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Fête Huma : les collines rouges de Caracas ont déferlé sur le stand du Venezuela 

Et si la vérité sur le Venezuela était plus dans une œuvre de fiction que dans nos médias ?

Avec la complicité active du responsable des Affaires politiques et de la presse à l’ambassade de la République Bolivarienne du Venezuela à Paris, le stand du Venezuela (au Village du Monde) accueillait plusieurs auteurs présentant leur livre, samedi 12 septembre après-midi.

J’ai eu le privilège de commencer et de parler sous le regard et le contrôle de redoutables spécialistes de l’Amérique latine : Maurice Lemoine, Ignacio Ramonet et Bernard Cassen. Par la grâce de l’éclairage qui m’empêchait de voir le public, j’ai subodoré pendant mon intervention qu’ils étaient venus se mettre à l’abri un moment (il pleuvait dru) avant de partir ensemble boire un mojito ou une « Polar Ice », en attendant que je leur donne le micro.

Christophe Ventura, chargé de cours à l’Institut d’études européennes de l’université Paris VIII, avait bien voulu animer le débat et j’y ai vu un honneur et un geste d’amitié.
Voici le texte (à peu près fidèle) de ma causerie.

Le 13 avril 2002, le président Chavez est renversé par un coup d’Etat militaire. Marcel Granier et d’autres barons des médias se rendent au Palais présidentiel de Miraflores pour jurer fidélité au tout nouveau dictateur, Pedro Carmona, qui venait d’abolir la Cour Suprême, l’Assemblée Nationale et la Constitution.

Marcel Granier, multimilliardaire, est un des propriétaires du groupe de presse 1BC (1 Broadcasting Caracas) qui compte 40 stations de radios et chaînes télévisées dont la chaîne vénézuélienne RCTV (Radio Caracas TV). Il a des intérêts dans une kyrielle d’entreprises diverses dont certaines sont basées aux USA et qui disposent de l’exclusivité mondiale pour la commercialisation des productions de 1BC. Bien entendu, et la chose ne surprend plus dans ce pays, il est en délicatesse avec le fisc à qui il doit 1,5 milliard de bolivares.

RCTV bénéficiait pour une durée de 20 ans, d’une licence de diffusion par voie hertzienne, venue à expiration le 27 mai 2007. Le gouvernement bolivarien a décidé de ne pas la renouveler, tout en laissant la chaîne libre de diffuser ses programmes par d’autres canaux (câble, satellite, internet).

C’est pratique courante (à l’époque, des non-renouvellement avaient eu lieu en Espagne, en Grande-Bretagne, au Pérou, aux USA, mais en silence). Pour RCTV, c’est devenu une affaire mondiale. Politique, médiatique. L’ensemble des médias dominants parlaient de fermeture de RCTV (voire de la dernière chaîne d’opposition…).

En ce début 2007, 37 journalistes ont déjà trouvé la mort dans une douzaine de pays. Aucun au Venezuela. De nombreux journalistes à travers le monde ont été emprisonnés. Aucun au Venezuela. De nombreux médias ont été fermés par des gouvernements. Aucun au Venezuela.
Depuis l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak, ce sont des dizaines de journalistes, qui ont trouvé la mort. Parfois par accident, parfois par bavures, parfois par tirs délibérés de l’Armée US.
Mais c’est le Venezuela qui était dans le collimateur de RSF et de Robert Ménard.

Robert Ménard s’est rendu en ce mois de mai 2007 au Parlement de Strasbourg pour protester contre les atteintes à la liberté de la presse. Il était accompagné de Marcel Granier. J-Marie Cavada, ancien journaliste vedette de FR3, député Modem va rédiger une motion anti-chaviste à soumettre au vote.

Les députés européens de gauche la combattent. Un sénateur socialiste qui connaît bien l’Amérique-Latine et qui a toujours exprimé sa solidarité avec Cuba et le Venezuela bombarde les députés européens socialistes d’informations ( c’est Jean-Luc Mélenchon). Cavada va réécrire plusieurs fois sa motion qui finira par être sans consistance. Le 24 mai, sur 785 députés européens, 65 étaient présents pour la voter (J-M.Cavada ne ne sort même pas de son bureau). Elle est adoptée par 43 voix contre 22.
Aucun des parlementaires européens n’aurait accepté qu’une chaîne comme RCTV émette dans son pays. Le Cahier des charges de la plupart des chaînes (de toutes, sans doute, en tout cas c’est vrai pour France 2) interdit l’éloge de la violence, la propagation du racisme, les appels à la partition du pays, les programmes comportant des scènes de sexe à l’heure où les enfants regardent la télé, la publicité pour l’alcool dans les stades , l’attribution quasi exclusive du temps de parole à une fraction du champ politique, l’appel à l’insurrection contre le gouvernement élu, les images subliminales, etc.
En gros, toutes les télévisions se plient à ces contraintes. Pas RCTV.

Pour l’anecdote : en 2007, le gouvernement bolivarien a décidé de distribuer un repas gratuit quotidien aux pauvres. Je regardais sur une chaîne d’opposition un débat (bidon) réunissant sur cette décision trois messieurs bien habillés et bien cravatés, Trois complices faisant assaut d’indignation. Le comble du ridicule fut atteint quand l’un d’eux s’égosilla : « Maintenant, il veut même choisir ce qu’on met dans notre assiette ». L’argument me parut ridicule et contre-productif. Or en 2009, assistant dans un barrio à une élection communale, je fus abordé par une brave dame, pauvre, qui voulut mettre en garde le Français contre un risque d’endoctrinement : « Vous savez monsieur, ce n’est pas la démocratie, ici. Chavez choisit même ce qu’on met dans notre assiette » . Je lui ai répondu que ça existait aussi en France, que ça s’appelait « Les restaurants du cœur » et que la droite et la gauche ne se disputaient pas sur ça. Mais j’ai mesuré aussi l’extraordinaire puissance de la propagande des médias vénézuéliens.

Quatre jours après le vote piteux du Parlement européen, le 28 mai à 10 h du matin R. Ménard était au Venezuela, pour donner une conférence de presse contre Chavez à l’hôtel Hilton de Caracas.
J’enquêtais alors sur RSF pour écrire mon livre paru en 2008 : « La Face cachée Reporters sans frontières » et j’étais au Venezuela pour ça, en ce mois de mai, accueilli dans les locaux de Vive TV une des rares télévisions publiques.

Tandis que Ménard parlait au Hilton, le même jour, à la même heure, je me trouvais dans le bureau d’Eleazar Rangel (qui apparaît dans mon livre « Rouges les collines de Caracas » sous le nom de Randal). Directeur d’Ultimas Noticias (Las Noticias, dans mon livre). C’est le plus grand journal du Venezuela : près de 300 000 exemplaires, 90 pages.Il est également vendu dans toute l’Amérique latine. Politiquement ; il peut se comparer à ce qu’était Le Monde d’Hubert Beuve-Méry : un journal de référence dont les rédacteurs couvrent tout l’éventail des opinions. On y trouve en nombre à peu près égal, des chavistes et des anti-chavistes.

Dans mon livre, c’est mon héroïne qui rencontre Rangel/Randal (et qui le décrit fidèlement). Je parle donc à Eleazar Rangel de mon enquête, de RSF et de Ménard. Le lendemain, Ultimas Noticias publie un article avec un titre en gras et ma photo où RSF est dénoncée pour ses liens avec les USA. En dessous, espace réduit et sans photo, la conférence de presse de Robert Ménard.
Depuis, RSF prétend qu’Ultimas Noticias est un journal chaviste.

Mais ce qui est plus amusant, c’est qu’à l’hôtel Hilton, Robert Ménard avait dû faire face à des journalistes qui lui demandaient où il était pendant le coup d’Etat de 2002 (RSF l’a insidieusement soutenu, propageant de fausses nouvelles utiles aux putschistes), quand les journalistes étaient arrêtés, frappés, les chaînes de télé publiques fermées et leur matériel détruit. Et parmi ces journalistes, deux Français. L ’un d’eux est Romain Migus (Roman Margus dans mon livre ). C’est lui qui, depuis Caracas, avait démonté l’incroyable manipulation journalistique publiée par Libération sous le titre « Le Credo antisémite de Chavez » (voir : http://www.legrandsoir.info/Chavez-antisemitisme-et-campagne-de-desinf...). L’auteur de cette crapulerie se nomme Jean-Hébert Armengaud et il est aujourd’hui directeur du Courrier International.
L’autre Français qui affrontait Robert Ménard était Christophe Ventura, ici présent.
On s’était partagés le travail.

GAYA.
En 2002, Le président d’Attac était Bernard Cassen (que j’aperçois ici). Il avait confié à Marc Le Glatin, directeur du théâtre de Chelles (que j’aperçois aussi sous ce chapiteau) la responsabilité d’un groupe culture qui m’avait chargé de son secteur littéraire. J’avais monté un projet d’écriture : une série de polars altermondialistes avec une héroïne récurrente surnommée Gaya. Chaque aventure de Gaya devait être écrite par un auteur différent, un peu comme la série Le Poulpe. Au dernier moment, l’éditeur qui avait accepté le projet a changé d’avis. L’affaire a été enterrée pendant 5 ans, jusqu’à ce que mon voyage de 2007 au Venezuela pour enquêter sur RSF me donne l’idée de reprendre le projet à mon compte et de ressusciter la belle Gaya au bois dormant.

Qui est Gaya ?
Une journaliste indépendante, grand reporter, entre 30/40 ans, divorcée mère d’un enfant de 9 ans. Elle écrit pour des journaux très divers (écolo, gauche, droite, financiers.)

Gaya est la narratrice du livre.
Gaya c’est un peu moi. En jupon (en plus jeune et sans la barbe).
Ce qu’elle a vu au Venezuela, je l’ai vu, les gens qu’elle a rencontrés, je les ai rencontrés (dont Eleazar Rangel, Thierry Deronne, Romain Migus…), la télévision qu’elle a vue, je l’ai vue, les journaux qu’elle a lus, je les ai lus, les manifestations de rue en faveur de Chavez, les manifestations de rue contre Chavez, je les ai vues aussi. Les banderoles, les pancartes, les affiches, je les ai vues. Les appels à peine voilés à l’assassinat de Chavez, je les ai vus. Les bidonvilles, je les ai vus. L’insécurité, je l’ai ressentie. Gaya c’est bien moi (sauf dans l’épisode, hum ! où elle échappe à une tentative de viol. Hum !).

Gaya part à Caracas, invitée par Las Noticias, pour écrire sur le Venezuela des articles neutres, objectifs, garantis par sa réputation. Elle accepte car un de ses amis a disparu au Venezuela et elle aimerait relancer les recherches.

Or, à peine arrivée, elle va être contactée par des services secrets qui vont lui promettre un scoop mondial. Mais cela va l’entraîner dans des aventures beaucoup trop violentes pour elles. Gaya n’est pas James Bond.

Gaya part au Venezuela avec des idées préconçues : Chavez est un apprenti dictateur, voire un dictateur, un caudillo. Chavez a fermé la dernière chaîne de télé d’opposition, il modifie la constitution pour être président à vie, il muselle la presse.

Par parenthèse, vous savez qu’Hugo Chavez se soumettait régulièrement au vote, qu’il gagnait chaque élection et que, quand il en a perdu une (un référendum) il a accepté le verdict des urnes (contrairement à ce qui se fait chez nous). Pour parer à toute accusation de fraudes, le gouvernement faisait surveiller les opérations de vote par de nombreux organismes internationaux, dont la Fondation Carter, de l’ex-président des USA, qui assure que « le Venezuela possède le meilleur système électoral du monde ».

Revenons à Gaya. A mesure qu’elle enquête et se documente, à mesure qu’approche la date d’un attentat qui doit tuer Chavez et des centaines de personnes en même temps, elle va voir les choses autrement.

Et ce que voit peu à peu Gaya, ce que j’ai vu, ce qui pourrait paraître comme un parti pris, je le fais corroborer à la fin du livre par un autre journaliste qui ne peut pas être soupçonné de chavisme. Je donne (en anglais et en français) l’article publié par ce journaliste du Los Angeles Times, le 30 mai, deux jours après la conférence de Ménard à Caracas, quatre jours après le vote du Parlement européen.

Je vous laisse découvrir ce qu’il dit.

Maxime Vivas

Et pour répondre à la question du titre, « Rouges, les collines de Caracas » (éditions Arcane 17), c’est du mentir-vrai, c’est un polar connecté à la réalité politique, économique, sociale, médiatique d’un pays.

Ignacio Ramonet : voir http://www.legrandsoir.info/hugo-chavez-conversations-avec-ignacio-ramonet.html

Maurice Lemoine : voir http://www.legrandsoir.info/les-enfants-caches-du-general-pinochet-pre...

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