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« Eloge des frontières » ? … Bien plus que cela !

Un nouvel essai de REGIS DEBRAY est presque toujours un de ces petits évènements qui nous stimule dans notre prêt à penser, en bousculant quelques préjugés que nous pensions ne pas avoir.

Tout cet ouvrage est bien plus qu’un traité utile à une réflexion géopolitique pour mieux comprendre le monde.

C’est un essai bien plus profond qui replace le débat entre le JE et le TU et les ILS à un niveau dont il n’aurait jamais du être écarté.

Cet éloge des frontières est d’abord une réhabilitation de l’altérité.

Un nouvel essai de REGIS DEBRAY est presque toujours un de ces petits évènements qui nous stimule dans notre prêt à penser, en bousculant quelques préjugés que nous pensions ne pas avoir.

Ce trublion mal aimé de certains qui, de son parcours ne voient que le glissement des geôles de Bolivie après le compagnonnage de "Danton’, son nom de clandestinité avec le "CHE’, vers les parquets vernis de la Mitterandie, perçu comme une trahison suprême, sait pourtant nous montrer qu’il sait rester un homme libre à la pensée féconde et courageuse.

Rien chez lui de cette obsessionnelle fixation sur des phobies simplistes qui rendent la pensée de quelques "nouveaux philosophes’ aussi immaculée en matière de production de concept que leur blanche chemise. Chez Régis Debray ce sont ses propres "amis’ qui sont souvent interpellés et poussés à revisiter leur propre chemin mental. "Seule la vérité est révolutionnaire’ disait Lénine et Régis Debray qui ne se revendique plus de cet héritage en a conservé pour l’essentiel ce message. A sa manière il réintroduit partout chez les dogmatiques de la "pensée complexe’. Il revisite le "sacré’ pour nous en faire comprendre et tolérer les déclinaisons profanes autant que religieuses. Il revisite le "moment fraternité’ pour nous guérir de nos illusions d’un simplisme militant sans nous désespérer ni nous faire perdre le sens profond de la justice. Il nous accompagne à "Jérusalem’ avec le regard de l’agnostique qui ose encore dire la séduction et l’importance du lieu, mais dans une adresse qui suit combien le sionisme n’est pas un humanisme mais son contraire et combien la spiritualité a des ressources ici foulées aux pieds. Il nous fait entrer en "médiologie’ comme on entre en cure analytique pour tout redécouvrir de nos perceptions et de ce que l’on pensait être "soi’.

ELOGE DES FRONTIERES

Son dernier détour nous oblige à affronter « les frontières », de nous même et du monde (1). Sa vision est comme toujours "ontologique’, au-delà de la pensée commune, au-delà de l’historique profond, irrespectueuse par essence de toute bien pensance. Sans se vouloir iconoclaste son propos nous écarquille la pensée pour nous éblouir de quelques évidences dont nous ne nous séparerons plus.

Il faut lire "Eloge des frontières’ présenté par l’éditeur Gallimard avec un bandeau "Un Manifeste’. Je ne tenterai pas un résumé, moins encore une synthèse, laissant à chacun la découverte décoiffante et parfois jubilatoire du contenu. Mais comme après chaque essai de l’auteur me vient une envie de digression de ma pensée qui accompagne et prolonge celle de Régis Debray, parfois sur un chemin qu’il n’avait pas emprunté lui-même mais qui semble s’ouvrir comme une évidence. La pensée interpellée du lecteur qui se prolonge lorsque se tourne chaque page et encore après la dernière est aussi la preuve d’un travail qui s’adresse à chacun et ne se contente pas de refléter un ego bien plus modeste que le pensent ceux qui confondent une clairvoyance avec une prétention.

Je suivrai un peu, respectant la cohérence de l’essai, sa chronologie ; mais seulement pour amorcer des réflexions complémentaires qui sont autant de pistes sur des chemins de traverse ; sans douter qu’un autre lecteur puisse aller vers d’autres directions.

Aucun de mes écarts ne s’éloigne durablement, je crois, de la pensée de l’auteur ; il n’est qu’un contours qui y ramène, parfois modestement avec une illustration supplémentaire ou une "question’ osée issue d’un autre héritage que le sien. Ce sont ces digressions que je formule ici, relatives surtout à la première moitié de l’ouvrage, sans doute mieux compréhensibles par ceux qui auront lu l’essai car je ne peux en reproduire toute la teneur. Ces remarques sont celles d’un simple lecteur qui s’est laissé entraîner par l’auteur là où je crois qu’il nous invite tous.

UNE ABSURDITE NECESSAIRE

L’ouvrage s’ouvre sur une citation de Ludwig Feuerbach au sujet de ce que serait une "individualité unique’ et qui nous pousse vers le chemin choisi pour nous dépasser nous même… Et pour éviter "La fin du monde’…

Il y a du "provocateur’ chez Régis Debray, mais sans malice ni aigreur. Le titre choisi "Eloge des frontières’ se précise "A contre-voie’ dans le premier chapitre, parlant de cette "Idée bête qui enchante l’Occident’ d’une pensée qui a "pignon sur rue’ et arbore l’étiquette "Sans frontière’… Pensée ramenée a sa dimension "d’illusion’ en quelques pages.

Il est précisé et c’est important que ce texte est en fait une conférence faite à TOKYO devant un auditoire Japonais qui a eu ici le privilège de découvrir ce que je crois être une part du meilleur de la "pensée française’.

Je veux dire par là que cette pensée ose questionner, ose "déconstruire’ comme le faisait Jacques Derrida, ose complexifier sans se décourager comme le fait Edgar Morin. Elle ne se réduit pas à un académisme reproductif des aveuglements antérieurs. Nous sommes aux antipodes de cette pensée lisse si chère à nos plateaux télévisés où chacun se reconnaît dans le bon sens de celui qui encense sa médiocrité, au bénéfice de l’audimat et au désespoir de ceux qui voient que l’entreprise nous enfume et nous abaisse. Régis Debray fait "de la pensée’ comme Walter Benjamin faisait de l’histoire : "A rebrousse poil’. Il se reconnaît lui-même une filiation dans Edouard Glissant, le "Poète du tremblement et de la relation’ et, sans évoquer la psychanalyse il affirme "Renoncer a soi même est un effort assez vain ; pour se dépasser mieux vaut commencer par s’assumer’.

De l’Amérique aux rues "numérotées’ sans nom, il passe à la frontière qui est "D’abord une affaire intellectuelle et morale’. Nous comprenons que le vaste empire aux rues chiffrées est trop pauvre en histoire par rapport à l’ancien monde pour trouver un sponsor à chaque ruelle et cette donnée est d’importance pour comprendre l’approche du monde venue du même empire. La frontière s’inscrit comme "signe’, là où l’animal ne laissait que des "traces’. Il est d’emblée dans le refus de la pensée binaire, celle qui préfère le "non humain’ à l’humain et légitime les barbaries modernes.
Il conclue ce premier chapitre sur "L’histoire longue des crédulités occidentales’ et sur "Le hiatus entre notre état d’esprit et l’état des choses’.

Il ne le dit pas ainsi, mais il pose déjà l’idée possible que la construction intellectuelle de "La frontière’ ait quelque chose à voir avec la construction du "JE’, du "TU’ et des "ILS’. Une interrogation apparaît qui serait : Vivons nous un temps inachevée de l’altérité ? Qui est ce "je’ qui reste entaché d’une défiance, qui suscite cette envie de "séparation’ ?

En même temps que la "reconnaissance de soi’ apparaît, s’impose, l’évidence d’une "différence’ qui se recherche un signe symbolique, une limite entre le "je’ et les "tu’ et "ils’…
Au-delà de cette différence d’abord subjective interviendra chez l’être humain "social’ par nature l’idée de la protection non plus du "sujet’, mais de ses "biens’ et "avoirs’ qui font la "propriété privée’. L’idée de frontière entre très tôt dans le Droit pour séparer aussi le "a moi’ du "a toi’. Toutes ces invisibles frontières juridiques cloisonnent notre réel de mille états de faits qui protègent nos biens, notre enclos, notre famille…
Régis Debray ne fait pas cette digression mais parle de cette "Absurdité très nécessaire…qui a nom frontière’.

UNE AFFAIRE DE PEAU ET DE SACRE

Le médecin que je suis, chirurgien de surcroît, a été subjugué que l’auteur songe avant tout autre développement inscrire son chapitre deux sous le titre : "Au début était la peau’.

Cette part du réel qui sépare notre dedans du dehors et fait partie de nous. Cette "première frontière’ incorporée à l’essence de notre être est celle à laquelle nous ne songeons peut être pas alors qu’elle nous enferme et est notre apparence même.
Le médecin sait que cette membrane est bien plus qu’une enveloppe. Chacun a pu vivre ou connaître l’émotion de la vue du sang qui s’écoule d’une plaie même bénigne ou la terreur phobique de l’intrusion d’une aiguille ; ce dedans qui s’écoule ou ce dehors qui s’introduit est vidange ou effraction qui attente à notre intégrité mais plus encore a notre identité symbolique, même sans véritable danger objectif. "Défendre sa peau’ est bien l’expression la plus courante utilisée face au danger, pas défendre son coeur son cerveau son poumon ou ses tripes !

Je crois aussi que la peau est ce rivage visible du "continent inconnu’ de chacun. Ce rivage est notre seule perception du "TU’ et celle que l’on donne de son "JE’. Elle est la frontière par excellence, celle qui ne se peut connaître que par les sentiments qui en dévoilent l’arrière pays ; celle qui peut s’offrir ou se rendre désirée accueillante, pénétrée même dans son langage sexué, mais qui gardera toujours ses mystères.
La peau n’est pas emballage, elle est organe de la séduction et de l’émotion aussi qui peut en modifier couleur température ou sécrétion. Le langage de la peau s’accepte universel par la caresse donnée ou reçue présente déjà chez l’animal ; usage aussi de communication entre homme et animal. Ce langage transcende toutes les différences et même l’ignorance de la langue ou la pauvreté des mots. Cette belle frontière est notre premier organe communiquant !

Pour complexifier notre "affaire de peau’, la sacralisation du corps humain qui alimente notre pensée éthique même profane a quelque chose à voir avec l’idée de la mort, avec l’inconnu, avec la peur aussi. C’est bien notre "frontière existentielle’ que l’éthique se propose de protéger.

Notre modernité tend à désacraliser le corps qui s’offre ou s’exhibe et même le mental qui se dévoile sur des blogs ou réseaux sociaux. Peut être le médiologue Régis Debray nous dira t-il un jour si ces phénomènes peuvent être interprètes comme une révolte contre la sacralisation du corps ou comme le désarroi de sa perte. Il s’agirait alors d’une "révision en baisse’ du concept du "JE’ dans un univers qui se croit individualiste, mais s’auto dévalorise et peut être par incidence d’une dégradation du "tu’ et du "ils’ devenus moins signifiants.

L’approche ou la violation de cette "frontière’ répond aussi à ce que notre mental et notre morale construit "d’autorisé’ ou "d’interdit’. Ce symbole de nous est essentialisé, sacralisé dirait peut être Régis Debray qui remonte aux "Légendes fondatrices’ pour situer cette "démarcation’.

Il ne l’extrapole pas mais la première "démarcation’ c’est aussi l’affirmation de la "possession’ : "Sa’ peau d’abord, et bientôt son objet, son gibier, son arme, sa femme ( ?), sa maison, son champ, son troupeau, son patrimoine… Autant d’extensions consacrées par la déclaration universelle des droits de l’homme qui inscrit ce "moi possessif’ comme maître légitime d’une part du réel qui l’entoure. La "propriété privée’, aggravée par le "brevet’ qui interdit même l’imitation proclamée illicite et s’approprie au nom de la seule antériorité la pensée elle-même, n’est rien d’autre qu’une extension de la frontière du "JE’ englobant une matérialité extérieure à elle-même.

Régis Debray plonge lui dans la Genèse : "Dieu sépara la lumière de la ténèbre’ et poursuit cette lecture des partages. D’autres philosophes mettront la première frontière, la première différenciation entre "L’être et le néant’. Régis Debray affirme "Ce sont toujours les prêtres qui fixent les frontières. Ou les juges, nos prêtres laïcs’. Il rappelle que "Le suprême arbitrage fait passer l’arbitraire’.

Ainsi posée, l’idée de frontière apparaît non pas comme la positive affirmation d’une identité mais comme fille de la peur d’une intrusion ou d’une dépossession. Une affaire de peau en somme…

Par extension et incidence la frontière fonde et délimite toujours un "pouvoir’ comme le développera aussi Michel Foucault ; elle use du symbolique pour fonder des privilèges et parfois des oppressions. Et Régis Debray rajoute "Quand ce n’est pas évident, il faut du transcendant’ ( !) Et "C’est par la frontière que le politique rejoint le religieux’. On retrouve une part de ces réflexions dans un autre de ses essais sur "Le sacré’ et sur la "Clôture’ ou "l’enceinte’ qui caractérise tous les lieux dédiés.

Il ne dit pas si selon lui les premiers rites "animistes’ participaient déjà à la délimitation des frontières. Mais on retiendra que presque chaque peuple dans les temps anciens usait de la peinture corporelle, sur "peau’, langage comme un "tag’ sur cette frontière singulière, pour infléchir son paraître, comme le poursuivent nos tatouages contemporains. On pourrait interroger concernant la limitation des territoires l’oeuvre de Lévi Strauss qui semble avoir rattaché les premiers rites décrits au "sujet’ ou aux morts, sans que la référence à l’affirmation du "territoire’ y soit explicitement mentionnée, sauf pour la sacralisation des lieux de conservation des dépouilles dont les enceintes pouvaient être décrétées inviolables ou l’approche sacrilège. Il serait intéressant d’explorer la compréhension dans l’histoire humaine du "passage entre les rites et la possession’ et combien la mise en scène rituelle a pu servir ce dessein.

Régis Debray "n’exonère pas " le sacré et semble même l’accabler lorsqu’il dit " Il n’y a qu’un invariant…c’est l’indexation du niveau de sacralité sur le degré de fermeture’ et il prolonge l’exploration des racines hébraïques, musulmanes et chrétiennes de l’idée de "séparation’. Il ironise un peu sur "Jésus notre sauveur : La carte vitale du chrétien. Son baptême, un billet de tombola pour la vie éternelle’.

On pourrait poursuivre en admettant que c’est parce que le sacré est une "idée’ , une représentation "virtuelle’ dans une échelle de valeur subjective, que le sacré justement a besoin d’inventer les symboles matériels, les temples et les dogmes qui voudront "sécuriser l’idée’, écarter les doutes. On rejoint ici, au-delà et en dedans de "la peau’ de chacun l’idée que par le sacré le "JE’ se protège d’être jugé par le "tu’ ou les "ils’ en se donnant "sa’ référence exclusive.

Mais on peut aussi penser que le sacré serait comme un mode d’adaptation "darwinienne’ à la prise de conscience de la finitude dans notre espèce. La sacré habitait déjà le chamanisme et envahira toutes les religions jusqu’à chercher une légitimation dans l’idée de "transcendance’. Par le sacré l’homme se donne à lui-même le plus cruel et le plus intransigeant des maîtres, qui s’infiltre entre le "JE’ et le "tu’ ou les "ils’, pour y fonder, y dicter parfois une intolérance. Le sacré participe à construire une représentation de "soi’ qui est un défi à l’altérité.

Régis Debray fait rimer "culture et clôture’ pour dire la diversité des styles de séparation. Cela nous rappelle que la construction du "Je’ est variable dans chaque culture : Ainsi la cloison de papier japonaise est d’abord "pudeur’ mais elle n’est pas muraille insonorisée qui est chez nous une exigence d’intimité, cela n’empêchant pas le "Je’ de s’affirmer dans l’un et l’autre cas. De même l’habitat japonais connait une alcôve dans la salle de séjour dédiée au "beau’, comme un espace sacralisé qui fait entrer dans l’habitat une part de la nature extérieure à la frontière de papier.

Le "Je’ et le "Tu’ sont des produits culturels aux déclinaisons variables qui peut être invalident une définition univoque occidentale de l’altérité. Il faudrait confronter Levinas aux poètes japonais, aux sages chinois ou hindous pour y découvrir la diversité des langages qui du "visage’ de l’un interpelle "la peau’ de l’autre.

Régis Debray dira "Là où il y a du sacré il y a une enceinte, et là où il y a une enceinte il y a de la vie’. J’ignore si la lecture "Lacanienne’ de la relation entre enceinte et vie est voulue, mais la suite du propos et une digression sur l’attitude des nazis face aux prisonnières porteuses de grossesses dont l’exécution était retardée jusqu’à l’accouchement semble le démontrer.

Dans le constat qu’il est "Normal de protéger le circonscrit qui nous protège’, c’est-à -dire en quelque sorte de sauver notre peau, Régis Debray semble prolonger l’exposé qui dans son "Moment fraternité’ semblait être un discours du désenchantement. Il en déduit cette "Sage humiliation : Celle de ne pas être partout chez elle’. Il évoque un "Enserrement (qui) vaut résilience’. En revenant sur "la peau’ il cite Paul Valéry :’Ce qu’il y a de plus profond chez l’homme, c’est la peau’.

Il dit aussi : "Survivre c’est sauvegarder ses plis et replis’, pour "Prévenir l’aplatissement du corps…l’ennuyeuse surface plate ’… On songe ici à l’importance des "plis’ dans le développement de la pensée de Gilles Deleuze. Lorsque Régis Debray évoque un "Sans intérieur ni extérieur, ni muqueuse entre les deux’ Il laisse penser que c’est de sexualité qu’il parle, cette manière de corps qui mobilise les plis les orifices les profondeurs et les muqueuses, jusque vers l’intérieur de soi, lorsque s’ouvre cette "frontière’ de l’être .
Ainsi l’amour est ouverture de frontière. De façon plus universelle c’est en fait de Vie qu’il s’agit car la biologie nous enseigne que tout processus de fécondation reproduit la traversée d’une "frontière’, celle du spermatozoïde pénétrant un ovule a son équivalent dans toute la sphère du vivant végétal ou animal. Le coït est avec mille variantes de fécondation un universel biologique qui aborde et traverse toujours une frontière.

Juste perception dés lors de Régis Debray qui nous ramène à la "matrice’ primitive par ce "Ou étions nous mieux nourris, logés, chauffés, blanchis et protégés que dans cette maison de poupée…ou nous avons passé nos deux cent soixante et dix premiers jours… ?’.
Dire cela c’est aussi faire que s’impose une "première traversée de frontière’, celle de "l’origine du monde’ de Courbet ; avec Freud sera établie l’importance de l’évènement car c’est toujours ce passage qui sera mis en scène au long de la vie.

Et Régis Debray amorce ainsi la suite de sa démonstration : "La peau est aussi loin du rideau étanche qu’une frontière digne de ce nom l’est d’un mur. Le mur interdit le passage ; la frontière le régule’. Nous percevons et retenons d’emblée que la frontière est à la base de la vie dont elle est un invariant ; il dira plus loin qu’elle permet "L’échange avec le milieu, terrestre, maritime, social’

Parvenu à ce stade de transmission du concept de frontière Régis Debray nous a montré que la peau n’est pas un sac ni un mur mais un organe communiquant à part entière. On se souvient que dans "Goldfinger’ une femme était morte d’avoir été peinte d’or obturant tous ses pores ; Régis Debray semble promettre le même sort à ceux qui confondent l’organe de l’échange avec la muraille de l’isolement en construisant des "murs’. Il sait que chaque membrane biologique connait ses temps de "systole, diastole, fermé, ouvert’ qui sont les conditions de la vie même. Il dira : Pour que "Thanatos ne l’emporte pas sur Eros’ à la fin de son chapitre sur "la peau’.

Sa réflexion englobe aussi l’idée que "La frontière a changé de sens et de forme au cours des siècles… D’abord intangible… (devenue) non univoque’. La suite de l’ouvrage tentera répondre a des questionnements majeurs de notre temps : La frontière fige t’elle le présent ? Traduit elle une crainte de l’avenir ? La civilisation serait elle le temps qui efface les peurs ? Entre civilisation et barbarie quel rôle joue "la frontière’ ? Quelle sorte de frontière ? Le barbare est il celui qui est de l’autre côté ou celui qui craint sa venue ? Cette approche nous renvoie aussi à Tzvetan Todorov dans « La peur des barbares - Au-delà du choc des civilisations » qui semble avoir tranché ce dilemme.

La frontière interpelle aussi la Liberté de celui qui pense être protégé par elle. Elle sépare le "Je’ du "Tu’ et consacre au fond une vision déterministe des êtres réduits à être "nés quelque part’ en refusant l’acceptation du hasard qui nous fait tous égaux mais différents.

LA SEPARATION ET L’ALTERITE

Les chapitres ultérieurs tout aussi enrichissants préparent la conclusion que le lecteur découvrira. Il comprendra au passage le pourquoi de "La misère mythologique de l’éphémère Union Européenne’ et s’ouvrira a ce qui "Enchante’ ou "Ré enchante’ selon Régis Debray… Il reprendra vers la fin de l’ouvrage l’image de la "peau’ pour dire le rôle des "interfaces’ et que "Notre intimité s’exhibe par l’épiderme’.

Son dernier chapitre débouchera sur "La loi de séparation’ pour démontrer que "L’indécence de l’époque ne provient pas d’un excès, mais d’un déficit de frontières’. Il décrit les dilemmes irrésolus et que "Les intégrismes religieux sont la maladie de peau du monde global’ et que "Le monde entier devient une zone irritable’. Il accuse "Le narcissisme des petites différences exacerbé par la communication en temps réel (qui) engendre des paranoïa éclair’. Son analyse renforce "l’illusion du sans frontiérisme’.

Mais sa projection sur l’avenir est sans ambiguïté : "La mixité des humains ne s’obtiendra pas en jetant au panier la carte d’identité, mais en procurant un passeport à chacun’ ; lorsque les frontières seront "loyales’ et à "double sens’, attestant que "L’autre existe pour de vrai’.

Tout cet ouvrage est bien plus qu’un traité utile à une réflexion géopolitique pour mieux comprendre le monde.

C’est un essai bien plus profond qui replace le débat entre le JE et le TU et les ILS à un niveau dont il n’aurait jamais du être écarté.

Cet éloge des frontières est d’abord une réhabilitation de l’altérité.

Cet autre qui est parfois si différent d’apparence et de culture mais qui "existe pour de vrai’ est notre semblable dans sa demande de respect autant que dans son aspiration et son droit à franchir, si il le désire, des frontières "Reconnues (qui sont) le meilleur vaccin possible contre l’épidémie des murs’ nous dit Régis Debray.

Jacques Richaud 11 janvier 2011

(1) Eloge des frontières - Régis Debray, Ed Gallimard 2010.

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COMMENTAIRES  

24/01/2011 18:51 par Serge Charbonneau

L’éloge de l’éloge.
Éloge de l’auteur.
Éloge à n’en plus finir.

« Ces remarques sont celles d’un simple lecteur qui s’est laissé entraîner par l’auteur là où je crois qu’il nous invite tous. » J. Richaud

Suite à la lecture du texte promotionnel de Monsieur Jacques Richaud, je pourrais utiliser la même formule que lui en la modifiant légèrement pour introduire ma critique.

« Ces remarques sont celles d’un simple lecteur qui NE s’est PAS laissé entraîner par l’auteur là où je crois qu’il nous invite tous. »

Ce texte, pire que de la promotion de livre, c’est de la promotion de la pensée.
Et lorsqu’on dit pensée, il serait plus juste de dire de « LA » « Vérité », celle avec le grand « V ».

La Vérité découverte par cet homme (R. Debray) presque pape infaillible tellement sa logique et surtout son long parcours allant du Che ( Le « rôle positif » de Régis Debray en Bolivie et en Haïti ) en passant par Fidel jusqu’à sa rencontre avec la lumière qui l’entraîna à participer à l’expulsion d’Aristide en Haïti.

Un personnage de "gauche" (???) qui a vu la lumière de la droite (depuis longtemps) et qui maintenant, est dans le "bon" chemin, et même mieux, il est dans le « seul » chemin que l’étude, l’expérience et la profonde réflexion nous indiquent. Bref, cet homme d’une humilité supérieur, nous indique la voie de la Vérité.

Un éloge « indémontable », le critiquer nous mène directement au bucher.

Lorsqu’il n’y a que de grandes qualités appuyées par un magnifique CV et que tout est trop parfait, lorsque les gens possèdent « LA » Vérité qui leur permet d’affirmer sans démontrer, j’ai beaucoup de difficultés à m’incliner pour leur baiser les pieds ou quelqu’autres parties.

Mon commentaire est très dur (et je l’assume) car je trouve « révoltant » ce ton hautain qu’on certaines personnes pour entraîner de façon démagogique les gens à voir le monde à travers leur propre vision. Régis Debray est un de ceux qui maîtrise à merveille la prestance et le ton pour dire souvent des absurdités bien emballées. Ses emballages éblouissants nous entraînent vers des jugements et des conclusions néolibérales et libre-échangistes. C’est un maître en la matière.

Les pensées de R. Debray :

- « Absurdité très nécessaire…qui a nom frontière »

- « Ce sont toujours les prêtres qui fixent les frontières. »

- « l’idée de frontière apparaît… comme fille de la peur »

- « Ainsi l’amour est ouverture de frontière. »

- « tout processus de fécondation reproduit la traversée d’une "˜frontière » ,

- « "˜La peau est aussi loin du rideau étanche qu’une frontière digne de ce nom l’est d’un mur. Le mur interdit le passage ; la frontière le régule’. Nous percevons et retenons d’emblée que la frontière est à la base de la vie dont elle est un invariant ; il dira plus loin qu’elle permet "˜L’échange avec le milieu, terrestre, maritime, social’ »

« Régis Debray nous a montré que la peau n’est pas un sac ni un mur mais un organe communiquant à part entière. On se souvient que dans "˜Goldfinger’ une femme était morte d’avoir été peinte d’or obturant tous ses pores ; Régis Debray semble promettre le même sort à ceux qui confondent l’organe de l’échange avec la muraille de l’isolement en construisant des "˜murs’ »

Ce délire verbeux où les intellos se baisent mutuellement les mains et bien autres choses, ne sert qu’à patiner vers la fameuse "ouverture" qui est présentée comme étant la voie saine et même salutaire pour le monde dans lequel nous baignons.

Régis Debray avec ce sérieux qui fait peine à voir, nous "démontre" (sic) avec références "recherchées" et profondeur factice que notre salut, le salut de toutes les nations, résident dans l’ouverture des frontières (sans le dire : économique, bien entendu). Cet « Éloge » (sic) des frontières est très clair. Avec un tricotage serré de mots recherchés et de tournures altières, Monsieur Debray, du très haut de sa réputation nous livre cette bonne parole de l’école néolibérale.

La frontière fige t’elle le présent ? Traduit elle une crainte de l’avenir ? La civilisation serait elle le temps qui efface les peurs ? Entre civilisation et barbarie quel rôle joue "˜la frontière’ ? Quelle sorte de frontière ? Le barbare est il celui qui est de l’autre côté ou celui qui craint sa venue ?

Ces questions-réponses utilisent les thèmes payant pour le libéralisme économique et éreinteur pour le nationalisme protecteur. « Nationalisme protecteur » est devenu synonyme de xénophobie, même de racisme. On parle de fermeture aux gens, aux cultures, aux immigrants, en se gardant de mentionner le recul des valeurs comme celles de la séparation entre la religion et l’État ou encore de l’égalité entre les Hommes et les Femmes.

Debray se place sur la sphère de l’intello intouchable, donc inattaquable et il nous livre le discours démagogique servant à faire avaler de force ces lois du libre-marché obligatoire qui force les gouvernements à l’austérité imposée par le FMI, la BM et l’OMC.

Ce discours profondément intello et faisant des pas de valse avec le l’historico psychologique et la récupération des idées philosophiques se blinde par un habile tricotage bien serré. Il faut rendre à César ce qui lui revient, R. Debray est un artiste pour dire « pas beaucoup » avec une verve tape-à -l’oeil formidable.

D’un même souffle recherché, il démontre tout et son contraire. Régis Debray peut alors utiliser les "tournures" de son texte en les interprétant dans tous les sens. Autant pour faire valoir le blanc que le noir ou les frontières ou leur ouverture.

Éloge des frontières aurait pu s’appeler « La meilleure vaccination contre l’épidémie des murs’ ou « Le grand mal des frontières »

Serge Charbonneau
Québec

24/01/2011 19:04 par Sierra

Je ne peux plus regarder Debray sans lunettes de soleil tellement ses pompes brillent.

24/01/2011 20:41 par Serge Charbonneau

Monsieur le pseudonyme sierra, m’a vraiment fait sauter les épaules et taper sur les cuisses lorsque j’ai lu sa remarque :


« Je ne peux plus regarder Debray sans lunettes de soleil tellement ses pompes brillent. »

Bravo.
J’aimerais avoir ce talent de n’utiliser que quelques mots bien "punchés" pour dire tout, et ce, avec esprit.

Serge Charbonneau
Québec

24/01/2011 21:42 par Alma

Régis Debray a été accusé par la fille d’Ernesto Che Guevara, Aleida, dans une déclaration au quotidien argentin Clarin, d’être à l’origine de la mort de son père en Bolivie en octobre 1967,

Réaction de Régis Debray : "Aleida Guevara agit en service commandé et la cochonnerie stalinienne ne m’inspire plus qu’une ironie triste"

Il s’est refusé à commenter l’accusation d’Aleida Guevara.
"Je suis maintenant un intellectuel à temps plein, la page politique est tournée"

(Hum... Est-ce si sûr ?)

Aleida Guevara ; ""Si à sa sortie des prisons boliviennes, il avait déclaré ce qu’il pense en ce moment, il faudrait respecter son opinion. Mais, 29 ans après la mort du Che, comment peut-on croire ce qu’il écrit dans son dernier livre ?"

Dans son livre, Régis Debray qualifiait notamment le Che de "cruel, fanatique et despotique".

http://www.republique-des-lettres.fr/740-regis-debray.php

24/01/2011 23:09 par JACQUES RICHAUD

SANS SURPRISE ….DETESTER REGIS DEBRAY ……..

Aucune surprise dans le commentaire de Serge Charbonneau. J’attendais des "˜réactions’ de ce genre ou pire encore. Celle-ci se veut "˜dure’ comme une condamnation sans appel de l’auteur modeste de ces lignes et plus encore du personnage Régis Debray au travers de son récent essai.

Je parlais de ces "˜Préjugés que nous pensions ne pas avoir’ et que Régis Debray "˜bouscule’… Merci d’avoir si magistralement illustré l’introduction de mon propos ! En plein dans le mille ! Rien ne permet de certifier, il ne le dit pas, si le commentateur a ’lu’ le livre ou seulement consacré un temps à le "˜démolir’ au travers du commentaire que j’en ai proposé… Cela n’est pas si important car lorsque la phobie précède la pensée celle-ci est aveugle.

Plus sérieusement le contradicteur, qui pourtant fait de citations multiples de mon article la substance de son commentaire, oublie de citer deux choses :

 La première est que ce que je présente comme une "˜digression’ par des "˜chemins de traverses’ qui sont "˜les miens’ est présenté aussi par moi avec cette nuance essentielle : "˜Sans douter qu’un autre lecteur puisse aller vers d’autres directions…’ Si il se laisse tenter par mon "˜invitation à découvrir’… Oui, aux antipodes de "˜La’ vérité qu’il m’est reproché de vouloir imposer, une invitation à ce que chacun se fasse plus riche de découvrir la sienne. Occulter cela qui était dans mon préambule semble , mais à tort, fonder le procès d’intention un peu fielleux et dérisoire qui suivra, chacun appréciera…Mais peu importe au fond la considération ou pas de ma personne autour d’un tel sujet.

 La seconde omission porte sur l’essentiel qui est la lecture que "˜je’ fais de "˜l’altérité’ qui me semble représenter le thème central de cet essai. Cette réflexion, dans une présentation par Régis Debray assez "˜originale’ que j’ai salué m’est apparue o combien nécessaire et je l’ai reconnue pertinente. Nous sommes en un temps ou le "˜mur’ mental de beaucoup d’entre nous, la "˜pensée formatée’ qui s’enseigne depuis les écoles jusqu’aux facultés, relayée et confortée par nos medias, est une entrave à nos perceptions les plus nécessaires. Nous portons nombreux des préjugés ethnico religieux, des peurs phobiques que nous croyons constitutives de notre identité même. Nous sommes dominés par la pensée binaire qui est la seule base ayant rendu possible le choc des civilisations qui nous mène au bord de l’abîme… Et cette réflexion de Régis Debray ne mériterait pas même être considérée ? Dérangeantes en effet toutes ces interrogations…

Cette omission centrale permet de dire du mal d’un article dépecé ligne par ligne, sans même évoquer la conclusion du livre qui était aussi celle de mon article, qui était de considérer "˜cet autre qui existe aussi’ … Oui cet Autre, simplement, incontournablement…

Assurément cette omission évite de considérer que cet Autre que des frontières de toutes sortes sépare de nous est "˜le’ sujet de cet essai ; en même temps que "˜le’ défi de chacune de nos vies, de toutes nos vies en tous temps et en tous lieux et en dehors même des catégories réductrices ou le contradicteur voudrait ramener le débat… L’Autre existe par lui-même et hors toute catégorisation ethnico religieuse ou géographique et cette évidence dérange beaucoup semble t’il autant au Québec qu’en France où s’amplifient comme dans toute l’Europe et une part du Monde les crispation identitaires… Je savais bien en écrivant mes lignes que celles-ci seraient irrecevables pour certains ; d’autres mesureront mieux sinon la qualité de mon propos au moins la pertinence du sujet abordé que chacun était invité, par moi autant que par l’auteur, à s’approprier …

Si le chapitre que j’avais choisi de commenter était particulièrement celui que Régis Debray avait choisi de nommer "˜Au début était la peau’ , c’est parce que ce faisant il avait choisi l’approche la plus inattendue, la plus "˜troublante’ et au fond la plus essentielle … Certains peuvent ne pas le percevoir. Faut il être si mal dans "˜la sienne’ pour dire d’emblée "˜ne pas s’être laissé entraîner’ sur ce chemin ? Faut il considérer une critique qui se dérobe au sujet pour tenter d’entraîner le lecteur sur le terrain de la haine de l’auteur avec des références infamantes sans rapport avec le propos ? Haïr "˜qui’ parle pour ce "˜révoltant ton hautain’ qui lui est attribué en oubliant ce qui est dit et qui est proposé à notre libre et autonome analyse…Affirmer jusqu’au ridicule l’évidence d’une posture "˜néo libérale’ dans un "˜délire verbeux’ entre intellectuels qui "˜se baisent mutuellement les mains et …bien d’autres choses’, c’est remplacer la pensée par la vulgarité et cela ne mérite aucune réponse.

Il est vrai que le "˜sérieux’ que met Régis Debray a tenter d’argumenter son propos ouvrait des pistes qui dépassent et de loin, les schémas dans lesquels le contradicteur voudrait nous enfermer, qu’il aurait sans doute pareillement utilisé pour quelque article que ce soit consacré à Régis Debray qu’il déteste sans cherche à le dissimuler… C’est dérisoire, mais c’est permis…C’est l’honneur de ce site d’autoriser des controverses.

Ce qui est plus ennuyeux c’est quand la détestation se transforme en contre sens absolu en disant par exemple qu’il s’agit de "˜L’ouverture des frontières (Sans le dire économiques, bien entendu)’ Pour le compte de "˜L’école néolibérale’…. Alors qu’il ne s’agit pas d’ouverture mais de "˜perméabilité’ en opposition au "˜mur’ étanche et qu’il ne s’agit pas d’économie mais des "˜hommes’ simplement des hommes… Vous savez, ceux "˜qui existent aussi’… Etait ce si difficile à percevoir ?

Ce qui est plus tendancieux aussi c’est lorsque je posais une série de questions "˜ouvertes’ et qu’il m’est reproché de faire des "˜questions réponses’, alors que justement les réponses appartiennent à chacun et qu’aucune n’est "˜dictée’, n’en déplaise au détracteur imprécateur.

Une seule "˜réponse’ est proposée et elle est essentielle, par Régis Debray et ma manière de le dire montre que je l’approuve aussi, c’est de ne jamais oublier que "˜L’Autre existe aussi’ Ce n’est pas là aggraver mon cas que de redire qu’il ne s’agit pas d’une affirmation "˜historico psychologique’ mais d’un fait trop longtemps non considéré.

Avec l’auteur je crois pressentir que cette ignorance nous prépare aux tragédies de demain. Je pense que le persiflage de ceux qui ne veulent pas l’entendre nous rapproche du pire plus qu’il ne nous aide à l’éviter peut être.

Dans son propos "˜à rebrousse poils’ Régis Debray est, comme l’était en son temps Walter Benjamin un "˜avertisseur d’incendie’ . Comme ce dernier Régis Debray ne fait pas "˜des pas de valse’ pour dire cela. Benjamin trop sur de ne pas devoir être entendu se suicidait en fin d’année 1940. D’autres tragédies nous attendent dans lesquelles murs et frontières, altérité niée ou reconnue, pensée binaire ou complexe, joueront un rôle que cet essai de Régis Debray tente de nous aider à éclairer. Son propos n’était que cela et mon commentaire aussi.

Jacques Richaud

24/01/2011 23:14 par legrandsoir

Attention : Si Richaud et Charbonneau (dont les interventions peuvent dépasser la longueur de leurs articles) se mettent à échanger dans les forums du Grand Soir, je rends mon tablier.

24/01/2011 23:35 par Anonyme

Et si en plus, Clarin d’Argentine est un modèle, LGS, vous êtes décidément mal barrés !

24/01/2011 23:45 par legrandsoir

Clarin, on sait pas, mais Aleida Guevara, plutôt oui.

25/01/2011 00:10 par JACQUES RICHAUD

24/01/2011 à 23:14, legrandsoir
Attention : Si Richaud et Charbonneau (dont les interventions peuvent dépasser la longueur de leurs articles) se mettent à échanger dans les forums du Grand Soir, je rends mon tablier.

Pas de risque. Je ne souhaite pas "˜polémiquer’ plus sur cela. Seulement regretter que la détestation des personnes s’inscrive en préalable à l’approche du "˜fond’ du propos ; ici en outre bien déformé…et largement occulté.

Je ne souhaite pas non plus que le forum succédant à un article devienne le terrain de joute sur un sujet autre que le thème de l’article concerné. Surtout lorsque la controverse qui se réveille ici autour du CHE est mentionnée en "˜lien’ sur lequel chacun peut se reporter pour continuer à participer à un débat qui n’était pas celui ouverte par moi.
Mais je sais que certains ont du mal à se retenir… Ce n’est pas le débat parallèle ouvert qui est dérangeant, c’est le lieu ou il se pose.

Si l’effet est de parasiter l’approfondissement et la critique fondée de la substance d’un article et d’un livre contemporain évoqué, cela me semble entretenir bien des confusions. Je n’ai répondu que sur les termes du débat correspondant à l’article en tentant de ne pas me laisser entraîner dans un débat parallèle et sans lien avec le sujet.

Jacques Richaud

25/01/2011 01:30 par Serge Charbonneau

Bon, je prends note de la remarque du GS et j’ai pitié du "filtreur" qui doit se taper nos diatribes.

Je vais donc essayer d’être court.

DÉTESTER MONSIEUR RÉGIS DEBRAY !

Non, je ne déteste pas R. Debray, je ne le connais pas, je ne l’ai jamais rencontré.

Je déteste son style et je déteste les gens qui se prennent pour d’autres.
Au Québec, on dit : « Péter plus haut que le trou ». Et je considère que M. Debray pète un peu plus haut que son trou.

Excusez cette vulgarité, mais parfois la vulgarité est à point pour bien « illustrer » de façon succincte notre pensée.

Le débat

J’ai souligné un lien qui nous amène vers la polémique du rôle de R. Debray en Bolivie ainsi que son rôle dans le renversement d’Aristide.

Ce lien peut nous entraîner loin.
Et l’essence de mon intervention précédente ne s’aventure nullement dans ce chemin.

Je critique plutôt son « Éloge des frontières » que je considère comme étant un plaidoyer favorable au libre-échange.

Un plaidoyer bien ficelé avec des mots et des références "savantes".

Monsieur Debray aurait dit :
« Je suis maintenant un intellectuel à temps plein »

Oui, "intellectuel à temps plein", voilà ce qui me raidit les poils des aisselles. L’intellectuel au-dessus de la mêlée qui du haut de son savoir immense use de syllogisme et de mièvrerie pour faire passer en douce, entre ses lignes, un message très clair.

Les frontières sont une nuisance. On en vient qu’à voir des barbares de part et d’autre et finalement le protectionnisme du nationalisme est une maladie qui rend xénophobe et raciste.

Je dis que M. Debray est un as pour démontrer tout et son contraire. Alors, il se met ainsi à l’abri de toute critique. Et on peut facilement m’accuser de lui faire un procès d’intention. Avec son écriture superbe, ma cause est, bien entendu, perdue.

Démontrer tout et son contraire.
Monsieur Richaud nous illustre clairement ce que je veux dire dans sa réplique éloquente à ce sujet et sa citation :
« Sans douter qu’un autre lecteur puisse aller vers d’autres directions… ».

Serge Charbonneau
Québec

25/01/2011 09:42 par Du rotary au col mao

J’ajoute mon grain de sel pour indiquer ce que le regretté Guy Hocquenghem pensait de Régis Debray.

07/02/2011 14:55 par Jacqes Richaud

DES FRONTIERES A LA CHARTE MONDIALE DES MIGRANTS

La réflexion présentée, pour souligner l’importance du travail de Régis Debray pour nous aider à approcher "˜l’altérité’ sans laquelle le siècle qui s’ouvre retombera en barbarie ; a été "˜plombée’ (le mot est faible) par un premier commentaire qui s’attaquait à l’auteur sans démontrer même avoir lu le livre… Voyoucratie ordinaire du web, cet espace "˜sans frontières’, ni lois ni respect obligé de quelque forme qui rende la critique légitime et interdise les digressions hors du propos abordé… Dommage.

Je soulignais au terme de ce propos ce qui me semblait être le "˜message’ sans ambiguïté d’un homme qui a assez cheminé dans le monde pour s’autoriser à nous dire les vices et les ombres qu’il a pu y observer .

Cette conclusion était : « Mais sa projection sur l’avenir est sans ambiguïté : "˜La mixité des humains ne s’obtiendra pas en jetant au panier la carte d’identité, mais en procurant un passeport à chacun’ ; lorsque les frontières seront "˜loyales’ et à "˜double sens’, attestant que "˜L’autre existe pour de vrai’.

Tout cet ouvrage est bien plus qu’un traité utile à une réflexion géopolitique pour mieux comprendre le monde.

C’est un essai bien plus profond qui replace le débat entre le JE et le TU et les ILS à un niveau dont il n’aurait jamais du être écarté.
Cet éloge des frontières est d’abord une réhabilitation de l’altérité.
Cet autre qui est parfois si différent d’apparence et de culture mais qui "˜existe pour de vrai’ est notre semblable dans sa demande de respect autant que dans son aspiration et son droit à franchir, si il le désire, des frontières "˜Reconnues (qui sont) le meilleur vaccin possible contre l’épidémie des murs’ nous dit Régis Debray. »

Le 4 Février à Gorée, en marge du Forum Social Mondial de Dakar a été élaboré et proclamé un texte qui, comme Régis Debray, prend acte de l’existence des frontières, mais pose la légitimité inaliénable de leur franchissement possible, à double sens et sans entrave ni discrimination de quelque côté que l’on se trouve de cette barrière symbolique.
Ce texte est d’importance. La Paix pourrait dépendre demain de la prise en compte de telles recommandations :

Jacques Richaud 7 Février 2011

Charte Mondiale des Migrants Proclamée à Gorée (Sénégal) le 4 Février 2011 par CMM

http://www.cmmigrants.org/goree/spip.php?article16

Les personnes migrantes sont les cibles de politiques injustes. Celles-ci, au détriment des droits universellement reconnus à chaque personne humaine, font s’opposer les êtres humains, les uns aux autres en utilisant des stratégies discriminatoires, fondées sur la préférence nationale, l’appartenance ethnique, religieuse ou de genre.

Ces politiques sont imposées par des systèmes conservateurs et hégémoniques, qui cherchent à maintenir leurs privilèges en exploitant la force de travail, physique et intellectuelle des migrants. Pour cela, ils utilisent les prérogatives exorbitantes permises par la puissance arbitraire de l’État Nation et du système mondial de domination hérité de la colonisation et de la déportation. Ce système est à la fois caduque, obsolète et génère des crimes contre l’humanité. C’est la raison pour laquelle il doit être aboli.

Les politiques sécuritaires mises en place par les États Nations font croire que les migrations sont un problème et une menace alors qu’elles constituent depuis toujours un fait historique naturel, complexe, certes, mais qui loin d’être une calamité pour les pays de résidence, constituent un apport économique, social et culturel inestimable.

Les migrants sont partout privés du plein exercice de leur droit à la liberté de circulation et d’installation sur notre planète.
Ils sont également privés de leurs droits à la paix ainsi que de leurs droits économiques, sociaux, culturels, civiques et politiques pourtant garantis par différentes conventions internationales.

Seule une large alliance des personnes migrantes pourra promouvoir l’émergence de droits nouveaux pour toute personne de par sa naissance sans distinction d’origine, de couleur, de sexe ou de croyance. Pour cela, cette alliance des migrants devra leur permettre, autour de principes éthiques, de contribuer à la construction de nouvelles politiques économiques et sociales. Elle devra leur permettre aussi de contribuer à une refonte de la conception de la territorialité et du système de gouvernance mondiale dominant actuel et de son soubassement économique et idéologique.

C’est pourquoi nous, migrants du monde entier, à partir des propositions qui nous sont parvenues depuis 2006 et après une large discussion à l’échelle planétaire, adoptons la présente Charte Mondiale des Migrants.

Notre ambition est de faire valoir à partir des situations que vivent les migrants dans le monde, le droit pour tous de pouvoir circuler et s’installer librement sur notre planète, et de contribuer à la construction d’un monde sans murs.
Pour cela, nous, personnes migrantes qui avons quitté notre région ou pays, sous la contrainte ou de notre plein gré et vivons de façon permanente ou temporaire dans une autre partie du monde, réunies les 3 et 4 février 2011 sur l’Ile de Gorée au Sénégal,
Nous proclamons,

Parce que nous appartenons à la Terre, toute personne a le droit de pouvoir choisir son lieu de résidence, de rester là où elle vit ou de circuler et de s’installer librement sans contraintes dans n’importe quelle partie de cette Terre.

Toute personne, sans exclusion, a le droit de se déplacer librement de la campagne vers la ville, de la ville vers la campagne, d’une province vers une autre. Toute personne a le droit de pouvoir quitter n’importe quel pays vers un autre et d’y revenir.

Toutes dispositions et mesures de restriction limitant la liberté de circulation et d’installation doivent être abrogées (lois relatives aux visas, laisser-passer, et autorisations, ainsi que toutes autres lois relatives à la liberté de circulation).

Les personnes migrantes du monde entier doivent jouir des mêmes droits que les nationaux et citoyens des pays de résidence ou de transit et assumer les mêmes responsabilités dans tous les domaines essentiels de la vie économique, politique, culturelle, sociale et éducative. Ils doivent avoir le droit de voter et d’être éligible à tout organe législatif au niveau local, régional et national et d’assumer leurs responsabilités jusqu’à la fin du mandat.

Les personnes migrantes doivent avoir le droit de parler et de partager leur langue maternelle, de développer et faire connaître leurs cultures et leurs coutumes traditionnelles, à l’exception de toute atteinte à l’intégrité physique et morale des personnes et dans le respect des droits humains. Les personnes migrantes doivent avoir le droit de pratiquer leurs religions et leurs cultes.

Les personnes migrantes doivent jouir du droit d’avoir un commerce là où elles le désirent, de se livrer à l’industrie ou à l’exercice de tout métier ou de toute profession permis au même titre que les citoyens des pays d’accueil et de transit ; cela de façon à leurs permettre d’assumer leur part de responsabilité dans la production des richesses nécessaires au développement et l’épanouissement de tous.

Le travail et la sécurité doivent être assurés à toutes les personnes migrantes. Quiconque travaille doit être libre d’adhérer à un syndicat et/ou d’en fonder avec d’autres personnes. Les personnes migrantes doivent recevoir un salaire égal à travail égal et doivent avoir la possibilité de transférer le fruit de leur travail, les prestations sociales et de jouir de la retraite, sans aucunes restrictions. Tout cela, en contribuant au système de solidarité nécessaire à la société de résidence ou de transit.

L’accès aux prestations des services de banques et d’organismes financiers doit être assuré à toutes les personnes migrantes de la même manière que celui accordé aux nationaux et citoyens des pays d’accueil.

Tout le monde a le droit à la terre, qu’ils soient hommes ou femmes. La terre doit être partagée entre ceux qui y vivent et qui la travaillent. Les restrictions à l’usage et à la propriété foncière imposées pour des raisons d’ordre ethnique, national et/ou sur le genre, doivent être abolies ; cela au profit d’une nouvelle vision d’une relation responsable entre les humains et la terre, et dans le respect des exigences du développement durable.

Les personnes migrantes, au même titre que les nationaux et citoyens des pays de résidence ou de transit, doivent être égales devant la loi. Nul ne doit être séquestré, emprisonné, déporté ou voir sa liberté restreinte sans que sa cause ait été équitablement et préalablement entendue et défendue dans une langue de son choix.

Les personnes migrantes ont le droit à l’intégrité physique et à ne pas être harcelées, expulsées, persécutées, arrêtées arbitrairement ou tuées en raison de leur statut ou parce qu’elles défendent leurs droits.

Toute loi qui prévoit une discrimination fondée sur l’origine nationale, le genre, la situation matrimoniale et/ou juridique ainsi que sur les convictions doit être abrogée, quelque soit le statut de la personne humaine.

Les droits humains sont inaliénables et indivisibles et doivent être les mêmes pour tous. La loi doit garantir à toutes les personnes migrantes le droit à la liberté d’expression, le droit de s’organiser, le droit à la liberté de réunion ainsi que le droit de publier.

L’accès aux services de soin et à l’assistance sanitaire doit être garanti à toutes personnes migrantes, au même titre que les nationaux et les citoyens des pays d’accueil et de transit, avec une attention particulière aux personnes vulnérables. A toute personne migrante vivant avec un handicap doivent être garantis le droit à la santé, les droits sociaux et culturels.

La loi doit garantir à toute personne migrante le droit de choisir son partenaire, de fonder une famille et de vivre en famille. Le regroupement familial ne peut lui être refusé et on ne peut la séparer ou la maintenir éloignée de ses enfants.

Les femmes, tout particulièrement, doivent être protégées contre toute forme de violence et de trafic. Elles ont le droit de contrôler leur propre corps et de rejeter l’exploitation de celui-ci. Elles doivent jouir d’une protection particulièrement renforcée, notamment en matière de condition de travail, de santé maternelle et infantile, ainsi qu’en cas de changements de leur statut juridique et matrimonial.

Les migrants mineurs doivent être protègés par les lois nationales en matière de protection de l’enfance au même titre que les nationaux et les citoyens de pays de résidence et de transit. Le droit à l’éducation et à l’instruction doit être garanti.
L’accès à l’éducation et à l’instruction, du préscolaire à l’enseignement supérieur, doit être garanti aux personnes migrantes et à leurs enfants. L’instruction doit être gratuite, et égale pour tous les enfants. Les études supérieures et la formation technique doivent être accessibles à tous dans une nouvelle vision du dialogue et du partage des cultures. Dans la vie culturelle, dans les sports et dans l’éducation, toute distinction fondée sur l’origine nationale doit être abolie.

Les personnes migrantes doivent avoir droit au logement. Toute personne doit avoir le droit d’habiter dans l’endroit de son choix, d’être décemment logée et d’avoir accès à la propriété immobilière ainsi que de maintenir sa famille dans le confort et la sécurité au même titre que les nationaux et citoyens de pays d’accueil et de transit.

A toutes personnes migrantes, il faut garantir le droit à une alimentation saine, et suffisante, et le droit à l’accès à l’eau.
Les personnes migrantes ambitionnent d’avoir l’opportunité et la responsabilité, au même titre que les nationaux et les citoyens de pays d’accueil et de transit, de faire face ensemble aux défis actuels (logement, alimentation, santé, épanouissement...).

Nous, personnes migrantes, nous engageons à respecter et promouvoir les valeurs et principes exprimés ci-dessus et à contribuer ainsi à la disparition de tout système d’exploitation ségrégationniste et à l’avènement d’un monde pluriel, responsable et solidaire.


30/07/2013 02:20 par Bidule

Les murs ne sont pas nécessairement imperméables. Encore faut-il préciser : mur de quoi ? perméable ou imperméable à quoi ? en quelle quantité ? sous quelle pression ?...

Les limites de l’analogie. Ça sent l’idéalisme et le mélange des genres et l’approximation : le blabla quoi.

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