un mouvement ordinaire de troupes, a été servi à l’opinion publique sous un emballage qui indique un autre contenu. Pour obtenir des effets précis. Pour faire une sommation sans frais !

En tout état de cause, et quelles que soient les raisons de cette arrivée probable de troupes américaines dans leur base d’Espagne, le dispositif même de l’opération indique qu’elle est d’importance secondaire, et qu’elle répond à des prévisions d’événements probables, mais non imminents. Puisque le processus, et le mode opératoire de ce mouvement ne sont pas du genre à répondre à l’urgence, telle qu’annoncée par des médias d’appoint.

Cet envoi possible de ces troupes, dont le support médiatique qui a été mis en branle confirme qu’il recherche surtout un effet psychologique et politique, a un rôle de stimuli, à destination d’acteurs divers et variés. Il peut rechercher, en même temps, un but qui exprime la détermination, destiné à impressionner des groupes islamistes qui s’agitent, et qui ont besoin d’être gardés sous contrôle psychologique, qu’un autre , à l’attention de certaines puissances qui lorgnent du côté du Sahel, du Maghreb et de l’Afrique, d’une manière générale.

La Chine et l’Afrique...

Un aspect, géostratégique, d’une importance primordiale dans la compréhension de certains événements, doit toujours être pris en considération, lorsqu’il est question de cette région du monde, même si la conjoncture actuelle semble l’avoir éclipsé. Les printemps des peuples dans la région, même s’ils ont bouleversé la composante des régimes qui étaient autorisés par l’occident à gérer ces territoires, et même s’ils ont fait oublier que rien de vraiment fondamental dans le destin de ces mêmes peuples n’a changé, ont juste occulté les vrais grands problèmes. Entre autres, celui de l’affrontement titanesque, même s’il se déroule en mode muet, entre les deux plus grandes puissances du monde. C’est la guerre silencieuse, mais d’une violence inouïe, même si elle ne fait pas de morts visibles, qui a lieu entre les USA et leurs alliés, d’un côté, et la Chine de l’autre.

La Chine est dans une phase de déploiement en Afrique, qui reste le seul continent dont elle pourrait faire éventuellement son pôle énergétique, en plus de multiples autres ressources, immenses, qu’elle pourrait en tirer. Il y va de sa propre survie. Le reste du monde est déjà pris.

Elle aura bientôt besoin de façon impérieuse, à l’instar des grandes puissances, de pouvoir contrôler une part du marché des hydrocarbures. D’avoir, elle aussi, sa propre chasse gardée, de faire de l’Afrique son Golfe à elle. Les grandes manœuvres, dont ne savons que la part émergée, qui ont lieu autour du Sahel, et la détermination des USA de contrôler cette région, sont bien plus décisives qu’on ne pense. Ce n’est pas là notre sujet, aujourd’hui, mais il est nécessaire de savoir que le Sahel est au cœur d’un déploiement stratégique de premier plan. Cette région désertique est l’exact centre du monde "utile", et les ressources hydrocarbures prouvées qui y dorment, ainsi que dans le Maghreb et dans l’Afrique subsaharienne, en font un champ de bataille où se jouera l’avenir du monde.

La France aiguillonnée par les Américains...

Pour les USA, qui savent qu’ils ne pourront pas, seuls, contrôler la situation dans cette région ultra-stratégique, la France est l’allié incontournable, puisqu’elle en a été l’ancienne puissance occupante, que les régimes qui s’y vautrent dans leurs turpitudes sont censés être sous son contrôle, et qu’elle affirme disposer sur ces derniers, d’une influence certaine. Son rôle dans l’éviction du despote libyen, et dont certains dessous sont tout à fait inavouables, ont démultiplié la peur qu’elle inspire aux despotes de toute la région.

Mais malgré cela, les Américains ne sont pas loin de considérer que la France n’est plus à la hauteur des nouvelles données, qu’elle ne maîtrise pas autant qu’elle le devrait la situation, et qu’elle se montre particulièrement décevante dans le contrôle des vrais mécanismes. Dans une telle conjoncture, où les Américains considèrent qu’il ne faut pas subir les événements mais les créer, pour pouvoir mieux les juguler, la France n’a pas assez de gnaque. C’en est fini de son influence des années passées. Les temps ont changé. Au point où même les marchés lui échappent, peu à peu, comme du sable qui lui glisse entre les doigts.

Les Américains ne ratent pas une occasion de lui rappeler qu’elle doit reprendre la main, et qu’ils ne permettront pas que la situation leur échappe, comme en Libye, où elle semblait en position dominante, pourtant. Ils disent clairement à la France qu’ils n’hésiteront pas à palier à son insuffisance, si elle continue ainsi à perdre du terrain. Et il n’est pas à écarter que les Américains voudraient bien rogner, pour eux-mêmes, certaines brisées de la France, quitte à y mettre du leur.

C’est pourquoi le mouvement annoncé des troupes américaines peut être interprété, entre autres signaux, comme un signal en direction de la France, pour lui enjoindre de s’imposer, si elle ne veut pas perdre ses chasses gardées. Les Américains ne veulent pas de relâchement de la garde au Maghreb et au Sahel.

L’intervention de la France au Mali, en plus d’autres considérations, comme la protection de ses propres intérêts dans la région, procède de cette approche.

Il y a loin, de la coupe aux lèvres...

L’Algérie, et les événements qui pourraient y survenir, sont l’objet d’une très grande attention, tant de la part des Américains que celle des Français. Parce que l’Algérie, même si ses dirigeants ne sont pas à la hauteur de ses capacités, est une puissance potentielle. Toutes les dispositions ont été prises, en tenant compte de scénarios divers, pour y préserver, coûte que coûte, les intérêts occidentaux, si la situation venait à dégénérer brusquement, dont la partition du pays, et le détachement de son sud utile, ne sont pas des moindres.

Mais ces tirages de plans sur la comète restent encore du domaine de l’hypothétique.
Rien, pour le moment, ni aucun signal d’alarme, n’a suscité la mise en branle d’un quelconque plan d’urgence. L’Algérie est un morceau autrement plus lourd que la Libye. Tout ce qui la concerne, jusqu’au détail qui peut sembler insignifiant, est examiné à la loupe, soumis aux plus hautes autorités, pesé au trébuchet, manipulé avec un soin qui confine à l’orfèvrerie.

Tous les experts et les vigiles qui sont au chevet de la situation, savent que tant que le régime algérien dispose encore du très considérable matelas financier pour anesthésier les foules, et tant qu’il continue à se ménager des alliés naturels, au sein des populations, par couches sociales entières, ce chaos généralisé que nous annoncent les uns et les autres relève encore du canular, où de méthodes de conditionnement des masses, pour des raisons aussi surprenantes qu’elles sont variées.

D.Benchenouf

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