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« Des peuples et leur Europe Sociale », l’autre nom du film « Un peuple et son roi »

C’est un film d’un passionnant « archaïsme » pour l’habituel public des salles de cinéma, qui dépeint à la manière d’Einsenstein, avec son cinéma allégorique, populaire et démonstratif, la puissance de la volonté populaire pour renverser un pouvoir oppressif, insupportable, sa puissance créatrice, sa puissance politique, mais aussi... ce dernier verrou, psychologique, idéologique, qui explique ce petit pas en arrière craintif dès qu’il s’agit de tirer toutes les conséquences d’une révolution : en finir définitivement avec le Roi, puissance quasi-divine, sans lequel on ignore totalement ce qui se passera ... le chaos, l’anarchie ? Faut-il un autre roi pour remplacer celui-là ? Peut-on le garder en vie en lui confisquant tous ses pouvoirs ? Va-t-on s’en sortir avec des invocations romantiques contre la peine de mort pour se défausser de l’impérieuse nécessité d’en finir avec lui ? Et finalement ce roi, ne l’aime t-on pas encore un peu trop ? Après des fleuves de sang et de larmes, après des batailles contre les royaumes européens, des barricades contre les « accapareurs », les « traîtres à la patrie », tous ceux qu’on a facilement identifié comme les ennemis du peuple, faut-il garder leur clé de voûte, leur symbole, le Roi ? Ou aller jusqu’au bout et avancer dans l’inconnu, comme ce fut le cas du peuple dans TOUTE révolution sociale ?

Le Roi c’est cette « Europe sociale », c’est un piège idéologique, un dernier verrou psychologique qui, au moment où nous avons mis le doigt sur la classe ennemie, nous fait reculer encore de vertige. Nous ne voulons plus de « cette » Europe, que c’est facile à dire ! Nous voulons sortir des « traités », mais pas de l’Europe ! « Cette » Europe, ne pourrait-elle pas être une « autre » Europe ?

Nous voulons une véritable « République »... mais ne pouvons-nous pas simplement changer de roi pour en prendre un meilleur, respectueux du Parlement nouveau, de notre Constitution ? Ce roi qui, dans la première scène du film, lave rituellement les pieds des pauvres avec humilité, ne peut-il pas être ramené à la raison ? N’a-t-il pas un « bon fond » ? « L’Europe sociale », n’est ce pas comme si on disait en 1791, pour faire semblant de rationaliser sa peur du changement, « la monarchie absolue sociale » ?

On sent à travers ce film à quel point, dans la tempête et le tumulte d’une grande révolution, le peuple doit trouver des cerveaux solides, des consciences pures et rationnelles, comme d’autres armes, pour se défendre des millions de tentatives de restauration, qui sont aussi nombreuses aux frontières de la République, qu’en son sein, et jusque dans les rangs des jacobins eux-mêmes !

Toute révolution commence par des illusions déchues : Les fusillades du champs de Mars et la fuite à Varennes ont commencé à faire vaciller cette foi du peuple dans son roi, foi irrationnelle, incompréhensible au-delà de 1789. Les monstrueuses manifestations à Petrograd, aux grilles du Tsar, pour l’implorer d’arrêter les voleurs et les spéculateurs, en brandissant son portrait comme une icône, se soldant par des fusillades sans scrupules, ont fait de même en 1917.

Et on imagine que comme Louis XVI, comme Nicolas II, sans qui l’oppression n’allait pas forcément cesser, la perte des illusions des peuples sur cette « Europe sociale », la conscience qu’il faut en sortir sans craindre le « chaos », sera le dernier obstacle à franchir pour déclencher, qui sait, une révolution antilibérale, anticapitaliste, socialiste.

Mais le film nous invite à comprendre que ce dernier verrou, le plus « fragile » en apparence, parce que psychologique, est mille fois plus puissant que des millions de baïonnettes, puisqu’il est « dans » les têtes. Il a fallu des génies politiques pour éliminer les traîtres, les plus durs à démasquer, les Danton, les Trotski... Il a fallu, aussi, des Robespierre, des Saint-Just, des Marat, même si bien sût à cette époque la révolution ne pouvait qu’être, au final, que bourgeoise. Mais c’est peut être ce que, à notre modeste niveau de militants, nous devons nous efforcer de produire, pour qu’un jour la révolution soit forte, armée, puissante, qu’elle ne se solde pas par des reculs immenses, comme ce fut par exemple le cas en Tunisie en 2011 pour donner un exemple proche.

Pendant que Louis XVI s’apprête à se faire raccourcir, on voit des scènes du maître verrier jacobin, devenu aveugle, découvrant dans ses mains la sphère parfaite de son jeune apprenti. Oui, le monde est maintenant à lui, ce n’est pas le chaos, au contraire c’est l’espoir, ce que nous devrions tous chérir : l’apprenti sait maintenant produire aussi bien que son ouvrier formateur, et le monde peut repartir sur des bases solides, libres !

Guillaume SUING

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COMMENTAIRES  

12/10/2018 20:00 par MF

Excellent texte dont il conviendra de tirer les conséquences qui s’imposent pour ce qui concerne certains soutiens politiques.

13/10/2018 10:29 par robess73

guillaume tres beau texte pour un non moins beau film.par contre vous nommez DANTON et TROTSKI comme traitres a la révolution.entierement d accord pour DANTON par contre merci d expliquer en quoi TROTSKI A t il trahit ?

13/10/2018 15:22 par Assimbonanga

Le problème, est-ce vraiment le roi ? Et les grands seigneurs ? Vinci, Veolia, Areva, Bouighes, LVMH, Danone, Nestlé, Lafarge, Plactic Omnium, Amazone, banques, assurances, ... ? Ne faudrait-il pas effectuer un organigramme des grandes sociétés françaises où évoluent les cadres économiques du pays, ceux qui prennent les décisions, ceux qui bénéficient de la protection des gendarmes dès qu’un mouvement social s’agite devant leurs portes ?
Il s’ajoute désormais en France 13 roitelets qui en prennent à leur aise pour affecter des subventions clientélistes et favoriser des milices de chasseurs : les présidents de région.

13/10/2018 18:32 par babelouest

@robess73
Mondialiste, Trotski était nécessairement allié "objectif" du capitalisme qui vit justement de ce mondialisme. C’est bizarre, comme l’expliquer à plein de gens est nécessaire, tant ils ne voient pas le piège. Il est vrai que la plupart des mêmes personnes ne voient pas non plus que le productivisme est un autre de ces pièges. Lutter contre le capitalisme, c’est privilégier les circuits très courts, les appareils toujours réparables, la demande créant l’offre et non l’inverse (sauf pour la nourriture qu’il faut nécessairement stocker pour les mois sans production). C’est vraiment une opposition fondamentale.

On notera que la plupart des politiciens connus, pas qu’en France, sont plus ou moins des trotskistes, ce qui explique nos ennuis.

14/10/2018 10:44 par CN46400

@ babelouset
" Lutter contre le capitalisme, c’est privilégier les circuits très courts,"
Autrement dit, les capitalistes allongent les circuits pour s’amuser ! Quid du taux de profits ? Les circuits s’allongent pour tirer le profit maximum et le plus immédiat possible qui découlent des inégalités productives. La morale, même chrétienne, n’a rien à voir avec cette situation....

14/10/2018 16:26 par Assimbonanga

La différence avec 1789 c’est qu’on a désormais sur la planète quelques centrales nucléaires qui fuient gentiment et en continu, des tonnes de sacs, bâches, objets en plastique, qui s’effilochent dans les eaux, les pluies qui charrient des particules de diverses toxicités, des eaux du robinet qui contiennent des nitrates dans les régions d’élevage, les glaciers qui fondent, la banquise qui fond, des espèces animales disparues à jamais, une diminution des insectes, des oiseaux, des sols appauvris emportés par des coulées de boues d’orage, de nouvelles maladies sur certains arbres qui disparaissent, une recrudescence de tempêtes et ouragans dévastateurs, des inondations (le Var ça ne compte pas : déjà les manuels scolaires en faisaient état dans les années 50. C’est juste que des gens ont voulu quand y construire leurs baraques pour l’agrément), des scandales alimentaires, des scandales pharmaceutiques (indemnisés par l’état, càd nous), l’air surchargé de pollution, et la température générale qui augmente. Sur les continents moins privilégiés, du cyanure, du mercure, des tas de produits toxiques se répandent dans les sols, les cours d’eau. Les habitants sont chassés de chez eux ou meurent de ces pollutions. Dans les guerres, le niveau de violence et de cruauté ne cesse d’augmenter, enclenchant des répliques encore plus violentes et barbares.
Tout ça réuni fait que les conversations éclairées du GS sur Karl Marx et Trotski et les préconisations bienveillantes de madame Pénicaud sur les bienfaits de l’apprentissage et de Thierry Marx en banlieue (https://www.franceinter.fr/emissions/questions-politiques/questions-politiques-14-octobre-2018) sembleront d’une autre époque d’ici 5 ou 6 ans parce que le chaos général sera là pour tous en raison du bouleversement climatique. Chaque fois que je monte dans ma vieille bagnole diesel je me demande combien il me reste de temps pour profiter. Murielle Pénicaud est sincère, elle y croit à son échafaudage intellectuel validé par ses pairs du monde de l’industrie, un petit milieu préservé et bien-pensant, avec ses bonnes oeuvres. Elle est bien loin d’imaginer une quelconque catastrophe imminente. C’est pas prévu par ses circuits imprimés. Le monde va son train, comme à l’accoutumé.

14/10/2018 18:14 par babelouest

@CN
Si je comprends bien, nous sommes d’accord ! Les circuits très courts ont cet avantage de court-circuiter le capitalisme, de moins polluer, de favoriser des productions meilleures, de rendre les gens solidaires... c’est donc inacceptable !

Je ne vois vraiment pas ce que la "morale" vient faire dans cette galère (c’est( un mot que j’utilise très rarement).

Circuit court : co-voiturer par exemple pour aller discuter sur la ZAD de NDL, et en profiter pour passer par le non-marché pour ramener pain, légumes... pour peu qu’on leur apporte des trucs qui leur manquent, il n’y a même pas d’argent qui circule.

16/10/2018 09:17 par Assimbonanga

Je n’appartiens pas à la classe de " l’habituel public des salles de cinéma" et je verrai ce film que lorsqu’il sortira à la télévision. Est-ce que je perds beaucoup ?
Ne s’agit-il pas d’un passé recomposé à la mode du XXIème siècle ? Est-ce que les révolutionnaires y sautillent comme des supporters de match de foot ? Si c’est le cas, c’est un anachronisme.
Rappelons qu’en 1789, les cerveaux n’étaient pas équipés des mêmes circuits imprimés. Des animaux de basse-cour circulaient dans les rues sans asphalte, sans trottoirs, sans parcmètres, sans scooters, sans trotinettes, sans couloirs de bus, de tram, et sans feux tricolores. La catégorie "ado" n’existait pas. Pas de jeux vidéos, pas de cinéma hollywoodien, pas de Disney-land, pas de psychologues scolaires ni de ramassage scolaire, pas d’école bien souvent, pas de téléphones portables, pas d’appli, pas de cartes bancaires, pas de cannabis, pas d’héroïne, pas d’antibiotiques, pas de sécurité sociale, pas d’assurances complémentaire de santé, pas de française des jeux, pas de croisières costa, pas d’avions, pas de billets low cost, pas de ouigo, pas de métro, pas d’usines, pas d’emplois mais du travail, pas de syndicats, pas de télé, pas de Netflix, pas d’abonnement sportif à une salle de sport, pas de chèques vacances, pas d’électricité, pas de plaque à induction, pas de canapé, pas de chambres des enfants, pas de lait lactalis pour bébés, mais l’excommunication pour les artistes, l’Eglise au centre du village, le curé comme pivot de la société.
Purée ! Je n’en finis pas de trouver des exemples que le temps de la révolution est si révolu ! Comment un cerveau d’aujourd’hui peut-il réagir comme un cerveau de 1789 ? Comment peut-il ne pas concevoir l’action politique que comme un loisir qui n’impactera pas sa réservation pour les vacances à la neige et à la mer ?

16/10/2018 09:44 par Assimbonanga

J’en oublie un et pas des moindres : le GPS. Quel retentissement le GPS peut-il avoir sur les cerveaux citoyens ? Quel renoncement à s’orienter par soi-même, à visualiser une carte, un paysage ? Et bien sûr l’assistance en cas d’accident par "votre" assurance automobile. Oui, bien des différences entre l’équipement cognitif en 1789 et celui de 2018...

16/10/2018 20:04 par René Durand

@robess73
La réponse à ta question peut se trouver là :
www.communisme-bolchevisme.net/download/autres/La_grande_conspiration_contre_la_Russie.pdf
A partir de la page 90 (La cinquième colonne).
Mais la lecture complète de ce livre d’histoire immédiate est très fortement recommandée

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