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Épître à Ahmed Kaci...

Les prises de position des uns et des autres, lorsqu’elles sont diamétralement, voire radicalement, opposées, sur des évènements majeurs, signifient-elles, par voie de conséquence, que les uns ou les autres, sont dans l’erreur, pour le moins qu’on puisse dire ?

Je m’explique. Parce que je sais que je suis un peu confus.

Prenons un exemple précis.

Une personne affirme que l’orange a une forme ronde. L’autre qu’elle est carrée. La logique veut que le deuxième, à moins qu’il ait une vision subliminale, et tout à fait inaccessible au commun des mortels soit au mieux un mortel, au pire un affabulateur.

Ahmed Kaci fait un constat sans appel sur les révoltions dites arabes. Ahmed est un journaliste reconnu pour être un intellectuel engagé, un progressiste militant, et surtout un homme sincère. Il pense donc, et il s’est magistralement exprimé sur la question, que les Révolutions arabes n’en sont pas, qu’elles procèdent d’une méga-manipulation, d’une guerre impérialiste contre les peuples, et qu’elles ne pourront donc qu’aboutir à une régression de ceux-ci, face aux forces qui les manipulent à leur insu.

Il se trouve que ma position sur la question est tout à fait autre.

Je crois que ces Révolutions sont des révolutions populaires, qu’elles sont menées par des peuples opprimés, contre des despotes atroces, et qu’aucune situation n’est pire que celle qu’ils ont endurée de leurs despotes, des décennies durant. D’atroces et longues décennies, jour après jour.

En toute logique, puisque je pense le contraire de ce que pense Ahmed, et puisque je suis le premier à reconnaître ses qualités, que j’ai évoquées au début de ce billet, je suis donc censé, en toute logique, n’être ni un intellectuel, ni un progressiste, ni encore moins un homme sincère. Puisque je soutiens que l’orange a une forme carrée.

Cette démarche est un peu manichéenne, pour utiliser ce vocable consacré, à tort, hacha Mani, mais c’est comme cela, malheureusement que nous nous percevons les uns les autres.

Je connais même le cas de gens, liés par une solide amitié, qui ont souvent vécu un long parcours militant, qui s’apprécient mutuellement, qui se respectent, et qui se font confiance, mais qui en sont arrivés quand même à se tourner le dos, et même à s’anathémiser les uns les autres, et je suis gentil, puisqu’en réalité certains, qui s’étaient enfermés dans le camp retranché de leurs convictions respectives, ont carrément rompu avec celui qui s’était engagé dans le soutien du camp qu’ils dénoncent. Ils sont désormais des ennemis irréconciliables, enfermés dans des bulles en acier trempé. Ils ont rompu jusqu’au lien d’amitié, parfois même de respect mutuel, parce que chacun pensait de l’autre qu’il s’était fourvoyé dans une chausse-trappe primaire, qui ne devrait piéger que les gogos. Et que donc, ils s’étaient eux-mêmes trompés sur le compte de celui qui pensait le contraire de ce qu’ils pensaient eux-mêmes, et qu’ils étaient donc indignes de leur considération. Pour le moins.

C’est dire déjà , à ce stade, si je ne devais pas développer plus avant, que les uns et les autres sont des gens sincères, convaincus qu’ils sont dans le vrai, et qu’ils ne jouent pas au yoyo militant, selon que leurs contradicteurs soient des amis ou non. Ils sont intransigeants, les uns et les autres, avec n’importe qui, fut-il leur ami, leur camarade, parce que les uns et les autres considèrent que la cause qu’ils défendent est bien plus grande que toutes les autres contingences, l’amitié compris. C’est déjà ça de pris sur l’ennemi, n’est-ce pas ? Puisque dans ces positions irréconciliables, dans l’une comme dans l’autre, la sincérité est le dénominateur commun.

Ces Révolutions des peuples, parce que je continue à ne pas en démordre, et à penser que ce sont de vraies révolutions, auront réussi au moins un exploit. Celui d’engager un débat d’idées, un débat âpre, existenciel, au sein des militants de nos pays. Je ne dis pas élites, parce que je me méfie de ce mot, et je ne dis pas arabes, parce que je crois que ce serait être injuste pour les peuples qui ne le sont pas, ou qui refusent, d’être ainsi fondus dans un moule qu’ils n’ont pas choisi.

Personnellement, je m’identifie à l’arabité, parce que je considère que ce n’est ni une ethnie, ni une race, mais une idée, une façon d’être. Et je m’y identifie encore plus parce qu’il n’est pas très confortable, ni très rentable, par les temps qui courent, de s’affirmer arabe.

Mais trêve de professions de foi, revenons à nos révolutions !

Le débat est là  ! Il s’est installé.

Le plus tragique est que ce sont les despotes de nos peuples qui en profitent. Une aubaine inespérée pour eux. Qui aurait cru qu’un jour viendrait, où des Kadhafi ou des Assad pourraient être défendus par des Kaci, ces Kaci qui abhorrent le despotisme ? Ou que des Djamaledine, qui ont, croient avoir, une connaissance aiguë de ce qu’est l’impérialisme de l’Ordre financier mondial, des Forces Noires, et de toutes leurs méthodes, pourraient, un jour, devenir leurs alliés naturels, puisqu’ils iraient dans leur sens le plus opportun ? Dans l’un ou l’autre camp, ces despotes sont gagnant-gagnant.

En vérité, et là je ne vais parler que pour moi, à charge pour Ahmed de défendre ses propres positions, et je sais qu’il en a largement les moyens, je dis que les Révolutions de nos peuples n’ont pas d’autre choix que de faire avec le contexte. Ils auraient voulu que leur sursaut soit soutenu par leurs frères, par les progressistes de tous les pays, par les forces juvéniles et pures du monde entier, plutôt que par des potentats adipeux et chafouins, mais ils n’ont pas eu le choix.

Malheureusement pour nous, nos forces vives n’en sont pas en réalité, elles sont trop diffuses, trop éclatées, prises dans des pièges infernaux, incapables d’agir, et encore moins de réagir aux soubresauts de l’histoire. Elles n’en ont ni les moyens, ni encore moins la conscience.

Les Forces Noires, par contre, sont armées pour cela. Même pour réagir à des évènements qui les prennent au dépourvu. Elles savent se retourner, très vite, de façon très efficace. En l’occurrence, elles n’ont pas tergiversé. Elles ont pris le train en marche, et l’ont vite pris sous leur contrôle, puis ils ont improvisé en marchant. Les intrusions d’un BHL sont symptomatiques de cette volonté échevelée de la récupération.

A charge pour nous, dès lors, d’adopter la même démarche machiavélique, pardon Machiavel, mais à rebours.

Ils croient s’être servis de nous ? Bien ! Jusqu’à présent, je crois qu’ils y ont assez bien réussi.

Leur chose saoudienne, cette pieuvre qui monopolise jusqu’à la spiritualité, jusqu’à la sélection des bons croyants, jusqu’aux exégètes rémunérés qui nous vocifèrent tout ce que leurs maîtres veulent qu’ils pontifient, a été ébranlée de la même manière, et avec autant de moyens que dans le djihad en Afghanistan, lorsqu’ils se sont servis de nos pauvres candidats à un paradis presque pornographique, pour les jeter contre les chars de l’Ours rouge. Aujourd’hui, nous les voyons s’agiter en temps réel. Nous sommes dans le bocal, et dehors en même temps. Sauf ceux qui sont explosés par leurs bombes et leurs mitrailleuses lourdes.

Nous les voyons agiter leurs grossières ficelles, que dis-je, leurs haubans fluos, nous suivons, en temps réel, comment ils ouvrent le robinet du sang des peuples, comment ils récupèrent des aspirations à la liberté, à la dignité, à l’honneur d’être.

Alors, plutôt que de constater ce qu’ils nous refont, ce qu’ils nous rejouent, montrons leur que nous aussi, nous savons nous servir d’eux ! Tu crois me tenir par la barbichette, alors moi je vais t’arracher les poils du cul.

Utilisons les pour chasser nos despotes, qu’ils ont eux-mêmes imposé à nos têtes, ou du moins, qu’ils ont utilisés, pour continuer à se sustenter de notre sang !

La Tunisie, la Lybie, et l’Egypte, sont en train de devenir des "effets pervers", qu’ils ne parviennent plus à contrôler, à tempérer, malgré le pognon de la Saoudie.

Et je ne doute pas qu’il y a panique dans la cambuse.

Ils vont tout mettre en oeuvre pour rectifier le tir, pour remettre nos pendules à l’heure, à l’heure de leur dîner des vampires.

Alors, plutôt que de nous enliser dans une confrontation idéologique presque préhistorique, puisqu’une certaine fin de l’histoire a déjà eu lieu, sans que nous rendions compte, seulement, rejoignons nos frères humains qui se battent, qui versent un sang généreux pour notre libération à tous !

Et disons leur : "Ah ! Tu voulais te servir de moi, contre moi ? Ok ! Moi aussi, je veux me servir de toi, contre toi ! Continue la Saoudie de m’injecter tes sales dollars, continue Al Jazeera de parler de la Syrie et d’étouffer les râles du peuple bahreïni, continue BHL de nous faire des films sur le "Serment de Tobrouk", continue Emir du Quatar à négocier l’absence de couverture d’Al jazeera dans les évènements algériens en échange de gros contrats, continuez vous toutes les Grandes Soeurs à pomper le pétrole irakien, allez-y, profitez du dernier quart d’heure qui vous reste, le peuple du monde se lève, il va se servir de votre Internet, que vous ne pourrez plus débrancheer, parce que toutes vos magouilles y sont connectées, vos banques et vos bourses, continuez ! Nous voulons juste vous dire que nous sommes la graine du fruit que vous avez mangé. Et nous prospérerons dans le terreau de vos propres excréments. Nous avons compris une chose essentielle. Une technique millénaire. Celle du Judo. Nous utiliseront la force de l’adversaire contre lui-même. Plus il sera fort, et plus sa propre force nous servira à le culbuter. A la seule condition que nous serons tous du même côté."

Voilà ce que nous dirons à ces marionnettistes qui croient nous agiter les uns contre les autres. Nous leur dirons que Ahmed Kaci ne soutient pas Assad contre son peuple. Il a peur que des forces embusquées, portées par un fleuve de sang, viennent demain enfler les rangs de ces gardiens du temple, pour remplacer un despote par un autre, au nom d’une religion qui a toujours servi le despote, qui a adoubé le despote, qui en est devenue la chose, le bâton et le ticket pour un paradis chimérique. Mais Ahmed n’est pas contre vos amis, ses ennemis, juste parce que vous avez crée un décor de théâtre en trompe-l’oeil. Il est du bon côté, toujours.

A travers toi, mon cher Ahmed, c’est à tous mes amis qui se dressent contre les manipulations de l’Empire que je m’adresse, à Zineb Azouz, et à tous les progressistes que j’admire et que j’aime.

Voilà mon cher Ahmed, en espérant que ma lettre te trouvera en bonne et parfaite santé, et ...

J’ai oublié le reste de la formule que nous utilisions, quand nous écrivions des lettres pour les anciens.

Ton ami, qui attend impatiemment l’occasion d’aller s’en jeter un ! A la santé des peuples.

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Viktor Dedaj

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