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Djibouti, droits de l’homme et liberté de la presse en berne

L’opposition politique, à Djibouti, a retrouvé certains droits, à l’approche de l’élection présidentielle de 2016. Toutefois, les droits de l’homme en général, et la liberté de la presse en particulier, sont encore largement bafoués par le régime du président Ismael Omar Guelleh.

Comme chaque année, l’Organisation non gouvernementale (ONG) Reporters sans frontières (RSF) a publié, début février, son classement sur la liberté de la presse à travers le monde. De l’avis général, l’année 2014 ne sera pas à marquer d’une pierre blanche ; selon RSF, la liberté de la presse a même connu une « régression brutale » en douze mois. D’un côté, il fallait s’y attendre, certains pays, gangrenés et littéralement pris en otages par les diverses factions terroristes du globe – Nigéria par Boko Haram, Irak et Syrie par l’Etat islamique – affichent un piètre résultat. De l’autre, certains Etats, que la conjoncture géopolitique actuelle n’ébranle pourtant pas, se positionnent tout en bas du classement. 170ème pays sur 180 recensés par RSF : la République de Djibouti.

La presse djiboutienne muselée

La cité-Etat, ancienne colonie française ayant obtenu son indépendance en 1977, suit le mouvement général puisqu’elle perd une place entre 2013 et 2014. Depuis de nombreuses années, l’ONG est alarmée par la multiplication des arrestations arbitraires de journalistes et par les méthodes employées, de plus en plus violentes, par la police envers les professionnels du milieu. En 2013, RSF citait le cas de Moustapha Abdourahman Houssein qui, s’il n’était tragique, serait simplement grotesque : arrêté alors qu’il couvrait une intervention policière, il avait été relâché avant de se faire à nouveau arrêter le lendemain. D’après les membres de l’organisation, qui parlent volontiers de « harcèlement systématique », « le gouvernement ne se donne même plus la peine de dissimuler son intention de persécuter l’unique média indépendant du pays », la Voix de Djibouti. L’année dernière, l’arrestation arbitraire de Maydaneh Abdallah Okieh, technicien pour le compte de ce même média, avait suscité de nouvelles dénonciations de la part de RSF. Son unique faute : avoir couvert une réunion de la coalition des mouvements d’opposition, l’Union pour le salut national.

Une énième atteinte à la liberté de la presse qui avait entrainé Cléa Kahn Sriber, responsable du bureau Afrique de RSF, à se demander : « Le régime d’Ismael Omar Guelleh est-il si fragile qu’il ne peut supporter la moindre critique ? » Une interrogation qui se veut oxymore rhétorique, tellement le président de la République djiboutienne semble avoir la mainmise sur son pays. Elu en 1999 avec près de 75 % des suffrages, Ismael Omar Guelleh est réélu en 2005 puis en 2011, après que le Parlement a adopté une réforme constitutionnelle, lui permettant de briguer – et d’obtenir – un troisième mandat consécutif. Au cours de ses quinze années au pouvoir, celui qui milita farouchement pour l’indépendance du pays est régulièrement accusé de clientélisme, tandis qu’il développe une importante politique de privatisation, notamment celle du port autonome international de Djibouti. Mais les accusations se veulent aussi dirigées sur le terrain des droits de l’homme, dont les atteintes à la liberté de la presse ne sont qu’une illustration.

L’opposition politique toujours persona non grata

Le 10 décembre dernier pourtant, l’Etat africain célébrait, ainsi que le reste du monde, la journée internationale des droits de l’homme ; son président n’a à cette occasion pas manqué de défendre des « droits universels » qui ne sont pas des « valeurs uniquement occidentales ». Des déclarations, volontairement emphatiques, qui ne cachent toutefois pas la réalité de la situation.

Ce sont, en particulier, les droits de l’opposition politique qui sont bafoués au sein de la cité-Etat. Djibouti sort d’ailleurs d’une période de crise ouverte après que l’opposition, estimant avoir remporté les législatives de 2013, s’est vu contredite par le pouvoir en place. Un accord-cadre a été signé, en décembre dernier, entre celui-ci et l’Union pour le salut national (USN), coalition de sept partis d’une opposition « criminalisée », selon Abdourahman Mohamed Guelleh, secrétaire général de l’USN. « Aujourd’hui, c’est positif, nous avons retrouvé tous ces droits qui étaient bafoués, confisqués », estime-t-il. Avant de confesser qu’ « il reste beaucoup à faire... Nous restons bloqués sur un point : la liberté des médias. »

Malgré l’accord-cadre signé en décembre dernier, la situation politique du pays n’est pas pour autant pacifiée. Dans le viseur des observateurs : la présidentielle de 2016, pour laquelle Ismael Omar Guelleh n’a toujours pas dit s’il était ou non candidat. Dans la continuité du réchauffement des relations entre pouvoir en place et opposition, celle-ci souhaite simplement « qu’il mette en place une commission électorale nationale indépendante. Il faut que les élections se déroulent d’une manière transparente, honnête et libre », milite Abdourahman Mohamed Guelleh. A ce titre, l’opposition djiboutienne a sûrement accueilli l’élection de Muhammadu Buhari, au Nigéria, comme une nouvelle encourageante : l’alternance politique, en Afrique, est possible.

Sources

http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20150212130954/

http://fr.rsf.org/djibouti-les-arrestations-a-repetition-18-12-2013,45642.html

http://www.opinion-internationale.com/2014/12/22/djibouti-letat-de-non-droit_32247.html

http://www.rfi.fr/emission/20150420-abdourahman-mohamed-guelleh-j-espere-pouvoirs-place-vont-entendre-opposition-politique-isma%C3%AFl-omar-guelleh/

http://www.rfi.fr/afrique/20150403-nigeria-2-mois-attente-pouvoir-muhammadu-buhari-boko-haram-goodluck-jonathan/

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