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El Paà­s, un mythe qui tombe (La Jornada)

Cela fait déjà quelques décennies que le groupe de presse Prisa [« Promotora de Informaciones Sociedad Anónima »], propriétaire du journal [espagnol] El Paà­s, conglomérat culturel, idéologique et politique, qui compte aussi des hebdomadaires, maisons d’édition éducatives et littéraires, journaux sportifs, économiques, chaînes de radio et télévision, maintien une ligne éditoriale fondée sur la calomnie et la bassesse dès qu’il s’agit de traiter la réalité latino-américaine.

La publication en une d’une fausse photo du président Hugo Chavez faisant référence au « secret de la maladie de Chavez » et le montrant intubé et en état comateux, est accompagnée d’un article titré « La longue et obscure maladie du leader vénézuélien », dans la section internationale du journal. La décision de publier cette photo n’est pas un fait anodin. Ce n’est qu’une action parmi tant d’autres déployées par le réseau du groupe Prisa. Journaux télévisés, cercles littéraires, programmes radio, télévision, éditoriaux journalistiques, édition de livres. Le groupe peut compter sur tout un éventail d’universitaires, communicants, firmes littéraires et personnages du monde politique qui jour après jour confabulent à l’unisson pour créer le langage de la déstabilisation informative. Armés de la rumeur, de l’opinion, des imprécisions, des vulgarités et du secret professionnel, ils construisent un imaginaire dans lequel confluent la disqualification, la réécriture des faits et la manipulation informative au sujet des gouvernements latino-américains.

Quand au Venezuela, cela fait déjà plusieurs années que les équipes du groupe Prisa dépeignent le pays avec un scénario de chaos, de violence, d’ingouvernabilité, de quasi-guerre civile, où règnerait un autocrate. En tant que rappel, souvenons-nous du traitement journalistique des dernières élections présidentielles d’octobre 2012, pour lesquelles elles assuraient que les sondages donnaient un match nul ; aujourd’hui, les journalistes soulignent l’existence d’un vide légal au sommet de l’État, tout en parlant du secret médical entourant la maladie du président Hugo Chavez, traitée de façon obscène et sans aucun respect. Respect dont ils font preuve lorsqu’il s’agit d’informer sur l’opération à la hanche du roi [d’Espagne].

Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas de colonnes d’opinion dont les collaborateurs se retiennent d’insulter les chefs d’état qui ne sont pas du goût des actionnaires du groupe. C’est une ligne éditoriale échafaudée stratégiquement dans le but de soutenir ses alliés naturels. Au Mexique, Chili, Bolivie, Argentine, Colombie, Venezuela, ou la population hispanique de Floride. On trouve parmi ses invités habituels l’ex président du Chili Ricardo Lagos, l’espagnol Felipe Gonzalez, l’uruguayen Julio Marà­a Sanguinetti , le costaricain Oscar Arias et quelques fils de tel que Alvaro Vargas Llosa, ou bien des idéologues comme le mexicain Enrique Krauze ou le vénézuélien Teodoro Petkoff. Tous, sans aucune exception, dirigés par Juan Luis Cebrian, qui a été rédacteur en chef durant la dictature du journal du mouvement Pueblo, et ensuite rédacteur en chef des infos à la Radio et Télévision Espagnole durant la dernière étape du franquisme. Son prestige le mène à être nommé directeur de El Paà­s, nouveau journal étendard de la réforme politique et infatigable défenseur d’Adolfo Suarez. Il occulte son passé. Aujourd’hui, Juan Luis Cebrian reçoit comme récompense pour ses loyaux services à la monarchie une chaire dans l’Académie Royale de la Langue et participe au passage aux réunions du groupe Bilderberg. De goûts raffinés, il présume être un démocrate depuis toujours. Pourtant, ceux qui le connaissent savent que c’est un anticommuniste viscéral, ce que je peux moi-même certifier.

Mais retournons à la réputation non fondée du journal El Paà­s. Durant ses premières années d’existence il fut le portevoix de la droite moderne, ceux-là même qui avaient rejoint la mission de réformer le franquisme. De vieux phalangistes tiraient les ficelles. Etant donnée la censure et le manque de liberté d’expression de l’époque, sa parution a été perçue comme le coup d’envoi de la liberté de la presse. Des journalistes latino-américains renommés ont publié dans ses pages : Gregorio Selser, des poêtes et écrivains comme Mario Benedetti, Julio Cortazar, carlos Fuentes ou Gabriel Garcia Marquez. Ce fut une bouffée d’air frais. C’était une autre époque. Celle de la guerre froide. Le groupe Prisa a compté sur ces plumes pour projeter une image de soutien vers le continent latino-américain et ses luttes démocratiques. Très vite, cette vision idyllique s’est diluée. Dès le début des années 80 le journal avait mis de côté ses collaborateurs et journalistes engagés, démocrates radicaux et de gauche. Le journal a tourné son regard vers la droite latino-américaine. Les multinationales Telefonica, Repsol, Iberdrola, Endesa, Santander, BBVA, sont devenus ses alliées. L’Espagne poursuivait la seconde colonisation. Le groupe Prisa prenait les devants.

Avec le gouvernement du PSOE, l’amitié entre Polanco et Felipe Gonzalez transforme les pages d’El Paà­s en portevoix de propagande de ses politiques. Durant les années 90, beaucoup de plumes, désillusionnées par la nouvelle tournure éditoriale que prend le journal, décident de se retirer. Entr autres, Antonio Gala, un des plus grands écrivains du XXème siècle en Espagne. De la même façon, Mario Benedetti décide de mettre un terme à sa collaboration avec le journal, en constatant la dérive néolibérale qu’assume la direction après sa polémique avec Vargas Llosa.

El Pais a publié des reportages manichéens sur l’Amérique latine, dans lesquels on ne trouve pas le moindre gramme d’éthique, de travail bien fait ou de responsabilité professionnelle. Après la publication d’une fausse photo du président Chavez et d’une information manipulée, le minimum que pourrait faire sa direction, s’il lui reste un peu de dignité, serait de remplacer son responsable international ou de demander sa démission. Mais je crains que ce ne sera pas le chemin choisi. Dans quelques jours ils réattaqueront de plus belle. El Pais ne s’est jamais compromis avec les causes démocratiques de l’Amérique latine, et ne le fera jamais. Son histoire le prouve.

Marcos Roitman Rosenmann

Article original : El Paà­s, un mito que se cae (espagnol)

Source : La Jornada (Mexique) http://www.jornada.unam.mx/2013/01/27/opinion/022a1mun

Traduction pour LGS : Luis Alberto Reygada

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